Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 12 mars 2008, n° 05-12755

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Civic Motors (SARL)

Défendeur :

Honda Motor Europe South (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cabat

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Huyghe

Avocats :

Mes Bourgeon, Landault, SCP Threard Bourgeon Meresse

TGI Paris, du 21 avr. 2005

21 avril 2005

Reprochant à Honda des modifications unilatérales du contrat de concession et estimant abusive la résiliation de celui-ci intervenue le 11 février 2002, la société Civic Motors a, par acte du 7 janvier 2003, assigné son cocontractant en réparation devant le Tribunal de grande instance de Paris. Par jugement du 21 avril 2005, cette juridiction l'a déboutée de sa demande et condamnée à payer à Honda 1 500 euro au titre des frais irrépétibles ;

Vu la déclaration d'appel de la société Civic Motors en date du 10 juin 2005 et ses dernières écritures du 11 janvier 2008 ;

Vu les dernières écritures de la société Honda en date du 16 janvier 2008 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 23 janvier 2008 ;

Sur ce,

Sur la responsabilité de la société Honda :

* Sur les allégations de modifications substantielles au contrat

Considérant qu'au soutien de son appel, la société Civic Motors fait valoir, en premier lieu, que la société Honda a modifié unilatéralement et abusivement, à compter du 1er janvier 2000, des éléments essentiels du contrat (marges, primes et conditions de paiement) :

Considérant que la société Honda réplique en rappelant que la réduction de la marge était faible, limitée et compensée, que les primes d'objectifs ne revêtaient aucun caractère contractuel et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée à cet égard, qu'enfin la modification des conditions de paiement était progressive et que l'information donnée n'a pas valeur contractuelle ;

a) réduction des marges

Considérant que la société Civic estime que celles-ci constituaient un élément essentiel de l'économie du contrat dès lors que les " documents d'information concessionnaire " remis par le concédant à l'entrée dans le réseau faisaient état de marges entre 14 et 18 % et que les marges accordées jusqu'en 1999 ont constitué un élément substantiel de la rémunération des petites concessions ;

Considérant toutefois que l'article 15 du contrat de concession précise, s'agissant des prix, que " le concédant pourra indiquer au concessionnaire les prix auxquels les produits pourront être vendus. De tels prix ne constituent que des recommandations et n'ont qu'une valeur indicative, les prix de vente étant librement fixés par le concessionnaire. Pour les véhicules automobiles, le prix de vente s'entend clés en main. Le concédant se réserve le droit de modifier le prix indicatif des produits ou de certains d'entre eux sans notification préalable " ;

Considérant qu'il résulte de cette disposition que les parties ont entendu laisser au concessionnaire la liberté de fixer le prix des produits vendus, le concédant ne lui faisant que des " recommandations ", ce qui implique nécessairement pour la société Honda la possibilité de modifier, y compris sans préavis, l'un quelconque des éléments contribuant à établir ses recommandations, cette modification n'influant pas juridiquement sur la fixation des marges ;

Considérant que la société Civic ne démontre pas en l'espèce que les mesures qui ont été prises, dans l'intérêt commun du concédant et des concessionnaires, aux fins de permettre à la marque de réagir de façon efficace à la baisse importante des ventes qu'elle constatait, ont constitué un abus de droit du concédant ;

Considérant, en effet, que la communication dans des documents d'information précontractuels des taux de marge alors pratiqués n'était pas de nature [à] pouvoir tromper le futur concessionnaire, professionnel aguerri, sur la nature de ses futurs engagements contractuels ;

Considérant en outre, que la société Honda verse aux débats divers documents démontrant que la diminution de ces marges étaient limitée et le concessionnaire ne prouve pas qu'elles auraient eu des conséquences manifestement disproportionnées sur son activité ;

Considérant en conséquence que ce grief devra être écarté ;

b) primes d'objectifs

Considérant que la société Civic estime que celles-ci faisaient partie intégrante de l'économie du contrat dans la mesure où elles constituaient une part importante de la rémunération du concessionnaire ;

Considérant que si la société Civic ne conteste pas à la société Honda son droit d'" adapter le niveau des objectifs de vente fixés à son réseau, en fonction de sa politique commerciale ", elle estime, en revanche, qu'elle ne pouvait bouleverser brutalement les conditions d'attribution de ces primes ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 du contrat, " le concessionnaire s'engage à s'efforcer de vendre, à l'intérieur du territoire, et au titre de chaque année civile, un nombre minimal de produits, fixé d'un commun accord entre les parties. Cet accord sera conclu annuellement au plus tard le 31 mars. Si les parties ne se mettent pas d'accord, ce nombre minimal sera fixé par un tiers en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées dans le territoire ainsi que des objectifs commerciaux du concédant et des estimations prévisionnelles de vente pour le territoire et au niveau national... Dans l'hypothèse où le concédant ne serait plus en mesure d'importer librement les produits, l'objectif du concessionnaire pourrait à tout moment être révisé par le concédant en considération des importations réellement effectuées " ;

Considérant que cette disposition, pas plus que d'autres, ne fait référence à l'existence de primes d'objectifs, que celles-ci ne constituent donc pas un élément du contrat mais participent de la politique commerciale de la marque, qu'elles ne portent pas atteinte à l'économie du contrat dès lors qu'elles ne revêtent aucun caractère manifestement abusif ou illicite, que tel ne saurait être le cas de l'instauration de primes liées à des objectifs trimestriels, ces objectifs n'ayant pas de caractère contraignant et la société Civic ne démontrant pas qu'ils l'auraient empêchée de réaliser les objectifs annuels, la part globale inférieure à 5 % de la société Honda sur le marché ne lui interdisant pas, au demeurant, de prévoir de telles primes ;

