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Décisions

CJCE, 6e ch., 16 février 2006, n° C-111/04 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Ordonnance

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Adriatica di Navigazione SpA

Défendeur :

Commission des Communautés Européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Malenovský, Rapporteur :

Avocat général :

M. Ruiz-Jarabo Colomer

Juges :

MM. Puissochet (rapporteur), Caoimh

Avocats :

Mes Siragusa, Morettio

CJCE n° C-111/04 P

16 février 2006

LA COUR (sixième chambre),

Les faits à l'origine du litige

Adriatica est une société maritime d'exploitation de transbordeurs rouliers qui assure des services de transport de passagers, de véhicules particuliers et de véhicules utilitaires entre les ports de Patras (Grèce) et de Brindisi (Italie).

À la suite d'une plainte adressée par un usager, selon laquelle les tarifs des transbordeurs étaient très semblables sur les lignes maritimes entre la Grèce et l'Italie, la Commission des Communautés européennes a procédé à des vérifications dans les bureaux de six exploitants de transbordeurs, à raison de cinq en Grèce et d'un en Italie, afin d'examiner si une entente sur les tarifs avait été mise en place par les transporteurs.

Le 9 décembre 1998, la Commission a adopté la décision litigieuse par laquelle elle a condamné à des amendes, d'une part, les sociétés Minoan Lines, Anek Lines, Karageorgis Lines, Marlines SA et Strintzis Lines pour s'être accordées sur les prix à appliquer aux services de transbordeurs rouliers entre les ports de Patras et d'Ancône (Italie) (article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse) et, d'autre part, les sociétés Minoan Lines, Anek Lines, Karageorgis Lines, Adriatica, Ventouris Group Enterprises SA et Strintzis Lines pour avoir passé un accord sur les niveaux de prix devant être appliqués aux véhicules utilitaires sur les lignes Patras-Bari (Italie) et Patras-Brindisi (article 1er, paragraphe 2, de la même décision).

Adriatica a été condamnée à une amende de 980 000 euro.

La procédure devant le tribunal et l'arrêt attaqué

Le 1er mars 1999, Adriatica a introduit devant le tribunal un recours tendant à l'annulation de la décision litigieuse au motif que la Commission s'était fondée sur une définition erronée du marché pertinent, qu'elle ne démontrait pas la participation d'Adriatica à l'entente et que, enfin, le calcul de l'amende reposait sur une fausse analyse dès lors qu'était prise en compte une entente sur le prix de trajets qui n'étaient pas assurés par Adriatica.

Dans l'arrêt attaqué, le tribunal a tout d'abord rappelé qu'une définition du marché pertinent est inopérante dans la mesure où elle ne saurait conduire à démontrer que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, permettant de constater l'existence d'une entente, ne sont pas remplies.

Ainsi, à ce seul titre, Adriatica ne pourrait pas remettre en question l'affectation des échanges par l'entente.

Le tribunal a ensuite jugé que le libellé du dispositif de la décision litigieuse était suffisamment clair et précis pour qu'Adriatica puisse déterminer l'infraction qui lui était reprochée et, par suite, contester utilement cette décision. Il en a déduit pouvoir exercer de manière effective le contrôle de légalité. Il a également considéré qu'Adriatica ne saurait soutenir que l'insuffisance de motivation de la décision l'avait empêchée de contester celle-ci devant le tribunal en toute connaissance de cause. Les éléments de preuve que la Commission a retenus pour démontrer la participation d'Adriatica à l'entente ainsi que les arguments de cette dernière auraient été, en effet, clairement identifiés et analysés.

Estimant ensuite qu'Adriatica ne pouvait remettre en cause l'affectation des échanges ni démontrer une distanciation par rapport à l'entente selon les formes requises par la jurisprudence, le tribunal a jugé que la Commission avait estimé, à juste titre, avoir des éléments de preuve suffisants pour établir l'existence d'un accord sur les prix à appliquer sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi en ce qui concerne le transport de véhicules utilitaires.

Le tribunal a affirmé, en outre, que la jurisprudence invoquée par Adriatica, selon laquelle la participation à une réunion ne permettrait pas de caractériser la participation à une entente, ne s'appliquait pas en l'espèce dès lors qu'Adriatica avait participé à deux réunions qui s'inscrivaient dans le cadre d'une entente durable.

Le tribunal a fondé l'arrêt attaqué sur des éléments de preuve résultant, notamment, de courriers échangés entre les sociétés concernées. Le tribunal a estimé que ces courriers mettaient en cause implicitement ou explicitement Adriatica et démontraient la participation de cette dernière à des réunions visant à une entente de ces sociétés sur les prix à appliquer. Ces éléments de preuve étaient les suivants.

