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Décisions

CA Grenoble, ch. soc., 14 février 2007, n° 05-03650

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Socamel (SA)

Défendeur :

Sanner

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Delpeuch

Conseillers :

M. Vigny, Mme Combes

Avocats :

Mes Benhamou, Bret

Cons. prud'h. Voiron, du 20 juill. 2005

20 juillet 2005

Monsieur Sanner a été embauché le 1er février 1969 par la SA Socamel en qualité de VRP. Cette société a pour activité le négoce de chariots pour le transport des repas.

M. Sanner a été déclaré inapte à tout poste de travail au terme des visites des 29 décembre 2000 et 15 janvier 2001.

La SA Socamel a procédé au licenciement de M. Sanner pour inaptitude le 13 février 2001.

Le Conseil de Prud'hommes de Voiron, par jugement du 20 juillet 2005, a :

> condamné la SA Socamel à payer à M. Sanner :

* 71 559,19 euro au titre de l'indemnité de clientèle avec exécution provisoire assortie d'une astreinte de 500 euro par semaine,

* 700 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

> donné acte à la SA Socamel de ce qu'elle rétractait son offre d'indemnité spéciale de rupture (41 887 euro).

La SA Socamel, appelante, offre de verser à M. Sanner, au titre de l'indemnité de clientèle, 13 364,42 euro et sollicite 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Subsidiairement, elle offre, au titre de l'indemnité de clientèle 30 751,10 euro. Elle fait valoir que :

- M. Sanner était chargé de vendre des chariots réfrigérés. Au cours des quatre dernières années d'activité, il a perçu une moyenne annuelle de 100 857,84 F (15 384,76 euro), après retrait des commissions relatives aux appels d'offre qui ne doivent pas être pris en compte en application de la jurisprudence (absence de clientèle apportée).

- l'indemnité de clientèle ne peut dépasser deux ans de commissions - hors appel d'offre - soit 13 364,42 euro.

M. Sanner conclut au paiement des sommes suivantes :

* 155 767,22 euro indemnité de clientèle,

* 5 000 euro dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire, 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose que :

- il a créé la clientèle à son arrivée en 1969 : le secteur était vierge de toute clientèle.

- le développement de la clientèle qu'il a réalisé a été pérenne.

- la perte du bénéfice de la clientèle est liée à la rupture du contrat.

- l'indemnité de clientèle est égale à deux années de commissions. Il propose le calcul suivant:

commissions mai 94 à avril 97 : 1 532 649 F

salaire annuel moyen : 510 883 F

2 ans de commissions 510 883 F x 2=1 021 766 F ou 155 767,22 euro.

- les contrats conclus suite à des appels d'offre doivent être pris en compte. La jurisprudence citée par la SA Socamel est une jurisprudence d'espèce.

Motifs de l'arrêt

L'indemnité de clientèle est due au VRP dont le contrat est résilié par l'employeur à condition qu'il n'y ait pas eu de la part du VRP de faute grave et sous réserve qu'il justifie avoir apporté, créé ou développé une clientèle dont il est privé en raison de la rupture de la relation contractuelle.

La société Socamel ne discute le fait que, lors de la prise de fonction de M. Sanner, en 1969, le secteur qui lui a été confié, était vide de clientèle (départements du Centre de la France, soit 15 départements).

Il n'est pas non plus discuté par la société appelante que le développement de la clientèle dans le secteur géographique confié à M. Sanner a été le fait de ce dernier et que ledit secteur est demeuré exploitable lors de son départ de la société.

Si la société Socamel ne remet pas en cause le principe du droit à indemnité de clientèle de M. Sanner, elle prétend que la base de calcul de ladite indemnité devrait exclure les affaires traitées sur appels d'offre.

Contrairement à ce que soutient la société appelante, les commissions perçues par M. Sanner au titre des affaires traitées sur appels d'offre, doivent être prises en compte dans l'assiette de calcul de l'indemnité de clientèle, dès lors que l'activité du VRP est de même nature en matière d'appels d'offre qu'hors appels d'offre. Le VRP doit effectivement visiter la clientèle constituée d'établissements publics pour les convaincre de s'équiper de chariots de la société qui l'emploie, et cela d'autant que le matériel proposé, de meilleure qualité et plus perfectionné, était plus cher que celui de la concurrence.

L'attribution des marchés, en matière d'appel d'offre ne pouvait avoir lieu qu'après un travail de contacts, de présentation et de démonstration des matériels de la société.

L'activité déployée par le VRP auprès des établissements publics ne différait pas de celle déployée auprès des établissements privés.

La concurrence est tout aussi active auprès des collectivités publiques que privées et il n'est pas douteux que les efforts qui doivent être accomplis pour gagner ou conserver les premières qui représentent un marché considérable sont plus importants que ceux accomplis en direction des secondes.

Les collectivités publiques et privées renouvellent leur matériel sans différence notable en ce qui concerne la périodicité.

Il n'est pas contestable, au vu de l'activité déployée par M. Sanner au cours des 32 années de présence au service de la société Socamel, que cette activité a permis de s'attacher une clientèle d'établissements publics très importante.

Dans ces conditions, l'ensemble des commissions perçues par M. Sanner doit être pris en compte pour le calcul de l'indemnité de clientèle.

Il convient de retenir comme année de référence, les trois années qui ont précédé l'accident cérébral de M. Sanner, le 2 mai 1997 et qui a, par la suite ralenti son activité.

Le montant des commissions perçues par M. Sanner au cours de la période de référence s'élève à 1 532 649 F (233 650,83 euro), soit une moyenne annuelle de:

233 650,83 euro : 3 = 77 883,61 euro.

Eu égard aux très nombreuses années consacrées par M. Sanner à la création et au développement de la clientèle au sein de son secteur géographique, il lui sera alloué deux années de commission au titre d'indemnité de clientèle, soit la somme de:

77883,61 euro x 2 = 155 767,22 euro.

L'équité commande la condamnation de la société appelante à payer à M. Sanner la somme de 1 800 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement sauf en ce qui concerne la somme allouée au titre de l'indemnité de clientèle; Statuant à nouveau, Condamne la société Socamel à payer à M. Sanner la somme de 155 767,22 euro au titre de l'indemnité de clientèle; Condamne la société Socamel à payer à M. Sanner la somme de 1 800 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel; Condamne la société Socamel aux dépens d'appel.