TPICE, 5e ch., 21 novembre 2005, n° T-426/04
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Tramarin SNC di Tramarin Andrea e Sergio (Sté)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vilaras
Juges :
MM. Dehousse, váby
Avocat :
Me Calabrese
Faits à l'origine du litige
1 Le 18 novembre 1999, la République italienne a notifié à la Commission un projet de régime d'aides aux investissements dans les régions défavorisées du pays.
2 À la suite de cette notification, la Commission a sollicité des informations complémentaires sur le régime en cause, lesquelles lui ont été fournies par les autorités italiennes dans différents courriers. Une réunion entre lesdites autorités et les services de la Commission a eu lieu, le 16 mai 2000, à Bruxelles.
3 Dans une lettre adressée aux autorités italiennes le 29 mai 2000 (ci-après la " lettre du 29 mai 2000 "), faisant référence à une proposition desdites autorités concernant la transition entre le régime d'aides alors en vigueur et celui faisant l'objet de la notification du 18 novembre 1999, la Commission a précisé ce qui suit :
" [...] la proposition relative à l'éligibilité du projet d'investissements dans les cas où l'exécution du projet a été entamée avant la demande n'est pas conforme à ce qui est prévu au point 4.2 des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (JO C 74 du 10 mars 1998).
Nous invitons par conséquent les autorités italiennes à retirer cette proposition de règle transitoire [...] "
4 Le 5 juillet 2000, la requérante a conclu avec une autre entreprise un contrat en vue de la réalisation, à son profit, d'un hangar artisanal.
5 Le 12 juillet 2000, la Commission a, en application de l'article 4, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), adopté une décision de ne pas soulever d'objections (ci-après la " décision "). Elle a considéré, après un examen préliminaire, que le régime d'aides en cause est compatible avec le marché commun en application de l'article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE.
6 La Commission a précisé, dans la décision, que, afin d'être éligibles aux aides à l'investissement prévues par le régime, les demandes d'aide doivent être introduites avant le début d'exécution des projets, condition également requise pour les entreprises ayant présenté des demandes sous l'empire du précédent régime d'aides et dont la prise en compte a été admise à l'occasion de la première application du nouveau régime.
7 La décision a été notifiée à la République italienne par lettre du 2 août 2000.
8 Le 30 septembre 2000, la Commission a, conformément à l'article 26, paragraphe 1, du règlement n° 659-1999, publié au Journal officiel des Communautés européennes une communication succincte, par laquelle elle a informé les tiers, en indiquant les données essentielles de l'affaire, qu'elle ne soulevait pas d'objection à l'égard du régime d'aides notifié par les autorités italiennes (JO C 278, p. 26). Cette communication indique que " [l]e texte de la décision dans la [ou les langues] faisant foi, expurgé des données confidentielles, est disponible sur le site [Internet du secrétariat général de la Commission dont l'adresse électronique est] http:--europa.eu.int-comm-sg-sgb-state_aids ".
9 Le 5 décembre 2000, les autorités italiennes ont publié un décret daté du 13 novembre 2000 fixant les modalités d'application du régime d'aides pour les entreprises établies, comme la requérante, dans les régions du centre-nord de l'Italie et comportant le visa suivant :
" Vu la décision de l'Union européenne du 12 juillet 2000 ayant autorisé la mise en œuvre du régime d'aide de la loi n° 488-1992 pour la période 2000-2006, en prévoyant, entre autres, pour les nouvelles demandes, l'applicabilité des mesures d'aide exclusivement aux dépenses inscrites dans des programmes d'investissement lancés à partir du jour suivant celui de la présentation de ces demandes [...] "
10 Après avoir réglé, le 21 juillet et le 3 octobre 2000, deux factures au titre de l'exécution des travaux faisant l'objet du contrat signé le 5 juillet de la même année, la requérante a présenté une demande d'aide le 25 janvier 2001 et poursuivi la réalisation de son projet.
11 En juin 2004, l'organisme chargé du traitement de la demande d'aide de la requérante a proposé aux autorités nationales compétentes de rejeter ladite demande, le lancement du programme d'investissement, fixé au 21 juillet 2000, étant antérieur à la date de présentation de celle-ci.
Procédure et conclusions des parties
12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 octobre 2004, la requérante a introduit le présent recours.
13 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2004, la défenderesse a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure du Tribunal.
