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Décisions

TPICE, 3e ch., 8 juillet 2008, n° T-52/03

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Knauf Gips KG

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jaeger

Juges :

Mme Tiili, M. Czúcz

Avocats :

Mes Klusmann, Wiemer, Klusmann

TPICE n° T-52/03

8 juillet 2008

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

Faits à l'origine du litige

1 La requérante, Knauf Gips KG, anciennement Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG (ci-après " Knauf " ou la " requérante ") produit et commercialise des matériaux de construction à base de plâtre.

2 La requérante est une société en commandite de droit allemand. Toutes ses parts sociales sont détenues par 21 membres de la famille Knauf ainsi que par une société détenant les parts des quatre autres associés. Les associés gestionnaires personnellement responsables sont MM. [B] et [C].

3 À la suite des informations dont elle a eu connaissance, la Commission a procédé le 25 novembre 1998 à des vérifications inopinées auprès de huit entreprises actives dans le domaine des plaques en plâtre, dont la requérante et d'autres entreprises du groupe Knauf. Le 1er juillet 1999, elle a poursuivi ses investigations auprès de deux autres entreprises.

4 La Commission a ensuite adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), aux différentes entreprises concernées. La Commission demandait des informations portant sur des documents obtenus dans les locaux de ces entreprises durant les vérifications de novembre 1998 et de juillet 1999. Knauf y a répondu le 14 septembre 1999.

5 Le 18 avril 2001, la Commission a engagé la procédure administrative et adopté une communication des griefs à l'encontre des entreprises BPB plc, Knauf, Société Lafarge SA (ci-après " Lafarge "), Etex SA et Gyproc Benelux NV (ci-après " Gyproc "). Les entreprises concernées ont présenté leurs observations écrites et ont eu accès au dossier d'instruction de la Commission sous la forme d'une copie sur CD-ROM qui leur a été envoyée le 17 mai 2001.

6 La requérante a répondu à la communication des griefs par lettre du 6 juillet 2001.

7 Des auditions ont eu lieu le 17 juillet 2001. BPB et Gyproc ont présenté une partie de leur exposé à huis clos.

8 Par lettre du 10 août 2001, le conseiller-auditeur a transmis des versions non confidentielles de documents de BPB et de Gyproc à la requérante.

9 Par lettre du 20 août 2001, la requérante a demandé à avoir accès à toutes les pièces du dossier ayant été ajoutées à ce dernier depuis l'envoi du CD-ROM et, notamment, aux réponses à la communication des griefs des autres entreprises concernées par la procédure administrative.

10 Le 7 septembre 2001, le conseiller-auditeur a fait parvenir à la requérante trois documents supplémentaires que Lafarge avait transmis à la Commission à la suite de l'audition du 17 juillet 2001.

11 Le 11 septembre 2001, la Commission a rejeté la demande de la requérante du 20 août 2001 qui visait à obtenir l'accès à d'autres pièces du dossier.

12 Le 19 novembre 2002, le conseiller-auditeur a adopté son rapport.

13 Le 27 novembre 2002, la Commission a adopté la décision 2005-471-CE, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] à l'encontre de BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc (Affaire COMP/E-1/37.152 - Plaques en plâtre) (JO 2005, L 166, p. 8, ci-après la " décision attaquée ").

14 Le dispositif de la décision attaquée énonce :

" Article premier

BPB [...], le groupe Knauf, [...] Lafarge [...] et Gyproc [...] ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, [CE] en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans le secteur des plaques en plâtre.

L'infraction a eu la durée suivante :

a) BPB [...] : du 31 mars 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998

b) [le groupe] Knauf : du 31 mars 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998

c) [...] Lafarge [...] : du 31 août 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998

d) Gyproc [...] : du 6 juin 1996, au plus tard, au 25 novembre 1998

[...]

Article 3

Pour l'infraction visée à l'article 1er, les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes :

a) BPB [...] : 138,6 millions d'euro

b) [...] Knauf [...] : 85,8 millions d'euro

c) [...] Lafarge [...] : 249,6 millions d'euro

d) Gyproc [...] : 4,32 millions d'euro

[...] "

15 La Commission considère, dans la décision attaquée, que les entreprises en cause ont participé à une infraction unique et continue qui s'est manifestée par les comportements suivants, constitutifs d'accords ou de pratiques concertées :

- les représentants de BPB et de Knauf se sont rencontrés à Londres (Royaume-Uni) en 1992 et ont exprimé la volonté commune de stabiliser les marchés des plaques en plâtre en Allemagne, au Royaume-Uni, en France et dans le Benelux ;

- les représentants de BPB et de Knauf ont mis en place, à partir de 1992, des systèmes d'échange d'informations, auxquels Lafarge et ensuite Gyproc ont adhéré, portant sur leurs volumes de ventes sur les marchés allemand, du Royaume-Uni, français et du Benelux ;

- les représentants de BPB, de Knauf et de Lafarge se sont, à diverses reprises, informés réciproquement à l'avance des hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni ;

- faisant face à des développements particuliers sur le marché allemand, les représentants de BPB, de Knauf, de Lafarge et de Gyproc se sont rencontrés à Versailles (France) en 1996, à Bruxelles (Belgique) en 1997 et à La Haye (Pays-Bas) en 1998, en vue de se répartir ou, tout au moins, de stabiliser le marché allemand ;

- les représentants de BPB, de Knauf, de Lafarge et de Gyproc se sont informés réciproquement à diverses reprises et se sont concertés sur l'application de hausses des prix sur le marché allemand entre 1996 et 1998.

16 Aux fins du calcul du montant de l'amende, la Commission a fait application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ").

17 Pour la fixation du montant de départ des amendes, déterminé en fonction de la gravité de l'infraction, la Commission a tout d'abord considéré que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave par sa nature même, les pratiques en cause ayant eu pour objet de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser le marché par l'échange d'informations confidentielles. La Commission a estimé, en outre, que les pratiques en cause avaient eu un impact sur le marché, les entreprises concernées représentant la quasi-totalité de l'offre de plaques en plâtre et les différentes manifestations de l'entente ayant été mises en œuvre sur un marché très concentré et oligopolistique. Quant à l'étendue du marché géographique concerné, la Commission a estimé que l'entente avait couvert les quatre principaux marchés au sein de la Communauté européenne, à savoir l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Benelux.

18 Estimant ensuite qu'il existait une disparité considérable entre les entreprises concernées, la Commission a procédé à un traitement différencié, se basant à cet effet sur le chiffre d'affaires tiré de la vente du produit en cause sur les marchés concernés, au cours de la dernière année complète de l'infraction. Sur cette base, le montant de départ des amendes a été fixé à 80 millions d'euro pour BPB, à 52 millions d'euro pour Knauf et pour Lafarge et à 8 millions d'euro pour Gyproc.

19 Afin d'assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif au vu de la taille et des ressources globales des entreprises, le montant de départ de l'amende infligée à Lafarge a été majoré de 100 %, passant à 104 millions d'euro.

20 Pour tenir compte de la durée de l'infraction, le montant de départ a ensuite été majoré de 65 % pour BPB et pour Knauf, de 60 % pour Lafarge et de 20 % pour Gyproc, l'infraction étant qualifiée par la Commission d'infraction de longue durée dans le cas de Knauf, de Lafarge et de BPB et de durée moyenne dans le cas de Gyproc.

21 S'agissant des circonstances aggravantes, le montant de base des amendes infligées à BPB et à Lafarge a été majoré de 50 % au titre de la récidive.

22 Ensuite, la Commission a diminué de 25 % l'amende infligée à Gyproc au titre des circonstances atténuantes, du fait qu'elle avait été un élément déstabilisateur contribuant à limiter les effets de l'entente sur le marché allemand et qu'elle était absente du marché du Royaume-Uni.

23 Enfin, la Commission a procédé à une réduction du montant des amendes de 30 % pour BPB et de 40 % pour Gyproc, en application de la section D, paragraphe 2, de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération "). Partant, le montant final des amendes infligées était de 138,6 millions d'euro pour BPB, de 85,8 millions d'euro pour Knauf, de 249,6 millions d'euro pour Lafarge et de 4,32 millions d'euro pour Gyproc.

Procédure et conclusions des parties

24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 février 2003, la requérante a introduit le présent recours.

25 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

26 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 23 janvier 2007.

28 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ;

- à titre subsidiaire, réduire de manière appropriée le montant de l'amende qui lui a été infligée par la Commission dans la décision attaquée ;

- condamner la Commission aux dépens.

29 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

30 La requérante soulève huit moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré d'une violation des droits de la défense. Par le deuxième moyen, la requérante invoque une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE. Le troisième moyen est tiré d'une violation de la notion d'infraction continue. Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soulève une erreur manifeste d'appréciation dans la détermination de l'unité économique à laquelle la prétendue infraction est imputée. Le cinquième moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation ainsi que de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 quant à la détermination du montant de base de l'amende. Par le sixième moyen, la requérante reproche à la Commission une violation du principe d'égalité de traitement en ce qui concerne l'application de la communication sur la coopération. Le septième moyen est tiré d'une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) ainsi que du principe de bonne administration. Par le huitième moyen, la requérante soulève une erreur de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation dans la fixation des intérêts de retard.

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense

31 Ce moyen se compose de sept branches, dans lesquelles la requérante fait valoir que :

- la décision attaquée est essentiellement fondée sur des moyens de preuve à charge auxquels elle n'a jamais eu accès malgré des demandes en ce sens ;

- ces moyens de preuve pourraient contenir des éléments à décharge ;

- la décision attaquée s'écarte de manière substantielle de la communication des griefs ;

- les moyens de preuve mis à la disposition des entreprises concernées dans le cadre de l'accès au dossier lors de la communication des griefs étaient, pour la plupart, incomplets ;

- l'audition de Gyproc s'est tenue, à tort, à huis clos ;

- le conseiller-auditeur a changé en cours de procédure ;

- son droit d'être entendu a été violé à cause des connaissances linguistiques insuffisantes des fonctionnaires de la Commission chargés de l'affaire.

Sur la première branche, tirée d'un refus d'accès à des moyens de preuve à charge

Arguments des parties

32 La requérante estime que la décision attaquée est, dans une large mesure, fondée sur des moyens de preuve à charge auxquels elle n'a jamais eu accès, alors qu'elle avait expressément demandé un tel accès par lettre du 20 août 2001. Or, la Commission aurait dû donner accès à la requérante à tous les moyens de preuve qui ont, par la suite, été mentionnés dans la décision attaquée.

33 Il s'agirait, notamment, des réponses de BPB, de Lafarge et de Gyproc à la communication des griefs ainsi que de la déclaration de M. [G], l'un des dirigeants de Lafarge, après l'audition. La requérante fait valoir que la Commission s'est fondée sur ces documents pour l'appréciation des faits et l'administration de la preuve aux considérants 56, 57, 59, 102, 106, 112, 114, 127 et suivants, 153, 173, 175, 181, 184, 186 et suivants, 209, 211 à 213, 232, 234, 242, 250, 253, 274, 276 et 395 de la décision attaquée.

34 La requérante estime que, même si elle n'a pas introduit de recours contre le rejet de sa demande d'accès au dossier, la Commission avait l'obligation de compléter ou de remplacer la communication des griefs et d'accorder un accès élargi aux moyens de preuve dans la mesure où elle envisageait de fonder la décision attaquée sur les documents non communiqués aux entreprises concernées.

35 La Commission considère que les réponses des autres destinataires de la communication des griefs ne font pas partie du dossier administratif pour la seule raison que celui-ci est clos au moment de l'envoi de cette communication. L'obligation de donner l'accès à ces réponses existerait seulement si la Commission utilisait ces réponses pour établir l'existence d'une infraction commise par une autre entreprise. Il importerait donc seulement de déterminer si la décision attaquée est fondée sur des éléments de fait qui ne faisaient pas déjà l'objet de la communication des griefs.

36 La Commission admet avoir refusé l'accès aux réponses des autres participants à l'entente au motif qu'il n'était pas indispensable à la défense de Knauf dans le cadre de la communication des griefs. Elle souligne que cette décision de refus mentionnait les voies de recours. Or, la requérante ne se serait adressée ni au conseiller-auditeur ni à aucun autre agent de la Commission à ce sujet. Cette dernière en déduit que la requérante n'a pas voulu recourir à la possibilité d'avoir accès à la totalité du dossier d'instruction.

37 La Commission fait valoir que, en tout état de cause, elle n'a évoqué qu'incidemment les réponses d'autres participants à l'entente pour étayer ses conclusions dont l'exactitude a été démontrée de manière indépendante.

Appréciation du Tribunal

38 Il est d'abord nécessaire de rappeler que l'accès au dossier dans les affaires de concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue, dans sa communication des griefs, sur la base de ces éléments. L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-191-98, T-212-98 à T-214-98, Rec. p. II-3275, point 334, et la jurisprudence citée).

39 En ce qui concerne les éléments à charge, l'obligation d'accès au dossier ne porte que sur les éléments finalement retenus dans la décision et non sur tous les griefs que la Commission aurait pu éventuellement formuler à un stade quelconque de la procédure administrative (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 38 supra, point 337). En effet, un document ne peut être considéré comme un document à charge à l'égard d'une partie requérante que lorsqu'il est utilisé par la Commission à l'appui de la constatation d'une infraction à laquelle cette partie requérante aurait participé (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, ci-après l'" arrêt Ciment ", point 284).

40 En outre, la requérante ne saurait exiger, de manière générale et abstraite, l'accès aux documents ou aux informations qui ne lui ont pas été communiqués sans préciser en quoi les éléments à charge retenus par la Commission dans la décision attaquée auraient été déterminés par ces documents ou ces informations. En effet, selon la jurisprudence, une argumentation de nature générale n'est pas de nature à établir la réalité d'une violation des droits de la défense, laquelle doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d'espèce (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 38 supra, points 353 et 354).

41 En ce qui concerne l'accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs, il est constant que la requérante n'a pas eu accès à celles-ci pendant la procédure administrative.

42 S'agissant du défaut de communication de prétendus éléments à charge ne figurant pas dans le dossier d'instruction, le Tribunal rappelle que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être observé en toutes circonstances, notamment dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, même s'il s'agit d'une procédure administrative. Il exige que les entreprises et les associations d'entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461 point 11, et du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11-89, Rec. p. II-757, point 39).

43 Ensuite, il convient de rappeler que, si la Commission entend se fonder sur un passage d'une réponse à une communication des griefs ou sur un document annexé à une telle réponse pour établir l'existence d'une infraction dans une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, les autres entreprises impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel élément de preuve. Dans de telles circonstances, le passage en question constitue en effet un élément à charge à l'encontre des différentes entreprises qui auraient participé à l'infraction (voir arrêts du Tribunal Ciment, point 39 supra, point 386, et du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314/01, Rec. p. II-3085, point 50, et la jurisprudence citée).

44 En effet, un document ne peut être considéré comme un document à charge que lorsqu'il est utilisé par la Commission à l'appui de la constatation d'une infraction commise par une entreprise. Aux fins d'établir une violation à son égard des droits de la défense, il ne suffit pas, pour l'entreprise en cause, de démontrer qu'elle n'a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque endroit de la décision attaquée. Il faut qu'elle démontre que la Commission a utilisé ce document, dans la décision attaquée, comme un élément de preuve pour retenir une infraction à laquelle l'entreprise aurait participé (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T-44-02 OP, T-54-02 OP, T-56-02 OP, T-60-02 OP et T-61-02 OP, Rec. p. II-3567, point 158).

45 Étant donné que des documents non communiqués aux entreprises concernées au cours de la procédure administrative ne constituent pas des moyens de preuve opposables, il y a lieu, s'il s'avère que la Commission s'est fondée, dans la décision, sur des documents ne figurant pas dans le dossier d'instruction et n'ayant pas été communiqués aux parties requérantes, de ne pas retenir lesdits documents en tant que moyens de preuve (arrêt Ciment, point 39 supra, point 382).

46 S'il existe d'autres preuves documentaires dont les entreprises concernées ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l'élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n'infirme pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 72).

47 Il incombe ainsi à l'entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s'est fondée pour incriminer cette entreprise (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 73).

48 En l'espèce, Knauf fait seulement valoir :

" [Knauf] n'a même jamais pu consulter plusieurs moyens de preuve clés sur lesquels la décision est, dans une large mesure, fondée. Il s'agit notamment des réponses de BPB, de Lafarge et de Gyproc à la communication des griefs ainsi que de la déclaration de M. [G] de Lafarge transmise après l'audition orale. Malgré cela, dans les passages cruciaux de la décision [attaquée] énumérés ci-après, la défenderesse a fondé ses appréciations de faits et son administration de la preuve sur ces documents (au sens du [considérant] 429 de la décision [attaquée]) : [considérants] 56, 57 (4 x), 59, 102, 106, 112, 114, 127 et suiv., 153, 173, 175, 181, 184, 186 et suiv., 209, 211, 212, 213, 232, 234, 242 (2x), 250, 253, 274 et 276 de la décision [attaquée]. Détails :

- [d]ans le cadre de son premier grief concernant une infraction lors de la réunion de Londres en 1992, la défenderesse se fonde sur la réponse de BPB à la communication des griefs pour répondre à la question de savoir quelle fonction cette réunion avait ([considérants] 57 et 437 de la décision [attaquée]) et s'il y a eu, par la suite, un 'tournant' sur les marchés des plaques en plâtre ([considérant] 71 de la décision [attaquée]).

- Dans le cadre de son deuxième grief concernant l'échange de statistiques du marché, la défenderesse utilise la réponse de BPB à la communication des griefs comme moyen de preuve principal afin de démontrer l'échange d'informations prétendument illégal ([considérants] 102, 106, 114, 127 et suiv., 209 et 211 de la décision [attaquée]). Elle fonde notamment son affirmation selon laquelle le but de cet échange d'information était de mettre fin à la guerre des prix sur ce seul moyen de preuve ([considérants] 106 et suiv. et 114 de la décision [attaquée]).

- Dans le cadre de son troisième grief concernant l'information relative aux augmentations de prix au Royaume-Uni, la défenderesse utilise les réponses de BPB et de Lafarge à la communication des griefs afin d'établir les répercussions de prétendus accords dans ledit pays ([considérant] 212 de la décision [attaquée]).

- La défenderesse tente également de démontrer son quatrième grief concernant la prétendue stabilisation du marché allemand en se fondant essentiellement sur les réponses à la communication des griefs de BPB, de Gyproc et de Lafarge, et ce par exemple, pour répondre à la question de savoir s'il y a eu un accord sur la répartition du marché allemand ([considérant] 213 de la décision [attaquée]).

La défenderesse fonde son allégation selon laquelle les représentants des entreprises ont conclu un accord au cours de leur réunion de Versailles en 1996 sur la réponse de BPB ([considérants] 232 et 234 de la décision [attaquée]) et sur la déclaration de M. [G] ([considérant] 242 de la décision [attaquée]) à laquelle la requérante n'a pas non plus eu accès.

- S'agissant de la preuve de son cinquième grief concernant les échanges d'informations et les hausses de prix concertées sur le marché allemand, la défenderesse utilise les réponses de BPB et de Lafarge à la communication des griefs, notamment, afin d'établir une prétendue augmentation des prix ([considérant] 395 de la décision [attaquée]). "

49 Ainsi qu'il ressort de cette citation, à l'exception de quelques exemples plus détaillés, la requérante ne fait qu'énumérer les considérants de la décision attaquée dans lesquels sont mentionnés les documents auxquels l'accès a été refusé. Or, une telle énumération ne suffit pas pour satisfaire à l'obligation posée par la jurisprudence selon laquelle la requérante doit démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans cette décision aurait été différent si les documents litigieux avaient été écartés comme moyens de preuve à charge.

50 En conséquence, il y a lieu d'examiner la prétendue violation de l'accès aux documents en tant que moyens de preuve contenant des éléments à charge uniquement à la lumière des griefs expressément soulevés par la requérante.

51 En ce qui concerne l'exemple avancé par Knauf relatif à la réunion de Londres de 1992, la tenue ainsi que l'objet de cette réunion avaient déjà été admis par BPB dans sa réponse du 28 octobre 1999 à la deuxième demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, que la Commission a transmise à la requérante en annexe D à la communication des griefs. Par ailleurs, l'existence de cette réunion a été confirmée par Knauf dans sa réponse à la communication des griefs. En outre, ainsi qu'il ressort du considérant 56 de la décision attaquée, dans sa réponse à la communication des griefs, BPB ne présentait pas de faits nouveaux, mais cherchait seulement à minimiser l'importance de la réunion de Londres.

52 La conclusion selon laquelle cette réunion a modifié la situation sur le marché en cause ne concerne pas l'existence d'une infraction, mais ses éventuels effets. En outre, la Commission avait déjà fait valoir dans la communication des griefs que, peu après la réunion de Londres, une hausse des prix avait eu lieu. En conséquence, il ne s'agit pas d'un nouvel élément à charge auquel la requérante n'a pas eu accès.

53 S'agissant de l'exemple concernant l'échange des données sur les volumes de ventes sur les quatre marchés en cause, la requérante ne conteste pas l'existence de cet échange. En outre, ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, cette existence est confirmée par plusieurs preuves documentaires (considérants 74 à 94). Cependant, la requérante estime que la Commission utilise la réponse de BPB à la communication des griefs comme preuve principale pour démontrer que le but de cet échange était de mettre fin à la guerre des prix.

54 Cette affirmation doit être écartée. En effet, ainsi qu'il ressort de l'examen du deuxième moyen ci-après, compte tenu du caractère oligopolistique du marché des plaques en plâtre, les échanges d'informations atténuaient le degré d'incertitude des entreprises concernées sur le fonctionnement du marché en cause. Ainsi, par l'échange d'informations, les participants à l'entente pouvaient surveiller l'évolution des parts de marché de chacun et s'assurer qu'aucun producteur ne bouleverserait la stabilité du marché.

55 L'aveu même de la requérante selon lequel, tel qu'il était organisé, l'échange d'informations poursuivait un seul objectif, à savoir vérifier dans les grandes lignes les estimations individuelles des conditions du marché et, notamment, le volume de ce dernier, appuie la conclusion de la Commission. En effet, une interprétation selon laquelle la requérante avait besoin de connaître le volume du marché pour vérifier que, bien qu'il ait été convenu de mettre fin à la guerre des prix, sa part de marché ne diminuait pas est plus plausible. Si le marché était transparent et si les données échangées pouvaient être collectées sur le marché, les entreprises concernées n'auraient pas eu besoin de commencer l'échange litigieux. En outre, il ressort du considérant 117 de la décision attaquée que les données échangées n'étaient pas disponibles sur le marché.

56 Cette conclusion est corroborée par la réponse de BPB du 28 octobre 1999 à la deuxième demande de renseignements :

" [Knauf et BPB] se sont mis[es] d'accord pour échanger les chiffres de leurs volumes de ventes 1991, afin de se doter d'une base fiable pour le futur pour vérifier que cet accord [original en anglais : 'understanding'] était mis en œuvre (c'est-à-dire simplement pour se donner mutuellement une image plus précise de la taille globale du marché et donc de leurs propres parts de marché). Ceci était nécessaire, car il n'y avait pas de statistiques industrielles fiables. "

57 Ainsi, la réponse de BPB à la communication des griefs ne constitue pas la seule preuve dont disposait la Commission quant à l'objectif de l'échange litigieux.

58 Quant à l'exemple relatif aux hausses des prix au Royaume-Uni et en Allemagne, la référence aux réponses de Lafarge et de BPB à la communication des griefs figurant aux considérants 212 et 395 de la décision attaquée ne concerne que les prétendus effets de l'infraction. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 261). Dans ces conditions, même si les réponses de BPB et de Lafarge citées aux considérants 212 et 395 de la décision attaquée étaient écartées, cela n'influencerait pas, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par la Commission dans ladite décision sur l'existence de l'infraction. La question de savoir si le fait d'écarter ces éléments de preuve est susceptible d'avoir une incidence sur l'appréciation des effets de l'infraction sur le marché et donc sur le montant de l'amende résultera de l'examen du cinquième moyen relatif à la contestation du montant de l'amende infligée à la requérante.

59 S'agissant de l'affirmation de la requérante selon laquelle la démonstration de la Commission sur la stabilisation du marché allemand se fonde essentiellement sur les réponses de BPB, de Lafarge et de Gyproc à la communication des griefs, elle n'est pas davantage pertinente. Il ressort des considérants 220 à 231 de la décision attaquée que les constatations de la Commission en ce qui concerne la réunion de Versailles reposent principalement sur une note de Gyproc, citée au considérant 222 de la décision, et sur les déclarations faites par cette entreprise, jointes en annexe à la communication des griefs. De plus, Knauf a admis elle-même l'existence de cette réunion et le fait que la situation sur le marché allemand avait été discutée à cette occasion.

60 S'agissant du grief de la requérante selon lequel elle n'a pas eu accès à la déclaration de M. [G], communiquée par Lafarge à la Commission à la suite de l'audition, qui est citée aux considérants 132, 170, 213, 228 et 504 de la décision attaquée, cette affirmation manque en fait. En effet, la déclaration de M. [G] a été transmise à la requérante par le conseiller-auditeur par courrier du 7 septembre 2001, qui est annexé à la requête.

61 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la Commission a seulement conclu que les entreprises en cause s'étaient rencontrées à Versailles en 1996, à Bruxelles en 1997 et à La Haye en 1998 en vue de se répartir ou, tout au moins, de stabiliser le marché allemand, mais n'a pas prétendu qu'elles avaient réussi à conclure un accord sur l'attribution des parts du marché allemand.

62 Dès lors, le résultat auquel la Commission est parvenue dans la décision attaquée n'aurait pas été différent si les réponses de BPB, de Gyproc et de Lafarge à la communication des griefs mentionnées par Knauf avaient dû être écartées du dossier. Il s'ensuit que le grief tiré d'un refus d'accès à des moyens de preuve à charge ne saurait être accueilli sous réserve de l'éventuelle incidence de l'absence de prise en considération des déclarations de Lafarge et de BPB figurant aux considérants 212 et 395 de la décision attaquée sur la fixation du montant de l'amende infligée à la requérante.

