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Décisions

Ministre de l’Économie, 30 avril 2008, n° ECEC0817379S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Lecta

Ministre de l’Économie n° ECEC0817379S

30 avril 2008

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 3 avril 2008, vous avez notifié la prise de contrôle exclusif par le groupe Lecta (ci-après " Lecta "), via sa filiale Torraspapel, de la société Secmar SAS (ci-après " Secmar "). Cette opération a été formalisée par un contrat d'acquisition signé le 20 mars 2008 sous condition suspensive.

1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION

Lecta est issue du rapprochement des sociétés Cartiere del Garda, Condat (1) et Torraspapel (2). Elle est active dans les secteurs de la production et de la distribution de papier. Lecta est contrôlée par CVC Capital Partners, société de conseil en investissement gérant des fonds d'investissement.

En 2006, CVC Capital Partners a réalisé un chiffre d'affaires total de [...] millions d'euro, dont [>50] millions d'euro en France.

Secmar est une société par actions simplifiée de droit français, active dans les secteurs de la distribution de papier pour impression-écriture et de papiers spéciaux. Secmar exerce un contrôle exclusif au sens du droit de la concurrence sur les sociétés Malmenayde et Nord Papier, actives dans les mêmes secteurs.

En 2006, Secmar a réalisé un chiffre d'affaires total de 120 millions d'euro, dont 118 millions d'euro en France.

L'opération notifiée constitue une opération de concentration économique au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatifs à la concentration économique.

2. LES MARCHÉS CONCERNÉS

Les parties à l'opération sont simultanément actives dans le secteur de la distribution de papier. Lecta est également active sur le marché de la production de papier, en particulier de papier pour impression et écriture et de papiers spéciaux.

Ces marchés ont, pour certains d'entre eux, déjà fait l'objet d'analyse de la part des autorités de concurrence nationale et communautaire.

2.1. Les marchés de produits et services

2.1.1. Le marché de la distribution de papier

Dans sa décision Antalis/Axelium (3), le Ministre, s'appuyant sur la pratique décisionnelle de la Commission européenne (4) a retenu un marché de la distribution de papier limité aux ventes réalisées par les seuls distributeurs, à l'exclusion des ventes directes réalisées par les producteurs de papier. Cette définition a été récemment confirmée par la Commission européenne dans sa décision Antalis/MAP (5). La Commission européenne a également considéré que le marché de produit pertinent était celui de la distribution du papier pour impression et écriture de haute qualité, qui comprend notamment le papier pour l'impression, le papier pour les usages bureautiques et le papier pour les usages graphiques.

Le Ministre avait également segmenté le marché de la distribution de papier selon la catégorie d'utilisateurs entre le " Print " et l'" Office ". Le " Print " regroupe les papiers destinés à l'imprimerie de labeur (principalement l'impression de documentation commerciale et publicitaire), la transformation (dossiers et couvertures, enveloppes, articles de correspondance, papier dessin et bristol) et différentes activités comme l'impression et la transformation d'étiquettes adhésives, de cartes de voeux et de visite, de cartes postales, de papiers fiduciaires. Ces papiers sont achetés par des imprimeurs soit directement auprès des usines soit auprès des distributeurs de papiers. L'" Office " regroupe tous les papiers à usage bureautique (fax, imprimantes, photocopies, offset de bureau, ...). Ces papiers sont achetés par des entreprises essentiellement auprès des distributeurs de papiers, des revendeurs (papèteries, vépécistes, fournituristes de bureau, grandes surfaces). L'essentiel des ventes en Office se fait sous forme de ramettes A4 utilisées pour les photocopieurs et imprimantes.

Conformément à la pratique constante des autorités de concurrence, il convient de retenir au cas d'espèce un marché de la distribution de papier pour impression et écriture de haute qualité limité aux seuls distributeurs ainsi qu'une segmentation entre le " Print " et l'" Office ".