Considérant que ce second grief devra donc être rejeté ;

c) conditions de paiement

Considérant que Civic avance que les conditions de paiement constituent un élément essentiel du contrat et que la modification unilatérale et immédiate de celles-ci lui a causé un grave préjudice ;

Considérant que l'article 14.2 du contrat dispose que " le paiement des produits sera effectué par chèque, lettre de change ou autre effet de commerce irrévocable et confirmé, tiré sur un établissement financier de premier plan, contenant les conditions du contrat d'achat auquel il est fait référence dans le paragraphe précédent " ;

Considérant que l'article 14.3 ajoute que " tout défaut de paiement d'une facture à la date d'échéance entraînera, dans la limite du taux maximum légalement autorisé, le prélèvement d'intérêts de retard au taux de 1.5 fois le taux de l'intérêt légal et ce jusqu'à la date de règlement effectif des sommes dues en principal " ;

Considérant qu'en l'absence dans le contrat de concession des éléments invoqués par la société Civic comme constituant les modalités habituelles de paiement convenues entre les parties et à défaut pour l'appelante de faire preuve d'un accord intervenu postérieurement à la signature du contrat, les dispositions par lesquelles le concédant accorde de façon unilatérale aux concessionnaires des modalités particulières de paiement ne peuvent être qualifiées de contractuelles et il en est de même de leur modification, que ce troisième grief sera donc écarté et le jugement querellé confirmé du chef du respect par le concédant de ses obligations contractuelles, antérieurement à la résiliation ;

Sur la résiliation du contrat

Considérant que la société Civic Motors soutient le caractère abusif de la résiliation résultant d'une part, d'une volonté de rétorsion à son encontre, la société Civic Motors assurant la représentation de Hyundai à Bourgoin-Jallieu et, d'autre part, du non-respect des articles 35.1.2 et 12 du contrat ;

Considérant que la société Honda réplique que la résiliation a été motivée par la faiblesse des résultats commerciaux et que, par conséquent, les conditions des articles susvisés ont été respectées ;

* non-respect allégué de l'article 35-1.2 du contrat

Considérant que la société Civic reproche à la société Honda d'avoir utilisé cet article pour résilier le contrat sans préavis alors que les conditions fixées n'étaient pas réunies, à s'avoir que Civic n'avait pas accepté les objectifs retenus, que ces objectifs ne représentaient aucun caractère objectif et qu'aucune preuve n'est rapportée du manquement de la société Civic à son obligation de moyens ;

Considérant qu'il résulte des pièces au débat que la société Civic et la société Honda ont signé des annexes au contrat fixant respectivement les objectifs de vente 2000 et 2001, que la société Civic, qui n'invoque pas un vice de consentement, ne peut, dès lors, utilement soutenir qu'elle ne se trouve pas engagée contractuellement ainsi que l'y oblige l'article 1134 du Code civil ;

Considérant, en outre, que le caractère de ces objectifs ne découle pas manifestement des faits de l'espèce ;

Considérant qu'en effet, au regard de l'équilibre des critères prévus par l'article 12 du contrat référence aux ventes réalisées l'année précédente sur le territoire, objectifs commerciaux du concédant et estimations des ventes sur le territoire et au niveau national), la fixation des objectifs à 85 véhicules neufs vendus en 2000 et à 70 en 2001, n'apparait pas déraisonnable ;

Considérant, enfin, qu'en relevant qu'au cours de deux années consécutives, le concessionnaire n'avait rempli ses objectifs qu'à hauteur successivement de 31,75 et de 15,71 %, réalisant une pénétration de la marque (0,17 % en 2000 et 0,19 % en 2001) très inférieure à celle existant au niveau régional (0,41 %) et était parmi les moins performants des concessionnaires, la société Honda a pu justement déduire de ces comparaisons que la société Civic avait manqué à son obligation de moyens, le concessionnaire n'apportant aucun élément pour contredire ce contrat, l'allégation de ce que la société Honda avait manqué à ses obligations d'importateur, n'étant pas démontrée, les modifications avancées de la stratégie commerciale de la marque ne pouvant être assimilées à un tel manquement dès lors que la société Civic ne rapporte pas la preuve que certaines commandes de véhicules n'ont pu être exécutées du fait de Honda ;

Considérant qu'il convient en conséquence de rejeter le grief fondé sur le non-respect de l'article 35-1.2 du contrat ;

* allégation de rétorsion

Considérant que la société Civic estime que la résiliation n'a en fait, été motivée que par un désir de rétorsion du fait que la société Civic représentait également la marque Hyundaï sur Bourgoin ;

Mais considérant, ainsi qu'il a été relevé, qu'Honda a, dans sa lettre de résiliation, invoqué des éléments objectifs chiffrés tenant au non-respect par le concessionnaires de ses engagements contractuels ;

Considérant que ces seuls éléments suffisent à justifier la résiliation, que le grief invoqué par la société Civic, et au demeurant non démontré, est indifférent au caractère licite et non abusif de la résiliation prononcée ;

Considérant qu'il convient donc d'écarter ce second grief et de confirmer le jugement querellé, du chef de la résiliation ;

Considérant, en conséquence, qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions ledit jugement ;

Considérant que l'équité commande de condamner la société Civic à payer à Honda 5 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Déboute la société Civic de son appel ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant, Condamne la société Civic à payer 5 000 euro à la société Honda au titre de l'application, en appel, de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Louis-Charles Huyghe, titulaire d'un office d'avoué.