63 Toutefois, le Tribunal examinera ci-après le fond de l'affaire en écartant, à titre surabondant, tous les éléments à charge tirés des réponses des autres destinataires de la communication des griefs afin de vérifier si l'appréciation de la Commission sur l'existence et les effets de l'infraction est démontrée à suffisance de droit même sans ces éléments litigieux.

Sur la deuxième branche, tirée d'un refus d'accès aux moyens de preuve pouvant contenir des éléments à décharge

Arguments des parties

64 La requérante estime que ses droits ont également été violés du fait qu'elle n'a pas eu la possibilité de consulter les nouveaux moyens de preuve afin de vérifier si des éléments à décharge y figuraient. Or, il appartiendrait à la requérante de décider quels sont les documents utiles à sa défense.

65 Il s'agirait notamment de la réponse de BPB à la communication des griefs. La requérante fait valoir que, dans un communiqué de presse du 27 novembre 2002, BPB a nié avoir participé à des pratiques illégales. Pour cette raison, la requérante estime que la Commission a peut-être cité seulement les passages à charge des réponses de BPB à la communication des griefs sans les replacer dans leur contexte.

66 La Commission considère que cet argument est un renversement de l'affirmation selon laquelle la requérante se serait injustement vu refuser l'accès aux réponses des autres destinataires à la communication des griefs.

Appréciation du Tribunal

67 S'agissant de l'absence de communication d'un document à décharge, l'entreprise concernée doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influencer, à son détriment, le déroulement de la procédure administrative et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit que l'entreprise démontre qu'elle aurait pu utiliser ledit document à décharge pour sa défense, en ce sens que, si elle avait pu s'en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission et aurait donc pu influencer, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par cette dernière dans la décision, au moins en ce qui concerne la gravité et la durée du comportement qui lui était reproché, et, partant, le montant de l'amende. Dans ce contexte, la possibilité qu'un document non divulgué ait pu avoir une influence sur le déroulement de la procédure administrative et le contenu de la décision de la Commission ne peut être établie qu'après un examen provisoire de certains moyens de preuve faisant apparaître que les documents non divulgués pouvaient avoir - au regard de ces moyens de preuve - une importance qui n'aurait pas dû être négligée (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, points 74 à 76).

68 Knauf ayant demandé à avoir accès aux réponses des autres destinataires de la décision à la communication des griefs par sa note du 20 août 2001 et ayant soulevé le présent grief, le Tribunal a décidé, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, de lui accorder l'accès aux versions non confidentielles de ces réponses. Il l'a également invitée à lui faire connaître ses observations en vue de démontrer en quoi, selon elle, le défaut de communication de ces pièces avait pu porter atteinte à sa défense. La réponse de Knauf lui est parvenue le 7 juillet 2006. La Commission a déposé ses observations sur cette réponse le 20 octobre 2006.

69 En ce qui concerne la réunion de Londres, Knauf estime que la réponse de BPB à la communication des griefs aurait pu étayer sa propre argumentation visant à démontrer que, même si BPB et elles avaient concédé avoir échangé certaines informations statistiques, cet échange n'avait pas pu avoir une quelconque influence sur la concurrence et n'avait pas été conclu dans le but de réduire la concurrence existante. À cet égard, elle se réfère aux points 4.1.17 et 4.1.25 de la réponse de BPB à la communication des griefs. Knauf en déduit que BPB n'a pas reconnu l'infraction, mais l'a, au contraire, contestée.

70 Toutefois, il ne saurait être considéré qu'il s'agit d'éléments à décharge. En effet, dans les deux points de la réponse de BPB auxquels Knauf fait référence, BPB, sans contester les faits en tant que tels, affirme qu'aucun accord n'a été conclu. Or, la circonstance qu'un autre participant à l'entente nie que certains faits constituent une infraction ne peut être considérée comme un élément à décharge (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, point 353).

71 En ce qui concerne l'affirmation de Knauf selon laquelle le point 4.1.15 de la réponse de BPB démontre que celle-ci s'est méfiée des cousins de la famille Knauf et qu'ainsi l'échange d'informations n'a pas pu restreindre la concurrence, car BPB doutait du fait qu'elle recevrait des informations exactes, il suffit de rappeler que, même à supposer que BPB se soit méfiée des informations que Knauf lui a fournies, l'infraction commise n'est pas éliminée pour autant, car le fait de ne pas respecter une entente ne change rien à l'existence même de celle-ci (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, point 74 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141-94, Rec. p. II-347, points 233, 255, 256 et 341, et du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T-322-01, Rec. p. II-3137, points 172 à 176).

72 Quant à son affirmation selon laquelle une concurrence intense a perduré sur le marché après la réunion de Londres, Knauf a utilisé la même argumentation dans sa réponse à la communication des griefs.

73 En ce qui concerne l'échange d'informations sur les quatre marchés en cause, Knauf considère que le point 4.2.1 de la réponse de BPB aurait pu l'aider dans sa défense, étant donné que BPB nie également que l'échange d'informations intervenu après 1993 ait eu pour objet de contrôler la mise en œuvre d'un quelconque accord ou pratique commune. À cet égard, il s'agit à nouveau d'une affirmation et non d'un élément à décharge. Le simple fait que BPB ait avancé, en substance, les mêmes arguments que Knauf quant à la qualification juridique des faits ne saurait constituer un élément à décharge.

74 De ce même point 4.2.1, il ressort également que, selon BPB, cet échange d'informations était connu uniquement de M. [D], administrateur de Gyproc et président-directeur général (P.-D.G.) de BPB de 1994 à 1999. Knauf en conclut que, si les informations échangées ne parviennent pas aux personnes qui décident de la politique de concurrence d'une entreprise, l'échange d'informations ne peut influencer son comportement concurrentiel ni dans son objet ni dans ses effets. Or, cet élément n'aurait pu changer le résultat final, étant donné que la Commission a déjà examiné de tels arguments aux considérants 447 à 454 de la décision attaquée. De plus, il n'est nullement démontré que les informations échangées étaient effectivement connues seulement de M. [D].

75 En ce qui concerne les augmentations de prix envisagées sur le marché du Royaume-Uni, Knauf considère qu'elle aurait pu utiliser pour sa défense l'information fournie au point 4.2.20 de la réponse de BPB, selon laquelle les informations échangées étaient peu fiables, et au point 4.3.46, selon laquelle BPB subissait une forte concurrence de sa part au Royaume-Uni. Or, ainsi qu'il ressort de la réponse même de Knauf du 7 juillet 2006, cette dernière a déjà présenté des informations similaires pour sa défense dans sa propre réponse à la communication des griefs.

76 En ce qui concerne la prétendue stabilisation du marché allemand, Knauf estime qu'elle aurait pu utiliser les points 4.3.28 et 4.3.34 de la réponse de BPB à la communication des griefs pour étayer son argumentation selon laquelle il n'y avait eu aucun accord conclu à la réunion de Versailles. Or, le simple fait que, dans les points invoqués, BPB ait avancé, en substance, les mêmes arguments que Knauf quant à l'absence d'accord ne saurait constituer un élément à décharge.

77 En ce qui concerne le système d'échange d'informations que les entreprises en cause avaient organisé en novembre 1996 avec l'aide d'un expert indépendant (ci-après le " système d'échange d'informations "), Knauf considère qu'elle aurait pu utiliser pour sa défense les points 4.3.38 et 4.3.39 de la réponse de BPB dans lesquels celle-ci affirmerait qu'elle considérait a priori ledit système comme légal. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'une éventuelle qualification du système d'échange d'informations par les participants à l'entente n'est pas un élément de fait qui pourrait être utilisé comme un élément à décharge, mais que cette qualification ressort en dernier lieu de la compétence du Tribunal. En outre, ainsi que la Commission l'a fait valoir, Knauf a déjà elle-même souligné le caractère prétendument légal du système d'échange d'informations dans sa réponse à la communication des griefs.

78 Dès lors, même si la requérante avait pu se prévaloir de ces documents lors de la procédure administrative, les appréciations portées par la Commission n'auraient pu être influencées par ces documents.

79 Eu égard à tout ce qui précède, le grief tiré d'un refus d'accès au dossier en ce qui concerne les éléments à décharge doit être rejeté.

Sur la troisième branche, relative aux divergences entre la décision attaquée et la communication des griefs

Arguments des parties

80 La requérante fait valoir que la décision attaquée s'écarte de la communication des griefs en ce qu'elle se fonde sur de nouveaux éléments de fait.

81 Ce serait notamment le cas en ce qui concerne les circonstances entourant la réunion de Londres de 1992. Dans la communication des griefs (points 38 à 40), la Commission n'aurait abordé cette réunion que brièvement et de manière très générale sur une page et demie. Dans la décision attaquée (considérants 52 à 73), en revanche, elle soulèverait, sur six pages, des griefs détaillés à l'encontre de la requérante et de BPB, griefs qui contiendraient de nombreuses divergences par rapport à la présentation de la communication des griefs et qui seraient fondés sur des extraits des réponses des entreprises concernées qui n'auraient été transmises aux intéressés ni par la communication des griefs ni par aucun acte ultérieur.

82 La Commission rejette ce grief. Elle indique que la communication des griefs (points 38 à 40) et la décision attaquée (considérants 52 à 73) ne présentent aucune divergence substantielle quant à l'exposé des faits.

Appréciation du Tribunal

83 Le respect des droits de la défense dans une procédure susceptible d'aboutir à des sanctions telles que celle en cause exige que les entreprises et les associations d'entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 38 supra, point 138).

84 Cette exigence est respectée lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l'exposé des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer. Il en résulte que la Commission ne peut retenir que les griefs au sujet desquels ces derniers ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 38 supra, point 138).

85 En l'espèce, il est manifeste que Knauf a eu l'occasion de présenter ses observations sur le grief clé qui sous-tend l'approche de la Commission, à savoir l'idée selon laquelle Knauf et BPB ont conclu un accord au cours de la réunion de Londres.

86 À cet égard, ainsi qu'il ressort des points 38 à 40 de la communication des griefs, la Commission indique clairement qu'elle considère que, lors de cette réunion, BPB et Knauf sont tombées d'accord sur le fait qu'il devait être mis un terme à la guerre des prix, et qu'elles sont convenues d'échanger les chiffres de leurs volumes de ventes en 1991. Elle ajoute que c'est après la réunion de Londres qui s'est tenue entre BPB et Knauf que Lafarge et Gyproc sont entrées dans le processus d'échange de renseignements.

87 La raison pour laquelle l'exposé des observations relatives à la réunion de Londres est plus long dans la décision attaquée s'explique par le fait que, dans cette dernière, la Commission a également ajouté les observations de la requérante et de BPB sur sa première appréciation quant à la finalité de la réunion de Londres.

88 À cet égard, il y a lieu de constater que la qualification juridique des faits retenue dans la communication des griefs ne peut être, par définition, que provisoire, et une décision ultérieure de la Commission ne saurait être annulée au seul motif que les conclusions définitives tirées de ces faits ne correspondent pas de manière précise à cette qualification intermédiaire. En effet, la Commission doit entendre les destinataires d'une communication des griefs et, le cas échéant, tenir compte de leurs observations visant à répondre aux griefs retenus en modifiant son analyse, précisément pour respecter leurs droits de la défense (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-44-00, Rec. p. II-2223, point 100).

89 Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen.

Sur la quatrième branche, tirée de la nature incomplète des documents fournis

Arguments des parties

90 Selon la requérante, les moyens de preuve mis à la disposition des entreprises concernées dans le cadre de l'accès au dossier lors de la communication des griefs étaient pour la plupart incomplets.

91 Elle ajoute que la dissimulation de certaines parties des documents a excédé ce qui était nécessaire. En outre, des résumés non confidentiels auraient dû être rédigés, résumés qui auraient repris la nature et la teneur desdits documents de manière suffisamment précise pour permettre de vérifier et, le cas échéant, de contester le bien-fondé de la dissimulation.

92 En outre, le dossier administratif n'aurait pas eu de table des matières permettant de connaître les documents y figurant.

93 La Commission souligne qu'elle a permis à la requérante de consulter le dossier administratif en lui transmettant l'ensemble des documents non confidentiels sur support électronique (CD-ROM). Elle y aurait joint une liste énumérative indiquant l'origine de chaque pièce du dossier ainsi que la version non confidentielle des documents confidentiels.

Appréciation du Tribunal

94 La requérante affirme, de façon très générale, que l'accès au dossier qui lui a été donné a été incomplet en ce que la dissimulation de certains passages des documents a excédé ce qui était nécessaire, que la Commission a violé son obligation de rédiger des résumés non confidentiels de ces documents et qu'aucune table des matières n'a été fournie.

95 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. En outre, en vertu de la jurisprudence, indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d'autres informations. Il faut, en effet, que, pour qu'un recours soit recevable, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (voir arrêt Roquette Frères/Commission, point 71 supra, point 208, et la jurisprudence citée).

96 En l'espèce, la requérante n'a pas identifié avec une précision suffisante les documents dont les passages auraient été dissimulés d'une façon non justifiée. En effet, la requérante donne un seul exemple, à savoir celui des prix surannés. Or, même pour cet exemple, la requérante n'explique pas de quel document il s'agit et ne l'a pas annexé à sa requête.

97 En ce qui concerne la prétendue absence de table des matières, cette affirmation n'est pas davantage étayée.

98 De plus, le fait pour la Commission de ne pas fournir une liste de tous les documents figurant dans son dossier administratif aux entreprises concernées au stade de la procédure administrative ne constitue pas en lui-même une violation des droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 88 supra, point 54).

99 En toute hypothèse, il convient de relever que les droits de la défense ne sont violés du fait d'une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité pour l'entreprise mise en cause de se défendre (arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 88 supra, point 55).

100 Or, la requérante n'explique nullement de quelle manière les griefs soulevés dans le présent contexte ont eu une incidence sur sa défense.

101 En conséquence, la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée.

Sur la cinquième branche, relative à la confidentialité de l'audition de Gyproc

Arguments des parties

102 La requérante estime que le conseiller-auditeur n'aurait pas dû entendre Gyproc en l'absence des autres entreprises concernées. Le caractère erroné de la décision du conseiller-auditeur résulterait notamment de l'article 12, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2842-98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18), selon lequel l'exclusion de l'audition d'autres entreprises concernées par la procédure administrative et prenant part à ladite audition ne serait justifiée que de manière exceptionnelle lorsqu'il existe un intérêt légitime au secret. Or, la requérante considère que Gyproc ne s'était pas prévalue d'un tel intérêt. Le traitement confidentiel demandé par Gyproc aurait concerné sa relation avec ses deux actionnaires. Or, selon la communication succincte du conseiller-auditeur, l'objet de l'audition confidentielle du 17 juillet 2001 aurait porté sur un tout autre aspect, à savoir que Gyproc était une entreprise de moindre importance et que cette circonstance justifiait éventuellement une amende plus réduite. La requérante soutient que l'audition confidentielle aurait dû être interrompue étant donné que son objet réel divergeait de l'objet précédemment annoncé.

103 La requérante fait valoir que ce vice de procédure n'a pas été régularisé par le fait que la Commission lui a, par lettre du 10 août 2001, transmis un résumé de différents passages non confidentiels des déclarations faites par M. [E], administrateur délégué de Gyproc, lors de cette audition confidentielle.

104 La requérante affirme qu'elle avait, tout comme Lafarge et BPB, soulevé le vice de procédure avant le début de l'audition confidentielle de Gyproc. Dès lors, le rapport final du conseiller-auditeur serait également entaché d'un vice de procédure, puisqu'il n'aurait pas mentionné les objections procédurales soulevées par la requérante sur ce point.

105 La Commission conclut au rejet de ces arguments.

Appréciation du Tribunal

106 Par ce grief, la requérante affirme, en substance, que le conseiller-auditeur a entendu, à tort, Gyproc en l'absence des autres entreprises concernées au motif que celle-ci ne s'était pas prévalue d'un intérêt légitime au secret. Or, elle ne précise pas de quelle manière son exclusion de l'audition de Gyproc a concrètement violé ses droits de la défense. Elle ne donne aucun exemple de la manière dont la Commission aurait dû utiliser dans la décision attaquée l'éventuelle information transmise par Gyproc lors de cette audition.

107 En effet, la requérante considère seulement que l'objet de cet entretien a pu avoir une influence sur la détermination de la participation de Gyproc à l'entente et, en conséquence, sur le montant de son amende. Elle considère que la Commission n'a, à tort, pas tenu compte de l'appartenance de Gyproc à un groupe et que cette dernière n'est, en réalité, pas une petite entreprise.

108 À cet égard, il suffit de rappeler que, même à supposer que, à la suite de l'audition en question, le montant de l'amende infligée par la Commission à Gyproc ait été trop faible, le respect du principe d'égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d'autrui (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Lögstör Rör/Commission, T-16-99, Rec. p. II-1633, point 350).

109 Ainsi, même en admettant que Gyproc ait pu influencer la Commission quant à la détermination du montant de sa propre amende lors de cette audition confidentielle, une telle situation ne constituerait pas un moyen d'annulation en faveur de la requérante.

110 S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la procédure administrative a été viciée également par le fait que le rapport du conseiller-auditeur était incomplet en ce que ses objections sur la confidentialité de l'audition de Gyproc n'y étaient pas mentionnées, cet argument doit être rejeté pour les mêmes raisons que celles justifiant le rejet du grief relatif à la confidentialité de l'audition de Gyproc.

111 En toute hypothèse, il convient de relever que les droits de la défense ne sont violés du fait d'une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité pour l'entreprise mise en cause de se défendre (arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 88 supra, point 55).

112 Or, la requérante n'a pas démontré que tel était le cas.

113 Dans ces conditions, la cinquième branche du premier moyen doit être rejetée.

Sur la sixième branche, relative au changement du conseiller-auditeur pendant la procédure administrative

Arguments des parties

114 La requérante fait valoir que le conseiller-auditeur a changé durant la procédure administrative. C'est pourquoi il n'y aurait pas eu de continuité dans la garantie des droits de la défense.

115 En outre, dans son rapport, le conseiller-auditeur n'aurait pas examiné l'objection de la requérante selon laquelle elle n'avait pas eu accès aux preuves clés utilisées dans la décision attaquée et, notamment, aux réponses à la communication des griefs. Il ne mentionnerait pas non plus l'objection relative au caractère incomplet de l'accès au dossier accordé avant la rédaction de la communication des griefs.

116 La Commission souligne que la défense de la requérante n'a nullement été entravée par le changement de conseiller-auditeur. Quant au rapport de ce dernier, il constituerait un document purement interne à la Commission et n'aurait pour elle qu'une valeur d'avis.

117 La Commission fait valoir que les entreprises qui entendent contester l'accès au dossier qui leur a été accordé doivent présenter une demande motivée, ce que la requérante a omis de faire.

Appréciation du Tribunal

118 S'agissant du changement de conseiller-auditeur au cours de la procédure administrative, force est de constater, d'emblée, que la requérante n'explique nullement en quoi le changement de conseiller-auditeur a concrètement violé ses droits de la défense.

119 En ce qui concerne le caractère prétendument incomplet du rapport du conseiller-auditeur, la requérante soutient que le conseiller-auditeur n'a pas mentionné ses objections d'ordre procédural. Son rapport final contiendrait donc des erreurs qui auraient pu influencer la Commission, au détriment de la requérante.

120 À et égard, il y a lieu de rappeler que, selon les considérants 2, 3 et 8 de la décision 2001-462-CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), la Commission est appelée à veiller à ce que le droit des personnes concernées par une procédure de concurrence d'être entendues tout au long de cette procédure soit garanti. Elle doit confier la conduite des procédures administratives en la matière à une personne indépendante, qui possède l'intégrité nécessaire pour contribuer à l'objectivité, à la transparence et à l'efficacité de ces procédures.

121 Il est prévu à l'article 13, paragraphe 1, de la décision 2001-462 :

" Le conseiller-auditeur fait rapport au membre de la Commission chargé de la concurrence sur l'audition et sur les conclusions qu'il en tire, quant au respect du droit d'être entendu. Les observations contenues dans ce rapport portent sur les aspects procéduraux, notamment la divulgation des documents et l'accès au dossier, les délais de réponse aux communications des griefs et le déroulement de l'audition. "

122 En vertu de l'article 15 et de l'article 16, paragraphe 1, de la décision 2001-462, le conseiller-auditeur élabore un rapport final sur le respect du droit d'être entendu, qui examine aussi si le projet de décision ne retient que les griefs au sujet desquels les entreprises concernées ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue et qui est joint au projet de décision soumis à la Commission, de manière que celle-ci, lorsqu'elle prend une décision, soit pleinement informée de " tous les éléments pertinents " en ce qui concerne le déroulement de la procédure administrative et le respect du droit d'être entendu.

123 Ainsi qu'il ressort des dispositions susmentionnées, le conseiller-auditeur n'a pas pour tâche de rassembler tous les griefs d'ordre procédural avancés par les intéressés au cours de la procédure administrative. Il n'est tenu de communiquer à la Commission que les griefs pertinents pour l'appréciation de la légalité du déroulement de la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 53).

124 En l'espèce, le conseiller-auditeur a présenté un rapport final le 19 novembre 2002, en application de l'article 15 de la décision 2001-462. Dans ce rapport final, il ne mentionne effectivement pas le fait que Knauf avait présenté, pendant la procédure administrative, une demande d'accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs.

125 À cet égard, il convient de rappeler que le rapport du conseiller-auditeur constitue un document purement interne à la Commission, qui n'a pas pour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises et qui ne présente donc aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II-931, ci-après l'" arrêt LVM/Commission ", point 375, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9/99, Rec. p. II-1487, point 40).

126 En conséquence, le fait que le rapport du conseiller-auditeur est incomplet ou erroné ne peut pas constituer un vice de la procédure administrative, susceptible d'entacher d'illégalité la décision qui en constitue l'aboutissement.

127 En tout état de cause, étant donné que la requérante n'a pas démontré que ses droits de la défense ont été violés par le refus d'accéder aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs, l'argument relatif au prétendu caractère incomplet du rapport final du conseiller-auditeur est inopérant.

128 Il résulte de ce qui précède que la sixième branche du premier moyen doit être rejetée.

Sur la septième branche, tirée de la violation du droit d'être entendu résultant des connaissances linguistiques insuffisantes des fonctionnaires chargés de l'affaire

Arguments des parties

129 La requérante considère que la Commission a violé ses droits de la défense et le principe du droit d'être entendu en remplaçant, à un stade avancé de la procédure administrative et après l'audition, les fonctionnaires initialement chargés de l'affaire qui maîtrisaient la langue allemande par d'autres fonctionnaires dont les connaissances dans ladite langue étaient insuffisantes. Elle estime que l'essence même du droit d'être entendu implique que l'intéressé puisse se faire comprendre du fonctionnaire responsable de l'affaire, et ce sans difficulté.

130 La requérante donne différents exemples concrets qui, selon elle, illustrent le fait que des déclarations qui ont été faites dans le cadre de sa réponse à la communication des griefs n'ont, d'un point de vue linguistique, pas été comprises ou, à tout le moins, ont été mal comprises. La requérante estime que cela a eu des répercussions négatives pour elle dans la décision attaquée, étant donné que cette dernière est, dans des passages essentiels, fondée sur des interprétations textuelles de son propre exposé.

131 La requérante avance comme premier exemple de la compréhension insuffisante ou mauvaise de ses affirmations l'interprétation erronée de sa réponse à la communication des griefs en ce qui concerne la réunion de Londres. Le conseiller juridique de la requérante aurait déclaré que ce qui avait éventuellement été discuté à Londres n'était clairement " aux yeux de tout un chacun " rien d'autre que " des promesses de politiciens " (Sonntagsrede eines Politikers). La Commission, qui a repris cette déclaration dans la décision attaquée (considérant 65), aurait, à tort, ajouté que la requérante avait exprimé une " compréhension commune ". La mauvaise compréhension de la Commission ressortirait également du commentaire suivant :

" [Knauf] estime, pour autant qu'on puisse comprendre le sens de cette phrase, qu'il n'y avait pas plus d'engagement réciproque dans les propos échangés que dans des promesses de politiciens. Toutefois, la Commission estime que les formules employées par Knauf permettent à tout le moins de confirmer l'existence d'une volonté de s'influencer réciproquement. "

132 Un deuxième exemple donné par la requérante est l'appréciation de la réunion de Londres effectuée par la Commission au considérant 69 de la décision attaquée. BPB aurait mentionné le terme " accord " (understanding), mais aurait voulu uniquement indiquer que la requérante et elle-même étaient d'accord sur l'analyse d'un point déterminé, sans que cela relève d'une pratique concertée. C'est pourquoi, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante aurait expliqué qu'il n'y avait pas eu d'accord ni rien de semblable entre BPB et elle. Le conseiller juridique de la requérante aurait souligné, afin d'appuyer les propos de celle-ci, qu'il pouvait tout au plus y avoir eu un " appel à la raison commerciale ". Il résulterait de cette explication du conseiller juridique qu'il n'y a pas nécessairement eu " d'appel à la raison commerciale ", mais que, de manière hypothétique, l'objet de la discussion aurait, tout au plus, pu être quelque chose de totalement vague et indéterminé.

133 De même, l'affirmation de la Commission figurant au considérant 126 de la décision attaquée, selon laquelle les déclarations de Knauf confirment largement la présentation des faits issue des déclarations de BPB en ce qui concerne le prétendu échange d'informations et sa finalité, montrerait que la Commission n'était, d'un point de vue linguistique, pas en mesure d'apprécier les objections de Knauf.

134 Quant au considérant 241 de la décision attaquée dans lequel la Commission a estimé que la déclaration de Knauf n'était pas dépourvue d'ambiguïté, cette dernière soutient que l'objection soulevée par elle dans sa réponse à la communication des griefs est d'une grande clarté, en ce qu'elle conteste sans équivoque qu'un accord a été conclu.

