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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 3 novembre 2006, n° 06-02471

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Val-de-Marne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbarin

Avocat général :

M. Darbeda

Conseillers :

Mmes Seran, Geraud Charvet

Avocat :

Me Ricour

CA Paris n° 06-02471

3 novembre 2006

Rappel de la procédure :

La prévention :

La SA X a été poursuivie sous la prévention d'avoir à Chennevières-sur-Marne, courant 2001 et 2002, délivré des factures n'identifiant pas clairement les services procurés aux fournisseurs.

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré la SA X coupable de facturation non conforme, par personne morale de vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, faits commis du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 à Chennevières-sur-Marne, prévus et réprimés par les articles L. 441-3 al. 3, L. 441-4, 441-5 du Code du commerce, 121-2, 131-38, 131-39-5° du Code pénal et par application des articles l'a condamné à une amende délictuelle de 120 000 euro,

a ordonné la publication du jugement dans le journal "Les Echos" à concurrence de 3 500 euro

assujetti la procédure à un droit fixe de 90 euro dont est redevable le condamné.

Décision :

LA COUR,

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par la prévenue et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré ;

A l'audience du 6 octobre 2006 la société X représentée par M. Jean-Louis Y, son Directeur financier muni d'un pouvoir spécial de M. Jean Z, Président du conseil d'administration.

Son conseil demande à la cour, par voie de conclusions :

- de constater que la DDCCRF fonde ses poursuites sur les seules factures d'acompte mensuelles ou bimensuelles établies par la société X en 2001 et 2002.

- dire et juger qu'à l'égard de ces factures, il n'existe pas d'infraction aux dispositions de l'article L. 441-3 du Code du commerce.

En conséquence,

- de prononcer la relaxe de la société X

Subsidiairement,

- de faire preuve de la plus grande indulgence de la société X, réduire l'amende prononcée en première instance et dire qu'il n'y a lieu à prononcer une peine complémentaire.

Il soutient, dans ses écritures, que l'infraction n'est pas constituée dès lors que les 111 factures visées dans le rapport de la DDCCRF, établies pour une période mensuelle ou trimestrielle étaient exclusivement des factures d'acompte.

Il soutient également qu'à la Lecture des contrats de coopération signés entre la société X et ses fournisseurs, on peut identifier la nature des prestations proposées.

Subsidiairement, il fait valoir que la société X n'a jamais été condamnée et qu'elle pouvait légitimement croire, en application d'une décision rendue par le Tribunal correctionnel de Nanterre, que les factures intermédiaires n'étaient pas soumises aux formalités prévues par le Code de commerce.

Sur ce, LA COUR,

Le 6 juin 2002, une inspectrice de la DCCCRF, dressait procès-verbal à l'encontre de la SA X, dont Le siège social est sis <adresse> à Chennevières-sur-Marne et dont M. Jean Z était alors Président du conseil d'administration, pour infraction aux règles de facturation, prévue et réprimée par les articles L. 441-3, L. 441-5 et L. 470-2 du Code du commerce.

Elle exposait que, le 16 octobre 2001, elle s'était présentée au siège de cette société où elle avait été reçue par le Président du conseil d'administration et par M. Y, Directeur financier.

Que la société X était la centrale d'approvisionnement d'un réseau d'environ 520 magasins [à l'enseigne A] situés en Ile-de-France et qu'elle était filiale à 100 % de la société C, elle même filiale à 70 % du groupe B.

L'inspectrice se faisait présenter les contrats signés en 2000 et en 2001, par la société X, avec ses fournisseurs. Ces contrats, établis sur un modèle-type, énuméraient en leur article 3 les services rendus, à savoir notamment :

"Gamme définie et maintenue au cours de l'année" "présence en magasins de la gamme référencée" "diffusion région parisienne dans les magasins de proximité A" " animations points de vente", "stop rayon garantissant au consommateur de bénéficier d'offres spécifiques et promotionnelles" "fournitures de statistiques mensuelles de ventes des produits par catégories" "organisation d'opérations trade marketing" "services spécifiques rendus pour le lancement de nouveaux produits" "contrats de sélectivité" "négociations centralisées" "paiement centralisé".

Avec chaque fournisseur la société X négociait un contrat par lequel elle s'engageait à fournir une ou plusieurs de ces prestations.

Parmi les fournisseurs, l'inspectrice sélectionnait les marques suivantes : Legal, United Biscuits, Procter et Gamble, Nivea, Pernod, et GSK (Smith Kline) puis se faisait communiquer les factures adressées par la société X à ces fournisseurs.

Sur un total de 171 factures, 111 étaient établies de la même façon, à savoir :

- elles s'intitulent "factures de coopération commerciale"

- elles mentionnent pour toute dénomination de prestations "acomptes sur accords commerciaux" suivi de l'année concernée

- elles sont établies pour une période qui est soit mensuelle soit bimestrielle.

Ces factures ne mentionnaient pas :

- la dénomination des services rendus

- les dates de réalisation des services

- le prix unitaire de chaque service.

Or l'article L. 441-3 du Code du commerce dispose :

"Tout achat de produits ou prestations de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. L'acheteur doit la réclamer. La facture doit être rédigée en double exemplaire. Le vendeur et l'acheteur doivent en conserver chacun un exemplaire. La facture doit mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de service et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de service, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture".

Il est établi que ces factures ne permettaient d'identifier ni la nature des prestations ni les produits concernés, ni les dates ou périodes de réalisation des prestations facturées.

C'est en vain que la société X fait valoir qu'il ne s'agissait que de factures d'acomptes, la loi ne distinguant pas selon la nature des factures, ou qu'elle était de bonne foi, les dispositions de l'article L. 441-3 du Code de commerce étant parfaitement claires et devant être connues des professionnels du commerce.

Il convient, dès lors, de confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité.

Compte tenu de l'ancienneté des faits et de la mise en conformité des factures avec la législation, la cour réduira le montant de l'amende à 50 000 euro et infirmera le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la publication de la décision.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels de la société prévenue et du Ministère public, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, Condamne la société X à une amende de 50 000 euro. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable la condamnée.