14 La requérante a déposé ses observations sur l'exception d'irrecevabilité le 2 mars 2005.
15 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- déclarer le recours recevable ou joindre la question de la recevabilité au fond ;
- annuler la lettre du 29 mai 2000, dans la mesure où la Commission y a invité les autorités italiennes à renoncer à une proposition de règle transitoire concernant les entreprises ayant entamé l'exécution d'un projet d'investissement sans avoir, préalablement, présenté une demande d'aide ;
- annuler la décision ;
- condamner la Commission aux dépens.
16 Dans le cadre de ses observations sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, la requérante demande également au Tribunal, à titre de mesure d'organisation de la procédure, la jonction aux fins de la procédure orale de la présente affaire avec celle enregistrée sous le numéro T-98-04, en raison de la connexité des deux affaires en cause.
17 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours par ordonnance comme manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme irrecevable ;
- condamner la requérante aux dépens.
En droit
18 En vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l'irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par l'examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par la défenderesse sans ouvrir la procédure orale.
Sur la demande d'annulation de la lettre du 29 mai 2000
19 La Commission oppose deux fins de non-recevoir tirées, premièrement, du fait que ladite lettre ne constitue pas un acte attaquable et, deuxièmement, de l'absence de qualité pour agir de la requérante.
20 Le Tribunal estime qu'il convient d'examiner la première fin de non-recevoir.
Arguments des parties
21 La Commission soutient que la lettre du 29 mai 2000 est un acte purement préparatoire de la décision et qu'il n'est donc pas, conformément à une jurisprudence constante, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation.
22 La requérante prétend que la lettre du 29 mai 2000 est l'acte par lequel la Commission a estimé incompatible avec le marché commun la proposition de règle transitoire formulée par les autorités italiennes, relative à l'éligibilité du projet d'investissements dans les cas où l'exécution dudit projet a été entamée avant la demande d'aide. Il s'agirait d'un acte " inconnu " et " interdit par les traités ", en ce qu'il aurait pour effet de violer les garanties procédurales que l'article 88, paragraphe 2, CE prévoit en faveur des parties intéressées.
23 Elle fait valoir, en substance, que l'invitation à retirer une proposition formulée dans le cadre de la notification d'un régime d'aides d'État, si elle est acceptée par l'État membre, produit le même effet juridique que la décision négative visée à l'article 7, paragraphe 5, du règlement n° 659-1999, sans que soient respectées les garanties procédurales dont bénéficient les parties intéressées. Avec la lettre du 29 mai 2000, la Commission aurait " anticipé " sur l'appréciation qu'elle doit porter et exclu la recevabilité de la proposition des autorités italiennes avant même de mettre les intéressés en mesure de présenter leurs observations (arrêt de la cour du 14 novembre 1984, Intermills-Commission, 323-82, Rec. p. 3809, point 21).
24 La requérante ajoute que, si l'annulation de la lettre du 29 mai 2000 n'était pas également demandée, on risquerait de laisser dans l'ordre juridique communautaire un acte qui constitue le fondement illicite du retrait, par les autorités italiennes, de la proposition de règle transitoire.
Appréciation du Tribunal
25 Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci. En outre, lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale (arrêt de la cour du 11 novembre 1981, IBM-Commission, 60-81, Rec. p. 2639, point 10, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a.-Commission, T-10-92 à T-12-92 et T-15-92, Rec. p. II-2667, point 28).
26 En l'espèce, la requérante sollicite l'annulation d'une lettre adressée par la Commission aux autorités italiennes lors de la phase d'examen préliminaire du projet d'aide notifié par celles-ci et ayant précédé l'adoption de la décision.
27 Il convient de rappeler, à cet égard, que l'examen préliminaire institué par l'article 88, paragraphe 3, CE et régi par l'article 4 du règlement n° 659-1999 vise à ménager à la Commission un délai de réflexion et d'investigation suffisant pour lui permettre de se former une première opinion sur les projets d'aides notifiés, afin de conclure, sans qu'un examen approfondi soit nécessaire, qu'ils sont compatibles avec le traité ou, au contraire, de constater que leur contenu soulève des doutes à cet égard (voir, en ce sens, arrêt de la cour du 15 février 2001, Autriche-Commission, C-99-98, Rec. p. I-1101, points 53 et 54).