2.1.2. Les marchés amont du papier couché sans bois et du papier non couché sans bois

Lecta est active sur le marché de la production de papier pour impression et écriture de haute qualité : elle produit du papier couché et, de façon marginale, du papier non couché sans bois.

Le papier pour impression et pour écriture se distingue des autres formes de papier. En effet, dans sa décision Matussière & Forest/Lancey (6), le ministre a identifié des grandes familles de papier (non substituables entre elles) : les papiers d'emballage, les papiers pour journaux, les papiers d'impression et d'écriture, les cartons, les papiers industriels et spéciaux, les papiers à usage sanitaire et domestique.

Par ailleurs, concernant le papier d'impression et d'écriture, les autorités de concurrence française et communautaire procèdent à deux segmentations successives. Une première segmentation est opérée en fonction du processus de fabrication du papier (couché/non couché) (7). L'opération de " couchage " consiste à déposer sur une ou les deux faces d'une feuille de papier un enduit à base de pigments fins, afin de permettre une meilleure reproduction des impressions et d'améliorer la blancheur, l'aspect et le toucher du papier. Une deuxième segmentation intervient selon la nature de la pâte à papier utilisée (avec bois/sans bois) (8) : Lecta ne produit que du papier sans bois.

Par conséquent, conformément à la pratique décisionnelle, au cas d'espèce, les marchés pertinents analysés seront ceux de la production du papier sans bois, couché et non couché.

2.1.3. Les marchés amont des papiers spéciaux

Lecta est active dans le secteur de la production de papiers spéciaux tels que les papiers autocopiant, autocollant, thermique, métallisé, couché une face et couché sur chrome. Seuls les marchés des papiers autocopiant et autocollant ont été analysés à ce jour par la Commission européenne. Le papier autocopiant permet de reproduire facilement des mentions manuscrites apposées sur un document en plusieurs exemplaires. Le papier autocollant est quant à lui principalement utilisé pour la fabrication d'étiquettes.

Ainsi, dans sa décision relative à une entente dans ce secteur, la Commission a considéré que le papier autocopiant (9) constituait un marché pertinent, tout en laissant ouverte la question d'une éventuelle segmentation suivant la forme de commercialisation (feuilles ou bobines). Dans le secteur du papier autocollant, la Commission (10) a retenu un marché des étiquettes autocollantes sans distinguer la forme de commercialisation (bobines ou feuilles).

Les secteurs de la production de papier thermique, de papier métallisé, de papier couché une face et de papier couché sur chrome, n'ont fait l'objet d'aucune définition de marché jusqu'à présent. Cependant, au regard des qualités fonctionnelles de chacun de ces papiers, il convient de considérer qu'ils constituent autant de marchés pertinents. En effet, les caractéristiques de chacun de ces papiers sont les suivantes :

- le papier thermique est un papier dont la surface est imprégnée de substances chimiques, qui permettent son changement de couleur par la chaleur. Ce papier est notamment utilisé pour les tickets de caisse, l'impression des étiquettes à code barre ou les fax thermiques ;

- le papier métallisé est formé d'une très mince feuille de métal collée sur une feuille de papier. Il permet notamment de limiter les échanges d'humidité entre le produit qu'il enveloppe et l'atmosphère ambiante ;

- le papier couché une face est utilisé pour la fabrication de différents types d'étiquettes pour l'industrie alimentaire ;

- le papier couché sur chrome est utilisé pour les étiquettes de prestige (vins et liqueurs), emballages de luxe (cosmétiques, parfumerie).

Par conséquent, les marchés des papiers spéciaux pertinents retenus pour l'analyse de l'espèce seront les suivants : autocopiant, autocollant, thermique, métallisé, couché une face et couché sur chrome.

2.2. Les marchés géographiques

2.2.1 Le marché de la distribution de papier

La Commission européenne (11) retient une dimension nationale du marché de la distribution de papier. Elle considère qu'il est nécessaire, au regard des coûts de transport relativement élevés, d'avoir dans chaque pays au moins un entrepôt disposant d'un grand nombre de catégories et de qualités de papier, de façon à pouvoir répondre rapidement à la demande des clients.