135 La Commission conteste les affirmations de la requérante et soutient que, en tout état de cause, même si elle avait interprété erronément certaines déclarations, il s'agirait éventuellement d'une erreur portant sur le fond, et non sur la procédure.

Appréciation du Tribunal

136 Par cette branche, la requérante affirme, en substance, que son droit d'être entendue a été violé au motif que les fonctionnaires de la Commission chargés de l'instruction de l'affaire après l'audition ne connaissaient pas suffisamment l'allemand et que, par conséquent, la décision attaquée serait entachée d'erreurs d'interprétation de sa réponse à la communication des griefs.

137 À cet égard, même à supposer qu'il soit établi que des fonctionnaires de la Commission chargés de l'affaire ne possédaient pas les connaissances linguistiques nécessaires, il suffit de relever, dans la mesure où Knauf fait valoir que la Commission a violé les droits de la défense, que les connaissances linguistiques d'un membre de l'équipe chargée de l'enquête au sujet d'une entente ne sauraient en elles-mêmes être déterminantes afin d'apprécier la question de savoir si une éventuelle violation des droits de la défense a été commise par la Commission.

138 En effet, si la Commission a, en interprétant les déclarations de la requérante, et en les utilisant comme démonstration des différents faits, commis une erreur, il s'agit d'une erreur entachant le fond de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005 Tokai Carbon e.a./Commission, point 71 supra, point 154). Ainsi, il y a lieu d'examiner les exemples que la requérante a avancés en ce qui concerne la prétendue insuffisance linguistique des fonctionnaires chargés de l'affaire dans le cadre du deuxième moyen, qui vise à démontrer qu'il n'y a pas eu de violation de l'article 81, paragraphe 1, CE.

139 Il s'ensuit que la septième branche du premier moyen doit être rejetée dans la mesure où la requérante la soulève en tant qu'une violation de ses droits procéduraux. Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans sa totalité.

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 81, paragraphe 1, CE

140 La requérante estime qu'aucune infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE ne saurait lui être reprochée. Elle conteste ainsi le caractère infractionnel des éléments suivants :

- la réunion de Londres en 1992 ;

- l'échange d'informations sur les quantités vendues en Allemagne, en France, au Benelux et au Royaume-Uni pour la période allant de 1992 jusqu'en 1998 ;

- l'échange d'informations sur les hausses de prix au Royaume-Uni pour la période allant de 1992 jusqu'en 1998 ;

- les accords sur les parts de marché en Allemagne (réunions de Versailles, de Bruxelles et de La Haye) à partir de juin 1996 ;

- les accords sur les hausses de prix en Allemagne depuis 1996.

141 La Commission fait valoir qu'elle a considéré que chacun de ces actes individuels constituait une manifestation de la volonté commune des participants de stabiliser au moins les marchés allemand, français, du Royaume-Uni et du Benelux des plaques en plâtre.

Sur la première branche, relative à l'accord de stabilisation du marché concerné lors de la réunion de Londres de 1992

Arguments des parties

142 La requérante fait valoir que la Commission n'a pas été en mesure de fournir la moindre preuve que des accords restrictifs de concurrence avaient été voulus ou conclus lors de la réunion de Londres de 1992. Elle conteste que ses représentants aient exprimé avec ceux de BPB la volonté commune de stabiliser les marchés allemands, français, du Royaume-Uni et du Benelux lors de cette réunion. Au contraire, les deux entreprises auraient contesté avoir conclu ou voulu conclure un accord sur les hausses de prix ou sur les parts de marché. Elle se réfère aux déclarations de BPB telles que citées aux notes en bas de pages n°s 38 et 40 de la décision attaquée, ainsi qu'à sa réponse à la communication des griefs. En outre, il ne serait pas logique que seuls deux vendeurs des produits concernés par la procédure s'entendent sur ce point.

143 La requérante souligne que, dans un marché oligopolistique, le fait que, après une guerre des prix intensive, différents opérateurs expriment leur souhait de voir les relations sur le marché redevenir plus stables peut également être l'expression d'un comportement d'entrepreneur autonome.

144 La Commission fonderait son grief exclusivement sur des déclarations de BPB et de la requérante. Or, ces déclarations ne permettraient pas de conclure que des accords restrictifs de concurrence ont été voulus ou conclus. La requérante soutient qu'il n'y a d'infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE que si les entreprises en cause se sont mutuellement assurées de modifier leur comportement sur le marché de manière déterminée. Lorsque des entreprises se contentent d'essayer de persuader un concurrent d'augmenter les prix sans, toutefois, s'engager elles-mêmes à modifier leur politique de prix, il n'y aurait pas d'accord.

145 Elle ajoute que le simple échange de lieux communs à propos de la sévérité de la concurrence à laquelle BPB et elle-même étaient confrontées qui caractérise la réunion de Londres est tout aussi peu susceptible d'être constitutif d'un concours de volontés (meeting of the minds) que le fait d'avoir échangé après la réunion quelques données statistiques.

146 La requérante fait valoir que la Commission n'a fourni aucune preuve sur le prétendu tournant en ce qui concerne les prix sur le marché des plaques en plâtre qu'elle présente comme une preuve de l'existence d'un accord sur les prix au considérant 71 de la décision attaquée. Elle soutient qu'il résulte du passage cité dans la note en bas de page n° 40 de la décision attaquée que BPB a, unilatéralement et de manière expérimentale, augmenté les prix, mais que les autres entreprises n'ont pas suivi la hausse, de sorte que les prix sont, en partie, retombés à leur niveau antérieur et, en partie, tombés encore plus bas que celui-ci. Dès lors, la déclaration de BPB prouverait, au contraire, que les entreprises fixaient leurs prix indépendamment les unes des autres.

147 La référence, aux considérants 72 et 438 de la décision attaquée, à une expansion prétendue réduite des entreprises ayant participé à la réunion de Londres ne serait pas non plus exacte. Au considérant 49 de la décision attaquée, la Commission décrirait correctement le programme d'expansion de la requérante à la fin des années 80 et au début des années 90 en ce qui concerne les marchés de Scandinavie, de Belgique, d'Espagne, de France et du Royaume-Uni. En 1992, cette expansion aurait été largement réalisée de sorte que la requérante se serait concentrée sur les nouveaux marchés de l'Europe centrale et de l'Est sur lesquels elle était en concurrence avec d'autres producteurs de l'Europe de l'Ouest. Par conséquent, l'expansion de la requérante se serait poursuivie sans aucune restriction après la réunion de Londres. Ces nouvelles capacités auraient provoqué une pression supplémentaire de la concurrence sur le marché géographique concerné par la présente procédure, étant donné que les produits en question se négocieraient de manière transfrontalière.

148 La Commission soutient qu'un accord anticoncurrentiel ne nécessite pas que les participants se sentent liés par cet accord. Seul ce que la requérante a laissé entendre à BPB serait déterminant. En effet, les deux principaux opérateurs du marché auraient, au moins, été en droit de supposer, compte tenu de leurs assurances réciproques relatives à leur volonté de modifier la situation actuelle du marché, que l'autre agirait en ce sens. Leurs déclarations respectives concorderaient sur le fond et traduiraient donc nécessairement une volonté commune. Le début de l'échange des chiffres de ventes à la suite de la réunion de Londres prouverait que telle était effectivement l'hypothèse dont sont parties Knauf et BPB (considérants 437 à 441 de la décision attaquée).

149 La Commission affirme qu'il n'est nullement indiqué dans la décision attaquée que la réunion de Londres avait pour seul objet de mettre fin à la guerre des prix, mais qu'elle a contribué à ce résultat, d'une part, en suscitant une confiance mutuelle et, d'autre part, en engendrant l'accord relatif à l'échange des données relatives aux volumes de ventes. L'autre participant, BPB, aurait confirmé ces deux éléments (considérants 55 et suivants de la décision attaquée). La réunion de Londres serait la première action commune s'inscrivant dans le cadre d'un comportement continu (considérants 419 et 441 de la décision attaquée). Cependant, il y aurait également eu infraction même si la réunion de Londres n'avait pas eu lieu, ainsi qu'il ressort en particulier de la participation de Lafarge à l'entente malgré son absence à ladite réunion.

150 La Commission confirme que la décision attaquée ne repose pas sur un élément tiré d'un " tournant " concernant les prix. Seul l'exposé des faits contiendrait une citation de BPB relative à ce " tournant " (note en bas de page n° 40), ainsi que la constatation que la réunion de Londres de 1992 a mis un terme à la situation instable de la concurrence en Europe, telle que décrite au considérant 49. Outre BPB, Gyproc aurait aussi confirmé (considérant 67) qu'" un tournant a pu être constaté dans l'évolution des prix sur les différents marchés " (considérant 60).

151 Quant au développement des capacités de production, la Commission soutient qu'elle a évalué, dans la décision attaquée, le comportement de la requérante seulement sur les marchés géographiques en cause. En outre, la réunification de l'Allemagne expliquerait l'essor ultérieur du secteur de la construction.

Appréciation du Tribunal

152 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la requérante ne conteste ni l'existence de la réunion de Londres ni sa participation à cette réunion. En revanche, elle estime qu'un aucun accord collusoire n'y a été conclu.

153 Il convient donc d'examiner si la réunion de Londres avait un objet anticoncurrentiel.

154 À cet égard, Knauf a déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs :

" Contrairement à la supposition de la Commission, [la discussion] n'a pas abouti à un accord sur la fin de la guerre des prix. Ce qui peut s'être passé est peut-être que des appels réciproques à la raison commerciale ont pu être échangés afin de mettre un terme à l'évolution ruineuse des prix. Que la concurrence entre les entreprises concernées ne pouvait pas continuer dans la durée dans ces conditions ruineuses, que par conséquent la guerre des prix devait prendre fin, était si clair à ce moment pour chacun qu'une compréhension commune exprimée ('reached an understanding') avait la valeur d'un discours du dimanche de politicien. "

155 En outre, ainsi qu'il ressort du considérant 55 de la décision attaquée, BPB a révélé, dans sa deuxième réponse à la demande de renseignements, que, lors de cette réunion, ses représentants et ceux de Knauf " [étaient] tombés d'accord qu'il était de [son] intérêt, [de celui] de Knauf et [de celui] de l'industrie dans son ensemble (y inclus, finalement, les intérêts des consommateurs) qu'il soit mis fin à la ruineuse guerre des prix et que les producteurs s'efforcent d'être en concurrence à des niveaux économiques plus viables ".

156 BPB a affirmé ultérieurement que le mot " accord " (understanding) utilisé par elle ne devrait être interprété que dans son sens le plus général, à savoir celui de " consensus d'opinions ".

157 Selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (arrêts du Tribunal HFB e.a./Commission, point 125 supra, point 199 ; du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T-61-99, Rec. p. II-5349, point 88, et du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49-02 à T-51-02, Rec. p. II-3033, point 118). En ce qui concerne la forme d'expression de ladite volonté commune, il suffit qu'une stipulation soit l'expression de la volonté des entreprises concernées de se comporter sur le marché conformément à ses termes (arrêt du Tribunal du 14 octobre 2004, Bayerische Hypo- und Vereinsbank/Commission, T-56-02, Rec. p. II-3495, point 60).

158 Il s'ensuit que, pour constituer un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, il suffit qu'un acte ou un comportement apparemment unilatéral soit l'expression de la volonté concordante de deux entreprises concernées au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n'étant pas déterminante par elle-même (arrêt de la Cour du 13 juillet 2006, Commission/Volkswagen, C-74-04 P, Rec. p. I-6585, point 37).

159 Les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable " plan ", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on a décidé ou que l'on envisage de tenir soi-même sur le marché (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, points 173 et 174, et arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, point 157 supra, point 89).

160 Tel est le cas lorsque, entre plusieurs entreprises, existe un gentlemen's agreement représentant la fidèle expression d'une telle volonté commune et portant sur une restriction de la concurrence. Dans ces circonstances, il est sans pertinence d'examiner si les entreprises se sont considérées tenues - juridiquement, factuellement ou moralement - d'adopter le comportement convenu entre elles (arrêt HFB e.a./Commission, point 125 supra, point 200).

161 S'agissant, en particulier, d'accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent lors de réunions d'entreprises concurrentes, la Cour a jugé qu'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE était constituée lorsque ces réunions avaient pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visaient, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, points 508 et 509).

162 Le Tribunal estime que l'explication de Knauf à propos de l'objet de la réunion de Londres satisfait au critère posé par la jurisprudence susmentionnée. En effet, ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, Knauf et BPB ont, toutes les deux, clairement exprimé leur volonté commune de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser le marché. Knauf elle-même admet avoir parlé d'appels réciproques à la raison commerciale.

163 Cette constatation ne saurait être infirmée par l'affirmation de la requérante avancée dans le cadre de la septième branche du premier moyen selon laquelle il résulterait de sa réponse à la communication des griefs qu'il n'y a pas nécessairement eu " d'appel à la raison commerciale ", mais que, de manière hypothétique, l'objet de la discussion aurait, tout au plus, pu être quelque chose de totalement vague et indéterminé.

164 Cette affirmation n'est pas convaincante. Au contraire, elle donne l'impression que la requérante essaie de déformer ses propres écrits. En effet, il ressort de sa réponse à la communication des griefs qu'elle a indiqué ce qui suit :

" Ce qui peut s'être passé, est peut-être que des appels réciproques à la raison commerciale ont pu être échangés afin de mettre un terme à l'évolution ruineuse des prix. "

165 Il ressort clairement de cette phrase que la requérante a fait référence à un appel à la raison commerciale. En outre, même si cette phrase contient le terme " peut-être " (vielleicht), l'explication selon laquelle la discussion ne portait pas sur la nécessité de mettre un terme à la guerre des prix n'est pas plausible. En effet, si la requérante n'avait pas parlé avec BPB de cette nécessité, elle n'aurait eu aucune raison de mentionner que cela avait pu être discuté.

166 Les déclarations de Knauf combinées à la réponse de BPB à la deuxième demande de renseignements suffisent à démontrer que BPB et Knauf ont, toutes les deux, exprimé leur souhait de mettre fin à une guerre des prix et de restreindre ainsi la concurrence.

167 Il découle également de la jurisprudence citée au point 161 ci-dessus que l'argument de la requérante soulevé dans le cadre de la septième branche du premier moyen selon lequel ce qui avait éventuellement été discuté à Londres n'était clairement " aux yeux de tout un chacun " rien d'autre que " des promesses de politiciens " (Sonntagsrede eines Politikers) n'est pas pertinent afin d'évaluer l'objet de la réunion de Londres.

168 L'argument de Knauf soulevé dans le cadre de la septième branche du premier moyen et visant à prétendre que la Commission n'avait pas compris que, dans sa réponse à la communication des griefs, elle avait expliqué qu'il n'y avait pas eu d'accord ni rien de semblable entre BPB et elle-même n'est pas pertinent. En effet, il ressort clairement de la décision attaquée que la Commission a bien compris que Knauf n'admettait pas l'existence d'un accord.

169 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dès lors qu'une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu'elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu'elle souscrit au résultat des réunions et qu'elle s'y conformera, il peut être considéré comme établi qu'elle participe à l'entente résultant desdites réunions (arrêt HFB e.a./Commission, point 125 supra, point 137).

170 L'objet anticoncurrentiel de la réunion de Londres est également corroboré par l'échange d'informations auquel les entreprises ont procédé après cette réunion. Ainsi qu'il ressort du considérant 58 de la décision attaquée, BPB a indiqué, dans sa réponse à la deuxième demande de renseignements, ce qui suit :

" [M. [A] et les cousins de la famille Knauf] lors de cette réunion se sont mis d'accord pour échanger les chiffres de leurs volumes de ventes 1991, afin de se doter d'une base fiable pour le futur pour vérifier que cet accord [original en anglais : 'understanding'] était mis en œuvre (c'est-à-dire simplement pour se donner mutuellement une image plus précise de la taille globale du marché et donc de leurs propres parts de marché). Ceci était nécessaire, car il n'y avait pas de statistiques industrielles fiables. "

171 Knauf a également reconnu que BPB et elle-même avaient procédé à un échange des données de ventes pour les marchés allemand, du Royaume-Uni et français, ainsi que pour le marché belge.

172 Les arguments de Knauf visant à affirmer qu'il s'agissait tout au plus d'une simple tentative d'accord ne sauraient prospérer. En effet, le fait que Knauf et BPB ont exprimé leur volonté commune de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser les marchés en cause constitue un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE.

173 En outre, ainsi que la citation reprise au point 170 ci-dessus le démontre, Knauf et BPB ont exécuté leur plan en mettant cet accord en œuvre en procédant à un échange d'informations sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés. Or, si ces entreprises n'estimaient pas avoir conclu un accord visant à mettre fin à la guerre des prix et à stabiliser les marchés concernés, elles n'auraient pas eu besoin de surveiller les marchés en échangeant des données sur les volumes de ventes.

174 En ce qui concerne les arguments de la requérante selon lesquels la Commission n'a pas démontré qu'il y avait eu effectivement une stabilité des prix ou des parts de marché, ils ne sauraient infirmer cette conclusion.

175 À cet égard, il suffit de rappeler que, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, il suffit qu'un accord ait pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. En conséquence, dans le cas d'accords se manifestant lors de réunions d'entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d'une entreprise déterminée dans l'infraction est valablement retenue lorsqu'elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n'a pas, ensuite, mis en œuvre l'une ou l'autre des mesures convenues lors de celles-ci. L'assiduité plus ou moins grande de l'entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 145). Des entreprises qui concluent un accord ayant pour but de restreindre la concurrence ne sauraient, en principe, échapper à l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE en prétendant que leur accord ne devait pas avoir d'incidence appréciable sur la concurrence.

176 La même constatation s'applique à l'argument de la requérante selon lequel la Commission a commis une erreur en considérant qu'elle avait restreint ses capacités de production.

177 Il s'ensuit que la Commission a considéré à juste titre que, lors de la réunion de Londres, Knauf et BPB avaient exprimé leur volonté commune de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser le marché concerné. Partant, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

Sur la deuxième branche, relative aux échanges d'informations sur les quantités vendues en Allemagne, en France, au Benelux et au Royaume-Uni pour la période allant de 1992 jusqu'en 1998

Arguments des parties

178 La requérante admet avoir échangé des statistiques de ventes avec BPB, Lafarge et Gyproc. Cet échange d'informations n'aurait, toutefois, pas été destiné à soutenir d'autres activités liées à une entente. Il ne devrait donc pas être considéré comme une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE.

179 Elle fait valoir que, avant l'arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission (T-202-98, T-204-98 et T-207-98, Rec. p. II-2035, confirmé par arrêt de la Cour du 29 avril 2004, British Sugar/Commission, C-359-01 P, Rec. p. I-4933), la Cour et le Tribunal considéraient l'échange d'informations sur le marché comme une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE uniquement lorsque ledit échange s'accompagnait d'un accord de quelque nature qu'il soit ou lorsque l'existence d'un effet restrictif de concurrence était établie.

180 Elle soutient également que, à défaut de valeur informative des données de ventes échangées, il n'y a pas de restriction de la concurrence. Elle souligne que les chiffres n'ont été communiqués que sous une forme très brute et imprécise. De plus, ils n'auraient été échangés que de manière sporadique et très tardive et étaient, de ce fait, pour la plupart, simplement historiques. Elle affirme qu'il ne peut être déduit du fait que les chiffres de ventes échangés étaient compilés annuellement, semestriellement et trimestriellement que les entreprises ont également communiqué les données à ce rythme. Elle ajoute que la valeur informative des chiffres de ventes était encore amoindrie par le fait que ces derniers n'étaient pas ventilés selon les différentes sortes de plaques en plâtre.

181 La requérante considère que, tel qu'il était organisé, l'échange d'informations ne pouvait permettre de réaliser qu'un seul objectif, à savoir vérifier dans les grandes lignes les estimations individuelles des conditions du marché et, notamment, le volume de ce dernier.

182 Elle ajoute qu'il appartient à la Commission de prouver qu'elle avait l'intention de restreindre la concurrence par les actes qui lui sont reprochés. La requérante indique qu'elle, Lafarge et Gyproc ont insisté dans toutes leurs déclarations sur le fait que l'échange d'informations n'avait pas pour but de restreindre la concurrence entre elles, mais qu'il visait à tenter d'améliorer leur compréhension de l'évolution du marché.

183 La requérante considère que, même si on pouvait considérer que l'échange des données de ventes constituait une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, il ne s'agirait en aucun cas d'une infraction très grave. Un système d'échange d'informations sur le marché qui, comme en l'espèce, ne s'accompagne pas d'une répartition du marché ou de la clientèle ni d'accords sur les prix ne peut, selon la requérante, influencer la concurrence que de manière négligeable.

184 La Commission fait valoir que, sur un marché oligopolistique restreint, l'échange d'informations secrètes renseigne les entreprises sur la position de leurs concurrents sur le marché et sur leur stratégie de vente et, partant, entrave sensiblement la concurrence résiduelle. La Commission souligne que la requérante considère elle-même les informations échangées au sujet des parts de marché et des prix comme des secrets d'affaires.

185 Elle ajoute que le grief relatif au système d'échange d'informations tend précisément à soutenir que ce système est le résultat de la réunion de Londres de 1992 (considérants 112, 114 et 122 de la décision attaquée) et qu'il a restreint la concurrence dans le cadre de l'infraction unique et complexe (considérants 162 et 442 à 454 de la décision attaquée). Elle indique également que cet échange des informations n'a pas été le seul moyen de surveillance des concurrents. En outre, en se référant au considérant 58 de la décision attaquée, la Commission fait remarquer que BPB et son P.-D.G. à l'époque, M. [A], ont tous deux reconnu que l'échange d'informations servait à contrôler les accords.

Appréciation du Tribunal

186 La requérante ayant admis l'existence de l'échange d'informations en cause, ses arguments ne visent à remettre en question que l'appréciation juridique des faits incontestés opérée par la Commission.

187 Selon la jurisprudence en matière d'accords sur les échanges d'informations, ceux-ci sont contraires aux règles de concurrence lorsqu'ils atténuent ou suppriment le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêt de la Cour du 23 novembre 2006, ASNEF-EQUIFAX et Administración del Estado, C-238-05, Rec. p. I-11125, point 51).

188 En effet, il est inhérent aux dispositions du traité relatives à la concurrence que tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. Ainsi, selon ladite jurisprudence, une telle exigence d'autonomie s'oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l'on envisage d'adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises ainsi que du volume dudit marché (arrêt ASNEF-EQUIFAX et Administración del Estado, point 187 supra, point 52).

189 S'agissant de la légalité de l'échange d'informations, il ressort de la jurisprudence que, sur un marché véritablement concurrentiel, la circonstance qu'un opérateur économique tienne compte des informations sur le fonctionnement du marché, dont il dispose grâce au système d'échange d'informations, pour adapter son comportement sur le marché n'est pas de nature, compte tenu du caractère atomisé de l'offre, à atténuer ou à supprimer, pour les autres opérateurs économiques, toute incertitude quant au caractère prévisible des comportements de ses concurrents. Toutefois, sur un marché oligopolistique fortement concentré, l'échange d'informations sur le marché est de nature à permettre aux entreprises de connaître les positions sur le marché et la stratégie commerciale de leurs concurrents et ainsi à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques (arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7-95 P, Rec. p. I-3111, points 88 et 90).

190 Il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en est d'autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période (arrêt HFB e.a./Commission, point 125 supra, point 216).

191 En l'espèce, le marché des plaques en plâtre était oligopolistique, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la requérante. Il convient donc de vérifier si, compte tenu de cette caractéristique du marché, les échanges d'informations atténuaient ou supprimaient le degré d'incertitude des entreprises concernées sur le fonctionnement du marché en cause et restreignaient ainsi la concurrence sur ledit marché.

192 La requérante considère que, tel qu'il était organisé, l'échange d'informations ne pouvait permettre de réaliser qu'un seul objectif, à savoir vérifier dans les grandes lignes les estimations individuelles des conditions du marché et, notamment, le volume de ce dernier.

193 L'affirmation de la requérante constitue une simple allégation contredite par les déclarations de BPB concernant l'objectif de l'échange entre Knauf et BPB relatif aux chiffres de vente, dont il ressort que l'échange d'informations en cause visait à permettre de mettre fin à la guerre des prix. En effet, aux termes de la réponse de BPB du 28 octobre 1999 à la deuxième demande de renseignements, reprise au considérant 58 de la décision attaquée :

" [Les représentants de BPB et de Knauf] se sont mis d'accord pour échanger les chiffres de leurs volumes de ventes 1991, afin de se doter d'une base fiable pour le futur pour vérifier que cet accord [original en anglais : 'understanding'] était mis en œuvre (c'est-à-dire simplement pour se donner mutuellement une image plus précise de la taille globale du marché et donc de leurs propres parts de marché). Ceci était nécessaire, car il n'y avait pas de statistiques industrielles fiables. "

194 Par ailleurs, si le marché était transparent et si les données échangées pouvaient être collectées sur le marché, comme le prétend la requérante, les entreprises concernées n'auraient pas eu besoin de commencer l'échange litigieux. Or, il ressort du considérant 117 de la décision attaquée que les données échangées n'étaient pas disponibles sur le marché. Les entreprises avaient donc un intérêt à échanger les données en cause.

195 En ce qui concerne l'affirmation de la requérante avancée dans le cadre de la septième branche du premier moyen, selon laquelle la Commission aurait estimé, dans la décision attaquée, qu'elle avait confirmé que l'échange d'informations avait servi au contrôle des parts de marché, alors qu'elle avait soutenu le contraire dans sa réponse à la communication des griefs, cette affirmation n'est pas fondée étant donné qu'il ressort clairement de l'examen des arguments de la requérante exposés dans la décision attaquée qu'elle a contesté cet objet.