- Une télécopie du 30 octobre 1990, envoyée par Strintzis Lines à Adriatica, montrerait que celle-ci s'était jointe à la collusion avec ses concurrents et qu'elle était d'accord avec la fixation des tarifs.

S'appuyant sur ce document, le tribunal a estimé que, dès lors qu'Adriatica avait participé à la réunion du 25 octobre 1990 évoquée dans ladite télécopie, qu'elle en était destinataire, que les prix qu'elle allait appliquer à partir du 5 novembre 1990 y étaient correctement reproduits, et, enfin, que les prix qu'elle avait adoptés étaient ceux qui avaient été adoptés par les autres compagnies, la Commission avait pu conclure qu'Adriatica avait participé à l'accord en question.

- Un télex du 24 novembre 1993, citant nommément Adriatica, démontrerait l'existence de tentatives pour parvenir à un concours de volontés entre certaines compagnies sur la manière de se comporter sur le marché et qu'un accord précis sur le taux de réajustement des prix et sur la date d'appréciation de ceux-ci avait finalement été obtenu. Selon l'interprétation la plus plausible, la dernière phrase indiquerait qu'il existait un accord antérieur au sujet de la différenciation des tarifs pour le transport des véhicules utilitaires entre Ancône, Bari et Brindisi.

Le tribunal a relevé qu'Adriatica avait reconnu avoir pris part à la réunion du 24 novembre 1993 et qu'elle avait admis que, au cours de cette réunion, les discussions avaient porté sur les tarifs applicables au transport des véhicules utilitaires, y compris ceux concernant la ligne Patras-Brindisi.

- Un document du 2 novembre 1990 révélerait que, à la suite de la réunion du 25 octobre 1990, la société Minoan Lines aurait communiqué à ses agents les nouveaux tarifs convenus entre les sociétés visées par la décision litigieuse et prenant effet à compter du 5 novembre 1990, en indiquant que ces prix avaient été convenus par ces compagnies pour toutes les lignes entre la Grèce et l'Italie.

- Un télex, envoyé le 22 octobre 1991 par Karageorgis Lines, Minoan Lines et Strintzis Lines à Anek Lines, inviterait cette dernière société à s'en tenir "à l'accord conclu entre les 11 compagnies et les 36 navires assurant la traversée entre la Grèce et l'Italie".

Le tribunal a jugé que la Commission pouvait estimer, au vu de l'ensemble des données dont elle disposait, qu'Adriatica devait vraisemblablement figurer parmi les "onze compagnies" membres de l'entente auxquelles les auteurs du télex avaient fait référence et que l'infraction avait persisté pendant la période comprise entre la réunion du 25 octobre 1990 et celle du 24 novembre 1993.

-Un télex, envoyé le 7 janvier 1993 par Minoan Lines à Strintzis Lines, à Anek Lines ainsi qu'à Karageorgis Lines en vue de proposer une révision des tarifs applicables au transport des véhicules sur les lignes entre la Grèce et l'Italie, indiquerait que "deux années se sont écoulées depuis le dernier ajustement des tarifs véhicules".

Le tribunal en a déduit que l'entente sur la ligne Patras-Brindisi persistait.

Le tribunal a conclu que, eu égard à ces "preuves directes" et dans la mesure où Adriatica ne s'est pas utilement distanciée de l'infraction, la Commission a établi à suffisance de droit la participation d'Adriatica à l'entente sur les prix applicables au transport des véhicules utilitaires sur la ligne Patras-Brindisi, entre le 30 octobre 1990 et le mois de juillet 1994.

L'abstention de la Commission d'inclure d'autres entreprises qui auraient également participé à l'entente ne saurait constituer une violation des principes d'équité et de non-discrimination à l'égard d'Adriatica. Le tribunal a rappelé sur ce point que le respect de l'égalité de traitement doit être concilié avec le principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d'autrui. En tout état de cause, la situation des autres entreprises visées par la décision litigieuse serait différente de celle d'Adriatica.

Le tribunal a considéré, par conséquent, qu'Adriatica ne saurait reprocher à la Commission de lui avoir infligé une amende en application de l'article 19, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4056-86 du Conseil, du 22 décembre 1986, déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO L 378, p. 4).

Il a toutefois admis qu'il existait une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision litigieuse dès lors que le dispositif ne sanctionne qu'une infraction sans faire de différences entre les compagnies exploitant toutes les lignes visées par l'entente ou seulement certaines d'entre elles. Il en a déduit que le montant de l'amende infligée à Adriatica avait été calculé à partir de la prémisse erronée suivant laquelle la décision litigieuse sanctionnait une même infraction commise par toutes les sociétés concernées et que cette amende était donc disproportionnée.

