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Décisions

CJCE, 5 mai 1993, n° C-246/91

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République française

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kakouris

Présidents de chambre :

MM. Zuleeg, Murray

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

MM. Mancini, Schockweiler, Moitinho de Almeida, Grévisse, Díez de Velasco, Kapteyn

CJCE n° C-246/91

5 mai 1993

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 septembre 1991, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater qu'en exigeant la constitution, le dépôt et la mise à jour d'un dossier en dehors du cadre prévu à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 76-768-CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169, ci-après "directive"), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2 L'article 6, paragraphe 1, de la directive, subordonne la mise sur le marché des produits cosmétiques à la condition que leurs emballages, récipients ou étiquettes portent certaines mentions énumérées par cette disposition. En vertu de l'article 7, paragraphe 1, de la directive, les États membres ne peuvent refuser, interdire ou restreindre la mise sur le marché des produits cosmétiques qui répondent à ces prescriptions. Toutefois, l'article 7, paragraphe 3, donne aux États membres la possibilité d'exiger que des informations adéquates et suffisantes concernant les substances contenues dans les produits cosmétiques soient mises à la disposition de l'autorité compétente, afin de permettre un traitement médical rapide et approprié en cas de troubles.

3 Selon l'article 14 de la directive, les États membres sont tenus de mettre en vigueur les dispositions nécessaires pour se conformer à ses dispositions dans un délai qui, en ce qui concerne la République française, est venu à expiration le 30 janvier 1978.

4 Aux termes de l'article L. 658-3 du Code de la santé publique français, tout produit cosmétique ou d'hygiène corporelle doit faire l'objet d'un dossier avant sa mise sur le marché, dossier qui doit être tenu en permanence à la disposition des autorités compétentes et qui doit contenir toutes informations utiles sur la nature du produit, sa formule intégrale, ses conditions de fabrication et de contrôle, son usage et son mode d'emploi, ainsi que sur les essais réalisés en vue d'évaluer, notamment, la toxicité transcutanée et la tolérance cutanée ou muqueuse.

5 Estimant que cette disposition excédait les exigences de la directive et notamment celles de l'article 7, paragraphe 3, concernant les informations nécessaires relevant du contenu des produits cosmétiques dans l'intérêt d'un traitement médical rapide et approprié en cas de troubles, la Commission a adressé à la République française une lettre de mise en demeure et ensuite un avis motivé conformément à l'article 169 du traité. La République française ne s'étant pas conformée à l'avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

6 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

7 Il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l'a déjà jugé dans l'arrêt du 23 novembre 1989, Provide (C-150-88, Rec. p. 3891, point 28), la directive a procédé à une harmonisation exhaustive des règles nationales d'emballage et d'étiquetage des produits cosmétiques qu'elle vise, de sorte qu'un État membre ne peut pas subordonner la circulation des produits cosmétiques à des conditions autres que celles imposées par cette directive.

8 En outre, dans l'arrêt du 18 mars 1992, Commission-Grèce (C-29-90, Rec. p. 1971, point 13), la Cour a déclaré que la subordination de la mise sur le marché des produits cosmétiques à l'obligation de tenir un dossier contenant des données supplémentaires à celles exigées par la directive était incompatible avec les dispositions de la directive.

9 En effet, l'article 7, paragraphe 3, de la directive dispose qu'un État membre peut exiger que des informations adéquates et suffisantes concernant les substances contenues dans les produits cosmétiques soient mises à la disposition de l'autorité compétente dans l'intérêt d'un traitement médical rapide et approprié en cas de troubles.

10 Or, en imposant une obligation de tenir en permanence à la disposition des autorités compétentes un dossier incluant des informations sur la nature du produit, ses conditions de fabrication et de contrôle, son usage et son mode d'emploi, ainsi que sur les essais réalisés en vue d'évaluer sa toxicité et la tolérance, l'article L. 658-3 du Code de la santé publique français sort du cadre des exigences prévues par la directive.

11 Il s'ensuit que cette disposition est contraire à la directive dans la mesure où elle subordonne la mise sur le marché des produits cosmétiques à l'obligation de tenir un dossier contenant des données supplémentaires à celles exigées par la directive.

12 Le Gouvernement français a d'ailleurs reconnu le manquement dans la mesure où, par lettre de 30 novembre 1992, enregistrée au greffe de la Cour le 1er décembre suivant, il a pris acte de l'interprétation donnée par la Cour de la directive dans l'arrêt Commission-Grèce, précité, et l'a assurée qu'il tirerait de cette interprétation les conséquences qui s'imposent en ce qui concerne sa législation interne.

13 Il en résulte qu'en exigeant la constitution, le dépôt et la mise à jour d'un dossier en dehors du cadre prévu à l'article 7, paragraphe 3, de la directive, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

Sur les dépens

14 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République française ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR déclare et arrête :

1) En exigeant la constitution, le dépôt et la mise à jour d'un dossier en dehors du cadre prévu à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 76-768-CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2) La République française est condamnée aux dépens.