Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 12 mars 2008, n° 05-20151

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Distribution automobiles montpelliéraine (Sté)

Défendeur :

Honda Motor Europe South (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cabat

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Huyghe

Avocats :

Mes Bourgeon, Landault, SCP Threard Bourgeon Meresse

TGI Paris, du 15 sept. 2005

15 septembre 2005

Reprochant à la société Honda une modification unilatérale du contrat et estimant abusive la résiliation de son contrat de concession intervenue le 11 février 2002, la société Distribution automobiles montpelliéraine (Sodiam) a, par acte du 30 septembre 2002, assigné en réparation la société Honda devant le Tribunal de grande instance de Paris ;

Par jugement du 15 septembre 2005, cette juridiction l'a déboutée et condamnée à payer 1 500 euro à la société Honda au titre de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu la déclaration d'appel de la société Sodiam du 11 octobre 2005 et ses dernières écritures du 18 janvier 2008 ;

Vu les dernières écritures de la société Honda en date du 17 janvier 2008 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 23 janvier 2008 ;

Sur ce,

Sur la responsabilité d'Honda :

* Sur les allégations de modifications substantielles au contrat

Considérant qu'au soutien de son appel, la société Sodiam fait valoir, en premier lieu, que la société Honda a modifié unilatéralement et abusivement à compter du 1er janvier 2000 des éléments du contrat (marges, primes et conditions de paiement) ;

Considérant que la société Honda réplique en rappelant que la réduction de la marge était faible, limitée et compensée, que les primes d'objectifs ne revêtaient aucun caractère contractuel et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée à cet égard, qu'enfin, la modification des conditions de paiement a été progressive et que l'information donnée n'a pas valeur contractuelle ;

a) réduction des marges

Considérant que la société Sodiam estime que celles-ci constituaient un élément essentiel de l'économie du contrat dès lors que les " documents d'information concessionnaire " remis par le concédant à l'entrée dans le réseau, faisaient état de marges entre 14 et 18 % et que les marges accordées jusqu'en 1999 ont constitué un élément substantiel de la rémunération des petites concessions ;

Considérant toutefois que l'article 15 du contrat de concession précise, s'agissant des prix, que " le concédant pourra indiquer au concessionnaire les prix auxquels les produits pourront être vendus. De tels prix ne constituent que des recommandations et n'ont qu'une valeur indicative, les prix de vente étant librement fixés par le concessionnaire. Pour les véhicules automobiles, le prix s'entend clés en main. Le concédant se réserve le droit de modifier le prix indicatif des produits ou de certains d'entre eux sans notification préalable " ;

Considérant qu'il résulte de cette disposition que les parties ont entendu laisser au concessionnaire la liberté de fixer le prix des produits vendus, le concédant ne lui faisant que des " recommandations ", ce qui implique nécessairement pour la société Honda la possibilité de modifier, y compris sans préavis, l'un quelconque des éléments contribuant à établir ses recommandations, cette modification n'influant pas juridiquement sur la fixation des marges ;

Considérant que la société Sodiam ne démontre pas en l'espèce que les mesures qui ont été prises, dans l'intérêt commun du concédant et des concessionnaires, aux fins de permettre à la marque de réagir de façon efficace à la baisse importante des ventes qu'elle constatait, ont constitué un abus de droit du concédant ;

Considérant, en effet, que la communication dans des documents d'information précontractuels des taux de marge alors pratiqués n'était pas de nature [à] pouvoir tromper le futur concessionnaire, professionnel aguerri, sur la nature de ses engagements contractuels ;

Considérant, en outre, que la société Honda verse aux débats divers documents démontrant que la diminution de ces marges était limitée et le concessionnaire ne prouve pas qu'elles auraient eu des conséquences manifestement disproportionnées sur son activité ;