28 La procédure formelle d'examen, visée à l'article 88, paragraphe 2, CE et à l'article 6 du règlement n° 659-1999, qui permet à la Commission d'être complètement éclairée sur l'ensemble des données de l'affaire avant de prendre sa décision, revêt un caractère indispensable dès que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun (arrêt de la cour du 15 juin 1993, Matra-Commission, C-225-91, Rec. p. I-3203, point 33).
29 Si son pouvoir est lié quant à la décision d'engager la procédure formelle d'examen, la Commission jouit néanmoins d'une certaine marge d'appréciation dans la recherche et dans l'examen des circonstances de l'espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des difficultés sérieuses. Conformément à la finalité de l'article 88, paragraphe 3, CE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, la Commission peut, notamment, engager un dialogue avec l'État ayant procédé à la notification ou avec des tiers afin de surmonter, au cours de la procédure préliminaire, des difficultés éventuellement rencontrées (arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel-Commission, T-73-98, Rec. p. II-867, point 45).
30 La lettre de la Commission du 29 mai 2000, de même que celles qui l'ont précédée, les courriers émanant des autorités italiennes et la réunion qui s'est tenue à Bruxelles entre les agents de l'institution et les représentants desdites autorités s'inscrivent précisément dans le cadre du dialogue susmentionné.
31 Dans cette lettre, la Commission a abordé une question spécifique, à savoir la proposition des autorités italiennes d'insérer dans le projet d'aide une disposition concernant la transition entre le régime d'aides alors en vigueur et le régime faisant l'objet de la notification du 18 novembre 1999. Cette disposition visait à admettre l'éligibilité du programme d'investissements des entreprises ayant entamé l'exécution dudit programme avant toute présentation d'une demande d'aide.
32 Si la Commission a clairement fait valoir, dans la lettre du 29 mai 2000, que la proposition en cause suscitait une difficulté dans le cadre de l'examen de la compatibilité d'un tel projet, eu égard, selon elle, à la non-conformité de cette disposition transitoire avec le point 4.2 des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale, cette prise de position de la défenderesse n'était, en aucune façon, contraignante pour l'État ayant procédé à la notification.
33 L'examen des dispositions du règlement n° 659-1999 révèle que si la Commission a le pouvoir, dans le cadre de la procédure formelle d'examen, de contraindre un État membre à modifier dans un sens déterminé son projet d'aide, sous peine de constater son incompatibilité avec le marché commun, elle ne dispose pas d'un tel pouvoir lors de la phase d'examen préliminaire et n'a d'autre possibilité, sauf à ouvrir la procédure formelle, que de prendre une décision de ne pas soulever d'objections.
34 Ainsi qu'il résulte du libellé même de la lettre du 29 mai 2000, les autorités italiennes ont été seulement " invitées " à renoncer à leur proposition et, dans le cadre d'un choix opéré librement, elles pouvaient donc se conformer aux indications des services de la Commission ou, au contraire, maintenir inchangé leur projet initial, avec la disposition transitoire en cause.
35 Il ne saurait, dès lors, être considéré que la lettre du 29 mai 2000 constitue un acte produisant des effets juridiques obligatoires, au sens où l'exige la jurisprudence mentionnée au point 25 ci-dessus. En outre, et contrairement aux affirmations de la requérante, la détermination de la nature juridique de ladite lettre ne saurait dépendre d'un acte postérieur, à savoir la décision de l'État ayant procédé à la notification de modifier ou non le projet d'aide dans le sens souhaité par la Commission.
36 Il apparaît que la lettre du 29 mai 2000 ne constitue, en réalité, qu'une mesure purement préparatoire de la décision finale, en l'occurrence la décision.
37 Il s'ensuit que le recours, en ce qu'il vise à l'annulation de la lettre du 29 mai 2000, est irrecevable.
Sur la demande d'annulation de la décision
38 La Commission oppose trois fins de non-recevoir tirées, premièrement, du caractère tardif du recours, deuxièmement, du fait que l'acte attaqué ne constitue pas une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci et, troisièmement, de l'absence de qualité pour agir de la requérante.