Il n'y a pas lieu de remettre en cause l'approche retenue par la pratique. L'analyse concurrentielle sera donc menée sur un marché de la distribution de papier de dimension nationale.

2.2.2 Les marchés amont du papier couché sans bois et du papier non couché sans bois

La Commission européenne (12) retient une dimension géographique correspondant au moins à l'EEE pour le marché du papier couché sans bois et du marché du papier non couché sans bois. La même dimension a été retenu pour le marché du papier autocollant dans la décision (13) de la Commission UPM-Kymmene Corporation/Morgan Adhesive Company. L es parties considèrent que cette analyse correspond à la réalité économique de leur activité. En particulier, Lecta est principalement active en Europe du Sud mais doit faire face à de grands concurrents européens.

La présente instruction n'a pas permis de remettre en cause cette approche. L'analyse concurrentielle sera donc menée sur les marchés du papier couché sans bois et du papier non couché sans bois s'étendant à l'ensemble de l'EEE.

2.2.3 Le marché amont des papiers spéciaux

La Commission européenne s'est prononcée sur la délimitation géographique du marché du papier autocopiant. Elle considère, dans sa décision Mëtsa-Serla/Zanders (14), que le marché du papier couché sans bois, comprenant un éventuel marché du papier autocopiant, est de dimension européenne (EEE). Les autres marchés de production de papiers spéciaux, à savoir, le papier autocollant, le papier thermique, la papier métallisé, le papier couché une face et le papier couché sur chrome n'ont jusqu'ici fait l'objet d'aucune définition géographique.

Cependant, il convient de noter que :

- chaque type de papier spécial est vendu indifféremment dans les différents États membres de l'EEE : il n'existe donc pas de spécificité de la demande propre à certains pays ;

- il n'existe pas de barrières à l'entrée telles que des normes nationales particulières ;

- les sites de production de Lecta et de ses concurrents sont implantés sur l'ensemble du territoire de l'EEE, et les approvisionnements ont lieu partout en Europe.

Par conséquent, les marchés de la production de papiers spéciaux seront considérés de dimension européenne (EEE).

Enfin, au cas d'espèce, la question de la définition précise de ces marchés peut être laissée ouverte car, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées sur chacun de ces marchés.

3. ANALYSE CONCURRENTIELLE

Les parties à l'opération sont simultanément actives sur le marché de la distribution de papier. Ainsi, les risques d'atteinte à la concurrence par effets non coordonnés de la part de la nouvelle entité doivent être analysés sur le marché de la distribution de papier. De plus, compte tenu de la concentration de ce marché, les risques d'effets coordonnés doivent également faire l'objet d'un examen. Enfin, Lecta étant producteur de papier, les risques d'atteinte à la concurrence liés à une intégration verticale doivent également être étudiés.

3.1. Les effets de l'opération sur le marché de la distribution de papier

La partie notifiante a estimé la position des différents distributeurs en 2006 sur le marché national e la distribution de papier comme suit :

Entreprises PDM volume PDM valeur

Sequana (Antalis/MAP/Axelium) [30-40] % [40-50] %

StoraEnso (Papyrus) [20-30] % [20-30] %

INAPA [10-20] % [10-20] %

Secmar (Malmenayde) [10-20] % [0-10] %

Lecta (Torraspapel) [0-10] % [0-10] %

Total parties [15-25] % [10-20] %

Autres [0-10] % [0-10] %

TOTAL 100 100

Source : Notification à partir des données Eugropa Statistics.

La partie notifiante a également envisagée une segmentation du marché entre le " Print " et l'" Office ". Il s'avère que la nouvelle entité aurait une part de marché inférieure à [0-10] % sur un éventuel segment de l' " Office ". Sur un éventuel segment du " Print ", la nouvelle entité aurait une part de marché estimée à [20-30] % en volume et [20-30] % en valeur.

L'instruction du dossier a permis de montrer que les conclusions de l'analyse concurrentielle seront inchangées par conséquent, l'analyse concurrentielle sera menée sur le marché global de la distribution de papier.

