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Décisions

TPICE, 3e ch., 8 juillet 2008, n° T-221/05

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Huvis Corp.

Défendeur :

Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jaeger

Juges :

Mme Tiili, M. Tchipev

Avocats :

Mes Bellis, Di Gianni, Antonini, Berrisch

TPICE n° T-221/05

8 juillet 2008

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

Cadre juridique

1 L'article 2 du règlement (CE) n° 384-96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après le " règlement de base ") prévoit :

" Détermination de l'existence d'un dumping

A. Valeur normale

1. La valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d'opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur.

[...]

B. Prix à l'exportation

8. Le prix à l'exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté.

[...]

C. Comparaison

10. Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d'autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l'exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d'ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu'ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. On évitera de répéter les ajustements, en particulier lorsqu'il s'agit de différences relatives aux rabais, aux remises, aux quantités ou aux stades de commercialisation. Lorsque les conditions spécifiées sont réunies, les facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés sont les suivants.

[...]

b) Impositions à l'importation et impôts indirects

La valeur normale est ajustée d'un montant correspondant aux impositions à l'importation et impôts indirects supportés par le produit similaire et les matériaux qui y sont physiquement incorporés, lorsque le produit est destiné à être consommé dans le pays exportateur, et qui ne sont pas perçus ou qui sont remboursés lorsque le produit est exporté dans la Communauté.

[...]

g) Crédit

Un ajustement est opéré au titre des différences dans le coût du crédit accordé pour les ventes considérées, à condition que ce facteur soit pris en considération pour la détermination des prix pratiqués.

[...]

2 L'article 11 du règlement de base dispose :

" Durée, réexamens et restitutions

1. Une mesure antidumping ne reste en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer un dumping qui cause un préjudice.

[...]

3. La nécessité du maintien des mesures peut aussi être réexaminée, si cela se justifie, à la demande de la Commission ou d'un État membre ou, sous réserve qu'une période raisonnable d'au moins un an se soit écoulée depuis l'institution de la mesure définitive, à la demande d'un exportateur, d'un importateur ou des producteurs de la Communauté contenant des éléments de preuve suffisants établissant la nécessité d'un réexamen intermédiaire.

Il est procédé à un réexamen intermédiaire lorsque la demande contient des éléments de preuve suffisants que le maintien de la mesure n'est plus nécessaire pour contrebalancer le dumping et/ou que la continuation ou la réapparition du préjudice serait improbable au cas où la mesure serait supprimée ou modifiée ou que la mesure existante n'est pas ou n'est plus suffisante pour contrebalancer le dumping à l'origine du préjudice.

Lors des enquêtes effectuées en vertu du présent paragraphe, la Commission peut, entre autres, examiner si les circonstances concernant le dumping et le préjudice ont sensiblement changé ou si les mesures existantes ont produit les effets escomptés et éliminé le préjudice précédemment établi conformément à l'article 3. À ces fins, il est tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents et dûment documentés dans la détermination finale.

[...]

9. Dans toutes les enquêtes de réexamen ou de remboursement effectuées en vertu du présent article, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n'ont pas changé, la même méthode que dans l'enquête ayant abouti à l'imposition du droit, compte tenu des dispositions de l'article 2, et en particulier de ses paragraphes 11 et 12, et des dispositions de l'article 17. "

3 L'article 2, paragraphe 4, de l'accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO L 336, p. 103, ci-après le " Code antidumping de 1994 "), figurant à l'annexe 1 A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3), est libellé comme suit :

" Il sera procédé à une comparaison équitable entre le prix d'exportation et la valeur normale. Elle sera faite au même niveau commercial, qui sera normalement le stade sortie usine, et pour des ventes effectuées à des dates aussi voisines que possible. Il sera dûment tenu compte dans chaque cas, selon ses particularités, des différences affectant la comparabilité des prix, y compris des différences dans les conditions de vente, dans la taxation, dans les niveaux commerciaux, dans les quantités et les caractéristiques physiques, et de toutes les autres différences dont il est aussi démontré qu'elles affectent la comparabilité des prix [...] Les autorités indiqueront aux parties en question quels renseignements sont nécessaires pour assurer une comparaison équitable, et la charge de la preuve qu'elles imposeront à ces parties ne sera pas déraisonnable. "

Antécédents du litige

4 La requérante, Huvis Corp., est une entreprise commune de droit coréen, créée en l'an 2000 et détenue à parts égales par Samyang Corp. et la société SK Chemicals. Elle produit et exporte, notamment vers la Communauté, des fibres discontinues de polyesters (ci-après les " FDP ").

5 Le 22 décembre 2000, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 2852-2000, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de FDP originaires de l'Inde et de la République de Corée (JO L 332, p. 17). Le taux de droit antidumping imposé à la requérante à ce titre était de 4,8 %.

6 À la suite d'une demande déposée le 10 novembre 2003 par le Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques au nom de producteurs représentant une proportion majeure de la production communautaire de FDP, la Commission a annoncé, le 19 décembre 2003, conformément à l'article 11, paragraphe 3, du règlement de base, l'ouverture d'un réexamen intermédiaire des droits antidumping définitifs institués, notamment, par le règlement n° 2852-2000. L'avis d'ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel de l'Union européenne du 19 décembre 2003 (JO C 309, p. 2).

7 Six producteurs communautaires ont participé à l'enquête.

8 Parallèlement, douze producteurs exportateurs des pays visés, dont la requérante, cinq importateurs communautaires liés, un importateur communautaire s'approvisionnant en Corée, deux importateurs indépendants, deux producteurs autres que les plaignants étant à l'origine de la demande de réexamen, deux fournisseurs de matières premières, dix utilisateurs, ainsi que le producteur de référence du pays analogue, à savoir les États-Unis, ont répondu aux questionnaires envoyés par la Commission.

9 L'enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2003 (ci-après la " période d'enquête "). L'examen des tendances utiles aux fins de la détermination du préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2000 et la fin de la période d'enquête.

