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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 19 mars 2008, n° 06-08963

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Houdin

Défendeur :

Montaigne Direct (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Giroud

Conseillers :

Mmes Blum, Guilguet-Pauthe

Avoués :

Mes Pamart, Couturier

Avocats :

Mes Mattei, Massei

T. Com., Paris, 3 avr. 2006

3 avril 2006

LA COUR,

Vu le jugement rendu le 3 avril 2006 par le Tribunal de commerce de Paris qui a débouté M. Houdin de l'ensemble de ses demandes et ra condamné à payer à la société Montaigne Direct la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'appel relevé par M. Houdin et ses dernières conclusions signifiées le 13 novembre 2007 par lesquelles il demande à la cour :

- d'infirmer la décision entreprise.

- de condamner la société Montaigne Direct à lui payer la somme de 102 100 euro au titre de la responsabilité quasi contractuelle prévue par l'article L. 371 du Code civil,

Subsidiairement,

si par exceptionnel la cour ne devait pas reconnaître la responsabilité quasi contractuelle,

-d e condamner la société Montaigne Direct à lui payer la somme de 102.100 euro au visa de l'article L. 382 du Code civil,

- de condamner la société Montaigne Direct à payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de préciser que les intérêts légaux s'appliqueront à compter de la date du jugement et qu'ils se capitaliseront conformément à l'article 1154 du Code civil,

- de condamner la société Montaigne Direct aux dépens ;

Vu les dernières conclusions signées le 14 novembre 2007 par la société Montaigne Direct qui demande à la cour de ;

- confirmer le jugement,

- constater que les jeux publicitaires diffusés par la société Montaigne Direct sont parfaitement licites,

- constater qu'aucune faute ne peut être mise à la charge de la société Montaigne Direct qui a par ailleurs souscrit aux seules obligations auxquelles elle s'était engagée,

- constater qu'il existe aucun engagement ferme de versement d'un prix à la charge de la société Montaigne Direct,

- débouter M. Houdin de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner au paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Sur ce, LA COUR :

Considérant que M. Houdin expose qu'entre le mois de mai 2003 et le mois de

décembre 2003, il a reçu de la société Biotonic, aujourd'hui dénommée Montaigne Direct,

13 lettres lui annonçant qu'il avait gagné diverses sommes d'un montant total de

102 100 euro dont, malgré ses réclamations, il n'a pu obtenir paiement ;

Considérant que pour s'opposer à la demande formée à son encontre, la société Montaigne Direct soutient que M. Houdin a tout d'abord été destinataire d'envois lui permettant de recevoir le règlement d'un prochain jeu publicitaire intitulé "7950 euro par chèque bancaire"; que par ces envois de simples documents publicitaires, elle a donné à M. Houdin la possibilité de participer à une prochaine opération promotionnelle en lui proposant d'en recevoir le règlement ; qu'il n'y a là aucun engagement de versement d'une somme d'argent, tous les documents indiquant qu'il s'agit de faire parvenir au client qui le souhaite le règlement d'un jeu ;

Considérant qu'elle indique que M. Houdin a également été destinataire d'envois publicitaires contenant des jeux promotionnels, ces opérations étant intitulées:

- grand jeu des 8 500 euro -jeu 169

- prix unique à gagner-jeu 170-2 versions

- grand jeu des 7 700 euro-jeu 171-2 versions

- 7 500 euro à la clé-jeu 172

- 7 950 euro par chèque bancaire-jeu 175

Qu'elle précise que tous les jeux qu'elle diffuse fonctionnent par pré-tirage au sort du nom du gagnant, ce pré-tirage constituant l'aléa inhérent à ces jeux promotionnels ;

Considérant enfin qu'elle indique que M Houdin est un habitué des loteries publicitaires qui accumule Les envois des sociétés de vente par correspondance avant de saisir les tribunaux afin de se voir attribuer des sommes qu'il sait parfaitement ne pas lui être ducs ;

Mais considérant que l'organisateur d'une Loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer,

Considérant que 3 des documents sur lesquels M.Houdin fonde sa demande lui annoncent l'envoi d'un règlement de "7 950 euro par chèque bancaire" ; que la société Montaigne Direct ne peut se prévaloir de la conclusion qu'elle a délibérément entendu créer enjouant sur les différents acceptions du mot "règlement ";que la mise entre guillemets des termes "7 950 euro par chèque bancaire" ainsi que le renvoi par des astérisques A la mention "règlement du jeu 175 version AS 308" présentée en très petits caractères ne mettent nullement en évidence l'existence d'un aléa alors que par ailleurs ces mêmes documents , adressés nominativement à M.Houdin, portent des mentions telles que

" certifié et attesté ", " oui M. Houdin, c'est un engagement ferme et définit ! Nous n'attendons que votre commande pour procéder à l'envoi immédiat de votre règlement ", " envoi garanti d'un règlement sous contrôle d'un huissier de justice au nom de M. Houdin. Montant en instance de paiement : 7 950 euro" ;

Considérant par ailleurs que 7 documents indiquent au destinataire qu'il est le gagnant des sommes annoncées et comportent la promesse d'attribution des gains sous réserve qu'il en fasse la demande ; que M. Houdin a ainsi reçu des documents libellés de la façon suivante :

(1)"avertissement légal", "toutes mes félicitations pour votre gain M. Houdin ! Vous allez recevoir en outre obligatoirement chez vous à Moigny-sur-Ecole le chèque de 7 500,00 euro gagné lors du tirage du 30/04/2003 sous le contrôle de notre huissier de justice dès que nous aurons reçu de votre part les documents attendus de l'huissier",

(2) "Votre numéro unique et personnel n° 250 673 730 a été désigné et confirmé gagnant."