3.1.1. Analyse des effets non coordonnés

Les sociétés Lecta et Secmar détiennent des positions équivalentes sur ce marché avec des parts de marché respectivement de [0-10] et [10-20] % en volume ([0-10] et [0-10] % en valeur). Ainsi, à l'issue de l'opération, la nouvelle entité aura une part de marché estimée à [15-25] % en volume et [10-20] % en valeur. Elle restera néanmoins confrontée à la concurrence d'acteurs plus importants tels que Sequana avec des parts de marché de [30-40] % en volume et [40-50] % en valeur, de StoraEnso et Inapa avec des parts de marché comprises entre [10-20] et [20-30] % en valeur et en volume.

Il n'apparaît pas que Lecta et Secmar disposent de caractéristiques particulières, notamment en terme de prix ou de services, qui en feraient les plus proches substituts et les distingueraient nettement des autres acteurs du marché.

Par conséquent, cette opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par risque d'effets non coordonnés de la part de la nouvelle entité.

3.1.2. Analyse des effets coordonnés

A l'issue de l'opération, quatre distributeurs représenteront [90-100] % du marché national de la distribution de papier : Sequana (Antalis/MAP/Axelium) avec [40-50] % de parts de marché en valeur ([30-40] % en volume), Stora Enso avec [20-30] % en valeur ([20-30] % en volume), Inapa avec [10- 20] % en valeur ([10-20] % en volume) et les parties, avec [10-20] % en valeur ([15-25] % en volume).

A titre liminaire, il convient de noter que la structure oligopolistique du marché prévaut à l'opération : les trois principaux concurrents totalisaient déjà [75-85] % du marché en valeur ([70-80] % en volume). La concentration envisagée a donc pour effet de renforcer les deux acteurs qui disposaient jusqu'ici des positions les plus modestes sur le marché, moins de [5-15] % chacun, et de leur permettre d'atteindre une taille comparable à celle de leurs principaux concurrents.

Par ailleurs, il continuera d'exister, à l'issue de l'opération, une forte asymétrie dans la distribution des parts de marché entre les principaux acteurs du marché : le premier, Sequana, disposera d'une part de marché prés de deux fois supérieure à chacun de ses trois compétiteurs. Les différents opérateurs semblent avoir des structures de coût sensiblement différentes, réduisant ainsi les facultés d'alignements de prix.

Bien que ces éléments limitent intrinsèquement la probabilité d'un équilibre collusif, il convient néanmoins de compléter l'analyse.

A l'aune des trois critères définis cumulativement (15) par l'arrêt Airtours/First Choice (16) du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes (" TPICE ") : pour qu'un risque existe, il faut non seulement que la transparence du marché soit telle que chaque oligopoleur soit en mesure (sans échange explicite d'information) de parvenir à une stratégie commune, et de détecter les éventuelles déviations, mais aussi que le fonctionnement du marché permette la mise en œuvre de représailles efficaces et qu'aucune réaction des concurrents résiduels ou potentiels ainsi que des clients ne permette de déstabiliser un éventuel équilibre collusif.

En ce qui concerne le premier critère, le ministre a déjà été amené à considérer que s'agissant des produits considérés, " le papier ne peut être considéré comme un produit homogène dans la mesure où les clients ont des exigences techniques particulières en termes de références et de qualité des produits " (17) qui se traduit par des gammes très étendues. En matière de distribution, les prestations proposées sont extrêmement hétérogènes en raison de la diversité des produits mais aussi de celles corrélatives des services rendus (notamment les différences dans les organisations logistiques des différents opérateurs).

