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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 10 décembre 2007, n° 05-03977

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

VGC Distribution (SA)

Défendeur :

Oriol (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Landoz

Conseillers :

Mmes Kueny, Klajnberg

Avoués :

SCP Jean Calas, Selarl Dauphin & Mihajlovic

Avocats :

Mes Posokhow-Depecker, Boulkertous, Gaste, SCP Brasseur-M'Barek

TGI Grenoble, du 5 sept. 2005

5 septembre 2005

Exposé du litige

Par jugement du 5 septembre 2005 le Tribunal de grande instance de Grenoble a:

" Prononcé la résolution du contrat conclu le 15 avril 2003 pour la fourniture et la pose d'éléments de cuisine aux époux Oriol et ce, aux torts de la SA VGC Distribution.

Condamné la SA VGC Distribution à rembourser aux époux Oriol un acompte de 5 300 euro avec les intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2003 et à leur payer une indemnité de 1 000 euro en dédommagement de leur préjudice moral.

Prononcé l'exécution provisoire.

Condamné la SA VGC Distribution à supporter les dépens et à verser aux époux Oriol les frais non taxables de représentation fixés à la somme de 1 600 euro".

Le 16 septembre 2005 la SA VGC Distribution à l'enseigne "Vogica " a relevé appel de cette décision et demande par voie d'infirmation à la cour de:

"Débouter les époux Oriol de l'ensemble de leurs demandes.

Prononcer l'exécution forcée de la convention du 15 avril 2003 sous réserve de l'adaptation du meuble référencé BG6O et en conséquence:

Condamner les époux Oriol à verser à la société VGC Distribution la somme de 5 299 euro représentant le solde du prix de vente du bon de commande signé le 15 avril 2003.

Ordonner aux époux Oriol d'accepter la livraison des meubles et électroménager, dans un délai de trois mois permettant la fabrication des meubles et de fixer rendez-vous au poseur dans les quinze jours de la livraison.

Condamner les époux Oriol à régler à la SA VGC la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamner les époux Oriol aux entiers dépens de première instance et d'appel."

Au soutien de son recours elle fait valoir en substance que:

- par un bon de commande n° CM 033030 du 15 avril 2003, les époux Oriol ont acheté auprès de l'agence Vogica de Saint-Egrève, un ensemble de meubles de cuisine et d'appareils électroménagers pour un montant de 10 599 euro installation comprise,

- le délai de livraison était fixé au 15 juillet 2003,

- l'ensemble du projet à réaliser a fait l'objet d'un plan d'implantation dûment accepté et validé par ceux-ci,

- un technicien de la société VGC Distribution s'est rendu chez les clients le 7 mai 2003,

- lors de cette visite, les époux Oriol ont émis le souhait de voir ajouter des meubles, ce qui entraînait une modification sensible de l'implantation prévue initialement,

- le prix total du nouveau bon de commande établi sur la base des derniers souhaits des clients s'élevait à 11 662 euro,

- ceux-ci ont écrit à la société VGC Distribution le 18 mai 2003 pour demander l'annulation du bon de commande n° 033030, prétextant que celui-ci n'était pas réalisable en l'état,

- les époux Oriol ne justifient pas de la réalité de leur préjudice, ni à fortiori de son quantum.

Les époux Oriol sollicitent la confirmation du jugement déféré sauf à porter les dommages et intérêts à 2 000 euro, à ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil et demandent de condamner la société VGC sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à leur verser une indemnité complémentaire pour la procédure d'appel, d'un montant de 2 600 euro.

Ils concluent pour l'essentiel que :

- le devis valant bon de commande signé le 15 avril 2003 ne pouvait valablement engager les parties faute de vérification préalable des mesures au domicile du client,

- Vogica ne peut prétendre à l'exécution forcée du contrat du 15 avril 2003, dès lors qu'en l'état, l'exécution est impossible,

- il n'y a pas eu de demande pour rajouter des meubles mais nécessité d'une nouvelle disposition des meubles existants, voire une modification des dimensions prévues,

- Vogica n'est pas en mesure d'exécuter les obligations auxquelles elle s'était engagée sur le document valant devis/commande du 15 avril 2003,

- la clause résolutoire étant de droit sous-entendue dans tout contrat synallagmatique.