196 S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel il n'existait pas de restriction de concurrence à défaut de valeur informative des données de ventes échangées étant donné que les chiffres avaient été communiqués sous une forme très brute et imprécise sans être ventilés selon les différentes sortes de plaques en plâtre, cette allégation est sans pertinence, dans la mesure où les échanges d'informations entre les entreprises en cause avaient pour objet de surveiller que leurs parts de marché respectives restaient stables ou, à tout le moins, ne diminuaient pas. En effet, la requérante et BPB ayant exprimé une volonté commune de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser les marchés en question lors de la réunion de Londres, il suffisait, pour atteindre cet objectif, que les entreprises en question sachent que, en arrêtant la guerre des prix, elles ne perdraient pas de parts de marché. À cette fin, les données générales des ventes, qui permettaient de calculer les parts de marché, étaient suffisantes. Cela explique également la raison pour laquelle les chiffres n'avaient pas besoin d'être ventilés selon les différentes sortes de plaques en plâtre.

197 Concernant l'argument de la requérante selon lequel l'échange de données n'a pas été effectué à intervalles réguliers et, pour ce motif, il ne s'agissait pas d'un mécanisme de contrôle, l'examen de la réunion de Londres démontre, au contraire, que l'explication la plus plausible est que cet échange a justement constitué un mécanisme de contrôle afin de vérifier que la guerre des prix prenait effectivement fin. En tout état de cause, la requérante n'étaye pas véritablement son argument. De plus, l'argument de la requérante ne concerne que les effets éventuels de l'échange de données et, à supposer même qu'il soit fondé, ne saurait ôter sa nature anticoncurrentielle audit échange.

198 Quant à l'affirmation de la requérante selon laquelle la périodicité avec laquelle les données ont été compilées dans les tableaux ne démontre pas que l'échange de ces données a également eu lieu avec la même fréquence, elle est inopérante en l'espèce. En effet, même à supposer que les données sur les volumes de ventes aient été échangées moins fréquemment que ce que démontrent les tableaux trouvés lors des vérifications, cela n'infirmerait pas la conclusion qu'un tel échange était anticoncurrentiel. En tout état de cause, force est de constater que la requérante n'a fourni aucun élément tendant à démontrer que la périodicité desdits tableaux ne correspondait pas à la fréquence à laquelle les échanges d'informations étaient effectués. Dans ces conditions, il convient de conclure que la requérante est restée en défaut de démontrer que la conclusion de la Commission selon laquelle l'échange avait suivi le même rythme que la périodicité desdits tableaux est entachée d'erreur.

199 Cette même conclusion vaut pour l'affirmation de la requérante selon laquelle l'échange des informations avait souvent lieu avec beaucoup de retard, les données transmises pouvant porter sur plusieurs trimestres. En outre, cette affirmation est contredite par la réponse de BPB du 28 octobre 1999 à la deuxième demande de renseignements dans laquelle elle a indiqué qu'il était parfois arrivé que l'échange d'informations n'ait eu lieu que deux mois environ après la fin de la période à laquelle se rapportaient les chiffres échangés. À cet égard, même en admettant que les informations aient été échangées avec un retard de deux mois, ce retard n'aurait pas affecté l'utilité de ces informations permettant de surveiller que la part de marché de chacune des entreprises en cause restait stable. En outre, ainsi qu'il ressort de la réponse de BPB, de tels retards n'étaient pas fréquents, de sorte que la Commission a pu, à bon droit, considérer que, dans l'ensemble, ces retards n'avaient pas d'incidence sur la nature anticoncurrentielle de ces échanges. Or, comme cela a déjà été constaté ci-dessus, ces entreprises sont les mieux placées pour prouver les modalités exactes de ces échanges.

200 S'agissant de l'allégation de la requérante selon laquelle les informations transmises étaient souvent fausses, celle-ci n'explique pas davantage cette affirmation et ne la démontre pas. En tout état de cause, même à supposer que les informations transmises aient été fausses et que les entreprises en cause se soient fiées davantage aux résultats de leurs propres recherches, ces informations n'étaient pas sans influencer le degré d'incertitude des concurrents sur le comportement sur le marché des autres producteurs. En effet, elles démontrent que lesdites entreprises poursuivaient un but commun ayant un objet anticoncurrentiel, à savoir mettre fin à la guerre des prix, ce qui nécessitait une confiance réciproque.

201 Sur ce dernier point, il importe de relever également que le fait de ne pas respecter une entente ne change rien à l'existence même de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 71 supra, points 233, 255, 256 et 341). Même à supposer établi le fait que certains participants à l'entente parvenaient à tromper d'autres participants en transmettant des informations incorrectes et à utiliser l'entente à leur profit, en ne la respectant pas, l'infraction commise n'est pas éliminée par ce simple fait (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 71 supra, point 74).

202 Quant à l'argument de la requérante selon lequel l'échange d'informations ne constituait pas, en tout état de cause, une infraction très grave, il n'y aurait lieu de l'examiner que s'il devait être considéré qu'il s'agit d'une infraction autonome et non comme un élément constitutif de l'infraction complexe et continue constaté par la Commission. Cet argument ne peut donc être dissocié de l'examen du troisième moyen, tiré de la violation de la notion d'infraction unique.

203 La requérante soutient que, avant l'arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, point 179 supra, l'échange d'informations sur le marché aurait été considéré comme une infraction uniquement s'il s'était accompagné d'un accord de quelque nature qu'il soit ou si l'existence d'un effet restrictif de concurrence avait été établie.

204 À cet égard, il suffit de rappeler que l'interprétation que la Cour ou le Tribunal donne d'une disposition de droit communautaire se limite à éclairer et à préciser la signification et la portée de celle-ci, telle qu'elle aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la disposition ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite disposition se trouvent réunies (arrêt de la Cour du 15 mars 2005, Bidar, C-209-03, Rec. p. I-2119, point 66).

205 En ce qui concerne l'objet de l'échange des volumes de ventes sur le marché du Royaume-Uni, la Commission a estimé, au considérant 171 de la décision attaquée, que son objet était identique à celui de l'échange des données sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés, ce que Knauf n'a pas contesté.

206 En conclusion, la nature collusoire des échanges d'informations sur les quantités vendues en Allemagne, en France, au Benelux et au Royaume-Uni de 1992 à 1998 est suffisamment démontrée.

207 La deuxième branche du deuxième moyen ne saurait donc prospérer.

Sur la troisième branche, relative aux échanges d'informations sur les hausses de prix au Royaume-Uni pour la période allant de 1992 jusqu'en 1998

Arguments des parties

208 La requérante affirme que la Commission n'a pas démontré l'existence d'un seul cas dans lequel une entreprise a informé, à l'avance, une autre entreprise d'une hausse des prix. La Commission ne tenterait d'ailleurs même pas d'affirmer que les entreprises seraient convenues de s'informer mutuellement des hausses de prix.

209 En outre, même si la requérante avait informé à l'avance une autre entreprise d'une hausse des prix, cela constituerait uniquement un comportement unilatéral d'une entreprise.

210 Selon la requérante, la Commission ne démontre pas concrètement l'existence d'un échange d'informations avant le 7 septembre 1996. Ainsi, la période couverte par la prétendue infraction ne débuterait, de toute façon, que le 7 septembre 1996 et non dès 1992.

211 La Commission estime que les observations relatives à la fréquence ou à la réciprocité de ces échanges sont dénuées de pertinence étant donné que ces échanges s'inscrivent eux aussi dans le cadre plus large d'une infraction continue.

212 La rareté relative des contacts avérés devrait être appréciée à la lumière du fait que, en tout état de cause, des représentants des participants à l'entente se sont rencontrés régulièrement et se sont informés mutuellement sur d'autres facteurs. En outre, des hausses de prix ne seraient intervenues que deux fois par an sur le marché du Royaume-Uni. Cet élément devrait être pris en compte dans l'appréciation globale au même titre que la dépendance mutuelle entre les prix et les parts de marché et que le fait qu'un comportement parallèle constitue un indice sérieux d'une pratique concertée.

Appréciation du Tribunal

213 La requérante a confirmé, en réponse à une question écrite du Tribunal, qu'elle ne contestait pas que des échanges d'informations sur des hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni avaient eu lieu pendant la période allant du 7 septembre 1996 jusqu'au 1er novembre 1998. Toutefois, elle nie le caractère anticoncurrentiel de ces échanges en affirmant qu'ils constituaient simplement la communication des décisions qui avaient déjà été prises. En outre, les informations auraient été communiquées de manière unilatérale.

214 Quant à la Commission, elle a réaffirmé, en réponse à une question orale du Tribunal, que, pour la période antérieure au 7 septembre 1996, elle n'avait pas trouvé de preuves documentaires de contacts entre les entreprises en cause.

215 En conséquence, il y a lieu d'examiner, en premier lieu, si, pour la période antérieure au 7 septembre 1996, le parallélisme des hausses de prix démontre suffisamment l'existence d'une infraction au droit de la concurrence et, en second lieu, si, pour la période allant du 7 septembre 1996 jusqu'au 1er novembre 1998, la nature collusoire des contacts admis entre les entreprises en cause est prouvée à suffisance de droit.

216 À cet égard, il importe de vérifier si la quasi-simultanéité des annonces de hausses des prix ainsi que le parallélisme des prix annoncés, tel qu'il a été constaté, constituent un faisceau d'indices sérieux, précis et concordants d'une concertation préalable visant à informer les entreprises concurrentes des hausses de prix. Un parallélisme de comportement ne peut être considéré comme apportant la preuve d'une concertation que si la concertation en constitue la seule explication plausible. Il y a lieu, en effet, de tenir compte du fait que, si l'article 81 CE interdit toute forme de collusion de nature à fausser le jeu de la concurrence, il n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 71).

217 S'agissant de la période antérieure au 7 septembre 1996, il ressort des considérants 198 à 200 de la décision attaquée que les annonces des hausses de prix ont été quasi simultanées à quatre reprises. Ainsi, l'annonce du 21 juillet 1992 de British Gypsum (ci-après " BG "), la filiale de BPB au Royaume-Uni (entrée en vigueur à la fin d'août 1992), a été suivie par l'annonce du 31 juillet 1992 de Lafarge (Redland) (entrée en vigueur le 31 août 1992). Knauf a annoncé ses nouveaux prix le 3 août 1992 (avec une nouvelle liste de prix pour septembre 1992).

218 BPB a annoncé en novembre 1993 une hausse de 12 % devant entrer en vigueur en janvier 1994. Lafarge a suivi cette annonce de hausse, mais Knauf ne l'a pas totalement suivie.

219 Knauf a annoncé le 29 septembre 1994 une hausse d'environ 6,5 % devant entrer en vigueur le 1er mars 1995 et BPB a annoncé le 2 décembre 1994 une hausse de 9 % avec effet au 27 février 1995. Cette hausse a été suivie par l'annonce d'une hausse identique par Lafarge le 6 janvier 1995, devant entrer en vigueur à la même date.

220 Le 22 septembre 1995, BG a annoncé une augmentation de prix de 12 % pour les plaques standard avec effet au 1er janvier 1996. Cette annonce a été suivie par Lafarge qui a annoncé la même augmentation le 13 octobre 1995, avec effet au 1er janvier 1996 et par Knauf qui a annoncé la même augmentation le 27 octobre 1995, avec effet à la même date.

221 Ainsi, en ce qui concerne la période antérieure au 7 septembre 1996, les hausses de prix de BPB, de Lafarge et de Knauf se sont succédé à des intervalles très rapprochés, voire ont été concomitantes.

222 Or, en l'espèce, même si les intervalles entre les différentes annonces de hausses des prix ont éventuellement permis aux entreprises d'en avoir connaissance par des informations venant du marché et même si ces hausses n'ont pas toujours été exactement du même niveau, la quasi-simultanéité des annonces de hausses des prix ainsi que le parallélisme des prix annoncés constituent des indices forts d'une concertation en amont de ces annonces, dès lors que ces hausses s'inscrivaient dans un contexte caractérisé par le fait que, ainsi que la Commission l'a constaté dans la décision attaquée, la requérante et BPB s'étaient mises d'accord, lors de la réunion de Londres au début de l'année 1992, pour mettre fin à la guerre des prix sur les quatre marchés européens.

223 En tout état de cause, force est de constater que la Commission a conclu, au considérant 476 de la décision attaquée, en ce qui concerne l'échange de données sur les hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni, uniquement à l'existence de contacts admis par BPB, Knauf et Lafarge qui ont accompagné certaines hausses de prix, se référant à cet égard au considérant 211 de la décision attaquée. Pour le reste, ainsi qu'il ressort du considérant 210 de ladite décision, elle a indiqué qu'elle ne pouvait que constater le parallélisme de comportement des entreprises, par ailleurs engagées dans d'autres contacts collusoires, sans en déduire que ce parallélisme avait nécessairement été précédé d'une concertation. Elle a en outre clairement, par l'emploi du terme " toutefois " dans les versions anglaise, française et néerlandaise du considérant 211 de la décision attaquée, opposé ce simple parallélisme à l'existence admise de contacts précédant les annonces de hausses de prix.

224 En ce qui concerne la période postérieure au 7 septembre 1996, l'existence de contacts entre les concurrents sur les hausses de prix au Royaume-Uni est démontrée par les preuves documentaires suivantes.

225 En premier lieu, il ressort d'un mémorandum interne de BG que, pendant le week-end des 7 et 8 septembre 1996, Knauf aurait annoncé qu'elle suivrait la hausse des prix décidée par BG lorsque les intentions de cette dernière seraient expressément précisées. Ainsi qu'il ressort du considérant 201 de la décision attaquée, cette discussion a eu lieu avant l'envoi par BG des annonces d'augmentation de ses tarifs le 9 septembre 1996.

226 Knauf admet l'existence de cette discussion, mais nie qu'il s'agissait d'une infraction.

227 En outre, cette augmentation a été suivie, le 20 septembre 1996, par Lafarge.

228 En deuxième lieu, la quasi-simultanéité des annonces de hausses des prix ainsi que le parallélisme des prix annoncés ont continué. Ainsi, la Commission a constaté, aux considérants 203 et 204 de la décision attaquée, que, le 3 juin 1997, BG avait annoncé une augmentation de 3,8 % pour les plaques standards, avec effet au 1er août 1997. Lafarge a annoncé pour sa part une augmentation de 3,7 %, avec effet au 4 août 1997, et Knauf a annoncé une augmentation de 3,7 %, avec effet à la même date que celle de Lafarge. En outre, le 27 janvier 1998, BG a annoncé une augmentation de prix de 4,4 %, avec effet au 1er avril 1998. Lafarge a annoncé pour sa part une augmentation de 4,1 %, avec effet au 6 avril 1998, et Knauf a annoncé la même augmentation, avec effet au 1er avril 1998.

229 En troisième lieu, il ressort du considérant 205 de la décision attaquée que, avant l'annonce de l'augmentation par BG le 8 septembre 1998 d'une hausse des prix de 5 % avec effet au 1er novembre 1998, un représentant de Lafarge a indiqué à un responsable de BG que, pour des raisons budgétaires, Lafarge n'était pas disposée à suivre la hausse des prix prévue au début du mois de janvier de l'année suivante. Or, si les entreprises concernées n'étaient pas convenues d'échanger des informations sur les hausses des prix, Lafarge n'aurait pas eu besoin d'informer le représentant de BG qu'elle n'allait pas suivre l'augmentation prévue.

230 En quatrième lieu, BPB a reconnu qu'il y avait eu ce qu'elle appelle des " occasions isolées " où M. [N], directeur général de BG, avait téléphoné aux directeurs généraux de Lafarge et de Knauf au Royaume-Uni pour les informer des intentions de BG en matière de prix, ainsi que de la fourchette de hausse envisagée (considérant 207 de la décision attaquée). Ces appels téléphoniques, même si BPB ne fournit pas, même approximativement, leurs dates et même s'ils sont qualifiés par elle d'" appels de pure courtoisie " démontrent que les entreprises concurrentes ont eu des contacts en ce qui concerne les hausses de prix.

231 Dans ces conditions, la Commission a considéré à juste titre, au considérant 477 de la décision attaquée, que les contacts sur les hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni constituaient une pratique concertée, interdite par l'article 81, paragraphe 1, CE.

232 Cette conclusion ne saurait être infirmée par l'argument selon lequel il s'agissait d'un comportement unilatéral. Il est certes vrai que la notion de pratique concertée suppose effectivement l'existence de contacts caractérisés par la réciprocité. Toutefois, cette condition est satisfaite lorsque la divulgation, par un concurrent à un autre, de ses intentions ou de son comportement futur sur le marché a été sollicitée ou, à tout le moins, acceptée par le second (arrêt Ciment, point 39 supra, point 1849).

233 S'agissant des affirmations de la requérante selon lesquelles les informations sur les prix transmises étaient connues des clients de l'entreprise concernée avant leur communication aux concurrents et que, de ce fait, les informations dévoilées auraient déjà pu être collectées sur le marché par ces derniers, il convient de rappeler que le seul fait d'avoir reçu des informations concernant des concurrents, informations qu'un opérateur indépendant préserve comme secrets d'affaires, suffit à manifester l'existence d'un esprit anticoncurrentiel (arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, point 179 supra, point 66). Par ailleurs, les discussions au sujet desquelles la Commission a trouvé des preuves directes se sont déroulées avant les annonces officielles des hausses de prix.

234 Compte tenu des circonstances de l'espèce, la Commission a démontré, à suffisance de droit, que les trois entreprises s'étaient informées sur les hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni pendant la période allant de 1992 jusqu'en 1998.

235 Dès lors, la troisième branche du deuxième moyen doit être écartée.

Sur la quatrième branche, relative aux accords sur les parts de marché en Allemagne

Arguments des parties

236 La requérante admet que toutes les entreprises ont reconnu que leurs représentants s'étaient réunis en marge du congrès Eurogypsum de Versailles en juin 1996 et qu'ils avaient, à cette occasion, également abordé la situation sur le marché allemand. Or, ces entreprises n'auraient pas conclu d'accord sur l'importance qu'auraient, à l'avenir, leurs parts de marché respectives sur ce marché. Il ressortirait de la note citée au considérant 221 de la décision attaquée que les représentants des entreprises ont seulement exprimé des souhaits quant à l'importance que lesdites parts de marché devraient avoir. Un tel souhait ne constituerait qu'un comportement unilatéral ne pouvant être qualifié d'infraction. Il constituerait tout au plus une tentative d'accord. Des actes préparatoires visant à obtenir un accord de volontés ne seraient pas constitutifs d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, et ce même si l'objectif était effectivement de parvenir à un tel accord.

237 La requérante indique que sa part de marché a diminué durant la période couverte par la prétendue infraction et que l'évolution des prix a été négative, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise communiqué à la Commission avec la réponse à la communication des griefs.

238 Knauf fait valoir que l'objet de la réunion à Bruxelles était de discuter de l'opportunité du projet de rachat en commun de l'usine de Norgips à Opole (Pologne). Dans le contexte de l'époque, la situation sur le marché allemand des plaques en plâtre aurait tout naturellement été abordée au cours de la discussion, mais sans que les participants conviennent de respecter, sous quelque forme que ce soit, des parts de marché déterminées. Il ressortirait, au contraire, des affirmations de Knauf et de Lafarge citées aux considérants 252 et 253 de la décision attaquée que, à aucun moment, il n'a été question de stabilisation des parts de marché en Allemagne.

239 La requérante ajoute, en se référant aux considérants 256 et suivants de la décision attaquée, que, conformément aux déclarations concordantes de toutes les entreprises, la réunion des représentants des entreprises, qui s'est tenue à La Haye en mai 1998, n'a pas non plus abouti à un accord sur les parts de marché.

240 Au considérant 264 de la décision attaquée, la Commission prétendrait que les entreprises avaient " toutes accepté que leurs parts de marché soient fixées d'un commun accord ", ce qui ne résulterait, pourtant, d'aucun moyen de preuve.

241 En ce qui concerne l'échange des chiffres de ventes concernant l'Allemagne par l'intermédiaire de l'expert indépendant, la requérante souligne que cet échange n'était ni plus précis ni plus fiable que les chiffres directement échangés entre les entreprises. Il aurait permis uniquement aux entreprises de calculer, après coup, leur propre part de marché, comme la Commission le reconnaît elle-même au considérant 271 de la décision attaquée.

242 La requérante conteste que cet échange ait servi à mettre en œuvre un accord prétendument conclu lors de la réunion de Versailles de 1996. Le fait que cet échange n'ait été institué que quelques mois seulement après la réunion de Versailles plaiderait déjà contre cette thèse. Les faiblesses du système d'échange d'informations direct existeraient également en ce qui concerne le système d'échange d'informations.

243 La Commission renvoie à la décision attaquée (considérants 263 à 267 et 465 à 469) et fait valoir qu'un échange d'informations en préparation d'une entente constitue déjà une pratique concertée au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE. Elle ajoute qu'il n'est pas reproché à la requérante d'avoir éliminé la concurrence, mais de l'avoir restreinte.

244 En ce qui concerne le système d'échange d'informations, il aurait rendu plus difficile l'échange d'informations inexactes dans le cadre d'autres systèmes et, partant, aurait contribué au fonctionnement de ceux-ci.

Appréciation du Tribunal

245 Il ressort de l'argumentation de la requérante qu'elle ne conteste pas l'existence des réunions de Versailles, de Bruxelles et de La Haye. En outre, elle admet avoir participé à ces réunions et avoir discuté la situation du marché allemand. Toutefois, elle considère que la Commission n'a pas démontré que les entreprises en cause auraient pris un engagement commun.

246 En conséquence, la question sur laquelle la requérante et la Commission s'opposent concerne la qualification juridique des réunions de Versailles, de Bruxelles et de La Haye ainsi que du système d'échange d'informations.

247 Or, s'agissant de l'argumentation de la requérante visant à démontrer qu'il n'y pas eu d'accord sur la répartition des parts de marché en Allemagne, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté au considérant 469, in fine, qu'" un accord a[vait] été conclu entre les [entreprises concernées], ces dernières tendant à se répartir le marché allemand ou à tout le moins à le stabiliser, cet accord constituant une manifestation particulière de l'accord complexe continu ayant pour objet de restreindre la concurrence sur le marché des plaques en plâtre au minimum sur les quatre grands marchés européens ". De plus, il ressort des considérants 462, 463, 465 et 469 de la décision attaquée que la Commission a estimé que, indépendamment de la question de savoir si un tel accord avait été ou non conclu, les entreprises en cause, en exprimant leur volonté commune de se répartir le marché allemand ou, à tout le moins, de le stabiliser, avaient conclu un accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE.

248 Ainsi, même si la Commission n'était pas parvenue à démontrer que les entreprises sanctionnées avaient conclu un accord au sens strict du terme sur le partage des parts de marché en Allemagne, il suffirait qu'il ressorte des faits non contestés que les entreprises en question avaient substitué sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence en restant en contact direct en vue de stabiliser le marché allemand. En conséquence, il y a lieu de vérifier si tel était le cas en l'espèce.

249 En ce qui concerne la réunion de Versailles qui s'est tenue en juin 1996, son existence n'est pas contestée, ni le fait que, pendant celle-ci, les entreprises en question ont divulgué leurs chiffres réels de ventes pour l'année 1995, qu'elles ont discuté de la stabilisation de leurs parts de marché sur le marché allemand et que Gyproc n'était pas d'accord avec la part de marché que les autres entreprises lui proposaient.

250 S'agissant de la réunion de Bruxelles du 4 décembre 1997, Knauf admet également son existence, mais indique qu'elle a été principalement l'occasion de discuter du projet de rachat en commun de l'usine de Norgips même si la situation sur le marché allemand a été également évoquée.

251 Quant à la réunion de La Haye de mai 1998, Knauf ne conteste pas non plus qu'elle a eu lieu. Toutefois, les discussions, même si elles ont eu comme objet la situation en Allemagne, n'auraient pas donné de résultat concret. À cet égard, il ressort du considérant 257 de la décision attaquée que, selon Gyproc, les participants ont échangé leurs chiffres sur les volumes de ventes en Allemagne pour les quatre premiers mois de l'année 1998, que chacun des participants a évoqué la part de marché qu'il souhaitait avoir en Allemagne et que, le total de ces parts de marché représentant 101 %, les participants ont proposé à Gyproc de limiter sa part de marché à 11 %, mais que celle-ci a refusé.

252 Par conséquent, il ressort de ce qui précède que, même si un accord spécifique sur la répartition du marché allemand n'a pu être conclu ni lors de la réunion de Versailles, ni lors des réunions ultérieures qui se sont tenues à Bruxelles et à La Haye les quatre entreprises en cause ont exprimé une volonté commune de stabiliser le marché allemand et, partant, de restreindre la concurrence. Ainsi, la tenue de la réunion de Versailles révèle l'existence d'un accord sur le principe d'un partage du marché allemand entre BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc, comme la Commission l'a fait valoir au considérant 264 de la décision attaquée.

253 En effet, il n'est pas contesté par Knauf que, lors de la réunion de Versailles, nonobstant la position prise par Gyproc, les trois autres entreprises, BPB, Lafarge et elle-même, se sont mutuellement indiqué les parts de marché sur lesquelles elles étaient d'accord et que ces parts de marché correspondaient à celles que ces entreprises détenaient effectivement. À cet égard, il faut également rappeler que les entreprises ne contestent pas avoir échangé lors de la réunion de Versailles leurs chiffres de ventes pour l'année 1995.

254 Il convient également de prendre en compte le système d'échange d'informations. L'existence de ce système corrobore la thèse de la Commission selon laquelle lesdites entreprises ont voulu stabiliser le marché allemand. En effet, chaque producteur remettait ses chiffres de ventes à titre confidentiel à l'expert indépendant et les résultats étaient compilés par les services de ce dernier pour donner un chiffre global qui était ensuite communiqué aux participants. Ce chiffre permettait à chacun de calculer sa propre part de marché, mais pas celle des autres. Les chiffres ont été fournis tous les trimestres et concernaient les chiffres de ventes de chacun. En outre, les producteurs ont communiqué à l'expert indépendant, à titre confidentiel, les chiffres de janvier à décembre 1995 et ceux de janvier à septembre 1996.