10 Le 11 mars 2004, la requérante a complété le questionnaire antidumping qui lui avait été adressé par la Commission.

11 Par lettre du 5 juillet 2004, la Commission a communiqué à la requérante les informations relatives aux vérifications sur place et aux documents requis lors de celles-ci. Ces vérifications ont été effectuées dans les locaux de la requérante au cours des mois de juillet et d'août 2004.

12 Le 30 novembre 2004, la Commission a informé la requérante des faits et des considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait de recommander de porter à 5,7 % le droit antidumping définitif sur les importations de FDP produites par la requérante. Dans le calcul de la marge de dumping, la Commission a considérablement réduit l'ajustement réclamé au titre de la ristourne de droits à l'importation et a rejeté l'ajustement réclamé au titre des coûts du crédit.

13 Par lettre du 30 décembre 2004, la requérante a présenté des observations à cet égard.

14 À la suite d'une audition ayant eu lieu dans les locaux de la Commission le 6 janvier 2005, la requérante a présenté, le 11 janvier 2005, des observations à celle-ci.

15 Par lettre du 16 février 2005, la Commission a répondu aux observations de la requérante du 30 décembre 2004 en rejetant les demandes formulées par cette dernière.

16 Par mémorandum du 24 février 2005, la requérante a présenté des observations sur la méthode utilisée pour calculer les ajustements.

17 Par le règlement (CE) n° 428-2005 du Conseil, du 10 mars 2005, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de FDP originaires de la République populaire de Chine et d'Arabie saoudite, modifiant le règlement n° 2852-2000 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de FDP originaires de la République de Corée, et clôturant la procédure antidumping concernant Taïwan (JO L 71, p. 1, ci-après le " règlement attaqué "), le Conseil a modifié les droits antidumping imposés à la requérante et a fixé le nouveau taux à 5,7 %.

18 Les considérants 126 à 130 du règlement attaqué énoncent :

" (126) Les trois producteurs exportateurs ont demandé un ajustement au titre de la ristourne des droits, faisant valoir que les impositions à l'importation sont supportées par le produit similaire lorsqu'il est destiné à être consommé dans le pays exportateur, mais qu'elles sont remboursées lorsque le produit est vendu à l'exportation vers la Communauté. Dans chaque cas, il a été constaté que le montant demandé était supérieur au montant du droit appliqué au produit similaire sur le marché intérieur ; les ajustements ont donc été adaptés en conséquence.

(127) Après la notification, deux sociétés ont contesté la méthode appliquée pour calculer l'ajustement au titre de la ristourne des droits, partiellement au motif qu'elle était différente de celle utilisée lors de l'enquête initiale. Elles ont fait valoir qu'il y avait plutôt lieu de recourir à la méthodologie appliquée dans leurs réponses au questionnaire.

(128) Il a été constaté que la méthode de calcul utilisée par les sociétés, identique à celle utilisée lors de l'enquête initiale, ne reflétait pas le niveau réel des droits à l'importation supportés par le produit similaire. Elle n'était donc pas conforme aux exigences de l'article 2, paragraphe 10, [sous] b), du règlement de base et a donc dû être rejetée. La méthodologie utilisée dans le cadre de la présente enquête était compatible avec les conditions énoncées à l'article 2, paragraphe 10, [sous] b) ; il a donc été considéré qu'elle était la plus appropriée et elle a donc été maintenue.

(129) Par ailleurs, chacun des trois producteurs exportateurs a demandé un ajustement au titre du coût du crédit, en faisant valoir le délai de paiement dont les clients bénéficient dans le cadre du système de paiement 'sur compte ouvert', utilisé sur le marché intérieur coréen. Il a été constaté que généralement, dans ce type de régime, les producteurs exportateurs n'accordent pas réellement de délai de paiement spécifique, sans compter qu'il est impossible de déterminer ce délai avec précision puisque les montants versés ne peuvent pas être associés à des factures spécifiques. Dans ces circonstances, les ajustements n'ont pas pu être accordés.

(130) Après la notification, deux sociétés ont avancé que le fait qu'elles utilisaient un système de paiement sur compte ouvert n'était pas une raison en soi pour leur refuser un ajustement au titre des coûts du crédit. Toutefois, l'enquête a montré qu'il n'existait pas de relation cohérente entre les prix et les modalités de crédit signalées. Il n'a pas pu être démontré que les modalités de crédit spécifiques étaient convenues avec le client avant la vente, et donc qu'elles avaient un effet sur les prix et leur comparabilité. Les demandes des producteurs exportateurs ont donc dû être rejetées. "

19 L'article 2 du règlement attaqué dispose :

" La partie du tableau figurant à l'article 1er, paragraphe 2, du règlement [...] nº 2852-2000 concernant les taux de droit antidumping définitifs applicables aux importations de [FDP], non cardées ni peignées ni autrement transformées pour la filature, relevant du Code NC 5503 20 00, originaires de la République de Corée est remplacée [concernant la requérante] comme suit : [...] 5,7 % [...] "

Procédure et conclusions des parties

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2005, la requérante a introduit le présent recours.

21 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 septembre 2005, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 28 septembre 2005, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La Commission a toutefois renoncé à déposer un mémoire en intervention.

22 Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, la requérante et le Conseil ont été invités à répondre à des questions écrites. Ils ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

23 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l'audience du 14 novembre 2007.

24 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler l'article 2 du règlement attaqué en ce qu'il lui impose un droit antidumping définitif ;

- dans la mesure nécessaire, déclarer inapplicables les dispositions du règlement de base sur lesquelles les déterminations contestées contenues dans le règlement attaqué ont été fondées ;

- condamner le Conseil aux dépens.

25 Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- à titre subsidiaire, dans le cas où le Tribunal conclurait au bien-fondé d'un des moyens invoqués, annuler l'article 2 du règlement attaqué uniquement dans la mesure où il modifie l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2852-2000 en fixant un taux qui excède le montant du droit applicable sans l'ajustement qui, de l'avis du Tribunal, aurait été illégalement refusé et rejeter le recours pour le surplus ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

26 La requérante divise son argumentation, en substance, en deux parties, la première concernant une illégalité affectant la méthode de calcul du montant de l'ajustement effectué au titre des impositions à l'importation et des impôts indirects et la seconde portant sur l'illégalité du rejet, par les institutions concernées, de la demande d'ajustement au titre des coûts du crédit.

