Ministre de l’Économie, 30 mai 2008, n° ECEC0816543S
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils des entreprises CNCE et Financière XVI
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 28 avril 2008, vous avez notifié la prise de contrôle conjoint de la société Telfrance Holding par les sociétés Caisse Nationale des Caisses d' Épargne (ciaprès " CNCE ") et Financière XVI, au travers d'une société nouvellement créée (ci-après " Newco ") placée sous le contrôle exclusif de la société FLCP. Cette opération a été formalisée par un protocole de cession d'actions signé le 5 mai 2008.
1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION
Les entreprises concernées par la présente opération sont : CNCE et Financière XVI, les acquéreurs et Telfrance Holding, la cible.
CNCE est l'organe central du réseau des Caisses d'Épargne (ci-après " Groupe Caisse d' Épargne " ou " GCE ") dont elle assure la cohérence et l'homogénéité. GCE est actif dans le secteur des services bancaires à destination des particuliers, des entreprises, des collectivités et des institutions financières. Par ailleurs, il détient des participations contrôlantes dans trois sociétés éditrices de chaînes de télévision locales : La Chaîne Marseille, Touraine Télévision et IDF Télé.
En 2007, le chiffre d'affaires total mondial de GCE s'est élevé à [...] milliards d'euros hors taxes, dont environ [...] milliards d'euros en France.
Financière XVI est une société par actions simplifiée placée sous le contrôle exclusif de la société FIFL (1), elle-même exclusivement détenue par une personne physique, Monsieur Fabrice Larue, ne détenant pas de participations contrôlantes dans d'autres entreprises. La société FIFL a pour objet l'acquisition et la gestion de participations financières et commerciales et toutes opérations industrielles et commerciales pouvant s'y rattacher directement ou indirectement. Sa participation dans Financière XVI constitue sa seule participation contrôlante.
En 2006, le chiffre d'affaires total mondial de FIFL s'est élevé à 664 000 euros hors taxes, dont 638 000 euros en France.
Telfrance Holding est une société par actions simplifiée à la tête du groupe Telfrance (ci-après " Telfrance "). Elle exerce un contrôle exclusif sur la société Telfrance (2), société opérationnelle du groupe. Telfrance est actif dans la production et la distribution de programmes destinés à la télévision, essentiellement en France. Il édite également la plupart des productions musicales issues des fictions qu'il produit.
En 2007, le chiffre d'affaires total mondial de Telfrance Holding s'est élevé à 72,26 millions d'euros hors taxes, dont 72,23 millions en France.
L'opération consiste en la prise de contrôle de la société Telfrance Holding par la société Newco, placée sous le contrôle exclusif de la société FLCP, détenue conjointement par les sociétés Financière XVI et CNCE. La présente opération est la première acquisition réalisée FLCP depuis sa création en juillet 2007. En conséquence, les entreprises concernées au sens du paragraphe 147 de la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission européenne sont Financière XVI et CNCE (3).
Au terme de l'opération, Newco détiendra 100% du capital et des droits de vote de la société Telfrance Holding et de ses filiales (4). La société Newco sera placée sous le contrôle exclusif de la société FLCP.
Le capital de la société FLCP est détenu à hauteur de 65% par la société Financière XVI et à hauteur de 35% par la société CNCE. Elle est dirigée par un président qui agit sous le contrôle d'un comité de surveillance dont le rôle est de valider les décisions stratégiques de la société. Le Comité de surveillance est composé de six membres nommés par décision collective des associés statuant à la majorité simple. Trois de ces membres sont désignés sur proposition de CNCE et les trois membres restants sur proposition de Financière XVI. Les décisions stratégiques doivent être adoptées à la majorité des cinq sixièmes des membres du Comité de surveillance.
En raison des droits de véto dont disposent Financière XVI et CNCE sur les décisions stratégiques de la société FLCP, cette société est placée sous le contrôle conjoint des sociétés Financière XVI et CNCE. En effet, selon le paragraphe 62 de la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission européenne, " il y a contrôle en commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une autre entreprise. Par influence déterminante, on entend habituellement le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d'une entreprise ".
La présente opération consiste en la prise de contrôle conjoint de la société Telfrance Holding par les sociétés CNCE et Financière XVI.
En ce qu'elle entraîne la prise de contrôle conjoint de la société Telfrance Holding par les sociétés CNCE et Financière XVI, l'opération notifiée constitue bien une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas de dimension communautaire, et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
2. LES MARCHÉS CONCERNÉS
Les entreprises sont simultanément actives dans le domaine audiovisuel. Plus précisément, GCE est présent dans le secteur de l'édition de chaînes et Telfrance dans le secteur de la production et de la distribution de programmes destinés à la télévision. FIFL ne dispose d'aucune participation dans le secteur des médias.
2.1. Le secteur des droits de diffusion de programmes télévisuels
Les autorités de concurrence nationales (5) et communautaires (6) ont retenu l'existence d'une part, d'un marché de la production de programmes destinés à la télévision et d'autre part, d'un marché de la distribution de programmes destinés à la télévision.