255 Le système d'échange d'informations permettait donc aux entreprises en cause de contrôler si leurs parts de marché sur le marché allemand restaient relativement stables.

256 En ce qui concerne l'appréciation juridique de cette situation, il y a lieu de rappeler que le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer une entente suffit à prouver l'existence d'une pratique concertée au sens de l'article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148-89, Rec. p. II-1063, point 82).

257 En effet, la notion de pratique concertée au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 159 supra, point 26, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 216 supra, point 63).

258 Les critères de coordination et de coopération constitutifs d'une pratique concertée, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable " plan ", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun et les conditions qu'il entend réserver à sa clientèle (arrêts de la Cour Deere/Commission, point 189 supra, point 86, et du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C-194-99 P, Rec. p. I-10821, point 82).

259 S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises ainsi que du volume dudit marché (arrêts Deere/Commission, point 189 supra, point 87, et du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, point 258 supra, point 83).

260 En outre, comme le Tribunal l'a constaté dans l'arrêt Ciment, point 39 supra (point 1852), pour établir une pratique concertée, il n'est pas nécessaire de démontrer que le concurrent en question s'est formellement engagé, à l'égard d'un ou de plusieurs autres, à adopter tel ou tel comportement ou que les concurrents ont fixé en commun leur comportement futur sur le marché. Il suffit que, à travers sa déclaration d'intention, le concurrent ait éliminé ou, à tout le moins, substantiellement réduit l'incertitude quant au comportement à attendre de sa part sur le marché.

261 À cet égard, la Commission a considéré, à juste titre, au considérant 466 de la décision attaquée, que le fait même qu'une entreprise indique de ne pas souhaiter une part de marché supérieure à celle déjà détenue suffit à informer ses concurrents sur un élément essentiel de sa stratégie.

262 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le marché en cause présente un caractère oligopolistique fortement concentré. Or, sur un tel marché l'échange d'informations est de nature à permettre aux entreprises de connaître la position de leurs concurrents sur le marché et leur stratégie commerciale et ainsi à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques (arrêts Deere/Commission, point 189 supra, points 88 à 90, et du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, point 258 supra, point 84).

263 En outre, compte tenu du contexte général de l'objectif de stabilisation des marchés concernés, l'échange d'informations sur le marché allemand a pu permettre aux entreprises en question de contrôler que les parts de marché des concurrents restaient stables.

264 Enfin, en ce qui concerne l'argumentation de la requérante selon laquelle, en l'absence d'accord, la Commission aurait dû prouver au moins des effets sur le marché, il y a lieu de rappeler que, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 261).

265 De même, une pratique concertée relève de l'article 81, paragraphe 1, CE même en l'absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché. En effet, il découle du libellé même de ladite disposition que, comme dans le cas d'accords entre entreprises et de décisions d'associations d'entreprises, les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu'elles ont un objet anticoncurrentiel (arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105-04 P, Rec. p. I-8725, points 137 et 138).

266 Ensuite, si la notion même de pratique concertée suppose l'existence d'un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n'implique pas nécessairement que ce comportement produise l'effet concret de restreindre, d'empêcher ou de fausser la concurrence (arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, point 265 supra, point 139).

267 Compte tenu du contexte global de l'affaire, le Tribunal considère que, sur la base des faits non contestés, la Commission a démontré, à suffisance de droit, que les entreprises en cause, même si elles n'étaient pas parvenues à conclure un accord spécifique portant sur la répartition entre elles du marché allemand, avaient exprimé leur volonté commune de se comporter sur ce marché de manière déterminée, à savoir restreindre la concurrence par la stabilisation dudit marché.

268 En conséquence, la quatrième branche du deuxième moyen ne saurait prospérer.

Sur la cinquième branche, relative aux accords sur les hausses de prix en Allemagne

Arguments des parties

269 Selon la requérante, la Commission n'a pas été en mesure de prouver que les entreprises étaient convenues des hausses de prix qui ont eu lieu sur le marché allemand de 1996 à 1998. Elle admet néanmoins que les entreprises se sont occasionnellement informées des hausses de prix déjà décidées. Il résulterait, toutefois, des moyens de preuve invoqués aux considérants 291, 305 et suivants et 375 de la décision attaquée que l'annonce des hausses de prix se faisait simultanément ou après l'envoi des listes de prix aux clients. Ainsi, la Commission n'aurait démontré ni une réduction du degré d'incertitude ni un affaiblissement du secret de la concurrence. Même si les concurrents avaient été informés d'une hausse des prix avant les clients, ce qui n'aurait pas été le cas, il s'agirait d'un simple comportement unilatéral non constitutif d'une infraction, et non d'un accord entre des concurrents.

270 La note citée aux considérants 291 et suivants de la décision attaquée, que la Commission présente comme un moyen de preuve essentiel, montrerait que les concurrents s'observaient de manière intensive et qu'ils suivaient souvent les hausses de prix d'autres entreprises. Or, ce comportement révélerait précisément qu'il n'existait pas d'accord entre ces entreprises, mais qu'il s'agissait de cas légaux de diktats des prix comme cela arrive souvent dans des marchés oligopolistiques. Le moyen de preuve invoqué par la Commission aux considérants 293 et 337 de la décision attaquée révélerait, en outre, que les prix des concurrents différaient clairement, ce qui plaiderait également contre l'existence de hausses des prix concertées. Les moyens de preuve invoqués aux considérants 301, 323 et suivants et 368 de la décision attaquée révéleraient, eux aussi, clairement qu'il existait une vive concurrence entre les entreprises concernées sur le marché allemand des plaques en plâtre.

271 En ce qui concerne la discussion qu'elle a eue avec Lafarge sur le comportement d'une succursale de cette dernière (considérants 361 et suivants de la décision attaquée), la requérante affirme que, même si Lafarge et elle-même s'étaient mises d'accord sur l'approvisionnement d'un client de Hambourg, cela aurait, tout au plus, constitué une infraction à l'article 1er de la Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (loi allemande contre les restrictions de la concurrence) qui aurait été de la compétence exclusive de la Landeskartellbehörde (autorité compétente en matière d'ententes au niveau du Land) de Hambourg, et non automatiquement une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE pour la poursuite de laquelle la Commission est seule compétente.

272 La Commission renvoie aux considérants 290 et suivants ainsi que 471 et suivants de la décision attaquée, qui seraient fondés, en particulier, sur l'aveu de la requérante (considérants 308 et suivants de la décision attaquée). La Commission fait valoir que la divulgation préalable d'informations, qui a été admise, a incontestablement entraîné un affaiblissement de la concurrence (considérants 314 et 472 à 474 de la décision attaquée). Cela ressortirait également de la note de M. [Z], directeur commercial de Knauf (considérants 315 à 319 de la décision attaquée). L'instruction de faire courir le bruit d'une augmentation des prix au premier trimestre de 1999, donnée par la requérante à son personnel commercial le 22 octobre 1998, en serait un exemple parmi d'autres (considérant 377 de la décision attaquée). La même hausse des prix, non encore " décidée " à l'époque, serait évoquée dans le compte rendu interne d'une réunion du conseil d'administration de BPB du 13 octobre 1998 (considérant 380 de la décision attaquée), ainsi que dans la note, également interne, de M. [X], directeur général de Lafarge Gips, du 7 octobre 1998 (considérants 290 et suivants et 381 de la décision attaquée).

273 S'agissant de la discussion que Knauf a eue avec Lafarge sur le comportement d'une succursale de cette dernière, la Commission estime que son importance réside dans la facilité avec laquelle Knauf a écrit à un concurrent pour empêcher un comportement déterminé. Une telle lettre serait inconcevable en l'absence d'un cadre général de concertation mutuelle.

Appréciation du Tribunal

274 Il y a lieu d'examiner l'argumentation de la requérante selon laquelle les contacts directs entre les concurrents, dont elle ne conteste pas l'existence, ne constituaient pas un comportement anticoncurrentiel.

275 En ce qui concerne l'affirmation de la requérante selon laquelle il s'agissait d'un comportement purement unilatéral, il est certes vrai que la notion de pratique concertée suppose effectivement l'existence de contacts caractérisés par la réciprocité. Toutefois, cette condition est satisfaite lorsque la divulgation, par un concurrent à un autre, de ses intentions ou de son comportement futur sur le marché a été sollicitée ou, à tout le moins, acceptée par le second (arrêt Ciment, point 39 supra, point 1849).

276 En outre, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission (T-1-89, Rec. p. II-867), dans le cadre de laquelle il était reproché à la partie requérante d'avoir participé à des réunions au cours desquelles les concurrents échangeaient des informations portant, notamment, sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, le Tribunal a constaté qu'une entreprise, par sa participation à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel, non seulement avait poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais avait dû nécessairement prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché (points 122 et 123).

277 Cette conclusion est applicable également lorsque, comme en l'espèce, la participation d'une, ou de plusieurs, entreprise à une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel se limite à la seule réception d'informations relatives au comportement futur de ses concurrents sur le marché.

278 En effet, tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique commerciale qu'il entend suivre sur le marché. Cela s'oppose donc à toute prise de contact directe ou indirecte entre les opérateurs économiques, qui a pour objet ou pour effet d'influencer leur comportement sur le marché, donnant lieu à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, mais également à tout dévoilement par une entreprise à un concurrent du comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soi-même sur le marché (arrêt LVM/Commission, point 125 supra, point 720).

279 S'agissant de l'affirmation de la requérante selon laquelle les informations sur les prix qui étaient transmises étaient connues des clients de l'entreprise concernée avant leur communication aux concurrents et que, de ce fait, les informations dévoilées auraient déjà pu être collectées sur le marché par ces derniers, il y a lieu de rappeler que le seul fait d'avoir reçu des informations concernant des concurrents, informations qu'un opérateur indépendant préserve comme secrets d'affaires, suffit à manifester l'existence d'un esprit anticoncurrentiel (arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, point 179 supra, point 66).

280 Or, l'affirmation de la requérante selon laquelle les informations sur les prix étaient connues des clients avant leur communication aux concurrents et, ainsi, pouvaient être collectées sur le marché doit être rejetée. Ce fait, à le supposer établi, n'implique pas que, au moment de l'envoi des barèmes de prix aux concurrents, ces prix constituaient déjà une donnée objective du marché, repérable de façon immédiate. L'envoi direct permettait aux concurrents d'avoir connaissance de ces informations de façon plus simple, rapide et directe que par le biais du marché. En outre, cet envoi préalable leur permettait de créer un climat de certitude mutuelle quant à leurs futures politiques de prix.

281 La requérante conteste encore que les entreprises en cause se soient concertées sur l'application des hausses de prix sur le marché allemand entre 1996 et 1998 sans discuter en détail les preuves présentées par la Commission, à l'exception de la note du 7 octobre 1998 citée au considérant 290 de la décision attaquée. Elle se contente d'affirmer que la Commission n'a pas prouvé que les hausses en question avaient fait l'objet d'une concertation préalable et qu'il s'agissait d'une situation normale sur un marché oligopolistique où les concurrents suivent les prix fixés par les autres entreprises.

282 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'éventuel échange doit être envisagé dans le contexte de l'époque caractérisé par un ensemble de manifestations anticoncurrentielles attestant une volonté commune des concurrents de stabiliser le marché des plaques en plâtre sur les quatre grands marchés européens, dont le marché allemand. En outre, il convient également de relever que, si le contenu d'un document isolé trouvé par la Commission peut ne pas révéler de manière univoque l'existence d'un comportement anticoncurrentiel de sorte que ledit contenu pourrait éventuellement s'expliquer autrement que par une volonté de restreindre la concurrence, cette circonstance ne saurait toutefois exclure que ce document puisse être interprété comme corroborant l'existence d'une telle volonté lorsqu'il s'inscrit dans un ensemble d'autres documents qui fournissent des indices probants de l'existence de comportements anticoncurrentiels contemporains et similaires.

283 S'agissant de la note interne datant d'octobre 1994 découverte dans les locaux de la société Rigips (filiale allemande de BPB), la Commission estime, à juste titre, que cette note révèle une connaissance de la stratégie des concurrents et témoigne de contacts entre ceux-ci. En effet, l'auteur de cette note, ayant d'abord résumé la situation sur le marché, explique que le directeur des ventes de Gyproc s'était plaint que son entreprise avait perdu des parts de marché et devait en regagner. En outre, il était prévu dans la note de geler les prix au niveau mentionné dans celle-ci et qu'une hausse des prix aurait lieu à partir du 1er février 1995. Cette dernière remarque est particulièrement révélatrice. En effet, si l'envoi des annonces de hausses des prix par Knauf était unilatéral et si BPB ne faisait que suivre cette hausse des prix, cette dernière n'aurait pas pu savoir en octobre 1994 qu'une hausse des prix était prévue pour le 1er février 1995 étant donné que Knauf n'a annoncé cette hausse des prix qu'en novembre 1994. De plus, si BPB avait eu connaissance de cette hausse des prix par l'intermédiaire des clients, comme elle le prétend, rien n'empêchait de le démontrer afin de contredire les preuves tangibles que la Commission a trouvées. En outre, il y a lieu de rappeler qu'une hausse des prix a effectivement eu lieu le 1er février 1995.

284 D'ailleurs, il y a lieu de relever que, malgré ces preuves concrètes des contacts collusoires entre les producteurs, la Commission estime seulement, au considérant 329 de la décision attaquée, que les concurrents se sont mutuellement informés de leurs intentions en ce qui concerne la hausse des prix du 1er février 1995 sans prétendre que cette note constitue la preuve directe d'une concertation sur la hausse des prix.

285 Par ailleurs, le fait que la Commission mentionne de nouveau, dans ce contexte, la réunion de Versailles de juin 1996 ayant eu pour objet de stabiliser le marché allemand est tout à fait pertinent, car il s'agit d'un indice de ce que les entreprises concernées ont ressenti le besoin de rediscuter la situation sur le marché allemand après l'échec de la hausse des prix en 1995.

286 Cette thèse est confortée par la note du 17 décembre 1996 de Lafarge (considérant 335 de la décision attaquée). En effet, l'auteur commence cette note en indiquant :

" [N]ous avons encore discuté la situation actuelle sur le marché allemand. "

287 En outre, l'interprétation que donne la Commission de cette note portant la mention " strictement confidentiel et personnel ! " n'est pas entachée d'erreur. Cette note reflète clairement la préoccupation de son auteur, dans le contexte d'une augmentation des prix annoncée par tous les producteurs pour le 1er février 1997, en ce qui concerne le comportement de ses concurrents et des politiques de prix, et en particulier de rabais, qu'ils mettaient en œuvre. Elle établit l'existence des contacts directs entre les concurrents lors desquels ceux-ci ont exprimé leurs analyses et intentions. En effet, l'auteur de cette note a expliqué que le prix offert par BPB à certains clients serait " inférieur au niveau de prix [d'alors] le plus bas convenu " et que " [c]ela [allait] encore conduire à une déstabilisation ". Il ajoute :

" [Knauf a] accordé des prix pour les projets jusqu'en mai [19]97 à un niveau inférieur au niveau du prix convenu. Avec nous, ils insistent sur la discipline pour la hausse de[s] prix [...] Augmenter le prix au niveau convenu ([2,5-3] DM/m²) va encore être très difficile. "

288 Dans ces conditions, le Tribunal considère que la Commission a estimé à juste titre, au considérant 352 de la décision attaquée, que, à l'occasion de la hausse des prix de février 1997, une concertation directe sur la hausse des prix était intervenue entre les concurrents et que, à tout le moins, les concurrents s'étaient mutuellement informés de leurs intentions en prévision de cette hausse des prix.

289 En ce qui concerne la tentative de hausse des prix de septembre 1997, il convient de relever que les quatre entreprises en cause ont envoyé des lettres annonçant la hausse des prix du 1er septembre 1997 en mai ou au début de juin 1997 (considérant 353 de la décision attaquée).

290 En outre, les échanges entre Knauf et Lafarge, mentionnés au considérant 356 de la décision attaquée à titre d'exemple, confirment l'existence d'une coopération sur les hausses de prix et d'un contrôle des prix pratiqués par les distributeurs en général. En effet, le fait qu'une entreprise n'a pas hésité à contacter un concurrent pour discuter des clients ou des prix pratiqués par un distributeur corrobore l'existence d'une coopération entre les producteurs.

291 La Commission donne encore un exemple qui est, selon elle, une manifestation supplémentaire de la concertation menée entre BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc sur le marché allemand, à savoir la tentative de hausse des prix en septembre et en octobre 1998.

292 À cet égard, il est certes vrai que BPB a, dès juin 1998, annoncé une hausse des prix pour septembre 1998 et que les autres concurrents ne l'ont fait qu'en août 1998 pour une augmentation prévue à partir d'octobre 1998. À cette occasion, Knauf a envoyé une copie de son annonce de la hausse des prix à l'adresse privée d'un directeur de BPB.

293 Or, il y a lieu de rappeler qu'il est usuel, dans le cadre de pratiques et d'accords anticoncurrentiels, que les activités se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation s'y rapportant soit réduite au minimum. Il s'ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégale entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu'il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, points 55 à 57).

294 En l'espèce, étant donné le contexte de l'affaire, le Tribunal considère que l'envoi par Knauf d'une copie de son annonce de la hausse des prix à l'adresse privée d'un directeur de BPB, ce qui constitue une façon inhabituelle de communiquer entre entreprises concurrentes, suffit à démontrer, en l'absence d'autres explications cohérentes fournies par la requérante, qu'une coopération étroite entre les producteurs a également existé en ce qui concerne les hausses de prix sur le marché allemand intervenues en septembre et en octobre 1998.

295 Enfin, s'agissant du mémorandum de Lafarge du 7 octobre 1998 (considérants 290 à 294 de la décision attaquée), il est certes vrai que ce mémorandum, s'il était le seul élément de preuve trouvé, ne constituerait pas une preuve suffisante d'une concertation préalable sur les hausses de prix. Cependant, examiné dans le cadre des autres indices décrits ci-dessus, ce mémorandum corrobore l'existence, d'une part, de contacts entre les concurrents sur les hausses de prix ainsi que le lien entre ces derniers et, d'autre part, des discussions sur les parts de marché en Allemagne. En effet, compte tenu des autres démarches que les entreprises en cause ont entamées afin de stabiliser le marché allemand, du parallélisme des hausses de prix et de la découverte par la Commission, au cours de ses vérifications, de nombreuses copies d'annonces de hausses des prix des concurrents dans les locaux desdits entreprises, que celles-ci ont partiellement admis avoir envoyées ou reçues directement de leurs concurrents, l'interprétation cohérente de ce mémorandum ne peut pas être celle donnée par la requérante.

296 Dans ces conditions, le Tribunal estime que la Commission a considéré, à juste titre, que le système d'échange d'informations relatives aux hausses de prix mis en place entre BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc sur le marché allemand constituait une pratique concertée, contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE.

297 La cinquième branche du deuxième moyen est donc non fondée.

298 Dès lors, le deuxième moyen doit être écarté dans son ensemble.

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de la notion d'infraction unique

Arguments des parties

299 La requérante invoque, à titre subsidiaire, qu'il ne peut, en aucun cas, y avoir eu d'infraction unique de longue durée. Il en résulterait une gravité moindre de l'infraction et la prescription de faits isolés qui sont censés s'être produits plus de cinq ans avant le début des poursuites.

300 La requérante soutient que, même en admettant l'existence des " violations isolées " identifiées par la Commission et leur caractère infractionnel, ces dernières ne constitueraient pas une infraction unique étant donné qu'il n'existait pas de plan global. Elle fait valoir que, si la Commission estime que les actes individuels qu'elle a réprimés font partie d'une infraction globale, elle ne peut pas se contenter de prouver l'existence des faits isolés, mais doit également apporter la preuve d'un plan d'action unique et circonstancié des entreprises concernées. L'idée qui sous-tend la notion d'infraction continue serait, en effet, l'unicité d'intention des participants de commettre une infraction déterminée dans un nombre indéterminé de cas, mais en respectant un plan d'action unique.

301 Même si les griefs de la Commission concernant la réunion de Londres étaient exacts et avérés, des accords conclus au cours de cette réunion ne pourraient constituer un plan global pour tous les agissements ultérieurs reprochés, étant donné que seuls les représentants de deux des entreprises actives sur les marchés des plaques en plâtre étaient présents lors de ladite réunion. La Commission n'aurait même pas tenté de démontrer que, au cours de la réunion de Londres, l'intégration des autres entreprises aurait été planifiée.

302 L'échange d'informations sporadique en 1992 et en 1993 ne saurait non plus être qualifié d'élément d'une infraction continuée ou continue du fait des intervalles de temps importants entre les échanges. Ainsi qu'il résulte des tableaux de M. [D], en 1992, il n'y aurait eu qu'un seul échange de ce type et, en 1993, les entreprises auraient échangé leurs chiffres de ventes, tout au plus, deux fois. Il ne s'agirait donc pas d'une pratique permanente.

303 Un tel plan global ne pourrait pas non plus avoir été conçu lors des réunions des représentants des entreprises à Versailles en 1996, à Bruxelles en 1997 et à La Haye en 1998, étant donné que, ainsi que la Commission l'a elle-même indiqué, seul le marché allemand a fait l'objet de discussions et non les marchés français, du Royaume-Uni et du Benelux.

304 La principale conséquence de l'absence de lien de continuité entre les actes isolés reprochés serait que les faits les plus anciens seraient prescrits et ne pourraient plus faire l'objet de poursuites. La prescription aurait été interrompue par les vérifications de la Commission le 25 novembre 1998, de sorte que les faits antérieurs au 25 novembre 1993 n'auraient pu donner lieu à des amendes que s'ils avaient constitué des éléments d'une infraction continuée ou continue, ce qui n'est pas le cas, selon la requérante.

305 La Commission rétorque que la décision attaquée ne repose pas sur le grief relatif à un " plan global conçu lors de la réunion de Londres ", mais sur des comportements concordants tant dans le temps qu'en ce qui concerne leurs objectifs anticoncurrentiels. Ces comportements constitueraient non la mise en œuvre d'un plan global, mais la preuve de l'existence d'une infraction continue, dont le début devrait être fixé en 1992 même si la réunion de Londres n'avait pas eu lieu, puisque c'est à ce moment-là que les participants à l'entente ont instauré leur système d'échange d'informations.

Appréciation du Tribunal

306 Il convient, à titre liminaire, d'observer qu'il résulte de la décision attaquée (considérant 479) que la Commission a considéré que l'ensemble des accords et des pratiques concertées du cas d'espèce s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir la restriction de la concurrence, et constituaient les diverses manifestations d'un accord complexe et continu qui a eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence. Estimant que les accords et les pratiques concertées précités avaient concrétisé, de manière ininterrompue à partir de 1992 jusqu'en 1998, la manifestation de la volonté commune desdites entreprises de stabiliser et, partant, de restreindre la concurrence au moins sur les marchés allemand, français, du Royaume-Uni et du Benelux des plaques en plâtre, la Commission a qualifié l'infraction d'unique, complexe et continue.

307 Ainsi, l'article 1er de la décision attaquée énonce que les entreprises concernées, dont la requérante, " ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, [CE] en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans le secteur des plaques en plâtre ".

308 Il y a lieu d'examiner d'abord l'argument de la requérante selon lequel la Commission a commis une erreur de droit en concluant à l'existence d'un plan global à partir de différentes manifestations de l'infraction en cause, sans démontrer que la volonté commune existait indépendamment de ces différentes manifestations.

309 Il convient de rappeler que, dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 57). Cette jurisprudence est transposable au concept d'infraction unique et continue. En effet, lorsqu'il s'agit d'une infraction complexe, unique et continue, chaque manifestation corrobore la démonstration qu'une telle infraction a effectivement eu lieu.

310 Ainsi, contrairement aux affirmations de la requérante, les différentes manifestations de l'infraction en cause doivent être appréhendées dans un contexte global qui explique leur raison d'être. Il s'agit d'une administration des preuves dans laquelle la valeur probante de différents éléments de fait est corroborée ou infirmée par les autres éléments de fait existants qui, conjointement, peuvent démontrer l'existence d'une infraction unique.

311 Knauf estime également que la Commission n'a pas démontré à suffisance de droit la finalité commune qui unirait les différentes manifestations en tant qu'infraction unique et continue.

312 À cet égard, il convient de rappeler qu'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d'un acte isolé, mais également d'une série d'actes ou bien encore d'un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu'un ou plusieurs éléments de cette série d'actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s'inscrivent dans un plan d'ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, la Commission est en droit d'imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l'infraction considérée dans son ensemble (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 258).

313 En l'espèce, il ressort clairement de l'examen du deuxième moyen que Knauf a participé à partir de la réunion de Londres à une infraction unique, complexe et continue caractérisée par la seule finalité de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser les quatre marchés des plaques en plâtre. En effet, les réunions, l'échange d'informations et les pratiques relatives à la fixation des prix poursuivaient un même objet anticoncurrentiel consistant à maintenir les prix à un niveau supraconcurrentiel et à réduire la concurrence entre les entreprises qui opéraient sur le marché pertinent.

314 Les éléments exposés dans le cadre du deuxième moyen permettent de considérer que c'est à bon droit que la Commission a constaté, au considérant 432 de la décision attaquée, ce qui suit :

" Ces différentes manifestations apparaissent [...] clairement complémentaires compte tenu du fonctionnement du marché des plaques en plâtre. L'amélioration de la situation économique des entreprises par le biais d'une augmentation des prix rendait nécessaire une coordination de ces entreprises au niveau des parts de marché. "

315 Le Tribunal considère que, dans les circonstances de l'espèce, les accords et les pratiques concertées s'inscrivaient, en raison de leur objet identique et de leurs étroites synergies, dans un plan d'ensemble qui s'inscrivait, à son tour, dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir influencer l'évolution des prix. Ainsi que l'affirme à juste titre la Commission au considérant 422 de la décision attaquée, il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes, alors qu'il s'agit, au contraire, d'une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées. Le caractère unique de l'infraction résulte, en effet, de l'unicité de l'objectif poursuivi par chaque participant à l'entente et non des modalités d'application de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 39 supra, point 4127).