Sur l'illégalité de la méthode de calcul du montant de l'ajustement effectué au titre des impositions à l'importation et des impôts indirects

27 Selon la requérante, les institutions communautaires ont appliqué une méthode illégale pour le calcul de l'ajustement opéré au titre du système de ristourne des impositions à l'importation et des impôts indirects, prévu à l'article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base.

28 Le montant de l'ajustement est contesté en raison de la méthode utilisée pour son calcul, que la requérante qualifie de " méthode résiduelle " (ci-après la " méthode résiduelle "). Selon la requérante, les institutions concernées auraient dû appliquer une méthode qu'elle qualifie de " méthode de l'avantage " (ci-après la " méthode de l'avantage ") ou, à titre subsidiaire, une méthode qu'elle qualifie de méthode " input ", utilisée lors de l'enquête initiale (ci-après la " méthode 'input' ").

29 La requérante divise cette partie de son argumentation en divers moyens et prétend, en substance, que les institutions concernées ont violé l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994, les principes généraux du droit communautaire, l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base et l'obligation de motivation, et que ces institutions ont pris en considération une trop longue période dans le calcul de l'ajustement. En outre, elle soulève une exception d'illégalité en faisant valoir que l'article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base est contraire à l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994.

30 Il convient de commencer par l'examen du moyen tiré de la violation de l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base et de l'obligation de motivation.

Arguments des parties

31 La requérante fait valoir que les institutions concernées ont violé l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base et n'ont pas respecté l'obligation de motivation qui leur incombait. En violation de cette disposition, une méthode différente de celle appliquée lors de l'enquête initiale (la méthode " input ") aurait été appliquée dans le règlement attaqué sans qu'aucun changement de circonstances de fait ou de droit ne soit intervenu. La requérante conteste à cet égard l'interprétation du Conseil qui, selon elle, assimile le changement de méthode à un changement de circonstances. Selon la requérante, toute exception à une règle doit faire l'objet d'une interprétation stricte, de sorte que le changement de circonstances, exigé par l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base pour opérer un changement de méthode, doit être interprété comme visant uniquement un changement de contexte factuel. À défaut, la réévaluation du contexte original lors du réexamen intermédiaire serait faussée.

32 À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, si le Tribunal estimait le changement de méthode conforme à l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base, celui-ci ne devrait être autorisé que s'il était établi au-delà de tout doute raisonnable que la méthode initialement utilisée n'était pas valable. Il en serait notamment ainsi si le Tribunal déclarait illégale une telle méthode. Il ne reviendrait pas aux institutions concernées de se prononcer sur la légalité d'une méthode, sans quoi celles-ci pourraient changer de méthode de manière arbitraire, comme cela aurait été le cas en l'espèce. En outre, du fait de l'application constante de la méthode " input " par ces institutions, celle-ci ne saurait être considérée comme étant viciée.

33 De plus, la requérante soutient que tant l'article 253 CE que la jurisprudence communautaire font peser sur les institutions une obligation de motivation claire et non équivoque qui n'a pas été respectée au regard du changement de méthode opéré par les institutions concernées, lesquelles se seraient contentées d'indiquer, au considérant 128 du règlement attaqué, que la méthode utilisée au cours de l'enquête initiale ne reflétait pas le niveau réel des droits supportés par le produit similaire.

34 Le Conseil conteste l'interprétation faite par la requérante de l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base selon laquelle seul un changement de contexte factuel autoriserait un changement de méthode de calcul. Cette disposition ferait référence à un " changement de circonstances " et non à un " changement de contexte factuel ", et son seul objet serait d'éviter les changements arbitraires de méthode. Ainsi, selon le Conseil, le " changement de circonstances " couvre des situations où les institutions communautaires prennent conscience de ce que la méthode utilisée dans le cadre de l'enquête initiale ne convient pas et qu'une autre méthode permet un ajustement rigoureux et une comparaison équitable.

35 De plus, l'interprétation de la requérante permettrait de justifier une violation des autres dispositions du règlement de base, en obligeant les institutions à perpétuer au stade du réexamen intermédiaire l'application d'une méthode ne permettant pas une comparaison équitable, au seul motif qu'elle aurait été utilisée lors de l'enquête initiale. En effet, selon le Conseil, l'application de la méthode " input ", utilisée lors de l'enquête initiale, peut conduire, dans certains cas, à opérer un ajustement même si la ristourne de droits n'entraîne pas de différence de coût entre les produits exportés et les produits vendus sur le marché intérieur et, dans d'autres cas, à opérer un ajustement supérieur à cette différence de coût.

36 Le Conseil conteste également la conclusion subsidiaire avancée par la requérante selon laquelle tout changement de méthode en vertu de l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base doit se limiter aux cas dans lesquels il est établi au-delà de tout doute raisonnable que la méthode appliquée initialement n'est pas valable. Selon le Conseil, une telle conclusion ne repose sur aucune base légale et porte atteinte à la marge d'appréciation accordée aux institutions par la jurisprudence en matière de dumping (arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T-35-01, Rec. p. II-3663, points 48 et 49).

37 Quant à la violation de l'obligation de motivation, elle serait infondée, car la requérante aurait été étroitement associée au processus de décision et informée à maintes reprises des motifs ayant conduit les institutions à adopter la méthode résiduelle, à savoir que seuls les droits payés et non remboursés pouvaient faire l'objet d'un ajustement. La requérante aurait elle-même admis comprendre cette motivation dans une lettre datée du 30 décembre 2004. Par ailleurs, le Conseil fait valoir que le considérant 128 du règlement attaqué fournit une motivation suffisante.

Appréciation du Tribunal

38 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu'elles doivent examiner (arrêt de la Cour du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C-351-04, Rec. p. I-7723, point 40 ; voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 48, et la jurisprudence citée).

