TPICE, 6e ch., 10 janvier 2008, n° T-314/06
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Whirlpool Europe Srl, Conseil européen de la construction d'appareils domestiques, République italienne
Défendeur :
Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, LG Electronics Inc.
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Meij
Juges :
MM. Vadapalas, Tchipev
Avocats :
Mes Bronckers, Louis, Desmedt, Verheyden, Berrisch, Ruessmann, Willems
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),
Antécédents du litige
1 Le 28 février 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 355-2006, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains réfrigérateurs " side-by-side " originaires de la République de Corée (JO L 59, p. 12, ci-après le " règlement provisoire "). Le considérant 9 dudit règlement définit le produit concerné par le droit antidumping provisoire comme étant les réfrigérateurs " side-by-side " (ci-après les " réfrigérateurs SxS "), c'est-à-dire " les combinés réfrigérateur-congélateur d'une contenance supérieure à 400 litres, équipés d'au moins deux portes extérieures séparées et juxtaposées, originaires de la République de Corée, relevant actuellement du code NC ex 8418 10 20 ". Cette définition couvrait ainsi un modèle de réfrigérateurs SxS à trois portes exporté, notamment, par la société coréenne LG Electronics (ci-après " LG ").
2 Le 25 août 2006, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 1289-2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains réfrigérateurs SxS originaires de la République de Corée (JO L 236, p. 11, ci-après le " règlement définitif "). Au considérant 16 dudit règlement, le Conseil a, sur proposition de la Commission, modifié la définition du produit concerné et conclu que celle-ci ne devait inclure que les " combinés réfrigérateur-congélateur d'une contenance supérieure à 400 litres, équipés de compartiments de congélation et de réfrigération juxtaposés, originaires de la République de Corée, actuellement classés dans le code NC ex 8418 10 20 ", excluant ainsi le modèle de réfrigérateurs SxS à trois portes du champ d'application du règlement définitif.
Procédure
3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 novembre 2006, la requérante a introduit un recours visant à l'annulation du règlement définitif.
4 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 janvier 2007, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.
5 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 9 février 2007, le Conseil européen de la construction d'appareils domestiques (CECED) et AB Electrolux ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la requérante.
6 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 février 2007, LG a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.
7 Par ordonnance du 26 février 2007, le Président de la troisième chambre du Tribunal a admis la Commission à intervenir au litige.
8 Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 14 mars 2007, le Conseil a soulevé des objections relatives à la demande d'intervention d'Electrolux.
9 Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 27 mars 2007, la requérante s'est prononcée en faveur de l'admission de l'intervention d'Electrolux.
10 Par ordonnance du 10 mai 2007, le Président de la troisième chambre du Tribunal a admis le CECED et LG à intervenir au litige.
11 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 juin 2007, la République italienne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.
12 Par ordonnance du 4 septembre 2007, le Président de la troisième chambre du Tribunal a admis la République italienne à intervenir au litige.
13 Conformément à l'article 116, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, le Président de la troisième chambre du Tribunal a déféré à cette dernière la demande d'intervention d'Electrolux.
14 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
Sur la demande d'intervention
Arguments des parties
15 Electrolux fait valoir qu'elle est l'un des principaux producteurs de réfrigérateurs SxS traditionnels qu'elle exporte des États-Unis vers la Communauté. [Req. point 22]
16 Electrolux souligne qu'elle a participé à la procédure administrative et que, dans ce cadre, elle a adressé à la Commission, le 18 octobre 2005, des commentaires préliminaires sur diverses questions, en particulier sur celle de la définition du produit concerné. [Req. point 22]
17 Electrolux soutient que son intérêt à intervenir au litige découle du fait qu'elle a été, comme la requérante, directement touchée par les pratiques commerciales déloyales des producteurs exportateurs coréens.
18 Dans ces circonstances, Electrolux considère avoir un intérêt direct et actuel à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requérante (ordonnance du Tribunal du 16 décembre 2004, Hoechst/Commission, T-410-03, Rec. p. II-4451, point 14). [Int. point 21]
19 L'exclusion des réfrigérateurs SxS à trois portes originaires de la République de Corée du champ d'application des droits antidumping institués par le règlement définitif aurait pour conséquence d'atténuer l'effet correctif de ces derniers visant les importations coréennes faisant l'objet d'un dumping, effet dont les sociétés européennes, y compris Electrolux, auraient espéré bénéficier du fait de l'adoption de ce règlement. [Int. point 29]
20 Le Conseil estime, en premier lieu, qu'Electrolux n'a pas d'intérêt direct et actuel à la solution du litige au sens de la jurisprudence. En effet, Electrolux n'a jamais produit de réfrigérateurs SxS traditionnels à deux portes ni de modèles à trois portes dans la Communauté, mais a simplement importé des réfrigérateurs SxS traditionnels à deux portes en provenance des États-Unis. Le Conseil fait observer qu'Electrolux n'était donc pas plaignante dans l'enquête qui a conduit à l'adoption du règlement définitif et, au reste, n'aurait même pas rempli les conditions requises à cet effet. Le Conseil souligne que, ainsi qu'il ressort du considérant 104 du règlement provisoire, Electrolux ne soutient pas non plus être sur le point de commencer la production de réfrigérateurs SxS traditionnels à deux portes ou de modèles à trois portes dans la Communauté. Electrolux se contenterait d'indiquer que, après avoir envisagé de lancer une telle production dans la Communauté, elle avait mis ce projet en attente en raison des importations coréennes, mais n'apporterait aucun élément de preuve à l'appui de cette allégation. Par ailleurs, Electrolux ne soutiendrait pas - et ne présenterait aucun élément de preuve en ce sens - que l'exclusion des réfrigérateurs SxS à trois portes du champ d'application du règlement définitif l'empêcherait d'en produire dans la Communauté, ni qu'elle se lancerait dans la production de réfrigérateurs SxS traditionnels dans la Communauté si les modèles à trois portes relevaient des mesures antidumping. Le Conseil, soutenu par la Commission, estime, en second lieu, que la demande d'intervention ne doit pas être admise au motif que le recours au principal est irrecevable en ce que la requérante ne serait ni directement ni individuellement concernée par le règlement définitif et n'aurait aucun intérêt à obtenir son annulation. [Int. points 2 à point 7]