Motifs et décision

Attendu qu'en application de l'article L. 111-1 du Code de la consommation tout vendeur professionnel ou prestataire de services est tenu d'une obligation d'information et de conseil à l'égard du consommateur avant la conclusion du contrat;

Qu'aux termes de documents précontractuels voire contractuels, la SA VGC Distribution s'est engagée à l'égard de ses clients et en l'espèce des époux Oriol, à réaliser par l'intermédiaire de leur décorateur conseil et de leur technicien-métreur, "un aménagement sur mesure" de leur cuisine au terme d'un service personnalisé depuis la conception jusqu'à l'installation du projet";

Attendu que tout vendeur professionnel de meubles destinés comme en l'espèce à être posés et installés dans un lieu spécifiquement défini et auquel ils doivent être adaptés, doit s'informer des besoins de l'acquéreur non-professionnel et informer ensuite celui-ci des contraintes techniques de la chose qu'il se propose d'acquérir et de son aptitude à atteindre le but recherché, de sorte qu'il puisse s'engager en toute connaissance de cause;

Attendu que les époux Oriol ont donc signé le 15 avril 2003 un bon de commande de divers appareils électroménagers et de meubles que la société devait installer au plus tard le 15 juillet 2003, suivant un plan d'implantation réalisé le jour-même sur les seules indications des acheteurs;

Qu'il était prévu qu'un technicien métreur contacte ensuite les époux Oriol pour réaliser un métré de la pièce, et ainsi vérifier et valider tous les détails techniques de la commande;

Attendu que la démarche suivie par la SA VGC Distribution la conduit ainsi à recueillir les besoins de ses clients mais à les informer des contraintes techniques une fois le contrat signé;

Que dans ces conditions, sauf pour VGC Distribution à ne pas respecter l'obligation de délivrance qui lui incombe en application de l'article 1604 du Code civil, les "détails techniques" dont le coût n'est nullement envisagé dans le bon de commande, ne sauraient entraîner une modification du contrat, c'est-à-dire une modification de la chose vendue et du prix convenu;

Or attendu qu'à la lecture du compte-rendu du technicien-métreur daté du 7 mai 2003, il apparaît que des prises électriques devront être mises en place (forfait électrique de 397 euro non prévu au départ), un certain nombre d'accessoires est manquant, le casserolier doit être changé, un meuble de rangement doit être réduit en hauteur pour pouvoir passer sous la fenêtre, un autre meuble de rangement doit être également réduit pour permettre d'ouvrir le lave-vaisselle, la présence d'une poutre impose de revoir la mise en place de la hotte aspirante;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la SA VGC Distribution a proposé aux époux Oriol de rédiger un autre bon de commande et de revoir à la hausse le prix de cette cuisine, qui aux termes de ses conclusions serait porté à 11 662 euro soit une différence de 1 063 euro;

Que contrairement à ce que soutient la SA VGC Distribution qui se garde bien de verser le second bon de commande que les époux Oriol ont refusé de signer, il n'est pas établi que la modification du bon de commande originel répondait au souhait des acquéreurs de rajouter trois meubles supplémentaires;

Que Jean-Paul Barret qui atteste avoir été témoin des pressions exercées par la SA VGC Distribution pour que les époux Oriol signent ce nouveau bon de commande, confirme que le projet initial était irréalisable et que le coût du nouveau projet proposé le 15 mai 2003 aux époux Oriol en sa présence, dépassait les facultés financières de ceux-ci;

Qu'en réalité les nécessaires "détails techniques" voire adaptations à la configuration des lieux qu'il eût été indispensable de visionner et de mesurer avant toute commande, imposaient outre d'accepter un agencement différent, d'acquérir des meubles supplémentaires pour compenser le déficit de rangement et donc d'augmenter la facture de façon conséquente, ce que les époux Oriol étaient en droit de refuser;

Attendu qu'à bon droit les premiers juges ont donc considéré que les époux Oriol étaient fondés à résilier le contrat qu'ils avaient souscrit et condamné la SA VGC Distribution d'une part à leur rembourser l'acompte de 5 300 euro qu'ils avaient versé à la commande outre les intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2003 sauf à dire que ces intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 26 mai 2006 date de la demande, d'autre part à leur payer en raison des agissements et des atermoiements de VGC Distribution une somme de 1 000 euro en réparation de leur préjudice moral;

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré sauf à dire que les intérêts sur la somme de 5 300 euro que la SA VGC Distribution est condamnée à rembourser aux époux Oriol se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 26 mai 2006, Condamne en cause d'appel la SA VGG Distribution à payer aux époux Oriol une indemnité de 2 200 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SA VGC Distribution aux dépens de la procédure d'appel avec application de l'article 699 au profit de la Selarl Dauphin et Mihajlovic qui en a demandé le bénéfice.