39 Il est, en outre, de jurisprudence constante que le choix entre différentes méthodes de calcul de la marge de dumping et l'appréciation de la valeur normale d'un produit supposent l'appréciation de situations économiques complexes, et le contrôle juridictionnel d'une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir arrêt Ikea Wholesale, précité, point 41, et la jurisprudence citée).

40 La requérante fait valoir que les institutions concernées ont violé l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base en n'appliquant pas la même méthode dans le règlement attaqué que celle utilisée lors de l'enquête initiale.

41 Il ressort de l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base que, en règle générale, dans le cadre d'un réexamen, les institutions sont tenues d'appliquer la même méthode, y compris la méthode pour comparer le prix à l'exportation et la valeur normale au titre de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base, que la méthode utilisée lors de l'enquête initiale ayant abouti à l'imposition du droit. Cette même disposition prévoit une exception permettant aux institutions d'appliquer une méthode différente de celle utilisée lors de l'enquête initiale uniquement dans la mesure où les circonstances ont changé. À cet égard, il y a lieu de rappeler que toute dérogation ou toute exception à une règle générale doit être interprétée strictement (voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 50, et la jurisprudence citée). Il appartient dès lors aux institutions de démontrer que les circonstances ont changé si elles entendent appliquer une méthode différente de celle appliquée lors de l'enquête initiale.

42 En outre, il ressort de l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base que la méthode appliquée doit être conforme aux dispositions des articles 2 et 17 du règlement de base.

43 En l'espèce, il y a lieu de rappeler que les institutions concernées ont appliqué la méthode " input " lors de l'enquête initiale. Lors du réexamen, ces institutions ont appliqué la méthode résiduelle. Ainsi, il convient d'examiner si ces institutions étaient en droit d'appliquer une méthode différente lors du réexamen.

44 À cette fin, il y a lieu d'examiner, tout d'abord, si les institutions concernées ont démontré que les circonstances avaient changé en l'espèce.

45 En ce qui concerne le règlement attaqué, il convient de rappeler que le considérant 128 de celui-ci dispose :

" Il a été constaté que la méthode de calcul utilisée par les sociétés, identique à celle utilisée lors de l'enquête initiale, ne reflétait pas le niveau réel des droits à l'importation supportés par le produit similaire. Elle n'était donc pas conforme aux exigences de l'article 2, paragraphe 10, [sous] b), du règlement de base et a donc dû être rejetée. "

46 Toutefois, ce considérant n'indique pas, pas plus que les autres considérants du règlement attaqué, quel aurait été le changement de circonstances, requis par l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base, qui aurait, le cas échéant, pu justifier qu'une méthode différente de celle retenue dans le règlement n° 2852-2000 ait été appliquée dans le règlement attaqué. En effet, aucune disposition du règlement attaqué ne précise quel changement de circonstances serait intervenu.

47 En ce qui concerne la procédure administrative, il convient de relever que, dans le document d'information finale adressé au requérant le 30 novembre 2004 (voir point 12 ci-dessus), la Commission n'a mentionné aucun changement de circonstances lié à la comparaison entre le prix à l'exportation et la valeur normale. Dans la réponse de la Commission du 16 février 2005 (voir point 15 ci-dessus) aux observations de la requérante du 30 décembre 2004 sur le document d'information finale, la Commission a rejeté la demande de la requérante d'utiliser la méthode qui avait été appliquée lors de l'enquête initiale aux motifs que la " méthode appliquée par les services de la Commission dans le présent réexamen, était conforme à l'article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base et devait, par conséquent, être considérée comme valable dans le cas d'espèce ". Il y a lieu de constater que cette réponse de la Commission ne contient aucune explication quant à un éventuel changement de circonstances et se borne à invoquer la légalité de la nouvelle méthode utilisée dans le cadre du réexamen.

48 Lors de l'audience, en réponse à une question du Tribunal, le Conseil a indiqué que le changement de circonstances au sens de l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base correspondait au fait que les institutions " s'étaient rendu compte que ce qui était approprié au cours de l'enquête initiale n'était plus approprié ". Or, une telle constatation ne suffit pas pour justifier l'utilisation d'une méthode différente, car un changement d'opinion n'équivaut pas à un changement de circonstances. L'éventuel fait que la méthode utilisée lors de l'enquête initiale " ne reflétait pas le niveau réel des droits à l'importation supportés par le produit similaire " ne constitue pas un changement de circonstances, mais concerne la conformité de cette méthode avec l'article 2 du règlement de base.

49 Il convient dès lors de constater que les institutions concernées n'ont pas démontré l'existence d'un changement de circonstances au sens de l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base. Dans ces circonstances, il y a encore lieu d'examiner si l'exigence de conformité de la méthode avec l'article 2 du règlement de base a empêché l'application de la méthode " input " et a justifié l'application de la méthode résiduelle.

50 En effet, comme l'a constaté la Commission à juste titre lors de l'audience, l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base doit être lu en combinaison avec l'article 2 du même règlement, dont les exigences doivent être respectées. Ainsi, si, lors du réexamen, il devait s'avérer que l'application de la méthode " input ", appliquée lors de l'enquête initiale dans le règlement n° 2852-2000, n'avait pas été conforme à l'article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base, les institutions seraient tenues de ne plus appliquer ladite méthode. Pour justifier un changement de méthode, il ne suffit pas qu'une nouvelle méthode soit plus appropriée que l'ancienne, dans l'hypothèse toutefois où l'ancienne méthode est conforme à l'article 2 du règlement de base.

51 À cet égard, il y a lieu de constater qu'il appartient aux institutions concernées de démontrer que la méthode " input " n'était pas conforme à l'article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base.

