Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 31 janvier 2008, n° 06-13657

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Giltec (SAS)

Défendeur :

Varvier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP Tollinchi Perret-Vigneron Baradat-Bujoli-Tollinchi, SCP Blanc Amsellem-Mimran Cherfils

Avocats :

Mes Aumont-Blondin, Joly

T. com. Brignoles, du 6 juin 2006

6 juin 2006

Faits, procédure et prétentions des parties :

La SARL Giltec et Monsieur Patrick Varvier ont conclu, le 15 septembre 1999, un contrat d'agent commercial par lequel Monsieur Patrick Varvier était chargé de vendre pour le compte de sa mandante des produits (" bols vibrants ") et autres matériels et petites machines fabriqués notamment par la société France Vibrations. La SARL Giltec a mis fin au contrat d'agent commercial, le 7 avril 2005, en invoquant une faute grave : "l'inexistence du chiffre d'affaires pendant plus de six mois ".

Par jugement contradictoire en date du 6 juin 2006, le Tribunal de commerce de Brignoles, écartant l'existence d'une faute grave, a condamné la SARL Giltec à payer à Monsieur Patrick Varvier la somme de 3 975,33 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 26 590,94 euro au titre de "l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ", avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2005, outre une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.

La SARL Giltec a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et moyens de la SARL Giltec dans ses conclusions récapitulatives en date du 15 novembre 2007 tendant à faire juger :

- que l'insuffisance avérée de résultats de la part de Monsieur Patrick Varvier, dénotant son incurie dans la prospection, constitue une faute grave privative des indemnités de rupture du contrat d'agent commercial,

- qu'aucune circonstance ne vient excuser ou expliquer l'absence de résultats commerciaux de Monsieur Patrick Varvier qui invoque vainement la procédure collective affectant la société France Vibrations, principal fournisseur de la SARL Giltec,

- que la comparaison des résultats montre que la procédure collective de la société France Vibrations n'a pas affecté l'approvisionnement de la SARL Giltec en produits distribués par Monsieur Patrick Varvier et par d'autres commerciaux salariés,

- subsidiairement, que le montant de " l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi " devra être réduit pour tenir compte de la période durant laquelle Monsieur Patrick Varvier n'a obtenu aucun résultat, à partir de 2004 pour une rupture notifiée en avril 2005.

Vu les prétentions et moyens de Monsieur Patrick Varvier dans ses conclusions récapitulatives n° 2 en date du 19 novembre 2007 tendant à faire juger :

- au fond, que la preuve de l'absence d'activité de l'agent commercial n'est pas rapportée par la SARL Giltec,

- que la preuve de la défaillance de l'agent commercial dans la prospection du secteur qui lui a été concédé, n'est pas faite et que la baisse d'activité commerciale qui a été enregistrée est due à la procédure collective de la société France Vibrations, fournisseur quasi-exclusif de la SARL Giltec, qui a perturbé les ventes et provoqué les réticences de la clientèle à conclure des affaires, la confiance en la société France Vibrations et par conséquent en la SARL Giltec étant entamée ;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 6 décembre 2007.

Motifs et décision :

Attendu que Monsieur Patrick Varvier, tenu contractuellement de réaliser, au cours de sa première année d'activité (1999/2000), un chiffre d'affaires annuel minimal de 30 535 euro sur lequel il était commissionné, n'ayant réalisé aucune affaire, n'a obtenu aucune commission au titre de l'année 2004, alors qu'il avait perçu au titre de commissions pour l'année 2002, la somme de 17 990,99 euro et pour l'année 2003, celle de 8 772,54 euro ; que surtout, il n'a obtenu aucun ordre de la clientèle démarchée sur son secteur exclusif du mois de mai 2004 au mois de février 2005 ; que sa prospection se traduisait par des demandes d'études et de devis des clients qui étaient transmises à la société France Vibrations ; que la société France Vibrations a établi, suite à des démarches commerciales immédiatement antérieures de Monsieur Patrick Varvier, un devis, le 7 avril 2004, puis un second, le 17 mars 2005 ; qu'aucun résultat tangible de la prospection commerciale de Monsieur Patrick Varvier n'est constaté entre ces deux dates ; que si effectivement l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une faute grave, une prospection commerciale gravement insuffisante se traduisant, en l'espèce, par l'absence de tout résultat pendant une période de 10 mois, constitue une faute grave ; que Monsieur Patrick Varvier n'a obtenu aucun résultat, y compris de simples demandes de devis, alors qu'il lui était concédé l'exclusivité relativement à secteur géographique comprenant 19 départements sur lequel il avait réalisé les chiffres d'affaires suivants pour l'année 2002, 190 275,02 euro et pour l'année 2003, 87 805 euro ;

