Cass. com., 8 juillet 2008, n° 07-20.385
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Codis Aquitaine (SA)
Défendeur :
Prodim (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
Mes Foussard, Odent
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 septembre 2007), statuant en matière de référé, que la société Codis Aquitaine est une coopérative qui regroupe en Aquitaine et Midi-Pyrénées des commerçants-détaillants auprès desquels elle remplit la mission de centrale d'achat ; qu'elle est en outre propriétaire d'un fonds de commerce situé à Espelette, dont elle louait les murs selon un bail commercial en date du 28 décembre 1999 ; que par une convention en date du 21 mars 2002, la société Codis Aquitaine a conclu un contrat de franchise en vue de l'exploitation de ce magasin sous l'enseigne "8 à huit" avec la société Prodim, société appartenant au groupe Carrefour ; que toutefois, la société Codis Aquitaine ayant donné le fonds en location-gérance à M. Leroy, depuis le 1er janvier 2000, un nouveau contrat de franchise a été conclu entre la société Prodim et ce dernier, le 22 mars 2002 ; que le 4 octobre 2005, la société Codis Aquitaine a résilié le contrat de location-gérance conclu avec M. Leroy et a conclu, le même jour, un nouveau contrat de location-gérance, avec la SARL Leroy (la société Leroy) ; que dans le cadre d'un litige l'opposant à la société Prodim, la société Codis Aquitaine a résilié, le 3 novembre 2005, le contrat de franchise du 21 mars 2002 ; qu'après avoir fait constater au cours de l'année 2006 que l'enseigne "8 à huit" apposée sur le magasin de la société Codis Aquitaine avait été remplacée par une enseigne "Spar" et que des produits de la marque Casino étaient proposés à la vente, la société Prodim, reprochant à sa cocontractante de ne pas avoir respecté la clause de non-réaffiliation insérée au contrat de franchise du 21 mars 2002, l'a poursuivie devant le juge des référés afin que soit ordonné à la société Codis Aquitaine la dépose de l'enseigne et la cessation de la vente des produits concurrents ; que par une ordonnance en date du 21 juillet 2006, ce juge a accueilli cette demande ; que le 30 juillet 2006, la société Codis Aquitaine a résilié le bail commercial, puis, a résilié le lendemain, 31 juillet 2006, le contrat de location-gérance conclu avec la société Leroy ;
Sur le moyen, pris en sa première branche : - Attendu que la société Codis Aquitaine fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la dépose de l'enseigne Spar apposée sur le magasin exploité sur le magasin exploité à Espelette, 240 Scarrika Nagusia, ainsi que le retrait de toute la signalétique afférente à cette enseigne, ordonné le retrait de tous les produits vendus au sein de ce commerce de marque Casino ou relevant de marques affiliées, alors, selon le moyen, que, par application de l'article 5 du règlement CE n° 2790-1999, la clause de non-réaffiliation, prenant effet à l'expiration d'un contrat de franchise, est interdite, à moins d'entrer dans le champ d'application de l'exemption également prévue par ce texte, à savoir si l'obligation interdite au franchisé à l'expiration de l'accord "est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur à condition que la durée d'une telle obligation de non-concurrence soit limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord" ; que par suite, il appartient au franchiseur, qui demande le bénéfice de l'application de cette exemption, de rapporter la preuve que les conditions de son application sont réunies ; qu'au cas d'espèce, en décidant cependant qu'il appartenait à la société Codis Aquitaine de prouver que la clause de non-réaffiliation exerçait concrètement une influence sur les courants d'échanges entre Etats membres de manière à affecter le commerce intra-communautaire ou fausser le libre jeu de la concurrence, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 5 du règlement CE n° 2790-1999, ensemble l'article 1315 du Code civil et les règles relatives à la charge de la preuve ;
Mais attendu qu'un règlement d'exemption aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, n'établit pas de prescriptions contraignantes ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat mais se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévues par l'article 81, paragraphe 1 du traité CE ; qu'ayant constaté qu'il n'était pas établi que la clause incriminée exerçait une influence sur le commerce entre Etats membres, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la troisième branche du moyen : - Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble, l'article 873 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour juger que la société Codis Aquitaine avait enfreint la clause de non-réaffiliation, l'arrêt retient que si la société Codis Aquitaine propriétaire du fonds de commerce a résilié le bail commercial le 30 juillet 2006, ainsi que, le lendemain, le contrat de location-gérance conclu avec la société Leroy, cette dernière est devenue la société Izaia dont la société Codis Aquitaine est associée ; que l'arrêt en déduit que cette dernière ne peut nier qu'elle continue à exploiter indirectement, par personne interposée, le fonds de commerce incriminé ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par une motivation impropre à démontrer que la société Codis Aquitaine exploitait directement ou indirectement le fonds de commerce pour lequel le contrat de franchise du 21 mars 2002 avait été conclu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.