Considérant en conséquence que ce grief devra être écarté ;

b) primes d'objectifs

Considérant que Sodiam estime que celles-ci faisaient partie intégrante de l'économie du contrat dans la mesure où elles constituent une part importante de la rémunération du concessionnaire ;

Considérant que si la société Sodiam ne conteste pas à la société Honda son droit d' " adapter le niveau des objectifs de vente fixés à son réseau en fonction de sa politique commerciale ", elle estime, en revanche, qu'elle ne pouvait bouleverser brutalement les conditions d'attribution de ces primes ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 du contrat " le concessionnaire s'engage à s'efforcer de vendre, à l'intérieur du territoire et au titre de chaque année civile, un nombre minimal de produits, fixé d'un commun accord entre les parties. Cet accord sera conclu annuellement au plus tard le 31 mars. Si les parties ne se mettent pas d'accord, ce nombre minimal sera fixé par un tiers en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées dans le territoire ainsi que des objectifs commerciaux du concédant et des estimations prévisionnelles de vente pour le territoire et au niveau national... dans l'hypothèse où le concédant ne saurait plus en mesure d'importer librement les produits, l'objectif du concessionnaire pourrait à tout moment être révisé par le concédant en considération des importations réellement effectuées " ;

Considérant que cette disposition, pas plus que d'autres, ne fait référence à l'existence de primes d'objectifs, que celles-ci ne constituent donc pas un élément du contrat mais participent de la politique commerciale de la marque, qu'elles ne portent pas atteinte à l'économie du contrat dès lors qu'elles ne revêtent aucun caractère manifestement abusif ou illicite, que tel ne saurait être le cas de l'instauration de primes liées à des objectifs trimestriels, ces objectifs n'ayant pas de caractère contraignant et la société Sodiam ne démontrant pas qu'ils l'auraient empêchée de réaliser les objectifs annuels, la part globale inférieure à 5 % de la société Honda sur le marché ne lui interdisant pas, au demeurant, de prévoir de telles primes ;

Considérant que ce second grief devra donc être rejeté ;

c) conditions de paiement

Considérant que Sodiam avance que les conditions de paiement constituent un élément essentiel du contrat et que la modification unilatérale et immédiate de celles-ci a causé un grave préjudice ;

Considérant que l'article 14.2 du contrat dispose que " le paiement des produits sera effectué par chèque, lettre de change ou autre effet de commerce irrévocable et confirmé, tiré sur un établissement financier de premier plan, contenant les conditions du contrat d'achat auquel il est fait référence dans le paragraphe précédent " ;

Considérant que l'article 14.3 ajoute que "tout défaut de paiement d'une facture à la date d'échéance entraînera, dans la limite du taux maximum légalement autorisé, le prélèvement d'intérêts de retard au taux de 1,5 fois le taux de l'intérêt légal et ce jusqu'à la date de règlement effectif des sommes dues en principal";

Considérant qu'en l'absence dans le contrat de concession des éléments invoqués par la société Sodiam comme constituant les modalités habituelles de paiement convenues ente les parties et à défaut pour l'appelante de faire la preuve d'un accord intervenu postérieurement à la signature du contrat, les dispositions par lesquelles le concédant accorde de façon unilatérale aux concessionnaires des modalités particulières de paiement ne peuvent être qualifiées de contractuelles et il en est de même de leur modification, que ce troisième grief sera donc écarté et le jugement querellé confirmé du chef du respect des obligations contractuelles du concédant antérieurement à la résiliation ;

Sur la résiliation du contrat

Considérant qu'en second lieu, la société Sodiam estime que la résiliation avec préavis d'un an a été abusive en raison des investissements engagés pour les besoins de son activité et du non-respect de l'article 35-1.2 du contrat;

Considérant que la société Honda conteste avoir sollicité les investissements litigieux ou n'avoir pas respecté les conditions contractuelles;