52 Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le considérant 128 du règlement attaqué dispose :

" Il a été constaté que la méthode de calcul utilisée par les sociétés, identique à celle utilisée lors de l'enquête initiale, ne reflétait pas le niveau réel des droits à l'importation supportés par le produit similaire. "

53 Si, dans le document d'information finale du 30 novembre 2004 (voir point 12 ci-dessus), la Commission a certes relevé que le montant invoqué par la requérante était supérieur au montant total des droits supportés par le produit similaire, il y a toutefois lieu d'observer que cette constatation ne concernait que le montant résultant de l'application de la méthode de l'avantage, à savoir la méthode dont la requérante avait demandé l'application dans sa réponse du 11 mars 2004 au questionnaire de la Commission (voir point 10 ci-dessus). En revanche, dans ledit document d'information finale, la Commission n'a pas fait état de motifs établissant le caractère illégal de la méthode " input, qu'elle avait utilisée lors de l'enquête initiale, ni expliqué les raisons pour lesquelles il convenait désormais d'avoir recours à une nouvelle méthode, à savoir la méthode résiduelle.

54 Il ressort de la lettre du 30 décembre 2004 (voir point 13 ci-dessus) que la requérante a spécifiquement demandé l'application de la méthode utilisée lors de l'enquête initiale au cas où la Commission n'utiliserait pas la méthode de l'avantage. La requérante a réitéré cette demande dans ses observations du 11 janvier 2005 (voir point 14 ci-dessus).

55 Comme cela a été constaté au point 47 ci-dessus, dans la lettre du 16 février 2005 (voir point 15 ci-dessus), la Commission a rejeté la demande de la requérante d'appliquer la méthode " input " aux motifs que l'application de la méthode résiduelle était conforme à l'article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base et devait, partant, être considérée comme valable. Il y a lieu de relever qu'une telle affirmation ne démontre pas en quoi la méthode " input " n'aurait pas été conforme à cette disposition en l'espèce.

56 Dans ses écritures devant le Tribunal, le Conseil a justifié l'absence de recours à la méthode " input " par le fait qu'une telle méthode " n'a[urait] pas toujours permis une comparaison équitable ". Lors de l'audience, en réponse à question du Tribunal, le Conseil a expliqué que la méthode " input " pouvait, " dans certains cas ", amener à accorder un ajustement supérieur au coût supporté par le produit vendu sur le marché national et qu'il semblait que, en l'espèce, un ajustement serait intervenu pour des coûts qui n'avaient en réalité pas été supportés par les mêmes produits vendus sur le marché national. Ainsi, selon le Conseil, cette méthode peut parfois mener à des ajustements plus élevés qui tiennent compte des droits effectivement payés mais qui ont été restitués. La Commission a confirmé que la méthode " input " pouvait effectivement aboutir à un ajustement plus élevé que le coût supporté.

57 Or, en l'espèce, ni la Commission ni le Conseil n'ont démontré concrètement que l'utilisation de la méthode " input " avait effectivement mené à des surcompensations.

58 Par conséquent, il y a lieu de relever qu'aucune des explications fournies par ces institutions ne démontre que, en l'espèce, l'application, au moment de l'examen ayant mené à la fixation d'un taux de droit antidumping de 5,7 % pour la requérante, de la même méthode que celle utilisée lors de l'enquête initiale, à savoir la méthode " input ", n'avait pas été conforme à l'article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base.

59 Il y a lieu de conclure que ni la Commission ni le Conseil n'ont démontré soit au stade de la procédure administrative, soit dans le règlement attaqué que la méthode utilisée lors de l'enquête initiale violait l'article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base.

60 Il en résulte que les institutions concernées ont violé l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base, en ce qu'elles n'ont pas appliqué lors du réexamen la même méthode que celle utilisée lors de l'enquête initiale.

61 Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens et arguments de la requérante relatif à l'illégalité de la méthode de calcul du montant de l'ajustement au titre des impositions à l'importation et des impôts indirects.

62 Il résulte de ce qui précède que le règlement attaqué doit être annulé dans la mesure où les institutions concernées ont appliqué une méthode de calcul différente de celle appliquée lors de l'enquête initiale concernant l'ajustement au titre des impositions à l'importation et des impôts indirects.

63 Il y a encore lieu d'examiner l'argumentation de la requérante relative à la prétendue illégalité du rejet de l'ajustement au titre des coûts du crédit.

Sur l'illégalité du rejet de l'ajustement au titre des coûts du crédit

Arguments des parties

64 La requérante fait valoir que les institutions concernées ont violé l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994 et le principe de bonne administration en rejetant sa demande de bénéficier d'un ajustement au titre des coûts du crédit pour les ventes sur le marché national, tel que prévu à l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base.

65 Les coûts du crédit dont se prévaut la requérante résulteraient de l'utilisation d'un système de compte ouvert conforme aux règles coutumières en vigueur en Corée, dans le cadre duquel les livraisons seraient effectuées tout au long du mois, tandis que les factures ne seraient émises qu'à la fin du mois. Ce ne serait qu'à ce moment-là que les recettes seraient incluses dans la comptabilité de la requérante. Les clients bénéficieraient donc à ce titre d'un délai de paiement de 15 jours en moyenne, auquel s'ajouterait, conformément à l'usage commercial en Corée, un délai de paiement de 30 jours à compter de la date d'émission de la facture, soit un délai moyen total de paiement de 45 jours. C'est au titre de ce délai que la requérante a demandé un ajustement calculé selon la formule suivante : chiffre d'affaires multiplié par 45 jours divisé par 365 jours, lesquels sont multipliés par le taux d'intérêt d'un emprunt à court terme.

66 La requérante fait valoir qu'est erronée la conclusion des institutions concernées, énoncée au considérant 129 du règlement attaqué, selon laquelle, en ayant recours à un système de compte ouvert, les producteurs n'octroyaient pas de délais de crédit spécifiques, lesquels ne pouvaient par ailleurs pas être déterminés avec précision, dans la mesure où les paiements ne pouvaient pas être associés à des factures spécifiques. Les délais de paiement pouvant être convenus oralement sur la base de règles coutumières en vigueur en Corée, une preuve écrite des délais consentis ne serait pas requise et le rejet de l'ajustement au titre des coût du crédit sur ce seul fondement serait contraire au principe de la comparaison équitable entre le prix d'exportation et la valeur normale, prévu à l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994. En effet, pour effectuer une telle comparaison, il y aurait lieu de tenir compte des différences qui affectent la comparabilité des prix, au nombre desquelles figureraient les délais de paiement consentis aux clients de la requérante sur le marché national, en vertu des règles coutumières en vigueur en Corée.