39 Le Tribunal estime qu'il convient d'examiner la première fin de non-recevoir, tirée du caractère tardif du recours.
Arguments des parties
40 La Commission fait valoir que des extraits de la décision ont été publiés au Journal officiel le 30 septembre 2000, avec renvoi au site Internet où le texte intégral de la décision était disponible, et que le délai de recours de deux mois a donc commencé à courir quatorze jours après la publication du 30 septembre 2000 et est arrivé à expiration le 24 décembre 2000, compte tenu du délai de distance de dix jours accordé aux parties ayant leur résidence habituelle en Italie. Le présent recours, introduit le 20 octobre 2004, serait donc manifestement tardif.
41 La défenderesse prétend également que l'élément déterminant aux fins du calcul des délais de recours est la date de publication ou, le cas échéant, la date de prise de connaissance de la décision et non la prise de connaissance de la correspondance qui a précédé l'adoption de la décision elle-même. C'est donc à tort, selon la Commission, que la requérante soutient que le délai pour l'introduction du recours a commencé à courir à compter du moment où son avocat lui a transmis, en septembre 2004, une copie de la lettre du 29 mai 2000 et lui " en a expliqué le contenu ".
42 La requérante indique qu'elle a présenté sa demande d'aide le 25 janvier 2001, sans attaquer devant la juridiction nationale compétente le décret du 13 novembre 2000 et " sans tenter non plus de lire la décision du 12 juillet 2000 " adoptée, selon ledit décret, par " l'Union européenne ", formulation ne permettant pas de déterminer les conditions de publication du texte en cause.
43 Elle aurait également ignoré la possibilité de prendre, en septembre 2000, connaissance du texte complet de la décision en consultant " l'une des milliers de pages [...] du site Internet le plus grand du monde ". La requérante fait observer, à cet égard, que l'adresse électronique mentionnée dans la communication succincte publiée au Journal officiel, le 30 septembre 2000, ne correspond pas du tout au texte de la décision, mais à la partie du site de " l'Union " qui est consacrée à toutes les décisions en matière d'aides d'État.
44 Ce serait à la suite de la proposition de révocation du concours financier que la requérante aurait consulté, en septembre 2004, son représentant dans la présente procédure, lequel lui aurait transmis copie de la décision et, surtout, de la lettre du 29 mai 2000. La requérante soutient que le délai de recours n'a commencé à courir qu'avec la prise de connaissance de ladite lettre dont le contenu révèle clairement la violation par la Commission de son obligation d'ouverture de la procédure formelle d'examen.
45 Ni la lecture de la communication succincte publiée au Journal officiel ni celle du texte de la décision n'auraient pu permettre à la requérante de s'assurer que, lors de l'examen préliminaire, les conditions étaient réunies pour l'ouverture obligatoire de la procédure formelle d'examen. En l'absence même du moindre indice que l'éventuel recours contre la décision aurait pu surmonter l'obstacle de son irrecevabilité pour défaut d'intérêt individuel, on ne saurait reprocher à la requérante d'avoir omis d'attaquer la décision et on ne saurait non plus considérer que le délai de recours a commencé à courir à partir de la seule publication de celle-ci, le 30 septembre 2000.
46 La requérante fait, enfin, valoir qu'elle n'a pas cru nécessaire d'attaquer le décret ministériel du 13 novembre 2000 et qu'elle était nullement obligée d'attaquer la décision, dans la mesure où elle avait estimé, en interprétant les dispositions nationales d'application du régime d'aides, pouvoir participer au premier avis de mise en œuvre du nouveau régime d'aides en renonçant à la partie de l'aide correspondant au montant des deux factures réglées avant la présentation de la demande d'aide, ce qu'elle a fait en omettant délibérément de communiquer à l'organisme chargé de l'instruction de sa demande d'aide les deux factures en cause.
Appréciation du Tribunal
47 Selon l'article 230, cinquième alinéa, CE, les recours en annulation doivent être formés dans un délai de deux mois. Ce délai court, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.
48 Il découle du libellé même de cette disposition que le critère de la date de prise de connaissance de l'acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l'acte (voir arrêt de la cour du 10 mars 1998, Allemagne-Conseil, C-122-95, Rec. p. I-973, point 35, et arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana-Commission, T-190-00, Rec. p. II-5015, point 30, et la jurisprudence citée). Il résulte également de la jurisprudence que, à défaut de publication ou de notification, il appartient à celui qui a connaissance de l'existence d'un acte qui le concerne d'en demander le texte intégral dans un délai raisonnable, mais que, sous cette réserve, le délai de recours ne saurait commencer à courir qu'à partir du moment où le tiers concerné a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l'acte en cause, de manière à pouvoir faire fruit de son droit de recours (arrêts de la cour du 6 juillet 1988, Dillinger Hüttenwerke-Commission, 236-86, Rec. p. 3761, point 14, et du 19 février 1998, Commission-Conseil, C-309-95, Rec. p. I-655, point 18).