Au surplus, le tribunal a jugé que la Commission avait appliqué de façon erronée sa propre méthode de calcul du montant de base. S'agissant d'Adriatica, la Commission aurait commis une erreur dans l'application du facteur "taille relative". Le tribunal a donc décidé de réduire le montant de l'amende à 245 000 euro.

La demande de la Commission tendant à réviser à la hausse l'amende infligée à Adriatica au motif qu'elle avait contesté l'infraction commise en formant un recours n'a pas été accueillie par le tribunal. Celui-ci a jugé, en effet, que le seul fait que l'entreprise ait exercé une action contentieuse ne saurait justifier une nouvelle appréciation de la réduction qui lui avait été accordée pour avoir coopéré avec la Commission.

Les conclusions des parties

Par son pourvoi, Adriatica conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- réformer l'arrêt attaqué en ce qu'il exclut que la définition erronée du marché pertinent a eu des conséquences négatives pour Adriatica et reconnaître que la participation à une infraction qu'elle n'a pas commise lui a été attribuée sans motivation, dans la mesure où elle concerne la ligne Patras-Bari qu'elle ne dessert pas;

- réformer l'arrêt attaqué en ce qu'il conteste que le comportement global d'Adriatica à la suite de la réunion du 24 novembre 1993 ait valeur de distanciation valable aux fins de l'exonération de sa responsabilité pour les comportements collusoires qui y ont été décidés;

- dès lors que le deuxième moyen est accueilli, réformer l'arrêt attaqué en ce qu'il confirme la durée de l'infraction commise par Adriatica et réduire la période d'infraction qui lui est imputée;

- dès lors que le premier moyen est accueilli, réduire la sanction fixée à charge d'Adriatica par le tribunal;

- dès lors que les premier, deuxième et troisième moyens sont accueillis, réduire la sanction infligée à Adriatica en raison de la moindre gravité et de la durée plus brève de l'infraction qu'elle a commise;

- à titre subsidiaire, réformer l'arrêt attaqué en ce que le tribunal a erronément quantifié la réduction de l'amende devant être accordée à Adriatica, et la réduire encore;

- condamner la Commission aux dépens des première et dernière instances.

La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- rejeter le pourvoi comme irrecevable ou non fondé;

- par la voie du pourvoi incident, réformer les points 38 à 45 et 190 à 192 de l'arrêt attaqué où il est affirmé qu'Adriatica est uniquement responsable d'avoir participé à l'accord sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi et, par conséquent, infliger à Adriatica une amende égale à celle initialement fixée par la décision attaquée, équivalant à 980 000 euro;

- en tout état de cause, en cas de rejet du pourvoi incident, si la Cour reconnaissait l'existence de deux infractions distinctes, réformer l'arrêt attaqué aux points 195 et 196 et donc recalculer la sanction, dans le respect de la méthode prévue par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l'article 65 paragraphe 5 du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3), ci-après les "lignes directrices", en fixant une amende égale à 950 000 euro, et dans l'hypothèse où la Cour jugerait utile d'accorder à Adriatica une réduction pour non-contestation des faits, une amende égale à 760 000 euro;

- condamner dans tous les cas Adriatica aux dépens.

Sur le pourvoi

A - Sur la participation à l'entente

En vertu de l'article 119 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, rejeter le pourvoi par voie d'ordonnance motivée.

Sur le premier moyen, tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le tribunal en ne tirant pas les conséquences de la définition erronée donnée par la Commission du marché pertinent

- Argumentation des parties

Adriatica soutient que le tribunal a commis une erreur en refusant de reconnaître les effets défavorables produits à son égard par une définition erronée du marché pertinent.

Adriatica constate que le tribunal a jugé que la décision litigieuse sanctionnait deux infractions distinctes, l'une concernant l'entente sur la ligne Patras-Ancône, l'autre concernant l'entente sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi (article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision litigieuse), et que la Commission n'aurait pas dû imputer à Adriatica d'autres responsabilités que celles afférentes à l'infraction visée à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse. Toutefois, le tribunal aurait estimé qu'une telle erreur n'avait aucun effet sur la constatation de la participation d'Adriatica à l'entente.

Adriatica soutient, toutefois, que l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse était lui-même entaché d'une erreur dans la définition du marché pertinent en tant qu'il visait à la fois les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi. Le tribunal aurait dû constater l'erreur commise par la Commission en lui imputant une responsabilité concernant la ligne Patras-Bari, sur laquelle elle n'opère pas, dès lors qu'elle n'assure que les liaisons Patras-Brindisi.