67 En outre, lors des vérifications effectuées par la Commission dans les locaux de la requérante, cette dernière lui aurait fourni des preuves documentaires attestant de l'octroi d'un délai moyen de paiement de 45 jours à ses clients. D'une part, elle aurait ainsi fourni aux institutions concernées des éléments attestant que pour une vente sur le marché national, choisie au hasard et portant le n° 1923 sur la liste des ventes intérieures, le délai de paiement octroyé serait de 42 jours, incluant un délai de 30 jours accordé pour le paiement effectué après facturation, auquel s'ajouterait le délai résultant du décalage entre la date de livraison et la date de facturation. D'autre part, dans ses observations du 30 décembre 2004 sur le document d'information finale, la requérante aurait démontré que, pour dix opérations choisies par la Commission lors des vérifications sur place, le délai moyen résultant du décalage entre la date de facturation et la date de livraison serait de 14,5 jours. La requérante fait valoir que les institutions concernées ont refusé de tenir compte de cet élément de preuve additionnel.

68 Enfin, selon la requérante, le fait pour les institutions concernées de refuser de tenir compte d'éléments de preuve autres que les preuves écrites associant les paiements à des factures spécifiques lui impose une charge de la preuve déraisonnable que ni l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994, ni le règlement de base n'impose, ce qui viole, en outre, le principe de bonne administration. Par ailleurs, dans son mémoire en réplique, la requérante soutient que la Commission s'est abstenue pendant l'enquête de lui communiquer les informations nécessaires pour pouvoir effectuer une comparaison équitable, en violation de l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994.

69 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste l'interprétation faite par la requérante de l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base et de l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994.

Appréciation du Tribunal

70 La requérante fait valoir que les institutions concernées ont violé l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994 et le principe de bonne administration en rejetant sa demande de bénéficier d'un ajustement au titre des coûts du crédit pour les ventes sur le marché national, tel que prévu à l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base.

71 Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, selon une jurisprudence constante, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l'OMC ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles les juridictions communautaires contrôlent la légalité des actes des institutions communautaires (arrêts de la Cour du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C-76-00 P, Rec. p. I-79, point 53 ; du 30 septembre 2003, Biret International/Conseil, C-93-02 P, Rec. p. I-10497, point 52, et Ikea Wholesale, précité, point 29).

72 Ce n'est que dans l'hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC ou dans l'occurrence où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords de l'OMC qu'il appartient aux juridictions communautaires de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles de l'OMC (arrêts de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149-96, Rec. p. I-8395, point 49 ; Petrotub et Republica/Conseil, précité, point 54 ; Biret International/Conseil, précité, point 53, et Ikea Wholesale, précité, point 30).

73 En l'espèce, la Communauté a adopté le règlement de base pour satisfaire à ses obligations internationales découlant du Code antidumping de 1994 (arrêt Petrotub et Republica/Conseil, précité, point 56). En outre, par l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base, la Communauté a entendu donner exécution aux obligations particulières que comporte l'article 2, paragraphe 4, dudit Code. Dans cette mesure, il appartient au Tribunal de contrôler la légalité du règlement attaqué au regard de cette dernière disposition (voir, en ce sens, arrêt Petrotub et Republica/Conseil, précité, point 56).

74 Ainsi, pour apprécier la validité du règlement attaqué, il y a lieu d'examiner l'interprétation donnée par les institutions concernées à l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base, à la lumière de l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994.

75 En vertu de l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base, un ajustement est opéré au titre des différences dans le coût du crédit accordé pour les ventes considérées, à condition que ce facteur soit pris en considération pour la détermination des prix pratiqués.

76 Il y a lieu de rappeler que les ajustements ne sont pas opérés d'office et qu'il appartient à la partie qui en réclame le bénéfice de prouver que sa demande est justifiée (arrêt de la Cour du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, 255-84, Rec. p. 1861, point 33 ; arrêt du Tribunal du 12 octobre 1999, Acme/Conseil, T-48-96, Rec. p. II-3089, point 133). Cela résulte tant de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base que de l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994, qui se réfèrent tous les deux aux différences dont il est démontré qu'elles affectent les prix et, partant, leur comparabilité.

77 Or, à la différence de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base, l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994 précise que les " autorités indiqueront aux parties en question quels renseignements sont nécessaires pour assurer une comparaison équitable, et la charge de la preuve qu'elles imposeront à ces parties ne sera pas déraisonnable ". Ces exigences ne sont pas expressément reprises à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base. Cependant, elles font partie des principes généraux de droit communautaire et, notamment, du principe de bonne administration, inscrit également à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1). Ainsi, il appartient au Tribunal de vérifier si les institutions ont tenu compte de ces exigences dans leur application de l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base.

78 Il résulte de ce qui précède qu'il appartient à celui qui revendique un ajustement au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base de démontrer, premièrement, qu'il existe un crédit accordé et, deuxièmement, qu'il affecte les prix et leur comparabilité. En revanche, il appartient aux institutions de lui indiquer quels renseignements sont nécessaires et de ne pas lui imposer une charge de la preuve déraisonnable.

79 En l'espèce, dans sa réponse au questionnaire de la Commission (voir point 10 ci-dessus), la requérante a indiqué qu'elle accordait en général 30 jours de délai de paiement à ses clients mais que, comme la plupart des sociétés coréennes, elle se fondait sur le système du compte ouvert pour gérer ses créances. Elle y a ajouté que, étant donné que les factures étaient normalement émises à la fin de chaque mois bien que les livraisons aient été effectuées tout au long du mois, il était prévu un délai de paiement additionnel de 15 jours en moyenne. La requérante a indiqué que, par conséquent, elle avait pris en compte un délai de 45 jours pour calculer les coûts du crédit pour les ventes nationales.