316 En outre, dans le cadre d'un accord global s'étendant sur plusieurs années, un décalage de quelques mois entre les manifestations de l'entente importe peu. Le fait que les différentes actions s'inscrivent dans un plan d'ensemble en raison de leur objet identique est en revanche déterminant (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 260).

317 En ce qui concerne l'argument tiré de l'absence d'un tel plan, il suffit de rappeler que la notion d'infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d'un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d'infractions individuelles liées entre elles par une identité d'objet (même finalité de l'ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l'objet commun).

318 Enfin, s'agissant de l'affirmation de la requérante selon laquelle le caractère unique de l'infraction serait démenti par le fait que le nombre d'entreprises ayant pris part à certaines des manifestations anticoncurrentielles serait limité et qu'une partie des entreprises n'auraient pas participé à l'infraction depuis le début, il suffit de rappeler que le fait qu'une entreprise n'a pas participé à tous les éléments constitutifs d'une entente ou qu'elle y a joué un rôle mineur n'est pas pertinent pour établir l'existence d'une infraction commise par elle. Il n'y a lieu de prendre en considération ces éléments que lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l'amende (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 86).

319 Ainsi, même si les accords et les pratiques concertées visés à l'article 81, paragraphe 1, CE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l'infraction, leur participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d'exécution choisies ou envisagées.

320 En conséquence, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l'infraction dans des formes qui lui sont propres ne remet pas en question la qualification de l'infraction d'infraction unique et continue.

321 Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs dirigés contre la qualification de l'entente d'infraction unique et continue ne sont pas fondés.

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 en ce qui concerne le chiffre d'affaires retenu pour le calcul du montant de l'amende

Arguments des parties

322 La requérante souligne qu'elle n'est pas la société mère d'un groupe formé par les " entreprises Knauf ". En effet, il n'existerait pas de groupe Knauf ou d'entreprise Knauf constituant une unité économique au sens du droit de la concurrence. Ainsi, les chiffres d'affaires de Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft KG et de ses filiales ne lui seraient pas imputables étant donné que les deux entreprises ne formeraient pas une unité économique du fait de l'absence d'une société mère ou d'une autre personne morale commune.

323 La requérante soutient qu'elle n'est dominée par aucune personne morale ni physique, pas même par MM. [B] et [C]. Les associés de la requérante seraient, au contraire, 21 personnes appartenant aux deux branches de la famille [...] Knauf ainsi qu'une société détenant les parts des quatre autres associés. Certes, les deux associés gestionnaires, MM. [B] et [C], seraient tous deux individuellement habilités à représenter la société et, en principe, responsables de la gestion des affaires. Le plan financier et d'investissements annuel serait, toutefois, soumis à l'approbation d'un comité d'associés composé actuellement de huit membres, représentant les deux branches de la famille Knauf. Il ressortirait de ces dispositions qu'aucune société ni aucun associé ne dominerait durablement, à elle ou à lui seul, la requérante. Or, la reconnaissance d'un rapport d'imputabilité ne pourrait s'appuyer que sur l'influence déterminante d'une société au sommet du groupe. À cet égard, il ne serait pas suffisant de se référer aux liens familiaux existant entre les différents associés. Cette circonstance n'aboutirait pas à une obligation de concordance des décisions concernant toutes les sociétés du groupe Knauf.

324 Il en résulterait qu'il ne serait pas possible de prendre en compte le chiffre d'affaires d'autres sociétés ou les relations que celles-ci entretiennent avec la requérante. Il n'existerait pas d'unité économique entre la requérante et d'autres entreprises justifiant une telle responsabilité au niveau de la sanction.

325 Cela serait vrai indépendamment du fait que les personnes physiques qui détiennent des parts dans la requérante sont également associées d'autres sociétés du groupe Knauf et que MM. [B] et [C] sont également associés gestionnaires de Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft ainsi que d'autres sociétés.

326 La requérante fait observer qu'elle est une société en commandite de droit allemand. Ainsi, les principes d'imputation développés en ce qui concerne les sociétés de capitaux ne trouveraient pas à s'appliquer.

327 En effet, elle-même ainsi que ses sociétés en participation n'auraient, durant l'exercice social de référence, réalisé des chiffres d'affaires consolidés qu'à concurrence de 312,9 millions d'euro, de sorte qu'elle n'aurait pu se voir infliger qu'une amende maximale de 31,29 millions d'euro.

328 La requérante estime que cette erreur de droit doit, en raison de sa portée et du caractère grossièrement erroné des considérations relatives à la détermination du montant de l'amende qui en résulte, également aboutir à l'annulation de la décision attaquée dans son ensemble.

329 Se référant au considérant 496 de la décision attaquée, la requérante fait valoir que la Commission n'a, toutefois, pas été en mesure d'identifier de manière définitive la société responsable. La Commission n'aurait même pas tenté de démontrer que certains agissements reprochés à MM. [B] et [C] étaient imputables à des entreprises du groupe Knauf. Malgré cela, la Commission aurait, à tort, retenu le chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble des sociétés du groupe Knauf.

330 Renvoyant à sa réponse à la communication des griefs, la requérante conteste avoir reconnu être responsable pour toutes les sociétés du groupe Knauf s'agissant de l'imputation des chiffres d'affaires.

331 La Commission fait observer que la requérante a admis que la description du groupe figurant aux considérants 38 et suivants et 496 de la décision attaquée était exacte. En outre, elle aurait adressé, dès le début de la procédure administrative, des décisions de vérification à quatre entreprises du groupe de la requérante - y compris Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft - et aurait constaté, dans la décision attaquée, que ces entreprises constituaient une entreprise unique dirigée par MM. [B] et [C].

332 La Commission ajoute que, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante n'a pas critiqué l'imputation de l'infraction.

333 La Commission soutient que, lorsque le destinataire de la décision auquel est imputée la responsabilité de l'infraction se trouve à la tête d'un groupe constituant une unité économique, le chiffre d'affaires à prendre en compte pour le calcul de son amende est celui de l'ensemble du groupe. En l'espèce, la coordination du comportement du groupe relèverait des deux commandités indéfiniment responsables de la requérante et de Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft, MM. [B] et [C], qui administraient non seulement les deux sociétés, mais aussi le groupe Knauf en tant qu'unité économique unique poursuivant des intérêts communs. Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft dépendrait non seulement des gérants, mais aussi des locaux et du personnel de la requérante. La Commission considère que les faits sont analogues, à cet égard, à ceux de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt HFB e.a./Commission, point 125 supra.

334 La Commission souligne que l'ensemble des chiffres de ventes de la requérante, échangés dans le cadre de l'infraction en cause, se rapportait à l'ensemble du groupe Knauf.

335 Cette constatation serait étayée par le comportement adopté par la requérante lors de la procédure administrative, au cours de laquelle elle se serait présentée comme étant, en ce qui concerne les sociétés du groupe Knauf, le seul interlocuteur de la Commission au sujet de l'infraction unique. La Commission fait valoir que la requérante n'a jamais remis en question son rôle prépondérant au sein du groupe, ni l'imputation de l'infraction à ce groupe. En outre, elle aurait souligné elle-même le rôle de ses gérants en tant que gérants du " groupe Knauf ", par exemple dans sa réponse à la demande de renseignements du 8 juillet 1999. La Commission se réfère à plusieurs autres exemples dans son mémoire en duplique.

336 Enfin, le contrat familial du 9 décembre 1994 annexé à la requête corroborerait la conclusion de la Commission relative à la direction unique du groupe. L'article 5 du contrat familial confirmerait, en outre, que ce contrat crée une société civile et lie tous les associés des deux sociétés en commandite. Il serait donc clair que Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft dépendrait des autres entreprises du groupe, et notamment de la requérante, y compris sur le plan juridique.

Appréciation du Tribunal

337 Il résulte de la décision attaquée que la Commission a estimé que la requérante devait être responsable de l'ensemble des agissements du groupe Knauf et qu'elle l'a choisie comme destinataire de la décision attaquée. En effet, il ressort des considérants 495 à 499 de la décision attaquée ce qui suit :

" 495. Il est constant que [le groupe] Knauf a activement participé à tous les comportements anticoncurrentiels décrits dans la présente décision et que les dirigeants au plus haut niveau du groupe Knauf, MM. [B] et [C], ont été personnellement impliqués dans ces comportements.

496. La décision est adressée à Knauf [...], compte tenu de la structure particulière du groupe Knauf. En effet, la Commission n'est pas en mesure d'identifier une personne morale qui dirige le groupe de sociétés constituant l'entreprise. Dès lors, il n'y a pas une personne juridique qui, à sa tête, aurait pu, en tant que responsable de la coordination de l'action du groupe, se voir imputer les infractions commises par les diverses sociétés la composant.

497. Or, Knauf [...], dont MM. [B] et [C] sont les associés indéfiniment responsables, est la société la plus représentative de cette entreprise. En particulier, en ce qui concerne Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft [...] dont la fonction est d'administrer d'autres sociétés du groupe Knauf, il faut noter que celle-ci dépend de Knauf [...], tant pour ses locaux que pour son personnel, au moins en partie.

498. Dans ces conditions, et afin d'éviter que des questions purement formelles ne puissent s'opposer à la constatation du comportement sur le marché des plaques en plâtre [du groupe] Knauf aux fins de l'application des règles de concurrence, la Commission estime que Knauf [...] doit être tenue pour responsable de l'ensemble des agissements [du groupe] Knauf. Par ailleurs, Knauf [...] ne s'est pas opposée au fait que la Commission lui ait envoyé les griefs, qui pourtant établissait que la Commission entendait la tenir pour responsable de l'ensemble des comportements [du groupe] Knauf.

499. La Commission considère qu'en vue de l'éventuelle imposition d'une amende (voir la section 3), le chiffre d'affaires à retenir aux fins de la présente décision est celui de l''entreprise' au sens de l'article 81, paragraphe 1, [CE], c'est-à-dire, en l'occurrence le chiffre d'affaires mondial réalisé par l'ensemble des sociétés du groupe Knauf, tel que communiqué par Knauf à la Commission. "

338 Il convient également de souligner que la requérante ne conteste pas le fait que la décision attaquée lui a été adressée, mais soutient qu'elle ne peut être tenue responsable de l'ensemble des agissements du groupe Knauf.

339 Par conséquent, la question pertinente en l'espèce n'est pas de savoir si la requérante était responsable de l'infraction en question, mais de savoir si la Commission pouvait prendre en compte, pour la fixation du plafond de 10 % du montant de l'amende, le chiffre d'affaires du groupe Knauf, y compris celui de Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft et de ses filiales, sans attribuer formellement la responsabilité de l'infraction à l'ensemble des entreprises du groupe Knauf. Cette question se décompose en deux parties. En premier lieu, il importe de vérifier si le groupe Knauf constitue une unité économique au sens du droit de la concurrence. En second lieu, il y a lieu de contrôler si la Commission a démontré à suffisance de droit que la requérante était la personne juridique qui, à la tête du groupe Knauf, était responsable de la coordination de l'action de celui-ci.

340 En ce qui concerne la notion d'unité économique, il y a lieu de rappeler que, dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêts de la Cour du 16 mars 2004, AOK-Bundesverband e.a., C-264-01, C-306-01, C-354-01 et C-355-01, Rec. p. I-2493, point 46, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 175 supra, point 112).

341 Il ressort clairement de cette jurisprudence que la notion d'entreprise au sens des dispositions du traité en matière de concurrence n'exige pas que l'unité économique concernée soit dotée de la personnalité juridique. Il s'agit d'une interprétation de portée générale (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 175 supra, point 113). Ainsi, l'interprétation de la notion d'entreprise au sens des dispositions du traité en matière de concurrence est principalement déterminée par des aspects plus économiques que juridiques.

342 À cet égard, même s'il est vrai que la circonstance que le capital social de sociétés commerciales distinctes appartient à une même personne ou à une même famille n'est pas suffisante, en tant que telle, pour établir l'existence, entre ces sociétés, d'une unité économique ayant pour conséquence, en vertu du droit communautaire de la concurrence, que les agissements de l'une peuvent être imputés à l'autre et que l'une peut être tenue de payer une amende pour l'autre (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C-196-99 P, Rec. p. I-11005, point 99), il est possible de conclure à l'existence d'une unité économique au vu d'un ensemble d'éléments.

343 Par exemple, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt HFB e.a./Commission, point 125 supra, cette existence a été établie sur la base du contrôle par une personne physique des sociétés concernées, à savoir, outre la détention directe ou indirecte par cette dernière ou par son épouse de la totalité ou de la quasi-totalité des parts sociales, l'occupation par cette personne de fonctions clés au sein des organes de gestion de ces sociétés ainsi que le fait qu'elle représentait, lors des réunions du club des directeurs, les différentes entreprises et que ces dernières se sont vu attribuer un seul quota dans le cadre de l'entente.

344 En l'espèce, il est constant que les associés de la requérante ainsi que des autres entreprises détenues par la famille Knauf, et notamment de Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft, sont les mêmes, à savoir 21 personnes physiques membres de la famille Knauf et une société regroupant encore quatre autres membres de la famille Knauf, toutes ces personnes physiques appartenant aux deux branches de la famille [...] Knauf.

345 En outre, il est admis par la requérante que ses deux associés gestionnaires, MM. [B] et [C], sont également associés gestionnaires de toutes ces entreprises.

346 Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce que MM. [B] et [C] n'auraient pas représenté le groupe Knauf dans le cadre des différentes manifestations de l'infraction. À cet égard, la Commission fait valoir, sans être contredite sur ce point par la requérante, que l'ensemble des chiffres de ventes de la requérante échangés dans le cadre de l'infraction en cause se rapportait à l'ensemble des entreprises du groupe Knauf actives sur le marché des plaques en plâtre.

347 De plus, il résulte de la réponse de la requérante à une question écrite du Tribunal que Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft détient également des participations dans des entreprises qui sont actives sur le marché des plaques en plâtre. Il ressort également de la réponse de la requérante du 19 septembre 2002 à la demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17 qu'il existe plusieurs entreprises actives sur le marché des plaques en plâtre et contrôlées par la famille Knauf. En outre, dans cette réponse, la requérante a elle-même, sans une demande en ce sens de la part de la Commission, transmis à celle-ci la totalité du chiffre d'affaires du groupe Knauf, à savoir 2,244 milliards d'euro. Elle a indiqué que le chiffre d'affaires global des sociétés du groupe Knauf ne se rapportait pas " seulement à [elle-même] - ainsi que demandé par la Commission - mais à l'ensemble des sociétés particulières Knauf actives sur le marché des plaques en plâtre ". Ainsi, elle a indiqué que le chiffre d'affaires des entreprises du groupe Knauf actives sur le marché des plaques en plâtre représentait 54 % de l'ensemble du chiffre d'affaire du groupe.

348 Or, il ne saurait être accepté que les sociétés qui sont détenues par Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft, qui a comme seule fonction d'administrer les autres sociétés, puissent échapper à la sanction infligée au titre de l'infraction dont elles ont tiré profit. En effet, ainsi qu'il ressort des réponses de la requérante aux questions écrites et orales du Tribunal, Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft n'est qu'une société holding, sans personnel, gérant les sociétés de participation qu'elle détient pour les 22 associés qui la possèdent. La requérante n'a pas non plus contesté l'affirmation de la Commission selon laquelle Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft non seulement dépendait de ses gérants, mais occupait également ses locaux.

349 Enfin, le contrat familial stipule ce qui suit :

" Article premier : Objet du contrat

1. L'objet du présent contrat est de préserver les entreprises Knauf en tant qu'entreprises familiales.

2. L'objet du présent contrat est d'assurer une direction et une gestion uniques des entreprises Knauf.

3. L'objet du présent contrat est de garantir un exercice unique et concentré des droits des sociétés dans l'ensemble des entreprises Knauf.

4. L'objet du présent contrat est de garantir que les décisions nécessaires pour l'avenir en ce qui concerne la direction, la gestion, l'organisation et la forme juridique de la société restent possibles et ne puissent être empêchées par un seul associé ou par un petit nombre d'entre eux.

Article 2 - Les entreprises Knauf

1. Les entreprises Knauf au sens du présent contrat comprennent :

Knauf [...]

[Gebrüder] Knauf Verwaltungsgesellschaft [...] "

350 Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que les entreprises appartenant à la famille Knauf constituent une entité économique unique poursuivant des intérêts communs. En effet, selon une jurisprudence constante, la notion d'entreprise, placée dans le contexte du droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts du Tribunal HFB e.a./Commission, point 125 supra, point 66, et du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission, T-66-99, Rec. p. II-5515, point 121).

351 Il a également été jugé qu'une telle entité économique consistait en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à commettre une infraction visée par l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêt Minoan Lines/Commission, point 350 supra, point 122).

352 Ainsi, la Commission a pu estimer à bon droit que les différentes entreprises détenues par la famille Knauf constituaient une unité économique.

353 À cet égard, il convient de préciser que le chiffre d'affaires visé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 au titre de la limite supérieure du montant de l'amende susceptible d'être infligée s'entend comme le chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée, qui donne seul une indication approximative de l'importance et de l'influence de celle-ci sur le marché (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 119, et arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, T-145-89, Rec. p. II-987, point 158). En effet, dans le cas d'une entreprise constituée par un groupe de sociétés agissant comme une entité économique unique, seul le chiffre d'affaires cumulé des sociétés composantes peut constituer une indication de la taille et de la puissance économique de l'entreprise en question (arrêt HFB e.a./Commission, point 125 supra, point 529).

354 S'agissant du rôle de la requérante au sein du groupe Knauf, il y a lieu de rappeler qu'il est possible d'imputer à une société l'ensemble des agissements d'un groupe si cette société est identifiée comme étant la personne juridique qui, à la tête du groupe, était responsable de la coordination de l'action de celui-ci (arrêt Aristrain/Commission, point 342 supra, point 98).

355 Ainsi, lorsqu'un groupe de sociétés constitue une seule et même entreprise, la Commission peut imputer la responsabilité d'une infraction commise par ladite entreprise et infliger une amende à la société responsable de l'action du groupe dans le cadre de l'infraction (arrêt Minoan Lines/Commission, point 350 supra, point 122).

356 Dans le cas d'espèce, il ressort de l'organigramme fourni par la requérante en réponse à une question écrite du Tribunal que celle-ci est la seule entreprise active sur le marché pertinent qui n'est pas gérée par la société holding Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft.

357 En outre, il résulte clairement des pièces écrites du dossier que la requérante représente le groupe Knauf. En effet, la plupart des documents trouvés par la Commission pendant les vérifications, à l'exception des annonces sur les hausses de prix au Royaume-Uni, venant du groupe Knauf ont été rédigés sur le papier à en-tête de la requérante avec ses coordonnées. Ainsi, il n'y a pas lieu de douter de l'affirmation de la Commission, qui n'a d'ailleurs pas été contredite par la requérante, selon laquelle cette dernière coordonne les activités opérationnelles du groupe Knauf sur le marché pertinent.

358 De plus, la requérante s'est présentée, lors de la procédure administrative, en tant que seul interlocuteur de la Commission. Elle n'a contesté cette qualité à aucun moment de la procédure administrative.

359 Par ailleurs, il apparaît que la Commission considérait dans la communication des griefs (points 18 et 19) que l'infraction concernait tout le groupe Knauf. En outre, sur la base des informations contenues dans la communication des griefs, la requérante ne pouvait pas ignorer qu'elle était susceptible d'être la destinataire d'une décision finale de la Commission. Or, la requérante a répondu à la Commission sans remettre en cause son rôle de société responsable de l'action du groupe dans le cadre l'infraction.

360 Dans une telle situation, il lui incombait de réagir au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire, en démontrant que, malgré les éléments retenus par la Commission, l'infraction commise par le groupe Knauf ne lui était pas imputable (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission, T-330-01, Rec. p. II-3389, point 88).

361 En l'absence d'une personne juridique qui, à la tête du groupe Knauf, aurait pu, en tant que responsable de la coordination de l'action du groupe, se voir imputer les infractions commises par ses diverses sociétés composantes, la séparation formelle de ces sociétés, résultant de leur personnalité juridique distincte, ne s'opposait pas à ce que la Commission tienne la requérante pour responsable de l'ensemble des agissements du groupe à la suite de la constatation de l'unité de leur comportement sur le marché aux fins de l'application des règles de concurrence.

362 En conclusion, la Commission n'a commis aucune erreur d'appréciation en considérant qu'il existait une entité économique unique constituée par les différentes entreprises détenues par la famille Knauf et que la requérante était la société responsable de l'action du groupe Knauf dans le cadre de l'infraction. Partant, le moyen invoqué par la requérante en ce qui concerne la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, du fait de la prise en compte du chiffre d'affaires du groupe Knauf pour le calcul du montant de l'amende, doit être rejeté.

5. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l'article 253 CE et de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ainsi que de principes généraux dans le calcul du montant de l'amende

363 Ce moyen se compose de deux branches relatives au caractère disproportionné du montant de base de l'amende fixé en fonction, d'une part, de la gravité de l'infraction et, d'autre part, de la durée de celle-ci. S'agissant du montant de départ de 52 millions d'euro, en premier lieu, la requérante invoque le caractère non motivé et opaque de la fixation de ce montant. En deuxième lieu, elle fait valoir la prise en considération erronée d'un impact négatif concret des infractions sur le marché des plaques en plâtre. En troisième lieu, elle conteste le caractère généralement disproportionné des montants fixés eu égard à la pratique antérieure de la Commission.

364 Quant à la majoration du montant de l'amende en fonction de la durée de l'infraction, premièrement, elle serait disproportionnée eu égard à la pratique antérieure de la Commission. Deuxièmement, la Commission aurait commis une erreur en majorant, au titre de la durée de l'infraction, le montant de départ fixé en fonction de la gravité de celle-ci, étant donné que, par nature, les infractions telles que celle en cause s'étendent sur plusieurs années. Troisièmement, la requérante considère que la Commission a commis une erreur en considérant qu'il s'agissait d'une infraction unique et continue. Quatrièmement, elle estime que le montant maximal d'une amende correspondant à 10 % du chiffre d'affaires global ne peut être envisagé que dans les cas les plus graves.

Sur la première branche, relative au caractère disproportionné du montant de départ de l'amende déterminé en fonction de la gravité de l'infraction

Sur la violation de l'obligation de motivation

- Arguments des parties

365 La requérante estime que la Commission n'a fourni aucune explication convaincante sur la manière dont elle a abouti au chiffre de 52 millions d'euro tant en ce qui concerne le montant absolu qu'en ce qui concerne l'importance dudit montant par rapport à ceux retenus à l'encontre des autres entreprises concernées par la procédure administrative.

366 La requérante considère également que la décision attaquée et notamment les chiffres d'affaires et les parts de marchés tels qu'indiqués par la Commission ne font pas apparaître les critères conformes au principe d'égalité de traitement qui ont été utilisés pour répartir les entreprises en cause en trois catégories aux fins de la détermination des montants de départ. Elle reproche à la Commission un défaut de motivation quant à l'importance absolue et relative des montants effectivement retenus pour ces trois catégories.

367 Selon la requérante, une motivation particulièrement complète et détaillée serait nécessaire dans le cas de décisions discrétionnaires.

368 La Commission souligne, en se référant au considérant 546 de la décision attaquée, que la base du traitement différencié des différentes entreprises est l'importance relative de leur chiffre d'affaires tiré des ventes du produit concerné et les parts de marché qu'elles détenaient sur les quatre principaux marchés en question au cours de la dernière année complète de l'infraction.

- Appréciation du Tribunal

369 En ce qui concerne la portée de l'obligation de motivation concernant le calcul du montant d'une amende infligée pour violation des règles communautaires de concurrence, il convient de rappeler que celle-ci doit être déterminée au regard des dispositions de l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 17, aux termes duquel, " [p]our déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ". À cet égard, les lignes directrices, ainsi que la communication sur la coopération, contiennent des règles indicatives sur les éléments d'appréciation dont il est tenu compte par la Commission pour mesurer la gravité et la durée de l'infraction (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 217). Dans ces conditions, les exigences de formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation dont elle a tenu compte en application de ses lignes directrices et, le cas échéant, de la communication sur la coopération, et qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction aux fins du calcul du montant de l'amende (arrêt Cheil Jedang/Commission, précité, point 218).

370 Il est certes vrai que, en l'espèce, la Commission n'a pas indiqué d'éléments chiffrés autres que ceux relatifs aux parts de marché des entreprises en cause sur la base desquels elle a fixé le montant de départ de l'amende infligée à la requérante à 52 millions d'euro.

371 Toutefois, il n'incombe pas à la Commission, au titre de l'obligation de motivation, d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286-98 P, Rec. p. I-9925, point 66).

372 L'indication de données chiffrées relatives au mode de calcul du montant des amendes, pour utiles que soient de telles données, n'est pas indispensable au respect de l'obligation de motivation d'une décision infligeant des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d'appréciation (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Salzgitter/Commission, C-182-99 P, Rec. p. I-10761, point 75).

373 En effet, en ce qui concerne la motivation de la fixation du montant des amendes en termes absolus, il y a lieu de rappeler que les amendes constituent un instrument de la politique de concurrence de la Commission qui doit pouvoir disposer d'une marge d'appréciation dans la fixation de leur montant afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 59).

374 De plus, il importe d'éviter que les amendes ne soient facilement prévisibles par les opérateurs économiques. En effet, si la Commission avait l'obligation d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes, il serait porté atteinte à l'effet dissuasif de celles-ci. Si le montant de l'amende était le résultat d'un calcul obéissant à une simple formule arithmétique, les entreprises auraient la possibilité de prévoir l'éventuelle sanction et de la comparer aux bénéfices qu'elles tireraient de l'infraction aux règles du droit de la concurrence.