Adriatica soutient que les ports de Bari et de Brindisi ne sont pas interchangeables aux fins de l'embarquement pour Patras. La distance qui les sépare (117 km) ne serait pas indifférente pour un transporteur routier.

La Commission affirme que la contestation par Adriatica de la définition du marché pertinent est, comme l'a jugé le tribunal, inopérante car elle ne saurait conduire à démontrer que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne sont pas remplies.

La Commission invoque également l'irrecevabilité du grief avancé par Adriatica quant au fait qu'elle n'opère pas sur les lignes Patras-Bari et Patras-Ancône. Il s'agirait d'une argumentation de fait déjà présentée devant le tribunal.

Elle fait valoir, sur ce point, qu'Adriatica n'invoque ni ne prouve la dénaturation des éléments de preuve par le tribunal aux fins de démontrer l'existence d'un accord sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi.

Enfin, la Commission estime que l'argumentation d'Adriatica en ce qui concerne l'interchangeabilité des deux ports italiens doit être déclarée irrecevable, en ce qu'il s'agit d'une appréciation factuelle, présentée pour la première fois dans le cadre du pourvoi devant la Cour.

- Appréciation de la cour

Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal aux points 26 à 29 de l'arrêt attaqué, la contestation de la définition du marché en cause est inopérante car elle ne saurait conduire à démontrer à elle seule que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne sont pas remplies. Adriatica ne saurait donc en déduire l'absence de sa participation à une entente.

La définition du marché pertinent, dans le cadre de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, a pour seul objet de déterminer si l'accord en cause est susceptible d'affecter le commerce entre les États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

En l'espèce, si le tribunal a admis que la définition confuse et incomplète du marché pertinent peut avoir pour conséquence une erreur dans l'attribution des responsabilités, il a pu constater que la Commission n'avait pas imputé à Adriatica d'autres infractions que celle visée à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse, c'est-à-dire l'entente sur les prix concernant le transport des véhicules utilitaires sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi.

En outre, le fait qu'Adriatica soit visée à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse ne signifie pas que la Commission lui impute une responsabilité dans le cadre de l'entente relative à la ligne Patras-Bari. Il ressort, en effet, clairement du cent-vingt-quatrième considérant de cette décision que la Commission ne reprochait à Adriatica sa participation à l'entente "Bari-Brindisi" que sur la ligne Patras-Brindisi.

En considération de ce qui précède, le moyen tiré de l'erreur dans l'étendue de l'infraction reprochée à Adriatica manquant en fait, doit être rejeté comme manifestement non fondé.

Sur le second moyen, tiré de l'erreur qu'aurait commise le tribunal dans l'appréciation de la distanciation d'Adriatica par rapport à l'infraction

- Argumentation des parties

Adriatica soutient que le tribunal n'a ni apprécié ni appliqué correctement les principes établis par la jurisprudence pour vérifier l'existence des conditions de distanciation d'une entente par une entreprise.

En effet, le tribunal a affirmé que seule une manifestation ferme et claire de désaccord est susceptible de remplir le critère d'une distanciation "publique".

Adriatica estime, au contraire, qu'il ressort de la jurisprudence concordante du tribunal et de celle de la Cour que les conditions fondamentales pour être en présence d'une distanciation sont:

- la distanciation "publique" et non pas "formelle" du contenu des réunions anticoncurrentielles dans la mesure ou le caractère "public" de la distanciation doit être interprété comme étant "susceptible de faire connaître la volonté de l'entreprise aux autres participants" (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291/98 P, Rec. p. I-9991, point 50; du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, points 81 et 85);

- la preuve, notamment par indices, que cette distanciation a eu lieu;

- l'absence d'intentions anticoncurrentielles dans la participation aux réunions, déduite de son comportement ultérieur. Or, la vérification externe de la connaissance de la distanciation par les concurrents ne serait pas possible en l'espèce, puisque la réunion lors de laquelle la distanciation a eu lieu est la dernière identifiée. Adriatica rappelle que la réunion précédente avait eu lieu plus de trois ans auparavant et que la réunion en cause aurait eu pour seul objet, contrairement à ce qu'a affirmé le tribunal, l'application de la taxe sur la valeur ajoutée communautaire (ci-après la "TVA communautaire");

- la connaissance de la part des concurrents de l'absence d'intentions anticoncurrentielles.

Adriatica estime que sa distanciation à l'égard de l'entente remplit ces conditions.

Elle rappelle, à cette occasion, que son agent n'avait aucun mandat pour engager la société et ne pouvait donc, contrairement à ce qu'a affirmé le tribunal, manifester d'une manière formelle le désaccord d'Adriatica. Elle soutient que la rencontre du 24 novembre 1993 ne s'inscrivant pas dans le cadre de réunions régulières, Adriatica ne pouvait pas savoir à l'avance ce qui y serait discuté et donner des indications adéquates à son agent.

