CA Riom, ch. des appels corr., 27 septembre 2007, n° 07-00294
RIOM
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Cousin
Défendeur :
Le Ministère public , La Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poughon
Conseillers :
Mmes Gendre, Constant
Avocat :
Me Coin
LA COUR,
Par jugement du 1er février 2007, le Tribunal correctionnel de Cusset a :
- renvoyé Pascal Cousin des fins de la poursuite du chef d'obstacle aux fonctions des agents habilités de la DDCCRF.
Cette décision a été signifiée au prévenu le 19 mai 2007.
Par déclaration du 12 janvier 2007, le Ministère public a relevé appel du jugement.
Cité par acte d'huissier du 23 avril 2007 (AR du 24 avril 2007), M. Pascal Cousin est absent. Son conseil Maitre Coin a développé verbalement ses observations sans déposer de conclusions ;
Mme Fabienne Bribet, inspectrice principale à la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes a développé les arguments en faveur d'une condamnation insistant sur le fait que :
- la vérification s'inscrivait dans le cadre d'une enquête simple menée conformément aux dispositions de l'article L. 450-3 du Code du Commerce afin d'obtenir communication de pièces comptables relatives aux opérations de coopération commerciale réalisées pour l'hypermarché Leclerc de Bellerive-sur-Allier (03),
- que le procès verbal d'opposition à fonction a été dressé alors que la veille du contrôle les commissaires avaient informé téléphoniquement l'établissement de leur venue ; que sur les lieux ils ont indiqué l'objet de leur enquête ainsi que les pièces dont la communication était demandée,
- qu'à aucun moment, la copie demandée ne pouvait entraver l'hypermarché dans son fonctionnement,
- que l'attitude du prévenu a mis les enquêteurs dans l'impossibilité de mener leur mission ;
Le Ministère public a requis condamnation du prévenu à une peine d'emprisonnement avec sursis et d'amende ;
Sur quoi la cour,
1 - Sur la recevabilité :
Attendu que l'appel régulier en la forme et relevé dans le délai de la loi est recevable ;
2 - Sur le fond :
Attendu que le 4 mai 2005 à 10 heures, Bernard Bazlbou et Alain Convert, commissaires de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes de l'Allier régulièrement habilités se sont présentés à l'accueil des bureaux de l'hypermarché Edouard Leclerc avenue Charles de Bellerive-sur-Allier (03) où ils ont été reçus par Messieurs Turpin et Néron, directeurs du magasin qui les ont conduits auprès de M. Pascal Cousin, PDG de la SAS Bellerivedis, propriétaire de l'établissement qui leur a indiqué qu'il ne voulait pas produire les documents professionnels tirés du grand livre Journal comptes 609 : rabais, remises et ristournes obtenus sur achat, 706 : prestation de service et 708 produits des activités annexes aux motifs qu'il estime :
- que les agents ne peuvent intervenir dans son établissement que munis d'une autorisation de justice,
- que la communication des comptes donne accès aux agents à d'autres renseignements que ceux relatifs â la coopération commerciale,
- que les contrats analysés dans le cadre du dossier Scacentre (Centrale d'achat Leclerc) par le Tribunal de Moulins vont être requalifiés ;
Attendu que face à cette attitude, les fonctionnaires de la DDCCRF ont dressé procès verbal sur le fondement des dispositions de l'article L. 450-8 du Code de commerce ;
Attendu que le contrôle programmé en mai 2005 dans l'hypermarché de Bellerive-sur-Allier s'inscrivait dans un plan de contrôle national connu de la grande distribution et avait pour objet de vérifier la régularité des contrats de coopération commerciale conclus par les hypermarchés avec certains de leurs fournisseurs ;
Attendu qu'à l'audience de la cour, le conseil du prévenu n'a pas repris ses demandes de première instance visant à la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle et à prononcer la nullité de la procédure au motif qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 8 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'il soulève l'irrégularité du contrôle au motif que celui-ci qui portait sur l'ensemble des contrats fournisseurs distributeurs de la SA ne visait aucune plainte et un fondement juridique trop étendu ;
Qu'en agissant ainsi les agents de la DDCCRF aurait manqué à l'obligation de loyauté mise à leur charge ;
Attendu tout d'abord qu'il convient de rappeler qu'en droit national français les pouvoirs d'enquêtes des agents de la DDCCRF sont définis par les dispositions des articles L. 450-1 et suivants du Code de commerce dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée ;
Que l'article L. 450-3 alinéa 1 du Code de commerce reconnaît aux enquêteurs le droit d'accéder à tous les locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel, "celui de demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels et en obtenir ou prendre copie par tous moyens et sur tous supports..." ;
Attendu que cette procédure se distingue de celle de l'article L. 450-4 qui requiert une autorisation de justice mais permet aux enquêteurs de procéder à des visites domiciliaires et d'agir par la contrainte ;