375 En l'espèce, il importe de relever que la Commission a exposé, aux considérants 522 à 553 de la décision attaquée, les éléments qu'elle a pris en considération pour calculer le montant des amendes au titre de la gravité de l'infraction de chacune des entreprises concernées. Or, il ressort des considérants susmentionnés que la Commission a fait apparaître de façon claire et détaillée le raisonnement qu'elle a suivi, permettant ainsi à la requérante de connaître les éléments d'appréciation pris en compte pour mesurer la gravité de l'infraction aux fins du calcul du montant de l'amende et au Tribunal d'exercer son contrôle. Il y a donc lieu de conclure que la décision attaquée satisfait à l'exigence de motivation qui incombe à la Commission au titre de l'article 253 CE.

376 Quant à la motivation de la différence entre les montants de départ des amendes infligées aux entreprises en cause, il ressort clairement des considérants 522 à 549 que la Commission a pris en considération la part de marché de chacune de ces entreprises sur les quatre marchés concernés, lors de la dernière année civile de l'infraction, et en a déduit que BPB devait être classée dans une première catégorie, Knauf et Lafarge dans une deuxième, et Gyproc dans une troisième, de sorte qu'un traitement différencié devait leur être appliqué.

377 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il est de jurisprudence constante qu'il est loisible, en vue de la détermination de l'amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci. Il ne faut attribuer ni à l'un ni à l'autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation et, par conséquent, la fixation d'une amende appropriée ne peut être le résultat d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global. Il en est particulièrement ainsi lorsque les marchandises concernées ne représentent qu'une faible fraction de ce chiffre (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, point 353 supra, point 121, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 175 supra, point 243).

378 Ainsi, la Commission a tenu compte du poids spécifique de la requérante en appliquant aux différentes entreprises concernées un traitement différencié fondé sur leur part de marché tirée du chiffre d'affaires issu de la vente du produit en cause sur les quatre principaux marchés de la Communauté sur lesquels l'infraction a eu lieu.

379 En conséquence, le grief trié de la violation de l'obligation de motivation en ce qui concerne la fixation du montant de l'amende infligée à Knauf au titre de la gravité de l'infraction doit être rejeté.

Sur les effets de l'infraction

- Arguments des parties

380 La requérante conteste les conclusions que la Commission a tirées, aux considérants 532 à 538 de la décision attaquée, sur les prétendus effets de l'infraction. Ni le considérant 60 ni les considérants 212 ou 395 de la décision attaquée ne contiendraient de constatations sur l'impact concret des prétendus accords.

381 En premier lieu, elle souligne que la décision attaquée ne contient aucune référence aux marchés français et du Benelux. En second lieu, elle fait valoir que, si la Commission veut retenir des effets dommageables sur la concurrence du fait des comportements en cause des entreprises concernées dans le cadre de la détermination de la sanction, elle est tenue d'établir concrètement l'existence de tels effets.

382 La requérante affirme que, même s'il est vrai que les parts de marché ont connu une " relative stabilité ", cela peut s'expliquer de plusieurs manières et n'est pas nécessairement dû à des activités d'entente des opérateurs du marché. Or, une seule explication alternative légale de ce phénomène suffirait pour faire basculer la charge de la preuve sur la Commission.

383 En ce qui concerne la fin de la guerre des prix, la requérante estime qu'elle peut également être le résultat de comportements commerciaux autonomes et n'est pas nécessairement liée à des activités d'entente.

384 Selon la requérante, le seul fait que des statistiques concernant le marché en cause soient échangées ne signifie pas automatiquement qu'un tel échange a des effets dommageables pour la concurrence.

385 La Commission affirme qu'elle a fondé son évaluation globale, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, sur le préjudice réellement causé par l'entente. Les participants à l'entente auraient effectivement appliqué des hausses de prix convenues après les avoir préalablement annoncées par l'intermédiaire des systèmes d'échange et ils auraient mis un terme à la guerre des prix plus tôt qu'ils ne l'auraient fait en l'absence d'accords (considérants 531 et suivants, notamment 534 à 538, de la décision attaquée).

386 Compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'infraction unique, complexe et continue, il ne serait pas nécessaire de démontrer l'existence de conséquences négatives sur la concurrence.

387 La Commission soutient en tout état de cause que l'effet de l'entente a été un affaiblissement de la concurrence, auquel les échanges d'informations ont contribué, indépendamment de leur utilisation (considérants 162 et suivants de la décision attaquée).

- Appréciation du Tribunal

388 Il convient de rappeler que, selon les termes du point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, dans son calcul du montant de l'amende en fonction de la gravité de l'infraction, la Commission tient compte, notamment, de " l'impact concret [de l'infraction] sur le marché lorsqu'il est mesurable ".

389 À cet égard, il y a lieu d'analyser la signification exacte des termes " lorsqu'il [c'est-à-dire l'impact concret] est mesurable ". En particulier, il s'agit de déterminer si, au sens de ces termes, la Commission peut uniquement tenir compte de l'impact concret d'une infraction dans le cadre de son calcul des amendes si, et dans la mesure où, elle est en mesure de quantifier cet impact.

390 Il convient de souligner ainsi que l'appréciation des effets des accords ou des pratiques au regard de l'article 81 CE implique la nécessité de prendre en considération le cadre concret dans lequel ils s'insèrent, notamment le contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, la nature des biens ou des services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question (arrêt ASNEF-EQUIFAX et Administración del Estado, point 187 supra, point 49).

391 En outre, l'examen de l'impact d'une entente sur le marché implique nécessairement le recours à des hypothèses. Dans ce contexte, la Commission doit notamment examiner quel aurait été le prix du produit en cause en l'absence d'entente. Or, dans l'examen des causes de l'évolution réelle des prix, il est hasardeux de spéculer sur la part respective de chacune de ces dernières. Il convient de tenir compte de la circonstance objective que, en raison de l'entente sur les prix, les entreprises concernées ont précisément renoncé à leur liberté de se concurrencer par les prix. Ainsi, l'évaluation de l'influence résultant de facteurs autres que cette abstention volontaire des entreprises concernées à l'entente est nécessairement fondée sur des probabilités raisonnables et non quantifiables avec précision.

392 Dès lors, à moins d'ôter au critère du point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices son effet utile, il ne saurait être reproché à la Commission de s'être appuyée sur l'impact concret d'une entente sur le marché ayant un objet anticoncurrentiel sans quantifier cet impact ou sans fournir une appréciation chiffrée à ce sujet. Par conséquent, l'impact concret d'une entente sur le marché doit être considéré comme suffisamment démontré si la Commission est en mesure de fournir des indices concrets et crédibles indiquant, avec une probabilité raisonnable, que l'entente a eu un impact sur le marché.

393 En l'espèce, il résulte du résumé de l'analyse effectuée par la Commission (considérants 534 à 538 de la décision attaquée) que celle-ci s'est appuyée sur plusieurs indices pour conclure à l'existence d'un effet réel de l'entente sur le marché. En effet, elle a invoqué le fait que les participants à l'entente détenaient la totalité ou la quasi-totalité de l'offre de plaques en plâtre sur les quatre marchés sur lesquels a porté l'entente. Elle a également estimé que les différents éléments de l'entente ont été mis en pratique, en ce que, notamment, les entreprises en cause ont effectivement modifié leur comportement à la suite de la réunion de Londres et que les échanges d'informations décidés ont été mis en œuvre durant toute la période en cause, sur les principaux marchés et plus spécifiquement sur les marchés du Royaume-Uni et allemand. En ce qui concerne les prix, elle a ajouté, en se référant aux considérants 212 et 395 de la décision attaquée, qu'ils avaient eu tendance à remonter ou, à tout le moins, à se stabiliser et que les contacts relatifs aux hausses de prix étaient liés effectivement à la publication de listes de prix ultérieurement repris dans les prix facturés aux clients. De plus, elle a estimé que les parts de marché avaient connu une relative stabilité au cours de la période en cause, plus grande qu'au cours de la période antérieure de 1988 à 1992 qualifiée par les entreprises en cause de guerre des prix, en se référant aux considérants 71, 196 et 289 de la décision attaquée et à l'annexe de celle-ci.

394 Tant le fait que les participants à l'entente détenaient la majorité (voire la quasi-totalité) du marché concerné que la circonstance que les arrangements mis en évidence étaient spécifiquement destinés à porter les prix à un niveau supérieur à celui qu'ils auraient atteint sans eux sont des indications tendant à démontrer que l'infraction était susceptible d'engendrer des effets anticoncurrentiels significatifs.

395 Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir considéré que la circonstance que les participants à l'entente détenaient une partie très importante du marché concerné constituait un facteur important dont elle devait tenir compte pour examiner l'impact concret de l'entente sur le marché. Il ne peut en effet être nié que la probabilité qu'une entente sur les prix et sur la stabilisation d'un marché soit efficace s'accroît avec l'importance des parts de marché que se partagent les participants à cette entente. S'il est vrai que, à elle seule, cette circonstance n'établit pas l'existence d'un impact concret, il n'en reste pas moins que, dans la décision attaquée, la Commission n'a nullement établi une telle relation de cause à effet, mais en a uniquement tenu compte au même titre que d'autres éléments.

396 S'agissant de l'affirmation de la Commission selon laquelle les prix ont effectivement eu tendance à remonter ou, à tout le moins, à se stabiliser (considérant 534 de la décision attaquée), il y a lieu de remarquer que la Commission ne présente pas de statistiques sur l'évolution des prix, mais se contente de relever que BPB et Lafarge auraient indiqué dans leur réponse à la communication des griefs que les prix sur les marchés du Royaume-Uni et allemand avaient eu tendance à remonter ou, tout au moins, à se stabiliser.

397 À cet égard, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne les réponses de Lafarge et de BPB à la communication des griefs, que le Tribunal a décidé, à titre surabondant, de les écarter en tant qu'élément à charge contre la requérante, ainsi qu'il ressort du point 63 ci-dessus.

398 Or, il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d'une entente est établie, qu'elle démontre systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d'atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l'absence d'entente. Il serait disproportionné d'exiger une telle démonstration qui absorberait des ressources considérables étant donné qu'elle nécessiterait le recours à des calculs hypothétiques, fondés sur des modèles économiques dont l'exactitude n'est que difficilement vérifiable par le juge et dont le caractère infaillible n'est nullement prouvé (conclusions de l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission, C-283-98 P, Rec. p. I-9855, I-9858, point 109).

399 En l'espèce, il ressort de la décision attaquée, non contestée par la requérante sur ce point, que la guerre des prix a pris fin, ce qui a eu, par définition, pour effet de porter les prix à des niveaux supérieurs à ceux qui auraient prévalu en l'absence d'arrangements illicites.

400 En outre, le fait que les contacts relatifs aux hausses de prix étaient liés à la publication de listes de prix ultérieurement repris dans les prix facturés aux clients (considérant 534 de la décision attaquée) a eu, par nature, une incidence sur le marché et sur le comportement des différents acteurs, du côté tant de l'offre que de la demande, compte tenu de ce que ces annonces ont influencé le processus de détermination des prix, en ce que le prix annoncé constituait une référence en cas de négociation individuelle des prix de transaction avec les clients (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, T-338-94, Rec. p. II-1617, point 342), lesquels ont nécessairement vu leur marge de négociation des prix limitée (voir, en ce sens, arrêt LVM/Commission, point 125 supra, point 745).

401 De plus, la fixation d'un prix, même simplement indicatif, affecte le jeu de la concurrence en ce qu'elle permet à tous les participants à l'entente de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents (arrêt de la Cour du 17 octobre 1972, Vereeniging van Cementhandelaren/Commission, 8-72, Rec. p. 977, point 21). Plus généralement, de telles ententes comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, point 71 supra, point 675). En effet, en exprimant une volonté commune d'appliquer un certain niveau de prix à leurs produits, les producteurs concernés ne déterminent plus de manière autonome leur politique sur le marché, portant ainsi atteinte à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T-311-94, Rec. p. II-1129, point 192).

402 En conséquence, le Tribunal estime que la Commission a démontré, à suffisance de droit, un impact concret de l'entente sur le marché concerné quant aux prix.

403 S'agissant de l'affirmation de la Commission figurant au considérant 534 de la décision attaquée selon laquelle les parts de marché ont connu une relative stabilité au cours de la période en question du fait de l'infraction en cause, il y a lieu de relever que cette affirmation n'est pas confirmée. Certes, il ressort du tableau figurant à l'annexe de la décision attaquée, auquel se réfère la Commission, que les parts de marché pendant la période allant de 1992 jusqu'en 1998 semblent être restées relativement stables. Néanmoins, en l'absence de données relatives à la situation sur le marché concerné avant l'entente, ce tableau ne prouve pas à suffisance de droit que la stabilité, à la supposer établie, a été la conséquence de l'infraction en cause.

404 En ce qui concerne les échanges d'informations, il est de jurisprudence constante qu'il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en est d'autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période, comme c'est le cas en l'espèce (voir arrêt HFB e.a./Commission, point 125 supra, point 216, et la jurisprudence citée).

405 À la lumière des considérations qui précèdent, le Tribunal constate que la Commission a suffisamment prouvé les effets de l'infraction sur le marché concerné, à l'exception de la stabilité des parts de marché.

406 Ainsi, il y a lieu encore d'examiner si le fait que la Commission n'a pas prouvé tous les effets prétendus de l'infraction a une incidence sur la qualification de l'infraction d'infraction très grave et donc sur le montant de l'amende.

407 À cet égard, il convient de rappeler que la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219-95 P, Rec. p. I-4411, point 33).

408 Le Tribunal a jugé, dans l'arrêt du 30 septembre 2003, Michelin/Commission (T-203-01, Rec. p. II-4071, points 258 et 259), que la gravité de l'infraction pouvait être établie par référence à la nature et à l'objet des comportements abusifs et que, selon une jurisprudence constante, des éléments relevant de l'objet d'un comportement pouvaient avoir plus d'importance aux fins de la fixation du montant de l'amende que ceux relatifs à ses effets.

409 La Cour a confirmé cette approche en considérant que l'effet d'une pratique anticoncurrentielle n'était pas un critère déterminant dans l'appréciation du montant adéquat de l'amende. Des éléments relevant de l'aspect intentionnel peuvent avoir plus d'importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu'il s'agit d'infractions intrinsèquement graves telles que la fixation des prix et la répartition des marchés (arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, point 258 supra, point 118).

410 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les ententes horizontales en matière de prix ont toujours été considérées comme faisant partie des infractions les plus graves au droit communautaire de la concurrence (arrêts du Tribunal Tate & Lyle e.a./Commission, point 179 supra, point 103, et du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, point 262).

411 Enfin, il importe également de souligner que la Commission n'a pas accordé au critère de l'impact réel de l'infraction sur le marché une importance prépondérante dans la fixation du montant de départ de l'amende. En effet, elle a également fondé son appréciation sur d'autres éléments, à savoir la constatation que l'infraction devait être qualifiée de très grave par sa nature même (considérants 528 à 530 de la décision attaquée) et que le marché géographique concerné constituait une part importante du marché communautaire, géographiquement et en valeur, puisqu'il représentait environ 80 % de la valeur totale de ce marché (considérants 539 à 542 de la décision attaquée).

412 En ce qui concerne l'étendue du marché géographique concerné, la requérante affirme que la Commission n'a pas démontré à suffisance de droit que l'entente concernait également les marchés français et du Benelux. À cet égard, il suffit de rappeler que la réunion de Londres ainsi que les échanges d'informations sur les quantités vendues concernaient également ces marchés.

413 Si la Commission peut légalement conclure que les différentes manifestations faisaient partie d'une infraction unique du fait qu'elles s'inscrivaient dans un plan d'ensemble visant à fausser le jeu de la concurrence, le fait que le nombre et l'intensité des pratiques collusoires variaient selon le marché concerné ne signifie pas que l'infraction ne concernait pas les marchés sur lesquels les pratiques ont été moins intenses et moins nombreuses. En effet, il serait artificiel de subdiviser un comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en plusieurs infractions distinctes au motif que les pratiques collusoires ont varié selon le marché concerné. Il n'y a lieu de prendre en considération ces éléments que lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l'amende (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 90).

414 Dès lors, au regard de l'ensemble des considérations qui précèdent, c'est à bon droit que la Commission a qualifié l'infraction de très grave.

415 En outre, le Tribunal estime, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction et à la lumière des considérations qui précèdent, que le fait de n'avoir démontré que partiellement les effets de l'infraction n'est pas susceptible de remettre en cause l'appréciation du montant de départ de l'amende fixé en fonction de la gravité, telle qu'effectuée par la Commission.

Sur la violation du principe de proportionnalité au regard de la pratique antérieure de la Commission

- Arguments des parties

416 La requérante invoque l'illégalité de la méthode générale de calcul définie par les lignes directrices étant donné que ces dernières méconnaissent totalement la proportionnalité des sanctions au chiffre d'affaires. La sévérité de la sanction se répercuterait différemment sur chaque entreprise concernée, et ce, notamment, au détriment des petites et moyennes entreprises. La requérante estime que seule la détermination d'une sanction proportionnelle au chiffre d'affaires peut être envisagée.

417 Elle considère qu'il y a eu, en tout état de cause, une disproportion absolue du montant de l'amende retenu contre elle même au regard des autres affaires jugées conformément aux nouveaux principes.

418 Dans ses décisions infligeant des amendes adoptées sur la base des lignes directrices ou de la communication sur la coopération qui concernaient des infractions d'un genre et d'une durée similaires, la Commission serait toujours partie de montants de départ comparativement inférieurs en ce qui concerne la prise en compte de la gravité de l'infraction. Ces montants auraient toujours représenté un plus petit pourcentage du chiffre d'affaires dans le cas de l'entreprise concernée que dans celui de la requérante. Cette dernière invoque neuf autres affaires comme exemples de cette disproportion.

419 Elle fait valoir que la Commission ne compare pas le montant de départ retenu avec le chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, mais uniquement avec la taille globale du marché de référence. Ce faisant, elle méconnaîtrait le fait que les destinataires des décisions par lesquelles elle inflige des amendes sont des entreprises isolées et non un secteur d'activité. Les amendes seraient des sanctions individuelles et non une peine collective touchant toutes les entreprises exerçant leurs activités sur un marché.

420 La Commission estime qu'il convient avant tout de tenir compte des deux caractéristiques principales du marché en cause, à savoir sa structure oligopolistique et sa valeur. À cet égard, elle fait valoir que, au cours de la dernière année complète de l'infraction, la valeur du marché des plaques en plâtre s'élevait à 1,21 milliard d'euro, soit 1,4 fois celle du marché du papier autocopiant, alors que le montant de départ de l'amende infligée au principal participant à l'entente en cause - 80 millions d'euro pour BPB - est seulement 1,12 fois supérieur à celui fixé dans le cadre de l'entente sur le papier autocollant. La valeur du marché concerné serait également trois fois plus élevée que celle du marché des électrodes de graphite, alors que le montant de départ équivaudrait seulement au double de celui déterminé dans l'affaire des électrodes de graphite. Lors du calcul du montant de l'amende, la Commission aurait également tenu compte du fait que l'entente sur les plaques en plâtre était moins structurée et peut-être aussi moins fructueuse que ces précédentes ententes ; si tel n'avait pas été le cas, l'amende aurait été plus élevée. Or, malgré des liens plus distendus, cette entente aurait été plus dangereuse que les ententes susmentionnées, puisqu'elle portait sur un marché oligopolistique étroit et qu'elle englobait tous les concurrents du marché.

- Appréciation du Tribunal

421 En ce qui concerne l'allégation de la requérante selon laquelle son amende est disproportionnée et excessive par rapport à son chiffre d'affaires, il suffit de rappeler que, la Commission n'étant pas obligée d'effectuer le calcul du montant de l'amende à partir de montants basés sur le chiffre d'affaires des entreprises concernées, elle n'est pas non plus tenue d'assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global ou à leur chiffre d'affaires sur le marché du produit en cause (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 175 supra, points 255 et 312).

422 En outre, le droit communautaire ne contient pas de principe d'application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée à l'importance de l'entreprise sur le marché des produits faisant l'objet de l'infraction (arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, point 101).

423 L'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n'exige pas non plus que, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l'amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d'affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de cette disposition que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour celles de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l'amende, la gravité et la durée de l'infraction. Dans la mesure où la Commission impose, aux entreprises impliquées dans une même infraction, des amendes justifiées, pour chacune d'elles, par rapport à la gravité et à la durée de l'infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d'entre elles, le montant de l'amende soit supérieur, au regard du chiffre d'affaires, à celui d'autres entreprises (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T-21-99, Rec. p. II-1681, point 203).

424 L'argument de la requérante selon lequel le caractère disproportionné de l'amende infligée est manifeste lorsque son montant est comparé à celui des amendes imposées à d'autres entreprises dans des affaires similaires doit également être rejeté. La Commission ne saurait, en effet, être obligée de fixer des amendes proportionnées aux chiffres d'affaires et en cohérence parfaite avec celles fixées dans de précédentes affaires.

425 Il y a lieu de souligner, à cet égard, qu'une pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d'autres affaires ne revêtent qu'un caractère indicatif en ce qui concerne l'existence éventuelle d'une violation du principe d'égalité de traitement, étant donné qu'il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques (arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C-167-04 P, Rec. p. I-8935, points 201 et 205).

426 Le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 353 supra, point 109).

427 Il importe d'ajouter que, dans le cadre du calcul des amendes infligées au titre de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l'exercice des pouvoirs qui incombent à la Commission en vertu de cette disposition. En effet, dans le cadre de sa marge d'appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises concernées afin de garantir, dans chaque cas d'espèce, la pleine efficacité des règles communautaires de concurrence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C-308-04 P, Rec. p. I-5977, point 46, et la jurisprudence citée).

428 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 229 CE et 17 du règlement n° 17, le caractère approprié du montant des amendes.

429 En l'espèce, le Tribunal considère que l'infraction est particulièrement grave, compte tenu de certains éléments, ainsi que la Commission l'a fait observer aux considérants 534, 535 et 539 à 542 de la décision attaquée. Il s'agit notamment du caractère oligopolistique du marché et du fait que l'infraction en cause affectait la totalité ou la quasi-totalité de l'offre de plaques en plâtre sur les quatre marchés nationaux faisant l'objet de l'entente. En outre, la taille du marché concerné, tant au niveau géographique qu'en termes de valeur, était grande. En effet, les quatre marchés concernés étaient les principaux marchés communautaires des plaques en plâtre et représentaient environ 80 % de la valeur totale du marché communautaire, laquelle s'élevait à 1,21 milliard d'euro la dernière année complète de l'infraction. Enfin, eu égard à la nature du produit concerné, l'entente a nécessairement eu un impact sur une partie substantielle du marché de la construction et a ainsi affecté un secteur très important pour l'ensemble de l'économie.

430 Au demeurant, il n'apparaît pas que le montant de départ fixé en fonction de la gravité de l'infraction en l'espèce soit plus sévère que celui imposé dans d'autres affaires au regard de la taille du marché en cause. Toutefois, cette comparaison ne signifie pas que la taille du marché pertinent est le meilleur ou le seul critère pour comparer les amendes infligées dans différentes ententes. En effet, une comparaison entre plusieurs ententes est difficile, étant donné que les différents éléments que la Commission peut prendre en compte afin d'évaluer la gravité de l'infraction sont nombreux. De plus, ainsi que cela a été rappelé aux points 425 et 426 ci-dessus, une telle comparaison ne peut, en tout état de cause, être effectuée qu'à titre indicatif dès lors que la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

431 Compte tenu des nombreux éléments rendant l'infraction particulièrement grave en l'espèce (voir point 429 ci-dessus), le Tribunal estime que le montant de départ de l'amende infligée à la requérante fixé en fonction de la gravité de l'infraction est proportionné.

432 Enfin, il convient de rappeler que la limite supérieure de 10 % visée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 se rapporte au chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée et que seul le montant final de l'amende doit respecter cette limite. Le montant final de l'amende infligée à la requérante dans la décision attaquée, soit 85,8 millions d'euro, ne représentant qu'environ 3,2 % de son chiffre d'affaires mondial qui était, en 2001, de 2,7 milliards d'euro, elle ne saurait faire valoir une disproportion manifeste entre ladite amende et la taille de son entreprise.

433 Il résulte de tout ce qui précède que les arguments de la requérante visant à démontrer que le montant de départ de l'amende déterminé en fonction de la gravité de l'infraction était disproportionné doivent être rejetés.

Sur la seconde branche, relative au montant de l'amende déterminé en fonction de la durée de l'infraction

Sur la violation du principe de proportionnalité eu égard à la pratique antérieure

- Arguments des parties

434 La requérante estime qu'une augmentation de 10 % du montant de l'amende pour chaque année d'infraction n'est appropriée que lorsque la gravité de celle-ci demeure inchangée durant la période en question. Cela serait logique étant donné que l'augmentation se fait par l'application d'un certain pourcentage au montant de départ déterminé en fonction de la gravité de l'ensemble de l'infraction. Or, en l'espèce, s'agissant de la période s'étendant de la réunion de Londres qui s'est tenue au début de 1992 jusqu'à celle de Versailles intervenue en 1996, la Commission ne reprocherait aux entreprises en cause que d'avoir échangé des chiffres de ventes et de s'être informées au sujet des hausses de prix déjà décidées sur le marché du Royaume-Uni. S'agissant de la période suivante, qui s'étend de la réunion de Versailles jusqu'à la vérification effectuée auprès de ces entreprises, la Commission reprocherait, en outre, à ces dernières d'avoir conclu des accords de hausses de prix et de répartition du marché allemand. Ainsi, il ne serait pas approprié d'augmenter le montant de départ à concurrence du taux maximal prévu par les lignes directrices, à savoir 10 % par an, entre 1992 et 1996.

435 La Commission estime que la requérante confond la fréquence des actes anticoncurrentiels avec l'intensité de l'infraction unique dans le cadre de laquelle ces actes s'inscrivent. Selon la Commission, sur des marchés tels que celui en cause en l'espèce, la concurrence peut être réduite avec des moyens relativement limités, de telle sorte que l'existence d'intervalles plus importants entre chacun des actes n'a aucune valeur indicative.