* non-respect allégué de l'article 35-1.2 du contrat

Considérant que la société Sodiam reproche à la société Honda d'avoir utilisé cet article pour résilier le contrat sans préavis alors que les conditions fixées par cet article n'étaient pas réunies, à savoir que la société Sodiam n'avait pas accepté les objectifs retenus, que ces objectifs ne présentaient aucun caractère objectif et qu'aucune preuve n'est rapportée du manquement de Sodiam à son obligation de moyens ;

Considérant qu'il résulte des pièces au débat que la société Sodiam et la société Honda ont signé des annexes au contrat fixant respectivement les objectifs de vente pour 2000 et 2001, que la société Sodiam, qui n'invoque pas un vice du consentement, ne peut, dès lors, utilement soutenir qu'elle ne se trouve pas engagée contractuellement ainsi que l'y oblige l'article 1134 du Code civil ;

Considérant, en outre, que le caractère irréaliste de ces objectifs ne découle pas manifestement des faits de l'espèce ;

Considérant qu'en effet, au regard de l'équilibre des critères prévus par l'article 12 du contrat (référence aux ventes réalisées l'année précédente sur le territoire, objectifs commerciaux du concédant et estimations des ventes sur le territoire et au niveau national), la fixation des objectifs à 140 véhicules neufs vendus en 2000 et 102 an 2001 pour un objectif de 153 en 1999 n'apparait pas déraisonnable ;

Considérant, enfin, qu'en relevant qu'au cours de deux années consécutives, le concessionnaire n'a rempli ses objectifs qu'à hauteur de 45 et de 46 %, réalisant une pénétration de la marque (0,32 % en 2000 et 0,19 % en 2001) très inférieure à celle existant au niveau régional (respectivement 0,58 et 0,45 %) et qu'il était moins performant que des concessionnaires voisins opérant sur des territoires de plus faible densité, la société Honda a pu justement déduire de ces comparaisons que la société Sodiam avait manqué à son obligation de moyens, le concessionnaire n'apportant aucun élément pour contredire ce constat, l'allégation de ce que la société Honda aurait manqué à ses obligations d'importateur n'étant pas démontrée, les modifications avancées de la stratégie commerciale de la marque ne pouvant être assimilées à un tel manquement dès lors que la société Sodiam ne rapporte pas la preuve que certaines commandes de véhicules n'ont pu être exécutées du fait de la société Honda ;

Considérant qu'il convient en conséquence de rejeter le grief fondé sur le non-respect de l'article 35-1.2 du contrat ;

* investissements

Considérant que la société Sodiam estime que la résiliation est abusive au regard des investissements engagés pour son activité de concessionnaire Honda, que, plus particulièrement, elle fait valoir qu'elle a investi en 1990, 3 435 000 F et réalisé en 1992 et 1995 des investissements complémentaires non amortis au jour de la résiliation et qu'elle a procédé en 1997-1998 à une restructuration financière, à la demande de la société Honda ;

Considérant qu'au regard de leur ancienneté, les investissements initiaux nécessaires à la mise en place du contrat de concession, qui ont aussi été réalisés au bénéfice de la société Sodiam, ne peuvent être qualifiés d'abusifs ;

Considérant, par ailleurs, que s'agissant des investissements postérieurs, il ne résulte nullement des pièces aux débats la démonstration que ceux-ci ont été réalisés uniquement au bénéfice de la représentation de la marque ou à la demande de la concédante, que notamment il en est ainsi des emprunts contractés par la société Sodiam en 1997-1998 dans le cadre d'une restructuration financière ;

Considérant que le grief sera ainsi rejeté et le jugement querellé confirmé du chef de la résiliation ;

Considérant, en conséquence, que ce jugement devra être confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité commande de condamner la société Sodiam à payer à la société Honda, 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Déboute la société Sodiam de son appel ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; Y ajoutant, Condamne la société Sodiam à payer 5000 euro à la société Honda au titre de l'application en appel, de l'article 700 du Code de procédure civile; La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Louis-Charles Huyghe, titulaire d'un office d'avoué.