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Décisions

CJCE, 18 mars 1992, n° C-29/90

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République hellénique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

MM. Joliet, Schockweiler

Avocat général :

M. Darmon

Juges :

MM. Kakouris, Rodríguez Iglesias, Díez de Velasco, Murray

CJCE n° C-29/90

18 mars 1992

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 janvier 1990, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que, en exigeant, pour la mise sur le marché des produits cosmétiques, le dépôt d'une déclaration accompagnée de renseignements et de pièces justificatives ainsi que la tenue d'un dossier contenant des données qui soit figurent déjà sur les emballages, les récipients ou les étiquettes des produits cosmétiques, soit ne se justifient pas en vue d'une action thérapeutique rapide et appropriée en cas de difficultés, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 76-768-CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169, ci-après "directive").

2 L'article 6, paragraphe 1, de la directive subordonne la mise sur le marché des produits cosmétiques à la condition que leurs emballages, récipients ou étiquettes portent, en caractères indélébiles, facilement lisibles et visibles, certaines mentions énumérées par cette disposition. En vertu de l'article 7, paragraphe 1, de la directive, les États membres ne peuvent refuser, interdire ou restreindre la mise sur le marché des produits cosmétiques qui répondent à ses prescriptions. Toutefois, l'article 7, paragraphe 3, de la directive donne aux États membres la possibilité d'exiger que des informations adéquates et suffisantes concernant les substances contenues dans les produits cosmétiques soient mises à la disposition de l'autorité compétente, afin de permettre un traitement médical rapide et approprié en cas de troubles.

3 Selon l'article 14 de la directive, les États membres sont tenus de mettre en vigueur les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive dans un délai qui, dans le cas de la République hellénique, est venu à expiration le 1er janvier 1981.

4 La République hellénique a transposé la directive dans son ordre juridique interne par le décret présidentiel n° 532 du 23 mai 1981. Estimant que les articles 2, paragraphe 1, et 5 de ce décret étaient incompatibles avec les dispositions de la directive, la Commission a adressé à la République hellénique une lettre de mise en demeure et ensuite un avis motivé, conformément à l'article 169 du traité. La République hellénique ne s'étant pas conformée à cet avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

5 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

6 La Commission estime que les articles 2, paragraphe 1, et 5 du décret présidentiel n° 532-81 imposent des obligations supplémentaires par rapport à celles prévues par la directive et que, en conséquence, la République hellénique entrave, interdit ou restreint la mise sur le marché des produits qui remplissent les conditions imposées par la directive.

7 En premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l'a déjà jugé dans l'arrêt du 23 novembre 1989, Provide, point 28 (C-150-88, Rec. p. 3891), la directive a procédé à une harmonisation exhaustive des règles nationales d'emballage et d'étiquetage des produits cosmétiques qu'elle vise.

8 Or, l'article 2, paragraphe 1, du décret présidentiel n° 532-81 prévoit qu'une déclaration doit être déposée auprès du KEEPH (l'Organisme national des médicaments) pour tout produit cosmétique mis en circulation en Grèce, accompagnée de renseignements et pièces justificatives tels que

- le nom du produit ;

- sa forme ;

- sa composition qualitative et quantitative ;

- les nom et adresse du laboratoire ou de l'usine où il est fabriqué ;

- les nom, prénom et adresse du responsable de la mise en circulation ;

- les constantes physico-chimiques et une description du produit ;

- un spécimen de la notice, et

- un spécimen du texte figurant sur l'étiquette ou reproduit sur chaque récipient.

9 Parmi ces renseignements et pièces justificatives, certains concernent les substances contenues dans les produits cosmétiques et peuvent donc être exigés par tout État membre dans l'intérêt d'un traitement médical rapide et approprié en cas de troubles, conformément à l'article 7, paragraphe 3, de la directive. Il s'agit :

- du nom du produit ;

- de sa composition qualitative et quantitative ;

- de ses constantes physico-chimiques et de sa description, et

- du spécimen de la notice.

En revanche, aucune disposition de la directive n'autorisait la République hellénique à exiger les autres informations mentionnées à l'article 2, paragraphe 1, du décret présidentiel n° 532-81.

10 Par ailleurs, l'article 5 du décret présidentiel n° 532-81 exige que tout fabricant et toute personne responsable de la mise sur le marché des produits cosmétiques conservent, au siège de leur entreprise en Grèce, un dossier pour chaque produit fabriqué ou importé contenant toutes les données concernant la composition, les caractéristiques, la description du produit, le protocole de fabrication et de contrôle de chaque lot et la méthode suivie pour ce contrôle. Or, aucune disposition de la directive ne permet à un État membre d'adopter une telle disposition.

11 A l'audience, le Gouvernement hellénique a exposé que le décret n° 40, adopté le 28 février 1991, a abrogé le décret présidentiel n° 532-81 et a rendu le droit hellénique conforme à la directive.

12 Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante (voir, en dernier lieu, arrêt du 30 mai 1991, Commission-Allemagne, point 35, C-59-89, Rec. p. I-0000), l'objet d'un recours introduit au titre de l'article 169 du traité est fixé par l'avis motivé de la Commission et que, même au cas où le manquement a été éliminé postérieurement au délai déterminé en vertu du deuxième alinéa dudit article, la poursuite de l'action conserve un intérêt en vue d'établir la base d'une responsabilité qu'un État membre peut être dans le cas d'encourir, en conséquence de son manquement, à l'égard d'autres États membres, de la Communauté ou de particuliers.

13 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en subordonnant la mise sur le marché des produits cosmétiques au dépôt, auprès de l'autorité nationale compétente, d'une déclaration comportant des informations autres que celles qu'un État membre peut exiger au titre de l'article 7, paragraphe 3, de la directive 76-768-CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, et en exigeant de tout fabricant et de tout responsable de la mise sur le marché d'un produit cosmétique qu'il conserve, au siège de son entreprise en Grèce, un dossier pour chaque produit fabriqué ou importé contenant toutes les données concernant la composition, les caractéristiques, la description du produit, le protocole de fabrication et de contrôle de chaque lot et la méthode suivie pour ce contrôle, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 76-768.

Sur les dépens

14 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République hellénique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1) En subordonnant la mise sur le marché des produits cosmétiques au dépôt, auprès de l'autorité nationale compétente, d'une déclaration comportant des informations autres que celles qu'un État membre peut exiger au titre de l'article 7, paragraphe 3, de la directive 76-768-CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, et en exigeant de tout fabricant et de tout responsable de la mise sur le marché d'un produit cosmétique qu'il conserve, au siège de son entreprise en Grèce, un dossier pour chaque produit fabriqué ou importé contenant toutes les données concernant la composition, les caractéristiques, la description du produit, le protocole de fabrication et de contrôle de chaque lot et la méthode suivie pour ce contrôle, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 76-768-CEE.

2) La République hellénique est condamnée aux dépens.