"Toutes nos félicitations, grâce à votre numéro unique et personnel. vous êtes la seule et unique personne habilitée à réclamer l'unique chèque en contre-valeur euro qui vous revient de droit. Nous nous engageons en outre à vous verser le chèque de 7.950,00 euro dans un délai de 48 heures ";

(3)"Votre numéro unique et personnel n° 250 808 293 a été désigné et confirmé gagnant"

"Toutes nos félicitations, grâce à votre numéro unique et personnel, vous êtes la seule et unique personne habilitée à réclamer l'unique chèque en contre-valeur euro qui vous revient de droit. Nous nous engageons en outre à vous verser le chèque de 7 950,00 euro dans un délai de 48 heures";

(4) " publication officielle et définitive" "M. Houdin vous êtes gagnant confirmé. Le chèque de 7 500 euro est à vous!"

(5) " Avis officiel de remise de gain " " un seul et unique N° personnel de gain garantit la remise du chèque bancaire de 7 500 euro .Le numéro gagnant ci-contre est bien le vôtre "; (6) (7) "Monsieur Houdin, toute l'équipe de Biotonic attend votre date pour vous remettre " votre chèque de 7 950 euro ", " Monsieur Houdin, c'est confirmé, vous avez gagné 7 950 euro "!

" Voici votre chèque ! Choisissez vite la date de remise officielle des 7 950 euro qui vous conviendrait ! "

Considérant que la société Montaigne Direct fait valoir que les jeux proposés fonctionnent de manière identique, par pré-tirage au sort du nom du gagnant, qu'elle joint systématiquement à ses envois publicitaires le règlement du jeu qui précise qu'il y a un gagnant potentiel et des perdants, qu'il s'agit d'un pré-tirage, que le prix prévu n'est qu'une éventualité pour l'ensemble des destinataires à l'exception du gagnant tiré au sort par l'huissier de justice, que les documents sont dénués de promesses fermes ; qu'elle ajoute que le matériel publicitaire envoyé au client indique sans ambiguïté qu'il s'agit d'un pré- tirage ;

Mais considérant que si la mention d'un pré-tirage et celle d'un aléa sont portés sur les documents reçus par M. Houdin, elles ne sont accompagnées d'aucune explication complémentaire permettant de tempérer la portée des affirmations figurant sur les mêmes documents ,en majuscules, en caractères gras, soulignées ,suivies de points d'exclamation ou encadrées telles : "c'est officiel, définitif et confirmé !" " le grand gagnant est confirmé ", "c'est bien vous qui avez gagné un seul et unique chèque! " "Résultats définitifs ". "Avertissement au gagnant officiel"... ; que par ailleurs le règlement du jeu. reproduit à la suite de certains documents est très difficilement lisible puisqu'il se présente sous la forme d'un bloc compact reproduisant des phrases écrites en majuscules, de façon ininterrompue, et sans espace ;

Considérant ainsi que la société Montaigne Direct qui, dans les 10 documents ci-dessus analysés, n'a pas mis en évidence, à première lecture, l'existence d'un aléa ,s'est obligée à délivrer à M. Houdin , dont la mauvaise foi n'est pas démontrée, les gains annoncés ;

Considérant en revanche qu'il ne peut être retenu que les trois derniers documents comportent une annonce de gain ou ne mettent pas en évidence l'existence d'un aléa ; que l'un d'eux mentionne l'envoi d'un chèque de "plus de 7500 euro qui est en jeu "tout en indiquant que le montant exact ne peut pas encore être révélé ;qu'un autre rappelle un précédent envoi et invite le destinataire , s'il n'a pas reçu de chèque, à le signaler pour que, le cas échéant, un chèque de 7 950 euro puisse lui parvenir ; que le dernier mentionne un gain de 8500 curas "en partant du postulat que vous soyez désignée gagnante" ;

Considérant en définitive que la société Montaigne Direct sera condamnée à payer à M. Houdin la somme de 78 150 euro avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2006 ; que la capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant, vu l'article 700 du Code de procédure civile que la société Montaigne Direct sera déboutée de sa demande de ce chef et condamnée à verser à M. Houdin la somme de 1 000 euro ; que la société Montaigne Direct qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement, Statuant à nouveau, Condamne la société Montaigne Direct à payer à M. Houdin la somme de 78 150 euro avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2006, Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Condamne la société Montaigne Direct à payer à M. Houdin la somme de 1 000 euro an application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute M. Houdin du surplus de ses demandes, Déboute la société Montaigne Direct de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Montaigne Direct aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.