Adriatica ajoute que, dans aucun des cas d'ententes antérieurs, une entreprise, qui prétendait s'être distanciée de l'infraction, n'aurait été en mesure de produire un document permettant d'établir sa volonté de s'abstenir de tout comportement collusoire.

La Commission soutient, au contraire, que l'arrêt attaqué est conforme à la jurisprudence citée par Adriatica et que les deux adverbes "formellement" et "publiquement" semblent être clairement employés indifféremment, et donc comme ayant une même signification dans les arrêts mentionnés.

Elle considère qu'Adriatica ne fait pas valoir une éventuelle dénaturation par le tribunal des preuves de sa participation à l'entente et ne produit pas non plus d'éléments aptes à démontrer cette dénaturation. Le moyen invoqué impliquerait un réexamen des preuves par la Cour, ce qu'elle ne peut pas faire, l'appréciation des éléments de preuve par le tribunal étant souveraine.

La Commission estime ensuite que l'argument d'Adriatica selon lequel la réunion ne serait pas insérée dans le cadre de réunions régulières au cours desquelles des instructions devaient être données à l'agent de cette société est dénué de pertinence. En effet, l'agent aurait pu, par exemple, solliciter des instructions au cours de la réunion, même si cette réunion avait un objet plus général.

La Commission soutient également, comme l'avait constaté le tribunal, qu'Adriatica ne démontre pas que les participants à la réunion avaient discuté uniquement de la question de l'introduction et de l'application de la TVA communautaire. Cette constatation par le tribunal ne saurait constituer un indice de dénaturation de la preuve.

Enfin, la réaffirmation par Adriatica que son comportement postérieur à la réunion se distanciait du contenu de celle-ci méconnaîtrait l'appréciation souveraine du tribunal selon laquelle la décision de ne pas augmenter les prix ne constitue pas une preuve de distanciation.

À titre subsidiaire, la Commission remarque qu'Adriatica ne conteste cette appréciation que pour la période postérieure à la réunion du 24 novembre 1993, ce qui signifierait qu'elle ne contesterait donc pas contesté la preuve et la durée de sa participation au moins jusqu'à cette date.

La Commission estime, par conséquent, que les griefs exposés par Adriatica doivent être rejetés comme irrecevables ou, en tout état de cause, comme non fondés.

- Appréciation de la Cour

La participation d'une entreprise à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel a objectivement pour effet de créer ou de renforcer une entente et la circonstance qu'une entreprise ne donne pas suite aux résultats de ces réunions n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l'entente, à moins qu'elle se soit distanciée publiquement de leur contenu (voir arrêts précités Sarrió/Commission, point 50, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 85).

En vertu de l'article 225 CE et de l'article 58 du statut de la Cour de justice, le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits. La Cour n'est donc pas compétente pour constater les faits et, en principe, pour examiner les preuves que le tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (voir, notamment, ordonnance du 17 septembre 1996, San Marco/Commission, C-19/95 P, Rec. p. I-4435, point 40). Cette appréciation ne constitue pas, sous réserve de la dénaturation des éléments, une question de droit soumise comme telle au contrôle de la Cour (arrêt du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53/92 P, Rec. p. I-667, point 42).

Le tribunal a souverainement apprécié aux points 132 à 140 de l'arrêt attaqué qu'Adriatica n'avait pas démontré la distanciation requise par la jurisprudence pour pouvoir considérer que sa participation à la réunion du 24 novembre 1993 ne prouvait pas son adhésion à l'entente.

En ce qui concerne le grief lié à la distinction entre les adverbes "formellement" et "publiquement" que souhaite établir Adriatica, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que le tribunal aurait exigé une preuve d'une distanciation "formelle" du contenu des réunions ayant un but anticoncurrentiel qui irait au-delà des exigences de la jurisprudence.

Adriatica ne démontre pas, par ailleurs, que le tribunal a commis une erreur dans l'examen des faits en jugeant, au point 140 de l'arrêt attaqué, qu'il n'était pas mentionné que les participants à la même réunion avaient discuté de l'introduction et de l'application de la TVA communautaire.

Enfin, Adriatica ne saurait se prévaloir du fait que c'est son représentant sur place qui a assisté à cette réunion, qu'il était dépourvu de tout pouvoir de décision et qu'il n'était pas en mesure de l'engager. En effet, le tribunal a définitivement jugé, au point 121 de l'arrêt attaqué, qu'il n'est pas contesté que le représentant d'Adriatica en Grèce était perçu par les autres compagnies comme tel et, donc, que ses agissements, observations et actions étaient bien interprétés sur le marché comme étant ceux de cette dernière.