Attendu qu'en procédant au contrôle des documents comptables sans procéder à une visite domiciliaire mais en se faisant communiquer les seuls documents professionnels utiles à la manifestation de la vérité, les agents de la DDCCRF de l'Allier ont agi conformément aux dispositions de l'article L. 450-3 alinéa 1 du Code de commerce ;
Attendu que contrairement aux affirmations du prévenu, les enquêteurs n'ont pas requis communication de l'ensemble des contrats fournisseurs distributeurs de la SA mais simplement la communication des comptes 609, 706 et 708 du Grand Livre Journal ainsi que cela résulte du procès-verbal d'infraction ;
Attendu que la demande était suffisamment précise même si elle ne précise pas les années visées ;
Attendu que M. Pascal Cousin informé la veille du contrôle avait manifestement laissé pour consigne à M. Turpin et Néron de refuser la communication et de conduire les agents à son bureau où il a manifesté son refus en invoquant non pas l'imprécision de la demande mais l'illégalité d'un contrôle sur pièces estimant qu'une autorisation de justice était nécessaire de même que le respect du secret professionnel;
Attendu que le tribunal s'est mépris en indiquant que les agents de la DDCCRF avaient invité le prévenu à produire une partie non négligeable de sa comptabilité alors qu'il n'ont demandé que la production de trois comptes tirés du Grand Livre Journal et n'ont pas exigé la production des factures fournisseurs à ce stade de la procédure ;
Qu'en effet, seul l'examen des comptes 609, 706 et 708 allait permettre aux enquêteurs de demander dans un second temps la communication de certaines factures déterminées par sondage dans les comptes et les contrats de coopération commerciale correspondants ;
Attendu par ailleurs que M. Cousin était prévenu de l'objet de l'enquête qui consistait à vérifier les conditions d'application des règles de facturation des marges arrières et le fondement juridique du contrôle ;
Attendu en effet qu'il savait parfaitement que, ce contrôle faisait suite à ceux entrepris par les agents de la DGCCRF auprès d'autres établissements à l'enseigne Leclerc et de la centrale d'achats Scacentre dont le siège est dans l'Allier et qui venait d'être sanctionnée par jugement du Tribunal correctionnel de Moulins du 9 février 2005 pour des infractions aux règles de facturation et aux contrais de coopération commerciale ;
Qu'en effet, M. Cousin l'a très clairement exprimé devant les agents de la DDCCRF ;
Attendu que c'est donc en toute connaissance de cause et afin de faire échec aux sanctions encourues pour infractions à ces règles de facturation et à celles de la coopération commerciale que M. Cousin s'est opposé aux agents de la DDCCRF qui en toute loyauté et conformément aux dispositions de l'article L. 450-3 du Code de commerce lui demandaient la communication de documents comptables précis et nécessaires à la poursuite de leur enquête ;
Attendu qu'une telle attitude délibérée non seulement entrave l'action des agents mais encore est de nature à permettre au prévenu d'éviter de lourdes sanctions pénales encourues pour violation des dispositions L. 441-4 du Code de commerce (amende de 75 000 euro portée à 50 % de la somme facturée ou de celle qui aurait dû être facturée ;
Attendu que ces agissements gravement préjudiciables aux règles qui régissent une saine concurrence doivent être sanctionnés par une peine significative qui comprendra non seulement l'amende mais aussi une partie d'emprisonnement assortie du sursis ;
Qu'il convient en définitive de condamner M. Pascal Cousin à une peine d'amende de 7 000 euro et à une peine d'emprisonnement de 3 mois assortie du sursis.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Pascal Cousin et par arrêt contradictoire à l'égard de la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en madère correctionnelle et après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare l'appel recevable, Infirme la décision entreprise, Déclare Pascal Cousin coupable des faits qui lui sont reprochés, En répression, le condamne à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 3 000 euro, Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euro dont est redevable chaque condamné, Dit que l'avertissement prévu à l'article 132-29 du Code pénal sur les conséquences qu'entraineraient une nouvelle condamnation pour une nouvelle infraction commise dans les délais prévus par les articles 132-35 et 132-37 a été donné au condamné en fonction de sa présence à l'audience du prononcé de l'arrêt. Le condamné est informé de la possibilité d'obtenir une réduction de 20 % de l'amende et du droit fixe de procédure sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro en cas de paiement spontané dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt ou de sa signification s'il s'agit d'une décision contradictoire à signifier ou rendue par défaut, sans toutefois que le paiement de l'amende fasse obstacle à l'exercice d'un pourvoi en cassation. Le tout en application des articles susvisés et des articles 406 410 du Code de procédure pénale et 1018 A du Code général des impôts.