Dans la mesure où il ne s'agit pas de produits ou services homogènes, la comparaison des prix n'est pas aisée. Certes, l'Association Française des Distributeurs de Papiers (AFDP), qui regroupant les principales entreprises du secteur, assure un suivi statistique régulier du marché de la distribution (18). Mais les chiffres communiqués aux adhérents sont agrégés, ce qui ne permet pas d'identifier les éventuelles déviations individuelles et assurer la stabilité d'un quelconque équilibre collusif (surveiller les stratégies commerciales et tarifaires des concurrents). Le ministre chargé de l'économie notait également dans l'affaire en référence que " les négociations commerciales se caractérisent en outre par une relative opacité, les négociations étant menées sur une base intuitu personae, et tenant compte de remises de gamme et de volume variables selon les familles de produits et les accords commerciaux. " Dans ces conditions, les informations dont dispose chaque membre de l'oligopole sur les politiques tarifaires de ses concurrents ne semblent pas suffisantes pour permettre de parvenir à une stratégie commune. La présente instruction n'a pas permis de remettre en cause cette absence de transparence suffisante sur le marché, qui conduit donc à considérer que le premier critère de l'arrêt Airtours/First Choice n'est pas rempli au cas d'espèce.

Concernant le deuxième critère le ministre indiquait que " pour discipliner un des membres de l'oligopole qui dévierait de l'équilibre collusif, il suffirait d'accentuert les pratiques de remises : cependant cette stratégie est moyennement crédible en ce qu'elle serait extrêmement coûteuse pour les autres membres de l'oligopole. " Outre la question de son coût, la question de la rétorsion renvoie à celle de la détection des déviants, qui, en l'absence de transparence suffisante, pose problème. Le ministre concluait donc que " le marché de la distribution de papier impression-écriture n'est non seulement pas suffisamment transparent pour permettre une coordination des comportements des acteurs, mais il ne l'est pas plus pour permettre la détection d'un acteur qui aurait choisi de s'éloigner de la ligne d'action commune ni pour assortir cette détection de la mise en œuvre de mesures de représailles effectives à l'encontre d'un tel déviant. " Au cas d'espèce, aucun élément nouveau n'a permis d'invalider la précédente analyse : le deuxième critère posé par l'arrêt Airtours/First Choice n'est donc pas non plus rempli.

En revanche, il convient de tempérer l'analyse que le ministre a menée dans la précédente affaire concernant la troisième condition de l'arrêt Airtours, à savoir l'absence de possibilité de contestation de la stratégie oligopolistique par les concurrents résiduels, potentiels ou les clients.

En effet, le ministre notait que " le rôle joué sur le marché par des distributeurs comme Malmenayde et Torraspapel est significatif. " Dans la mesure où l'analyse porte ici sur le risque de création ou de renforcement d'une PDC à laquelle Malmenayde et Torraspapel seraient parties, un tel argument ne peut naturellement pas prospérer.

Dorénavant, les autres concurrents sur le marché seront ceux de la frange concurrentielle, qui ne totalisent actuellement qu'environ [0-10] % des volumes distribués. S'il n'est pas établi que ces acteurs seraient en mesure de répondre immédiatement à une stratégie collusive mise en œuvre par les membres de l'oligopole par une augmentation de leur offre, il reste que le ministre, s'appuyant notamment sur l'analyse effectuée par la Commission européenne sur le marché anglais de la distribution de papier dans sa décision Paperlinx/Burhmann Paper Merchanting Division (19), a déjà constaté " que sur le marché de la distribution, il n'existe aucune barrière de type réglementaire, commerciale, financière, technologique ou temporelle : l'investissement initial au lancement d'une activité de distributeur de papiers est minime. " En conséquence, les barrières à l'expansion pour les acteurs de la frange concurrentielle ne semblent donc pas dirimantes. Ainsi, une contestation d'une hausse coordonnée des prix serait sans doute possible. Par ailleurs, il convient de noter que des distributeurs/producteurs professionnels étrangers se sont établis ces dernières années en France (par exemple Fedrigoni) cependant que d'autres acteurs se sont développés avec l'aide de producteurs (Valpaco, Latitude). Sur la base d'une analyse purement statique, il est indéniable que la pression concurrentielle des concurrents actuels est limitée. Pour autant, dans une perspective dynamique, cette concurrence semble en mesure de se développer, de même que celle de nouveaux acteurs qui feraient le choix d'entrer sur le marché.