Il s'ensuit que le deuxième moyen, tiré de l'erreur dans l'appréciation de la distanciation d'Adriatica par rapport à l'infraction, en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé, doit être rejeté.

B - Sur les observations aux fins d'annulation et de diminution du montant de l'amende

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 85 du traité et de l'article 19, du règlement n° 4056/86 dans la détermination de la durée et de la gravité de l'infraction imputable à Adriatica

- Argumentation des parties

En premier lieu, Adriatica conteste la durée de l'infraction. Elle prétend, en effet, que si la Cour devait annuler l'arrêt en ce qui concerne les conditions de distanciation par rapport à l'accord, elle devrait en conséquence modifier l'arrêt attaqué en ce qu'il confirme la durée de l'infraction telle qu'elle a été établie par la Commission, à savoir du 30 octobre 1990 jusqu'au mois de juillet 1994. Selon Adriatica, la période comprise entre le 24 novembre 1993 et le mois de juillet 1994 devrait être exclue.

En outre, la Cour devrait reconsidérer la question de savoir si les conditions fixées par l'arrêt du tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission (T-43/92, Rec. p. II-441), pour prouver la persistance de l'infraction visée en l'espèce, sont toujours remplies. Dans le cas contraire, la Cour devrait encore réduire la période d'infraction imputée à Adriatica.

En second lieu, Adriatica conteste la gravité de l'infraction qui lui est reprochée. Elle considère que celle-ci est plus limitée que celle commise par les autres participants. Elle estime ainsi que, en terme de gravité, adhérer à une initiative de prix décidée au cours d'une réunion n'est pas la même chose qu'adhérer à une seconde initiative trois ans plus tard.

En outre, la reconnaissance de l'absence de responsabilité pour l'infraction sur la ligne Patras-Bari devrait elle aussi, selon Adriatica, avoir une incidence sur la gravité de l'infraction qui lui est imputée.

Concernant la durée de l'infraction, la Commission excipe de l'irrecevabilité du moyen en arguant qu'Adriatica se borne à répéter ce qu'elle a déjà affirmé en première instance. Cette société n'ayant pas fait valoir la dénaturation par le tribunal des preuves établissant sa participation à l'accord et ne l'ayant pas non plus démontrée, ce moyen serait irrecevable et non fondé.

La Commission considère également comme irrecevable le moyen soulevé par Adriatica au soutien de sa demande de réduction de la gravité de l'infraction. Il s'agit, en effet, selon elle d'un moyen nouveau car non exposé en première instance.

En ce qui concerne, par ailleurs, l'absence alléguée de responsabilité d'Adriatica dans le cadre de l'entente relative à la ligne Patras-Bari, la Commission observe qu'Adriatica réitère ce moyen déjà soumis au tribunal, si bien qu'il doit lui aussi être déclaré irrecevable.

- Appréciation de la Cour

Ainsi qu'il a déjà été exposé, l'appréciation des faits et des preuves que le tribunal a retenus à l'appui de ces faits ne constitue pas, sous réserve de la dénaturation des éléments, une question de droit soumise comme telle au contrôle de la Cour.

Or, le tribunal a estimé que les conditions posées dans son arrêt Dunlop Slazenger, précité, pour prouver la persistance de l'infraction visée sont remplies. En appliquant le raisonnement qu'ils avaient suivi dans cet arrêt, les juges de première instance ont souverainement apprécié, aux points 122 à 131 de l'arrêt attaqué, que, la requérante ne s'étant pas utilement distanciée, la Commission pouvait considérer que, pendant la période comprise entre les deux réunions, l'entente sur les niveaux de prix devant être appliqués au transport des véhicules utilitaires sur les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi avait persisté, et qu'Adriatica y avait pris part.

Ensuite, les griefs portant sur la gravité de l'infraction se rapportent, dans le présent pourvoi, à des questions de fait, ce qui échappe à la compétence de la Cour, sauf dénaturation des éléments de fait par le tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7/95 P, Rec. p. I-3111, points 21 et 22).

Par ailleurs, il n'est pas contesté que le tribunal a apprécié la gravité de l'infraction au regard de la seule participation d'Adriatica à l'entente sur les prix pratiqués, en ce qui la concerne, sur la ligne Patras-Brindisi, ce qui l'a d'ailleurs conduit à diminuer le montant de l'amende infligée par la Commission.

66 Il s'ensuit que ce moyen, tiré de l'erreur dans l'appréciation de la durée et de la gravité de l'infraction, étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé, doit être rejeté.