49 Il convient encore de rappeler que, s'agissant des actes qui, selon une pratique constante de l'institution concernée, font l'objet d'une publication au Journal officiel, bien que cette publication ne soit pas une condition de leur applicabilité, la cour et le Tribunal ont admis que le critère de la date de prise de connaissance n'était pas applicable et que c'était la date de la publication qui faisait courir le délai de recours (voir, s'agissant des actes du Conseil portant conclusion d'accords internationaux liant la Communauté, arrêt Allemagne-Conseil, précité, point 39 et, s'agissant des décisions de la Commission de clore une procédure d'examen des aides au titre de l'article 88, paragraphe 2, CE, arrêt du Tribunal du 28 janvier 1999, BAI-Commission, T-14-96, Rec. p. II-139, point 36). Dans de telles circonstances, en effet, le tiers concerné peut légitimement escompter que l'acte en question sera publié.
50 En l'espèce, il y a lieu de relever que la décision a été notifiée à la République italienne, qui en est le seul destinataire, par lettre du 2 août 2000 et qu'elle a fait l'objet d'une communication succincte au Journal officiel, au sens de l'article 26, paragraphe 1, du règlement nº 659-1999.
51 Conformément à la disposition susvisée, les décisions par lesquelles la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu'elle entre dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun et estime que cette mesure est compatible avec ce dernier, font l'objet d'une communication succincte au Journal officiel, mentionnant la possibilité de se procurer un exemplaire de la décision dans la ou les versions linguistiques faisant foi. Une telle communication a pour objet de fournir aux tiers intéressés les éléments essentiels de la décision.
52 Selon une pratique constante de la Commission, développée depuis le mois de mai 1999, à la suite de l'entrée en vigueur du règlement nº 659-1999, la communication succincte visée au point précédent comporte un renvoi au site Internet du secrétariat général de la Commission, avec la mention que le texte intégral de la décision en question, expurgé des données confidentielles, y est disponible, dans la ou les versions linguistiques faisant foi.
53 Le fait pour la Commission de donner aux tiers un accès intégral au texte d'une décision placée sur son site Internet, combiné à la publication d'une communication succincte au Journal officiel permettant aux intéressés d'identifier la décision en question et les avisant de cette possibilité d'accès par Internet, doit être considéré comme une publication au sens de l'article 230, cinquième alinéa, CE (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen-Commission, T-17-02, non encore publié au Recueil, point 80).
54 En l'espèce, il ressort du dossier que la Commission a publié au Journal officiel du 30 septembre 2000 une communication succincte relative à la décision, indiquant la date d'adoption de celle-ci, l'État membre concerné, le numéro de l'aide, son titre, son objectif, sa base juridique, le budget qui lui est consacré et sa durée. Cette communication indique également que le texte de la décision, dans la ou les langues faisant foi, expurgé des données confidentielles, est disponible sur le site Internet de la Commission et mentionne l'adresse électronique permettant d'accéder à ce texte.
55 Le fait que l'accès au texte de la décision n'est pas immédiat n'est pas de nature à infirmer la conclusion mentionnée au point 53 ci-dessus. Il est constant que l'adresse électronique figurant dans la communication succincte publiée au Journal officiel correspond à la partie du site Internet de la Commission recensant des décisions de l'institution en matière d'aides d'État, et notamment celles de ne pas soulever d'objections, classées par secteur d'activité concerné, année d'adoption et numéro d'aide. Compte tenu des renseignements figurant dans la communication succincte, tels que rappelés au point précédent, il est particulièrement aisé pour toute personne intéressée d'accéder au texte de la décision concernée.
56 Le délai de recours de deux mois a donc commencé à courir, conformément à l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, quatorze jours après la publication du 30 septembre 2000 et il est arrivé à expiration le 27 décembre 2000, compte tenu du délai de distance de dix jours et du report d'expiration d'un délai lorsqu'il prend fin un dimanche ou un jour férié légal, soit plus de trois ans avant l'introduction du recours.
57 Il convient d'ajouter, au demeurant, que le recours doit également être qualifié de tardif, même en cas d'application du critère subsidiaire de la date de prise de connaissance de l'acte.