- Appréciation du Tribunal

436 En ce qui concerne la contestation par la requérante du fait que la Commission a appliqué automatiquement le taux maximal de 10 % par année, il y a lieu de rappeler que, même si le point 1 B, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices ne prévoit pas de majoration automatique de 10 % par année pour les infractions de longue durée, il laisse à cet égard une marge d'appréciation à la Commission (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 369 supra, point 134).

437 En l'espèce, au considérant 554 de la décision attaquée, la Commission a constaté que Knauf avait commis l'infraction pendant six ans et sept mois, soit une durée longue au sens des lignes directrices, et elle a ainsi augmenté le montant de l'amende retenu au titre de la gravité de l'infraction de 65 %. Il en ressort que la Commission a respecté les règles qu'elle s'était imposées dans les lignes directrices. De plus, le Tribunal estime que cette augmentation de 65 %, eu égard à la durée de l'infraction, n'est, en l'espèce, pas manifestement disproportionnée.

438 S'agissant de l'affirmation de la requérante selon laquelle la Commission n'aurait pas tenu compte de l'intensité différenciée de l'infraction pendant la période en cause, il y a lieu de rappeler que l'augmentation se fait par l'application d'un certain pourcentage au montant de départ qui est déterminé en fonction de la gravité de l'ensemble de l'infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l'infraction. Ainsi, il ne serait pas logique de prendre en compte pour l'augmentation de ce montant au titre de la durée de l'infraction une variation dans l'intensité de l'infraction pendant la période concernée.

439 Il s'ensuit que le grief tiré du caractère erroné de la majoration du montant de l'amende au titre de la durée de l'infraction doit être écarté.

Sur la double prise en considération de la durée de l'infraction

- Arguments des parties

440 La requérante fait valoir que les infractions qualifiées de très graves dans les lignes directrices s'étendent régulièrement sur plusieurs années. Ainsi, la Commission ne pourrait pas de nouveau faire intervenir, de manière sensible, dans la prise en considération de la durée de l'infraction, ce caractère grave de l'acte dont elle a déjà tenu compte en qualifiant l'infraction de très grave.

441 La requérante conteste, pour la même raison, la légalité des lignes directrices. Elle estime qu'il n'est pas possible d'apprécier la durée d'une infraction de la même façon quelle que soit sa nature sans violer le principe de proportionnalité. Elle souligne que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n'exige pas de tenir compte séparément de la gravité et de la durée de l'infraction.

442 La Commission fait valoir que l'article 15 du règlement n° 17 cite la gravité et la durée d'une infraction comme facteurs du calcul du montant de l'amende. Il tiendrait donc compte du fait que le préjudice subi par le consommateur et le gain escompté par l'entreprise impliquée dépendent dans une large mesure de la durée de l'infraction.

- Appréciation du Tribunal

443 La requérante affirme que les ententes sur les prix et les volumes seraient, par nature, des infractions de longue durée et que, dès lors, la majoration au titre de la durée de l'infraction en cause tiendrait compte une seconde fois de la durée de celle-ci. À cet égard, il convient de rappeler que, à supposer même que certains types d'ententes soient intrinsèquement conçus pour durer, il importe de toujours faire une distinction, en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, entre la durée de leur fonctionnement effectif et leur gravité telle qu'elle résulte de leur nature propre (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 71 supra, point 275).

444 Dès lors, en l'espèce, la majoration du montant de l'amende au titre de la durée de l'infraction ne tient pas compte une seconde fois de la durée de celle-ci, de sorte qu'il y a lieu d'écarter ce grief.

Sur le caractère unique et continu de l'infraction

- Arguments des parties

445 La requérante affirme qu'il n'y a pas eu d'infraction unique et qu'une telle infraction n'a pas été établie. Il s'agirait d'actes isolés qui concerneraient l'année 1992, suivie d'une phase de plus de quatre ans pour laquelle aucun grief n'aurait été soulevé par la Commission, suivie, enfin, par des actes intervenus entre 1996 et 1998. En conséquence, une durée de l'infraction de deux ans aurait éventuellement pu justifier une majoration du montant de départ de 20 % au maximum.

446 La Commission soutient que, étant donné que la décision attaquée porte sur une infraction continue, il est superflu d'examiner de nouveau cette argumentation.

- Appréciation du Tribunal

447 Il convient de constater que, par son argumentation, Knauf procède, pour l'essentiel, à une reformulation de l'ensemble des arguments déjà exposés au soutien du troisième moyen, tiré d'une violation de la notion d'infraction unique et continue. Dès lors, dans la mesure où il ressort des points 306 à 321 ci-dessus que ce troisième moyen n'est pas fondé, les arguments avancés par Knauf au soutien de ce grief ne le sont pas non plus.

448 Ce grief ne saurait donc être accueilli.

Sur l'absence de prise en considération de la limite supérieure de la sanction prévue à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

- Arguments des parties

449 La requérante considère que la sanction légale maximale, à savoir le plafond de 10 %, ne peut être envisagée que dans les cas les plus graves. Or, tel ne serait pas le cas en l'espèce. Seule la prise en compte de toutes les circonstances aggravantes permettrait de garantir qu'une amende est proportionnelle aux sanctions déjà infligées dans des affaires similaires antérieures ainsi qu'à celles à venir. L'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 devrait, en tant que disposition du droit secondaire, être interprété et appliqué dans le respect de l'impératif de proportionnalité en tant que principe général du droit communautaire.

450 En outre, elle fait valoir que la limite supérieure doit être applicable non seulement au montant final de l'amende, mais aussi à chaque montant intermédiaire. Or, en l'espèce, le montant de base retenu pour le calcul de son amende aurait été supérieur à cette limite.

451 La Commission souligne que le montant final de l'amende de la requérante est inférieur au montant maximal autorisé.

- Appréciation du Tribunal

452 Il y a lieu de relever que l'affirmation de la requérante selon laquelle la limite supérieure que le montant d'une amende ne peut dépasser correspondant à 10 % du chiffre d'affaires global équivaut à une sanction maximale est erronée. En effet, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, cette limite a un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l'infraction, à savoir éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d'affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s'acquitter (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 175 supra, points 280 et 282).

453 Il s'agit donc d'une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d'elles, visant à éviter des amendes d'un niveau excessif et disproportionné (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 175 supra, point 281).

454 Elle a comme seule conséquence possible que le montant de l'amende calculé sur la base des critères de gravité et de durée de l'infraction est réduit jusqu'au niveau maximal autorisé lorsqu'il dépasse ce dernier. Son application implique que l'entreprise concernée ne paie pas la totalité de l'amende qui, en principe, serait due au titre d'une appréciation fondée sur lesdits critères (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 175 supra, point 283).

455 En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel la limite supérieure est applicable à chaque montant intermédiaire, il convient de rappeler que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n'interdit pas à la Commission de se référer, au cours de son calcul, à un montant intermédiaire dépassant 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, pour autant que le montant de l'amende finalement imposée à cette entreprise ne dépasse pas cette limite maximale (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23/99, Rec. p. II-1705, point 288).

456 Or, ainsi que cela a été souligné au point 432 ci-dessus, le montant final de l'amende infligée à la requérante ne dépasse pas la limite supérieure prévue à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

457 En conséquence, le présent grief ne saurait être accueilli. Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

6. Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe d'égalité de traitement

Arguments des parties

458 La requérante considère que le fait que la Commission n'a pas réduit le montant de son amende bien qu'elle ait coopéré dans les mêmes proportions que BPB qui s'est vu accorder une réduction du montant de l'amende de 30 % constitue une violation du principe d'égalité de traitement. BPB aurait, tout comme la requérante, contesté les griefs sous un angle juridique tout en admettant les faits, à savoir que les réunions de Londres, de Versailles, de Bruxelles et de La Haye avaient bien eu lieu, qu'elles avaient été le cadre de discussions sur la situation générale du marché et que des statistiques concernant le marché ainsi que des informations relatives à des hausses de prix déjà décidées y avaient été échangées.

459 Selon la requérante, étant donné que, dans le cas de BPB, cette coopération a entraîné une minoration de 30 % du montant de l'amende, elle aurait également dû être prise en considération de la même manière en ce qui la concerne.

460 La Commission fait valoir, en se référant aux considérants 593 et 596 et suivants de la décision attaquée, que BPB a transmis des informations au-delà de la demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17 et a reconnu partiellement les faits. En revanche, la requérante non seulement se serait abstenue d'agir de la sorte, mais aurait aussi créé des difficultés dès les vérifications, répondu brièvement aux questions de la Commission et profité de l'accès au dossier pour retarder le plus possible la procédure administrative.

Appréciation du Tribunal

461 Il ressort de la requête que Knauf allègue que la Commission a refusé de lui accorder une réduction au titre de la coopération en violation du principe d'égalité de traitement, bien qu'elle ait reconnu les mêmes faits que BPB.

462 Le Tribunal estime que l'argumentation de la requérante reposant sur la comparaison avec la coopération de BPB ne saurait prospérer.

463 En l'espèce, il résulte d'une lecture combinée des considérants 592 à 597 de la décision attaquée que la Commission a octroyé une réduction de 30 % du montant de l'amende imposée à BPB sur le fondement de trois éléments cumulatifs, à savoir le fait que, en premier lieu, sa coopération à l'établissement des faits était allée au-delà de ses obligations résultant de l'article 11 du règlement nº 17, en deuxième lieu, elle avait reconnu une partie des faits constitutifs de l'infraction constatée et, en troisième lieu, elle avait été le premier participant à l'entente à communiquer des éléments complémentaires à ceux découverts lors des vérifications et confirmant l'existence de l'entente.

464 À cet égard, en premier lieu, force est de constater que la requérante ne prétend même pas avoir fourni à la Commission des informations allant au-delà de celles qu'elle était tenue de produire au titre de l'article 11 du règlement n° 17. Au contraire, il ressort de sa réponse du 14 septembre 1999 à la demande de renseignements de la Commission en date du 8 juillet 1999 qu'elle n'a fait que répondre aux questions posées par cette dernière. De plus, la requérante a même refusé de répondre à une question de la Commission relative à la réunion de Versailles en invoquant son droit de ne pas répondre aux questions lorsque cela pourrait l'incriminer. Or, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une coopération à l'enquête qui ne dépasse pas ce qui résulte des obligations qui incombent aux entreprises en vertu de l'article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17 ne justifie pas une réduction de l'amende (arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005 Scandinavian Airlines System/Commission, T-241-01, Rec. p. II-2917, point 218).

465 En deuxième lieu, BPB a reconnu la qualification infractionnelle d'une partie des faits. Or, ainsi qu'il ressort des affirmations mêmes de la requérante, celle-ci a seulement reconnu que les réunions de Londres, de Versailles et de La Haye avaient eu lieu, qu'elles avaient été le cadre de discussions sur la situation générale du marché et que des statistiques concernant le marché ainsi que des informations relatives à des hausses de prix déjà décidées avaient été échangées.

466 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission peut tenir compte, aux fins de la fixation du montant d'une amende, de l'aide qui lui a été apportée par l'entreprise concernée pour constater l'existence de l'infraction avec moins de difficulté et, en particulier, de la circonstance qu'une entreprise a reconnu sa participation à l'infraction. Elle peut accorder à l'entreprise qui l'a ainsi aidée une diminution significative du montant de son amende et octroyer une diminution nettement moins importante à une autre entreprise qui s'est contentée de ne pas nier les principales allégations de fait sur lesquelles elle a fondé ses griefs (arrêt de la Cour du 14 juillet 2005, Acerinox/Commission, C-57-02 P, Rec. p. I-6689, point 88).

467 Par ailleurs, il convient de faire une distinction entre, d'une part, la reconnaissance expresse d'une infraction et, d'autre part, la simple absence de contestation de celle-ci, qui ne contribue pas à faciliter la tâche de la Commission consistant à découvrir et à réprimer les infractions aux règles communautaires de concurrence (arrêt de la Cour du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C-65-02 P et C-73-02 P, Rec. p. I-6773, point 58).

468 Or, ainsi qu'il ressort de l'examen du deuxième moyen, la requérante conteste toujours fermement qu'il y ait eu des comportements collusoires. Ainsi, à la lumière d'une telle dénégation, il ne saurait être considéré que le fait que certains extraits de la réponse de la requérante à la communication des griefs suggèrent l'existence d'un échange d'informations et une intention des participants aux réunions d'adopter une attitude plus ferme sur les prix a permis à la Commission de constater l'existence de l'infraction avec moins de difficulté.

469 En troisième lieu, Knauf n'a pas été le premier participant à l'entente à communiquer des éléments complémentaires de ceux découverts lors des vérifications et confirmant l'existence de l'entente. À cet égard, il ressort de la décision attaquée (considérant 65) que la Commission a constaté que Knauf ne contestait pas la matérialité des faits décrits par BPB quant à la réunion de Londres. Il ressort également des considérants 64, 96, 190, 202 et 208 de la décision attaquée que Knauf n'a pas admis la description faite par la Commission des échanges d'informations opérés entre les concurrents même si elle ne l'a pas substantiellement contestée dans sa réponse à la communication des griefs.

470 S'agissant de la réunion de Versailles, il ressort du considérant 240 de la décision attaquée que Knauf a indiqué dans sa réponse à la communication des griefs qu'une discussion " inattendue " entre les dirigeants des quatre entreprises avait eu lieu, dont l'objet initial concernait des questions relatives aux matières premières et à certaines difficultés d'un négociant. Knauf a également admis que la situation du marché allemand avait été évoquée.

471 En ce qui concerne la réunion de Bruxelles, il ressort du considérant 252 de la décision attaquée que Knauf n'a pas contesté l'existence de cette réunion. Quant à la réunion de La Haye, il n'y a pas de référence directe dans la décision attaquée à la position que Knauf a prise sur cette question. De même, concernant les échanges de données relatives aux hausses de prix intervenues sur le marché allemand, il ressort du considérant 308 de la décision attaquée que Knauf a seulement reconnu que l'envoi aux concurrents de lettres annonçant les hausses de prix pouvait avoir eu lieu occasionnellement.

472 Il convient de rappeler que, dans le cadre de l'appréciation de la coopération fournie par des entreprises, la Commission ne saurait méconnaître le principe d'égalité de traitement, principe général du droit communautaire qui n'est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 237, et la jurisprudence citée).

473 Il est établi, à cet égard, qu'une différence de traitement des entreprises en cause doit être imputable à des degrés de coopération non comparables, notamment dans la mesure où ils ont consisté en la fourniture d'informations différentes ou en la fourniture de ces informations à des stades différents de la procédure administrative ou dans des circonstances non analogues (voir, en ce sens, arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 472 supra, points 245 et 246).

474 L'examen du comportement de BPB et de Knauf pendant la procédure administrative a clairement démontré des différences dans le degré de coopération et, donc, l'absence d'une violation du principe d'égalité de traitement entre BPB et Knauf. Dès lors, le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement doit être rejeté comme non fondé.

7. Sur le septième moyen, tiré de la durée anormalement longue de la procédure administrative

Arguments des parties

475 La requérante invoque la durée exagérément longue de la procédure administrative. Elle constituerait une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH et du principe de bonne administration. Elle fait valoir qu'une procédure administrative perturbe le travail au sein de l'entreprise et que les rumeurs nuisent déjà en soi considérablement à la réputation de l'entreprise et restreignent sa capacité à obtenir des crédits.

476 La requérante fait observer que la Commission a commencé ses investigations en 1998, mais n'a pris la décision attaquée qu'à la fin de 2002, soit au terme d'une procédure de plus de quatre années, alors qu'elle avait tous les éléments déterminants en sa possession dès 1999 ou, au plus tard, après l'audition. En conséquence, la sanction infligée à la requérante aurait été beaucoup plus élevée, étant donné que la Commission n'aurait que récemment relevé le niveau général des sanctions. Cela entraînerait l'illégalité de la fixation du montant de l'amende dans la mesure où il dépasserait celui qui aurait été retenu en 2000 ou en 2001.

477 La Commission conteste que la procédure administrative se soit déroulée sur une période anormalement longue.

Appréciation du Tribunal

478 L'observation d'un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit communautaire dont la juridiction communautaire assure le respect (arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, point 265 supra, point 35).

479 Or, la constatation d'une durée excessive de la procédure administrative n'est pas, en soi, suffisante pour conclure à la violation du principe de délai raisonnable sans apprécier l'incidence d'une telle durée sur les droits de la défense de la requérante.

480 En effet, s'agissant de l'application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d'annulation que dans le cas d'une décision constatant des infractions, dès lors qu'il a été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l'obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement n° 17 (arrêt du Tribunal du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, T-5-00 et T-6-00, Rec. p. II-5761, point 74).

481 En l'espèce, Knauf n'a expliqué, nulle part dans ses écritures, en quoi un prétendu dépassement du délai raisonnable aurait porté atteinte à ses droits de la défense. En effet, elle ne se prévaut que d'une perturbation du travail au sein de l'entreprise ainsi que d'une atteinte à sa réputation et à sa capacité à obtenir des crédits.

482 Ainsi, Knauf n'a présenté aucun argument circonstancié qui permettrait de considérer que les droits de la défense auraient pu être compromis, y compris pendant la phase d'instruction antérieure à la communication des griefs. Or, une argumentation générale n'est pas de nature à établir la réalité d'une violation des droits de la défense, laquelle doit être examinée en fonction de circonstances spécifiques de chaque cas d'espèce (arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, point 265 supra, point 59).

483 En tout état de cause, le Tribunal estime, à titre subsidiaire, que la procédure administrative menée par la Commission n'a pas, en l'espèce, dépassé un délai raisonnable.

484 La durée de la première phase de la procédure administrative n'a pas été excessivement longue. En effet, à la suite des premières vérifications opérées au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17, qui ont eu lieu le 25 novembre 1998, la Commission a envoyé la première demande de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement nº 17, le 27 janvier 1999 à BPB. Le 1er juillet 1999, la Commission a effectué d'autres vérifications en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17. Le 21 septembre 1999, la Commission a adressé une deuxième demande de renseignements à BPB, qui a fourni une réponse le 28 octobre 1999. Le 30 mars 2000, la Commission a adressé une troisième demande de renseignements à BPB, qui a fourni une réponse le 18 mai 2000. La Commission a adressé des demandes de renseignements au titre dudit article 11 à Knauf le 8 juillet 1999 ainsi qu'à Lafarge et à Etex le 21 septembre 1999, dans lesquelles elle demandait des informations portant sur des documents qu'elle avait obtenus dans les locaux de ces entreprises durant les vérifications de novembre 1998 et de juillet 1999. Knauf a répondu le 14 septembre 1999, Lafarge le 29 octobre 1999 et Gyproc le 2 novembre 1999.

485 La phase de la procédure administrative qui a débuté avec la communication des griefs datée du 18 avril 2001 et qui a pris fin avec l'adoption de la décision attaquée le 27 novembre 2002 a duré 19 mois, y compris l'audition des entreprises concernées. Compte tenu des éléments factuels de la présente affaire et du nombre d'entreprises concernées, la durée de cette phase de la procédure administrative a été raisonnable.

486 Enfin, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel sa sanction aurait été moins élevée si la Commission avait mis fin à la procédure administrative plus tôt étant donné que ce n'est que tout récemment qu'elle a augmenté le niveau général des sanctions, il doit être rejeté. En effet, même en admettant que le niveau général des amendes ait augmenté pendant la procédure administrative, il suffit de rappeler que le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence, mais que, au contraire, l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse, à tout moment, adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, point 353 supra, point 109, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 175 supra, point 169).

487 Il résulte des considérations qui précèdent que le septième moyen doit être rejeté comme non fondé.

8. Sur le huitième moyen, tiré de la fixation de taux d'intérêt trop élevés

Arguments des parties

488 La requérante fait observer que le taux d'intérêt de retard est fixé à 6,79 % pour la période suivant l'expiration du délai de paiement. En cas de constitution d'une garantie bancaire, le taux d'intérêt serait de 4,79 %. Elle conteste la légalité de ces taux d'intérêt qui, selon elle, sont trop élevés et ont été fixés sans aucune base juridique et en violation de l'article 253 CE.

489 Des taux d'intérêt aussi élevés seraient un obstacle à l'utilisation de voies de recours justifiées garantissant la protection juridique, car ils constitueraient une peine supplémentaire sanctionnant l'utilisation d'un moyen de protection juridique.

490 En tout état de cause, la Commission devrait, conformément au principe de la loi la plus favorable, tenir compte, en faveur des entreprises confrontées à de tels taux d'intérêts, des réductions a posteriori des taux de refinancement de la Banque centrale européenne (BCE).

491 Selon la Commission, si le droit communautaire n'admettait pas des mesures visant à pénaliser une entreprise pour l'avantage qu'elle peut tirer du retard dans le paiement d'une amende, cela encouragerait l'introduction de recours manifestement non fondés, dont le seul but serait de retarder le paiement.

492 En ce qui concerne le montant des intérêts de retard, le Tribunal aurait déclaré que la Commission, en imposant un tel taux d'intérêt, constitué par le taux pratiqué par la BCE au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la décision faisant l'objet d'un recours avait été arrêtée, majoré de 3,5 points, n'avait pas dépassé la marge discrétionnaire dont elle jouissait.

Appréciation du Tribunal

493 Il ressort de l'article 3 de la décision attaquée que les amendes infligées sont payables dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision attaquée. Il y est ajouté que, " à l'issue de ce délai, des intérêts seront automatiquement dus au taux d'intérêt appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement au premier jour du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 6,79 % ".

494 Il ressort également de la lettre du 3 décembre 2002, par laquelle la Commission a porté la décision attaquée à la connaissance de la requérante, que la Commission renonce au recouvrement de la créance pour la durée de la procédure à condition que la requérante donne son accord à l'application d'un taux d'intérêt de 4,79 % et qu'elle constitue une garantie bancaire.

495 Il est de jurisprudence bien établie (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, points 141 à 143 ; arrêts du Tribunal du 14 juillet 1995, CB/Commission, T-275-94, Rec. p. II-2169, points 46 à 49, et LR AF 1998/Commission, point 455 supra, points 395 et 396) que le pouvoir dont la Commission est investie en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 comprend la faculté de déterminer la date d'exigibilité des amendes et celle à partir de laquelle les intérêts de retard commencent à courir, de fixer le taux de ces intérêts et d'arrêter les modalités d'exécution de sa décision en exigeant, le cas échéant, la constitution d'une garantie bancaire couvrant le montant en principal et en intérêts des amendes infligées. En l'absence d'un tel pouvoir, l'avantage que les entreprises seraient susceptibles de tirer du paiement tardif des amendes aurait pour effet d'affaiblir des sanctions infligées par la Commission dans le cadre de sa tâche consistant à veiller à l'application des règles de concurrence. Ainsi, l'application d'intérêts de retard aux amendes se justifie pour éviter que l'effet utile du traité ne soit déjoué par des pratiques mises unilatéralement en œuvre par des entreprises tardant à payer les amendes auxquelles elles ont été condamnées et pour exclure que ces entreprises soient avantagées par rapport à celles qui s'acquittent du paiement de leurs amendes à l'échéance qui leur a été impartie (arrêt du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, point 123 supra, point 475).

496 Dans ce contexte, la jurisprudence a reconnu à la Commission le droit de fixer les intérêts de retard au taux du marché majoré de 3,5 % (arrêts du Tribunal CB/Commission, point 495 supra, point 54 ; du 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, T-24-93 à T-26-93 et T-28-93, Rec. p. II-1201, point 250, et LR AF 1998/Commission, point 455 supra, point 397) et, dans l'hypothèse de la constitution d'une garantie bancaire, au taux du marché majoré de 1,5 % (arrêt CB/Commission, point 495 supra, point 54). Dans ces arrêts, le Tribunal a admis des intérêts de retard de 7,5, de 13,25 et de 13,75 %, en précisant que la Commission était autorisée à prendre un point de référence situé à un niveau plus élevé que le taux proposé à l'emprunteur moyen, applicable sur le marché, dans la mesure nécessaire pour décourager les comportements dilatoires (arrêt LR AF 1998/Commission, point 455 supra, point 398).

497 Dans ces circonstances, force est de constater que la Commission, en imposant un taux d'intérêt de 6,79 %, constitué par le taux d'intérêt appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la décision attaquée a été arrêtée, majoré de 3,5 %, n'a pas dépassé la marge discrétionnaire dont elle jouit pour fixer le taux d'intérêt de retard.

498 En outre, rien n'empêchait la requérante de payer l'amende à l'échéance du délai fixé par l'article 3 de la décision attaquée, malgré l'introduction d'un recours contre cette décision. En effet, au cas où le recours de la requérante est accueilli, les obligations qui incombent à la Commission au titre de l'article 233 CE, pour assurer l'exécution d'un arrêt annulant l'amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, ou en réduisant le montant, comportent, avant tout, l'obligation pour la Commission de restituer tout ou partie du montant de l'amende payée par l'entreprise en cause, et aussi le paiement des intérêts moratoires produits par ce montant (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T-48-00, Rec. p. II-2325, points 222 et 223).

499 En ce qui concerne le fait que le taux d'intérêt de retard ne fluctue pas par rapport au taux pratiqué par la BCE, cet aspect relève également du pouvoir discrétionnaire dont la Commission jouit dans la fixation d'un taux d'intérêt de retard. Certes, l'idée de lier un taux d'intérêt quelconque à un taux fixé par une banque centrale reflète normalement l'idée que, de cette manière, le taux d'intérêt suit l'évolution du marché monétaire. Toutefois, la requérante n'a nullement démontré que, en fixant le taux d'intérêt, la Commission aurait outrepassé son large pouvoir d'appréciation. En effet, il y a lieu de rappeler qu'un taux fixe peut également être profitable dans les cas où le taux de base augmente.

500 Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter le huitième moyen et, en conséquence, le recours dans sa totalité.

Sur les dépens

501 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Knauf Gips KG est condamnée aux dépens.