Sur le moyen invoqué à titre subsidiaire, tiré du défaut de motivation dans la détermination du montant de l'amende à infliger à Adriatica

- Argumentation des parties

Adriatica fait valoir que le tribunal n'a pas pris en compte les circonstances particulières et les informations qu'elle lui a fournies pour déterminer le montant de l'amende. L'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 et les lignes directrices, n'auraient pas été respectés. Adriatica conclut donc au caractère inéquitable ainsi qu'à l'absence de motivation adéquate de la méthode adoptée par le tribunal, et demande à la Cour de recalculer le montant de son amende.

Adriatica demande également, que les autres moyens invoqués soient accueillis ou non, que l'arrêt attaqué soit réformé au fond et que la réduction du montant de l'amende en raison de son absence de participation à l'infraction visée à l'article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse soit recalculée exclusivement sur la base de son chiffre d'affaires pour les services de transport de véhicules utilitaires sur la ligne Patras-Brindisi.

La Commission estime que le calcul du montant de l'amende effectué par le tribunal et la réduction subséquente de ce montant sont erronés pour des raisons autres que celles invoquées par Adriatica. Comme elle le démontrerait dans le pourvoi incident, la Commission estime que l'infraction faisant l'objet de la décision litigieuse est unique et qu'Adriatica y a participé. Il est donc inévitable que cette constatation ait des conséquences sur le calcul du montant de l'amende.

Dans l'hypothèse, critiquée par la Commission, où la Cour suivrait le raisonnement du tribunal, et où Adriatica se verrait infliger une sanction uniquement pour l'infraction commise sur les deux lignes visées à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse (Patras-Bari et Patras-Brindisi), la Commission rappelle que le tribunal a considéré que les accords restrictifs de la concurrence se répercutaient sur ces deux lignes. Il serait donc illogique de rapporter, comme le prétend Adriatica, le chiffre d'affaires réalisé par celle-ci sur la ligne Patras-Brindisi aux chiffres d'affaires réalisés par les autres sociétés uniquement sur cette ligne.

La Commission ne peut accepter une telle méthode de calcul qui serait contraire au ratio fixé par les lignes directrices, concernant le montant des amendes.

La Commission fait valoir que le tribunal n'a pas suivi la méthode utilisée par elle pour moduler le montant initial de l'amende afin de tenir compte des dimensions relatives des entreprises.

La Commission demande donc que l'arrêt attaqué soit réformé et le montant de l'amende recalculé, si le pourvoi incident n'est pas accueilli, dans le respect de la méthode prévue par les lignes directrices.

À titre subsidiaire, la Commission conclut au rejet de tous les arguments d'Adriatica visant à obtenir une réduction du montant de l'amende infligée.

- Appréciation de la Cour

Les griefs portant sur les critères de détermination du montant de l'amende se rapportent, dans le présent pourvoi, à des questions de fait, ce qui échappe à la compétence de la Cour, sauf dénaturation des éléments de faits par le tribunal (voir, en ce sens, arrêt Deere/Commission, précité, points 21 et 22).

Or, ainsi que cela a été indiqué précédemment, l'appréciation du tribunal est fondée sur des faits matériellement exacts.

Il s'ensuit que le moyen tiré d'une irrégularité dans la détermination du montant de l'amende est manifestement irrecevable et doit être rejeté.

Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

Sur le pourvoi incident de la Commission, visant à la réforme partielle de l'arrêt attaqué

Sur le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le tribunal en jugeant, par une interprétation du dispositif de la décision litigieuse au regard des motifs de cette même décision, que l'amende était disproportionnée, une telle interprétation n'étant possible que lorsque le dispositif manque de clarté

Argumentation des parties

Adriatica fait valoir que la Cour a eu l'occasion de juger que le dispositif est indissociable de sa motivation et doit être interprété en tenant compte des motifs (arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 122, et du 15 mai 1997, TWD/Commission, C-355-95 P, Rec. p. l-2549, point 21). Il ressort, en outre, de ces arrêts que ceci vaut en toute hypothèse et pas seulement lorsque le dispositif semble ambigu.

En admettant qu'il soit nécessaire de recourir à la motivation pour interpréter le dispositif, il apparaît incontestable à la Commission que, lu à la lumière de la motivation, le dispositif indique qu'elle a toujours considéré qu'il s'agissait d'une infraction unique.

La Commission souligne également qu'Adriatica était tout à fait consciente que l'accord couvrait non seulement les lignes sur lesquelles elle opérait, mais aussi celles où elle n'était pas active. Elle peut donc être déclarée responsable des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction (voir arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, points 81 à 90 et 203).