80 Dans le document d'information finale du 30 novembre 2004 (voir point 12 ci-dessus), la Commission a constaté que, généralement, dans ce type de système, les producteurs exportateurs n'accordaient pas réellement de délai de paiement spécifique et que, de plus, il n'était pas possible de déterminer précisément ce délai, car les montants versés ne pouvaient pas être associés à des factures spécifiques. La Commission a indiqué que, dans ces circonstances, elle n'avait pas pu accorder d'ajustements.

81 Dans ses observations du 30 décembre 2004 (voir point 13 ci-dessus) sur le document d'information finale du 30 novembre 2004, la requérante s'est contentée de répéter que le délai habituel de paiement qu'elle octroyait était de 30 jours, sans pourtant produire de preuves à cet égard. Elle a uniquement admis que, compte tenu du système de compte ouvert, il était difficile de démontrer le paiement exact effectué pour chaque opération. La requérante a également précisé que, même si elle ne pouvait pas effectuer une telle démonstration, elle a tenu compte des coûts du crédit lors de la détermination des prix.

82 À cet égard, il y a lieu de relever que, ni dans sa réponse au questionnaire de la Commission (voir point 10 ci-dessus), ni dans ses observations sur le document d'information finale (voir point 13 ci-dessus), la requérante n'a indiqué qu'un délai de paiement de 30 jours était une coutume coréenne, ce qu'elle a pourtant invoqué devant le Tribunal. Elle a tout simplement fait valoir, pendant la procédure administrative, qu'elle accordait normalement un tel délai de paiement. Or, il s'agit d'une simple allégation qui n'est étayée par aucun élément de preuve. Même si la requérante avait déjà indiqué lors de la procédure administrative qu'un délai de paiement de 30 jours était prévu par les règles commerciales coutumières en vigueur en Corée, il lui appartenait de démontrer l'existence d'une telle pratique, ce qu'elle n'a pas fait, ainsi qu'elle l'a admis dans ses réponses et ses observations.

83 L'argument de la requérante, invoqué lors de l'audience, selon lequel les institutions concernées auraient indiqué, dans le cadre d'une procédure ayant donné lieu au règlement (CEE) n° 2306-92 du Conseil, du 4 août 1992, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d'appareils récepteurs de radiodiffusion du type utilisé dans les véhicules automobiles, originaires de la République de Corée (JO L 222, p. 8), qu'un crédit d'une durée de 30 jours peut être accordé aux entreprises coréennes étant donné que cette durée représente le délai habituel de paiement accordé aux acheteurs, n'est pas pertinent dans le cas d'espèce. En effet, cette procédure ne peut être considérée, en l'espèce, comme une preuve suffisante de l'existence d'une coutume dans le secteur concerné et d'un délai de paiement habituel de 30 jours, que la requérante aurait octroyé à ses clients.

84 Ensuite, il convient de rappeler que la requérante a invoqué un délai de paiement supplémentaire de 15 jours s'ajoutant au délai de 30 jours. Il y a lieu dès lors d'examiner si la requérante a démontré l'existence d'un délai de paiement de 15 jours et l'éventuel effet de celui-ci sur la détermination des prix.

85 À cet égard, la requérante fait valoir que, dès lors que les factures sont émises à la fin de chaque mois et que les livraisons ont lieu tout au long du mois, un délai additionnel de 15 jours en moyenne est accordé à ses clients et est " naturellement " pris en compte dans la détermination de ses prix. Dans ses observations du 30 décembre 2004, la requérante a produit un tableau présentant dix ventes, choisies par la Commission lors des vérifications sur place, ainsi que les dates de livraison et de facture correspondantes. Sur la base de ces exemples, la requérante a obtenu un délai moyen de 14,5 jours, séparant la date de livraison de la date de la facture. Or, il y a lieu de relever que les prétendus délais de paiement relatifs à ces dix exemples sont à ce point variés, ainsi que l'a constaté à juste titre le Conseil, car portant sur des délais allant de 3 à 28 jours, que la prétendue existence d'un système de délai de paiement de 15 ou de 14,5 jours n'est pas prouvée.

86 En tout état de cause, la requérante n'a aucunement démontré en quoi un tel délai moyen de paiement aurait affecté la détermination de ses prix. Le prix à payer ne peut normalement être affecté que par le délai d'un paiement convenu lors de la vente. Ainsi, étant donné que ce délai était pour certains clients de 3 jours et pour d'autres de 28 jours, de telles variations de délai ne permettent pas de considérer qu'un délai moyen de paiement de 15 jours aurait été pris en compte lors de chaque vente.

87 En outre, la requérante se contredit dans ses observations du 30 décembre 2004 (voir point 13 ci-dessus) sur le document d'information finale, dans lesquelles elle soutient que les clients paient généralement rapidement après réception de la facture. Si tel était le cas, le délai de paiement serait presque inexistant.

88 S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel, lors des vérifications sur place, elle a fourni à la Commission des éléments prouvant, pour une vente nationale choisie au hasard et portant le numéro 1923, que le délai de paiement octroyé au client correspondait à 42 jours, il suffit de constater que la requérante se contredit. Il y a lieu de relever, tout d'abord, que la requérante n'a produit aucun document concernant les dates de paiement. Cependant, à supposer établie la date de paiement mentionnée par la requérante (le 13 août 2003), il ressort du tableau présentant les dix exemples exposés dans les observations du 30 décembre 2004 sur le document d'information finale que, pour la facture délivrée le 30 juin 2003, la date de livraison aurait été le 10 juin 2003. Ainsi, selon les explications de la requérante concernant le délai moyen de 15 jours, séparant la date de livraison de la date d'émission de la facture, un délai supplémentaire de 20 jours intervient dans l'exemple en question. Par conséquent, dans cet exemple, le délai de paiement effectif aurait été de 62 jours. En outre, cet exemple contredit également l'allégation de l'existence d'une pratique consistant en l'octroi d'un délai habituel de paiement de 30 jours, car, à supposer qu'une telle pratique ait existé et ait été appliquée aussi bien par le vendeur que par l'acheteur, la facture aurait dû être payée le 30 juillet 2003.

89 En tout état de cause, un seul exemple ne peut constituer la preuve du fait que la requérante aurait pour pratique normale d'accorder un délai de 45 jours de paiement ni que ce délai aurait une incidence sur la fixation du prix des ventes sur le marché intérieur.