58 En effet, eu égard à la publication au Journal officiel du 30 septembre 2000 de la communication succincte relative à la décision, il y a lieu de considérer que la requérante a eu connaissance, à cette date, de l'existence de la décision. Conformément à la jurisprudence visée au point 48 ci-dessus, cette connaissance entraînait l'obligation pour la requérante de demander à la Commission, dans un délai raisonnable, le texte intégral de l'acte en cause, ce qu'elle s'est abstenue de faire.
59 En outre, la requérante a également eu connaissance de l'existence de la décision à la suite de la publication en Italie, le 5 décembre 2000, du décret ministériel du 13 novembre 2000 mentionnant, dans ses visas, la décision de " l'Union européenne " du 12 juillet 2000. À cet égard, la requérante ne saurait utilement invoquer la prétendue imprécision de cette dernière formulation pour justifier son inaction à rechercher et à obtenir le texte de la décision, ce qu'il lui appartenait de faire en tant qu'opérateur normalement avisé.
60 Il y a lieu, enfin, de relever qu'il ne peut être dérogé à l'application des réglementations communautaires concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l'article 45, deuxième alinéa, du statut de la cour de justice (ordonnances de la cour du 5 février 1992, France-Commission, C-59-91, Rec. p. I-525, point 8, et du 7 mai 1998, Irlande-Commission, C-239-97, Rec. p. I-2655, point 7), ou d'erreur excusable (arrêt du Tribunal du 29 mai 1991, Bayer-Commission, T-12-90, Rec. p. II-219, points 28 et 29, confirmé par arrêt de la cour du 15 décembre 1994, Bayer-Commission, C-195-91 P, Rec. p. I-5619), et ce dans la mesure où l'application stricte de ces règles répond à l'exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d'éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l'administration de la justice (arrêt de la cour du 15 janvier 1987, Misset-Conseil, 152-85, Rec. p. 223, point 11, et ordonnance Irlande-Commission, précitée, point 7).
61 En l'espèce, la requérante n'a pas établi ni même invoqué l'existence d'une erreur excusable ou d'un cas fortuit ou de force majeure.
62 À cet égard, les considérations de la requérante sur les conséquences de la découverte tardive d'un prétendu motif d'illégalité de la décision ou sur son interprétation de la réglementation nationale d'application du régime d'aides et sa conviction subséquente de pouvoir bénéficier dudit régime nonobstant une présentation de la demande d'aide postérieure au début d'exécution de son projet d'investissement sont dépourvues de toute pertinence.
63 À supposer que la décision, qui prévoit clairement que, afin d'être éligibles aux aides à l'investissement prévues par le régime, les demandes d'aide doivent être introduites avant le début d'exécution des projets, fasse grief à la requérante, il appartenait à cette dernière de se déterminer quant à l'introduction d'un recours en annulation, pour les motifs qu'il lui incombait d'identifier, et de ne pas laisser s'écouler le délai impératif de deux mois prévu à cette fin.
64 Il n'appartient pas, en revanche, au Tribunal de vérifier, à l'occasion de l'appréciation de la recevabilité du présent recours au regard du respect du délai de deux mois prévu pour son introduction, le bien-fondé du postulat, implicite mais nécessaire, de la thèse de la requérante, à savoir que la décision n'était entachée d'aucun vice qu'elle aurait pu critiquer dans le cadre d'un recours en annulation introduit dans le délai, situation expliquant, selon la requérante, sa conviction initiale d'absence d'intérêt individuel à agir.
65 En tout état de cause, accepter le raisonnement de la requérante sur le nécessaire report du point de départ du délai de recours au jour de la prise de connaissance d'une prétendue illégalité de l'acte concerné reviendrait à permettre, de manière générale, la remise en cause indéfinie des actes communautaires entraînant des effets de droit, ce qui serait totalement contraire aux exigences de la sécurité juridique.
66 Il s'ensuit que le présent recours, en ce qu'il vise à l'annulation de la décision, doit être qualifié de tardif et doit donc être rejeté comme étant irrecevable, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la Commission.
67 Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté dans son intégralité comme irrecevable et qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de faire droit à la demande de mesure d'organisation de la procédure formulée par la requérante, laquelle est devenue sans objet.
Sur les dépens
68 En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) La requérante est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.