L'arrêt attaqué serait donc entaché d'une erreur de droit et la Commission demande par conséquent de le réformer en ce qu'il affirme qu'Adriatica est uniquement responsable d'avoir participé à l'accord relatif aux lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi et non pas à l'accord portant sur la ligne Patras-Ancône.

Adriatica, au contraire, ne relève aucune ambiguïté dans le dispositif de la décision litigieuse. La différence relevée entre les entreprises responsables de l'infraction dans son ensemble et les entreprises uniquement responsables d'une partie de l'infraction serait claire.

Le tribunal n'aurait donc commis aucune erreur de droit en reconnaissant que l'amende infligée à Adriatica était disproportionnée.

En outre, une réforme de l'arrêt attaqué dans le sens souhaité par la Commission aboutirait à la situation paradoxale d'une même infraction jugée unique et continue pour Adriatica et pas pour d'autres. Ventouris Group Enterprises SA (arrêt du tribunal du 11 décembre 2003, Ventouris/Commission, T-59/99, Rec. p. II-5257), autre société visée par la décision litigieuse, aurait en effet bénéficié d'une réduction du montant de l'amende. Les deux entreprises seraient donc traitées différemment pour la même infraction.

La Commission conteste, dans sa duplique, l'idée d'une violation du principe de non-discrimination dès lors que les situations juridiques d'Adriatica et de Ventouris Group Enterprises SA présentent des différences significatives.

Appréciation de la Cour

Il est constant que le dispositif doit être lu à la lumière des motifs, mais qu'en vue de définir les personnes faisant l'objet d'une décision constatant une infraction, il convient de s'en tenir au dispositif de cette décision, lorsque celui ci ne prête pas au doute (arrêts précités Suiker Unie e.a./Commission, points 122 à 124 et 314 à 317, ainsi que TWD/Commission, point 21).

En l'espèce, le dispositif critiqué, envisagé à la lumière de la motivation, fait apparaître avec suffisamment de clarté quel comportement est reproché à Adriatica et doit cesser. Il y a lieu de considérer, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, que la Commission a établi et sanctionné non pas une infraction unique concernant toutes les lignes, mais bien deux infractions distinctes, l'une concernant la ligne Patras-Ancône, visée à l'article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse, et l'autre concernant les lignes Patras-Bari et Patras-Brindisi visées à l'article 1er, paragraphe 2, de cette décision. S'agissant d'Adriatica, il ressort clairement de ladite décision que la Commission ne lui impute d'autres responsabilités que celle afférente à l'infraction visée à son article 1er, paragraphe 2, et que, par conséquent, l'amende ne doit sanctionner que cette infraction.

Le moyen doit donc être rejeté comme manifestement non fondé.

Sur le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le tribunal en n'augmentant pas le montant de l'amende dès lors que l'infraction avait été contestée

La Commission reproche au tribunal de n'avoir pas fait usage de la compétence de pleine juridiction dont il dispose en vertu de l'article 172 du traité CE (devenu article 229 CE), afin de majorer le montant de l'amende infligée à Adriatica et, par suite, de priver cette dernière de la réduction dont elle a bénéficié au titre de sa coopération lors de la phase de l'enquête sur l'entente en admettant les faits.

Toutefois, il suffit de constater que le tribunal a jugé, à juste titre, que le seul fait que l'entreprise ayant coopéré avec la Commission en ne contestant pas la matérialité des faits et ayant bénéficié d'une réduction du montant de son amende à ce titre ait saisi le tribunal afin d'obtenir gain de cause ne saurait justifier une nouvelle appréciation de l'ampleur de la réduction qui lui a été accordée, car une telle contestation n'est qu'une conséquence normale de l'exercice des voies de recours garanties par le traité et par le statut de la Cour de justice.

Ce moyen doit donc être rejeté comme manifestement non fondé.

Il s'ensuit que le pourvoi incident doit être rejeté comme manifestement non fondé.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation d'Adriatica et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens relatifs au pourvoi. Adriatica ayant conclu à la condamnation de la Commission dans le cadre du pourvoi incident et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens relatifs au pourvoi incident. Il sera fait une juste appréciation du partage de l'ensemble des dépens exposés devant la Cour en condamnant Adriatica à supporter 90 % de leur montant et la Commission à en supporter 10 %.

Par ces motifs, la COUR (6e CHAMBRE) ordonne : 1) Le pourvoi est rejeté. 2) Le pourvoi incident de la Commission des Communautés européennes est rejeté. 3) Adriatica di Navigazione SpA est condamnée à supporter 90 % des dépens. 4) La Commission des Communautés européennes est condamnée à supporter 10 % des dépens.