90 Par ailleurs, la requérante ne conteste pas que les institutions concernées n'ont pas pu établir de lien entre les relevés bancaires, les bordereaux de livraison et les factures, ce qui rendait impossible la vérification de l'existence d'un lien effectif entre le versement reçu et la facture établie.

91 En outre, la requérante n'a pas été en mesure de répondre à la question du Tribunal lors de l'audience concernant l'impact d'un éventuel délai de paiement sur la détermination des prix et leur comparabilité.

92 Dans ces circonstances, il convient de constater que la requérante n'est pas parvenue à démontrer que, au cours de la période d'enquête, elle accordait systématiquement à ses clients un délai de paiement de 45, de 30, ou de 15 jours affectant la détermination des prix de vente.

93 Toutefois, il y a encore lieu d'examiner si la charge de la preuve imposée à la requérante par les institutions concernées était déraisonnable.

94 En ce qui concerne la recevabilité de l'argument de la requérante, présenté dans son mémoire en réplique, selon lequel les institutions concernées ne lui ont pas indiqué quels renseignements elle devait fournir pour étayer sa demande d'ajustement, il suffit de constater que, contrairement à ce que soutient le Conseil, il constitue l'ampliation de l'allégation de la requérante relative à l'existence d'une charge de la preuve déraisonnable, présentée dans la requête, et est, partant, recevable.

95 Cependant, il y a lieu de rejeter ledit argument de la requérante comme non fondé. En effet, il ressort du dossier que les institutions concernées ont indiqué à maintes reprises à la requérante quelles étaient les informations nécessaires à l'octroi de l'ajustement. Premièrement, le questionnaire de la Commission contenait des instructions précises quant aux renseignements que les exportateurs devaient fournir pour obtenir un ajustement.

96 Deuxièmement, dans la lettre du 5 juillet 2004, envoyée avant les vérifications sur place (voir point 11 ci-dessus), la Commission a explicitement demandé à la requérante de s'assurer que tous les documents justificatifs aux fins de l'enquête soient disponibles, d'être en mesure de justifier chaque demande d'ajustement et de garder tous les documents probants à sa disposition.

97 Troisièmement, dans le document d'information finale du 30 novembre 2004 (voir point 12 ci-dessus), la Commission a rejeté la demande d'ajustement au titre des coûts du crédit en motivant ce refus notamment par le caractère insuffisant des éléments de preuve. En effet, la Commission a constaté que les délais de paiement ne pouvaient pas être correctement déterminés, car il n'était pas possible d'établir un lien entre un versement spécifique et la facture correspondante. Dans les détails concernant le calcul du dumping, elle a indiqué :

" Alors de[s] vérification[s] sur place, il avait été souligné que, pour que cet ajustement soit accordé, l'influence sur la comparabilité des prix devait être démontrée. Cela n'a pas été possible, les paiements et les crédits correspondant aux différentes transactions n'ayant pas pu être retracés. "

98 Il ressort de ces documents que les institutions concernées ont informé la requérante à plusieurs reprises qu'elle n'avait pas suffisamment établi que l'ajustement au titre des coûts du crédit était justifié, lui donnant ainsi encore la possibilité d'étayer sa demande. Partant, dans leur application de l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base, les institutions concernées ont agi conformément aux exigences découlant de l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994 et du principe de bonne administration.

99 En outre, il convient de relever que les institutions concernées n'ont pas fait peser sur la requérante une charge de la preuve déraisonnable. Comme l'a confirmé le Conseil lors de l'audience, bien que les institutions concernées aient demandé à la requérante de leur fournir davantage de preuves concernant le délai de paiement, elles n'ont pas exigé la production d'accords écrits. Cependant, la requérante aurait dû démontrer l'existence d'un lien entre les différents paiements et factures, ce qu'elle n'a pas fait. Comme cela a été constaté ci-dessus, de simples allégations ne suffisent pas pour justifier un ajustement.

100 Par conséquent, les institutions concernées n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder à la requérante l'ajustement revendiqué au titre des coûts du crédit.

101 Dans ces circonstances, les institutions concernées n'ont pas violé l'article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base, tel qu'interprété à la lumière de l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1994. Partant, elles n'ont pas non plus violé le principe de bonne administration.

102 Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante relatif à la prétendue illégalité du rejet de la demande d'ajustement au titre des coûts du crédit.

103 Il résulte de tout ce qui précède qu'il convient d'annuler l'article 2 du règlement attaqué pour autant que le droit antidumping fixé pour les exportations dans la Communauté des produits fabriqués et exportés par la requérante excède celui qui serait applicable s'il avait été procédé à un ajustement de la valeur normale au titre des impositions à l'importation et des impôts indirects en application de la méthode " input ", et de rejeter le recours pour le surplus.

Sur les dépens

104 Conformément à l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

105 En l'espèce, les conclusions en annulation de la requérante ont été déclarées partiellement fondées. Le Tribunal estime qu'il est fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en décidant que le Conseil supportera ses propres dépens ainsi que 70 % de ceux exposés par la requérante et que cette dernière supportera 30 % de ses propres dépens.

106 Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

déclare et arrête :

1) L'article 2 du règlement (CE) n° 428-2005 du Conseil, du 10 mars 2005, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de fibres discontinues de polyesters originaires de la République populaire de Chine et d'Arabie saoudite, modifiant le règlement (CE) n° 2852-2000 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de fibres discontinues de polyesters originaires de la République de Corée, et clôturant la procédure antidumping concernant Taïwan, est annulé, pour autant que le droit antidumping fixé pour les exportations dans la Communauté européenne des produits fabriqués et exportés par Huvis Corp. excède celui qui serait applicable s'il avait été procédé à un ajustement de la valeur normale au titre des impositions à l'importation et des impôts indirects en application de la méthode " input " utilisée lors de l'enquête initiale.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Le Conseil supportera ses propres dépens et 70 % de ceux exposés par Huvis Corp.

4) La Commission supportera ses propres dépens.