21 Le Conseil soutient que le droit d'intervention doit être limité aux parties directement concernées par l'adoption des mesures ou par leur annulation. Il s'agirait, notamment, des exportateurs et des importateurs des produits qui font l'objet des droits antidumping, des producteurs communautaires à l'origine de la plainte et, le cas échéant, d'autres producteurs communautaires du produit concerné. [Int. point 10]
22 Le Conseil souligne par ailleurs que le CECED a également présenté une demande d'intervention dans la présente affaire. Or, Electrolux étant membre de cette organisation, elle pourrait faire valoir ses intérêts par ce biais. [Int. point 11]
23 Enfin, Electrolux ne pourrait pas s'appuyer sur le simple fait d'avoir précédemment participé à la procédure administrative devant la Commission. Il ressortirait de la jurisprudence qu'un participant à la procédure administrative devant la Commission ne bénéficie pas automatiquement d'un droit d'intervention au litige porté ensuite devant le Tribunal, mais doit, au contraire, démontrer qu'il a un intérêt suffisamment direct à la solution du litige (ordonnance du Président de la cinquième chambre du Tribunal du 23 mars 1998, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-18-97, Rec. p. II-589, points 2, 18 et 19). [Int. point 12]
Appréciation du Tribunal
24 La demande d'intervention a été introduite conformément à l'article 115 du règlement de procédure.
25 En vertu de l'article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d'un intérêt à la solution d'un litige autre qu'un litige entre États membres, entre institutions des Communautés ou entre États membres, d'une part, et institutions des Communautés, d'autre part, est en droit d'intervenir à ce litige.
26 Il résulte d'une jurisprudence constante que la notion d'intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l'objet même du litige et s'entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par " solution " du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu'elle serait consacrée dans le dispositif de l'arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l'intervenant est touché directement par l'acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-213, point 26, et la jurisprudence citée).
27 En l'espèce, force est de constater qu'Electrolux n'a pas d'intérêt direct et actuel à la solution du litige. En effet, il est constant que la demanderesse en intervention n'est pas un producteur communautaire du produit similaire au sens de l'article 4 du règlement (CE) n° 384-96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1). Il s'ensuit qu'elle ne saurait prétendre bénéficier des mesures de protection commerciale de la part de la Communauté.
28 Aucun des deux arguments d'Electrolux n'est susceptible de remettre en cause cette constatation.
29 En effet, d'une part, s'agissant de l'allégation d'Electrolux selon laquelle elle avait envisagé de commencer une production de réfrigérateurs SxS traditionnels à deux portes et à trois portes dans la Communauté, mais qu'elle avait ensuite abandonné ce projet en raison des importations coréennes, il suffit de relever qu'une telle allégation, au demeurant dépourvue de tout élément concret visant à en démontrer la réalité, relative à un élément futur et hypothétique, n'est pas de nature à démontrer un intérêt actuel et certain à la solution du litige.
30 D'autre part, s'agissant de l'argument tiré de ce qu'elle importe un modèle de réfrigérateurs SxS à trois portes des États-Unis dans la Communauté, il convient de rappeler que, conformément à l'article 4 du règlement n° 384-96, l'adoption par la Communauté de mesures antidumping vise à protéger l'industrie communautaire des pratiques de dumping relatives aux importations de produits de pays tiers. Or, à la différence de la requérante, Electrolux ne produit pas dans la Communauté de réfrigérateurs SxS à deux portes ni de modèles à trois portes, mais les importe des États-Unis. Ainsi, quand bien même il serait fait droit aux conclusions de la requérante en ce que ce serait à tort que le Conseil n'a pas inclus dans la définition du produit concerné le modèle de réfrigérateurs SxS à trois portes, cette circonstance ne pourrait éventuellement bénéficier à Electrolux que de manière incidente et indirecte en ce qu'elle importe dans la Communauté, sans pour autant le fabriquer dans la Communauté, le modèle de réfrigérateurs SxS à trois portes. Il s'ensuit qu'Electrolux ne dispose pas d'un intérêt direct et certain à la solution du litige.
31 Il découle de ce qui précède que la demande d'intervention d'Electrolux doit être rejetée.
Sur les dépens
32 En vertu de l'article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l'arrêt ou l'ordonnance qui met fin à l'instance. La présente ordonnance mettant fin à l'instance à l'égard d'Electrolux, il convient de statuer sur les dépens afférents à sa demande d'intervention.
33 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Electrolux ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux du Conseil afférents à la procédure en intervention, conformément aux conclusions de ce dernier. La requérante n'ayant pas formulé de conclusions à cet égard, elle supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
ordonne :
1) La demande d'intervention d'AB Electrolux est rejetée.
2) Electrolux est condamnée à supporter les dépens du Conseil afférents à la procédure en intervention ainsi que ses propres dépens.
3) Whirlpool Europe Srl supportera ses propres dépens afférents à la procédure en intervention.