Concernant le marché de la production de programmes destinés à la télévision, les autorités de concurrence procèdent à une distinction entre les productions télévisuelles produites par les éditeurs de chaînes aux fins de diffusion sur leurs propres chaînes et les productions télévisuelles vendues à des tiers. Seules ces dernières étant offertes sur le marché, les autorités de concurrence (7) estiment que le marché de la production audiovisuelle doit être limité aux seules productions qui ne sont pas à usage interne des diffuseurs.
Par ailleurs, au sein de ces marchés, les autorités de concurrence ont envisagé la possibilité d'une segmentation entre les programmes de stocks TV (films, téléfilms etc.) et les programmes de flux TV (8) (programmes d'information, magazines etc.). Une segmentation plus fine par type de programmes (fiction, série, documentaire etc.) a également pu être envisagée.
En l'espèce, la question de la définition précise de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.
2.2. Les marchés géographiques
Selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence nationales et communautaires (9), les marché de la production et de la distribution de programmes destinés à la télévision sont de dimension nationale, ou correspondent tout au plus à une même zone linguistique.
En l'espèce, l'analyse concurrentielle fournira des parts de marché au niveau national, sachant que les parties considèrent détenir sur les différents segments envisageables des parts de marché nationales supérieures à leurs positions sur un marché correspondant à la zone francophone.
Il n'est cependant pas nécessaire de s'interroger plus précisément sur la définition géographique des marchés dans la mesure où, quelle soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.
3. L'ANALYSE CONCURRENTIELLE
Les parties n'étant pas actives sur les mêmes marchés, l'opération n'aura aucun effet horizontal. D'éventuels effets verticaux de l'opération doivent toutefois être analysés.
Sur le marché de la production de programmes destinés à la télévision, Telfrance détient une part de marché de [0-10] % (10). Sur ce marché, Telfrance est confronté à des concurrents importants tels que Endemol, Carrère Groupe et Europe Audiovisuel dont les parts de marché respectives s'élèvent à [0-10] %, [0-10] % et [0-10] %.
Concernant les programmes de stock TV, Telfrance produit essentiellement des fictions, des séries télévisées et des documentaires. Sur les segments de la production de fictions, de séries et de documentaires, les parts de marché de Telfrance sont respectivement de [10-20] %, inférieures à 25% et de [0-5] %. Concernant les programmes de flux, Telfrance détient une part de marché de [0-10] %. Sur le marché de la distribution de programmes destinés à la télévision, Telfrance détient une part de marché inférieure à [0-10] %. Les principaux concurrents de Telfrance sur ce marché, sont des groupes puissants tels que TF1 International, AB et France Télévision Distribution. La distribution de fictions constitue l'essentiel de l'activité de distribution de Telfrance11. Sur ce segment, Telfrance estime que sa part de marché est comprise entre [5-15] % et [10-20] %.
En outre, les achats par GCE de droits relatifs à des programmes spécifiquement édités pour une diffusion à la télévision représentent [0-5] % de la demande. Les principaux opérateurs sur ce marché sont les grandes chaînes hertziennes nationales telles que TF1, France 2, France 3 et M6, ainsi que le groupe Canal+. En matière de fiction, de documentaires et de flux TV, les achats de GCE sont faibles : ils s'élèvent respectivement à [0-5] %, [0-5] %, et à moins de [0-10] % de la demande. Par ailleurs, GCE n'achète pas de droits relatifs aux séries télévisées.
Compte tenu des parts de marché modérées de Telfrance sur les marchés de la production et de la distribution de programmes télévisés ainsi que sur leurs éventuelles segmentations et de la part négligeable que représente GCE en termes de demande de droits relatifs à des programmes spécifiquement édités pour la télévision, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Notes :
1La société FIFL détient [...] % du capital de Financière XVI et [>50] % des droits de vote de Financière XVI.
2 Le capital de la société Telfrance est actuellement détenu à hauteur de 93,47% par la société Telfrance Holding et à hauteur de 6,53% par le Management et divers actionnaires minoritaires. Les actions de la société Telfrance détenues par les actionnaires minoritaires seront cédées à la société Telfrance Holding préalablement ou concomitamment à l'opération.
3 Le paragraphe 147 de la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission européenne précise : " lorsque l'entreprise concernée peut être considérée comme un simple vecteur utilisé pour une acquisition par les entreprises fondatrices, la Commission considérera que comme entreprise concernée chaque entreprise fondatrice, plutôt que l'entreprise commune en question, et la société cible. C'est en particulier le cas lorsque l'entreprise commune a été spécialement créée en vue de l'achat de la société cible n'est pas encore en activité [...] . "
4 Actuellement, le capital de la société Telfrance Holding est détenu à hauteur de 89,89% par la famille Canello et ses alliés et à hauteur de 10,11% par le groupe HR Média.
5 Voir notamment la décision du Ministre de l'économie C2007-121, De Agnostini/Marathon, du 29 août 2007.
6 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.4353, Permira/All3MediaGroup du 22 septembre 2006.
7 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.4353 précitée.
8 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.4353 précitée.
9 Voir notamment la décision du Ministre de l'économie C2007-121 précitée et la décision de la Commission européenne COMP/M.4353 précitée.
10 Les parts de marché dans la présente analyse sont indiquées en valeur.
11 La distribution de fictions recouvre 91% du chiffre d'affaires distribution de Telfrance.