Attendu que la procédure collective dont la société France Vibrations, (qui fait distribuer sa production par la SARL Giltec), a fait l'objet (mise en redressement judiciaire, le 30 juin 2003 et admise au bénéfice d'un plan de redressement par continuation, le 14 février 2005) n'a pas perturbé de manière importante l'activité de Monsieur Patrick Varvier notamment en n'assurant plus ou mal l'approvisionnement de la clientèle en produits ; que les deux commerciaux salariés de la SARL Giltec, chargés de distribuer les produits de la société France Vibrations et ayant, chacun, un secteur géographique déterminé de prospection, ont réalisé des ventes de produits de la société France Vibrations pendant la période durant laquelle cette société était placée en redressement judiciaire ; qu'ainsi il ressort des fiches mensuelles d'activité pour l'année 2004 que l'un et l'autre des salariés de la SARL Giltec ont réalisé des ventes importantes variant par mois pour Monsieur Garnier entre 53 630 euro et 8 452 euro et pour Monsieur Gillet entre 39 865 euro et 6 939 euro ; que l'importance des chiffres d'affaires générés par ces deux commerciaux (annuellement plus de 300 000 euro pour chacun d'eux) démontre que la procédure collective de la société France Vibrations n'a pas empêché la réalisation de ventes des produits qu'elle fabriquait et dont elle avait confié la distribution à la SARL Giltec pour l'ensemble de la France, à l'exception de 11 départements et de quelques clients qu'elle s'était réservés ; que l'absence de résultats commerciaux de Monsieur Patrick Varvier ne s'explique pas par l'existence de la procédure collective de la société France Vibrations qui a continué la fabrication de produits qu'elle distribuait de manière inchangée, depuis 1991, 1- directement pour un secteur géographique limité et pour quelques clients et 2- par le biais d'un contrat d'agent commercial conclu avec la SARL Giltec pour le surplus du territoire national ; que la SARL Giltec a concédé, en 1999, par un "sous-contrat " d'agent commercial, une partie de la prospection (concernant 19 départements) à Monsieur Patrick Varvier ; que l'absence de résultats commerciaux de Monsieur Patrick Varvier provient de sa défaillance grave dans son activité de démarchage de la clientèle, caractérisée par l'absence de toute transmission de demandes d'études ou d'établissement de devis pendant une période prolongée de 10 mois ; que l'absence de résultats n'est pas due, comme Monsieur Patrick Varvier se borne à l'alléguer, aux refus que la société France Vibrations aurait opposés à des demandes de clients faute de pouvoir les satisfaire ;

Attendu que le jugement qui a écarté la faute grave privative de l'indemnité compensatrice de préavis et de " l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi " doit être réformé dès lors que la preuve d'une défaillance grave de Monsieur Patrick Varvier dans la prospection commerciale du secteur géographique qui lui était confié, est rapportée ;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, Reçoit l'appel de la SARL Giltec comme régulier en la forme. Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, déboute Monsieur Patrick Varvier de l'ensemble de ses demandes. Condamne Monsieur Patrick Varvier aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'Avoués Associés Charles Tollinchi Corinne Perret-Vigneron Karme Baradat-Bujoli-Tollinchi, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.