Ainsi, en dépit de sa structure oligopolistique, qui est clairement renforcée par l'opération, le marché ne présente pas les caractéristiques requises pour caractériser le risque de création ou de renforcement d'une position dominante collective.

Par conséquent, les risques liés à d'éventuels effets coordonnés sur le marché français de la distribution de papier peuvent être écartés en l'espèce.

3.2. Analyse des effets verticaux de l'opération

L'opération de concentration s'analyse également comme une intégration verticale entre Lecta, producteur et distributeur de papier, et Secmar, distributeur de papier.

La position de Lecta sur les marchés amont de la production de papier est estimée en 2006 comme suit :

- [10-20] % sur le marché de la production de papier couché sans bois pour impression et écriture de haute qualité ;

- [0-5] % sur le marché de la production de papier non couché sans bois pour impression et écriture de haute qualité ;

- [10-20] % sur le marché de la production de papier autocopiant ;

- [0-10] % sur le marché de la production de papier autocollant ;

- [0-10] % sur le marché de la production de papier thermique ;

- [0-10] % sur le marché de la production de papier métallisé ;

- [0-10] % sur le marché de la production de papier couché une face ;

- [5-15] % sur le marché de la production de papier couché sur chrome.

Compte-tenu des faibles positions de Lecta sur chacun des marchés amont de la production et de la part de marché limitée que détiendra la nouvelle entité sur le marché aval de la distribution ([10-20] %), les risques verticaux peuvent être écartés au cas d'espèce.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.

Nota : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes

1 Décision de la Commission européenne M.1319, Smurfit Condat/CVC du 23 octobre 1998.

2 Décision de la Commission européenne M.1728 CVC/Torraspapel du 3 décembre 1999.

3 Décision du ministre de l'Economie du 28 mars 2007, Antalis/Axelium, C2007-11.

4 Décision de la Commission européenne du 15 décembre 2000, Metsä-Serla/Zanders, M.2045.

5 Décision de la Commission européenne du 24 octobre 2007, Antalis/MAP, M.4753.

6 Décision du ministre de l'Economie du 30 octobre 2002, Matussière & Forest/Lancey, C2002-114.

7 Décision C2002-114 du 30 octobre 2002, Matussière & Forest/Lancey.

8 Décision de la Commission européenne du 15 décembre 2000, Metsä-Serla/Zanders, M.2045.

9 Décision de la Commission européenne du 20 décembre 2001 relative à une entente dans le secteur du papier autocopiant, COMP/E-1/36.212.

10 Décision de la Commission européenne du 16 octobre 2002, UPM-Kymmene/Morgan Adhesive Company, M.2867.

11 Décision de la Commission européenne du 24 octobre 2007, Antalis/MAP, M.4753.

12 Décision de la Commission européenne du 15 décembre 2000, Metsä-Serla/Zanders, M.2245.

13 Décision de la Commission européenne du 16 octobre 2002, UPM-Kymmene Corporation/Morgan Adhésive Company, M.2867.

14 Décision de la Commission européenne du 15 décembre 2000, Mëtsa-Serla/Zanders, M.2245.

15 Comme ces critères sont cumulatifs, il suffit qu'un seul ne soit pas rempli pour que la PDC puisse être écartée. C'est donc de façon surabondante que le ministre expose son analyse pour chacun des trois critères, le risque de collusion tacite pouvant être écarté dés lors qu'il est établi qu'un seul des critères n'est pas rempli.

16 TPICE, Aff. T-342-99 du 6 juin 2002 publiée au JOUE n° 191 du 10 août 2002, p. 24.

17 Décision du ministre de l'Economie du 28 mars 2007, Antalis/Axelium, C 2007-11.

18 L'AFDP assure également la gestion des conventions collectives et la conduite des négociations paritaires.

19 Décision de la Commission européenne du 10 octobre 2003, M.3227-Paperlinx/Buhrmann Paper Merchanting Division.