TPICE, 4e ch. élargie, 18 septembre 1996, n° T-155/94
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Climax Paper Converters Ltd
Défendeur :
Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lenaerts
Juges :
Mme Lindh, MM. Azizi, Cooke, García-Valdecasas
LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),
Cadre réglementaire et faits à l'origine du litige
1 Le présent recours vise à l'annulation du règlement (CE) n° 3664-93 du Conseil, du 22 décembre 1993, instituant un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté d'albums de photographies à reliure livre originaires de la république populaire de Chine et portant perception définitive du droit antidumping provisoire (JO L 333, p. 67, ci-après règlement litigieux). Ce règlement fait suite au règlement (CEE) n° 2477-93 de la Commission, du 6 septembre 1993, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains albums de photographies originaires de la république populaire de Chine (JO L 228, p. 16, ci-après règlement provisoire).
2 La requérante, Climax Paper Converters Ltd (ci-après "Climax Paper Converters"), société de droit de Hong-Kong, exporte vers la Communauté des albums de photographies à reliure "livre", fabriqués dans le département de Baoan en Chine, sur des sites de production implantés en accord avec les autorités chinoises.
3 A la suite d'une plainte introduite par le Committee of European Photo Album Manufacturers (CEPAM, comité des fabricants européens d'albums de photographies), la Commission a ouvert, en mai 1992, une procédure antidumping concernant les importations dans la Communauté de certains albums de photographies originaires de Chine, en application du règlement (CEE) n 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après règlement antidumping de base), (avis d'ouverture de la procédure, JO 1992, C 120, p. 10).
4 Le 13 mai 1992, la Commission a adressé à la requérante un questionnaire d'enquête auquel celle-ci a répondu le 6 juillet 1992. La requérante a été le seul exportateur à répondre au questionnaire distribué par la Commission aux exportateurs et producteurs non communautaires.
5 Par lettre du 17 juillet 1992, la requérante a présenté des observations supplémentaires à la Commission.
6 Le 10 mars 1993, la Commission a adressé à la requérante une demande d'information concernant l'indépendance de celle-ci par rapport au gouvernement de la république populaire de Chine. Dans sa réponse à ladite demande, la requérante a affirmé être libre de déterminer les prix à l'exportation des albums produits en Chine, de choisir la monnaie utilisée dans les exportations, de déterminer le volume de production et d'exportation et, enfin, de diriger les opérations de l'usine située dans le département de Baoan en Chine sans interférence du gouvernement chinois.
7 Par lettre du 5 mai 1993, la requérante, en réponse à la Commission, a apporté des éclaircissements sur les accords réglant la situation de cette usine et sur les relations entre la requérante et ses partenaires chinois.
8 La Commission a adopté le règlement provisoire le 6 septembre 1993. Ce règlement a institué un droit antidumping provisoire de 19,4 % sur les importations d'albums de photographies à reliure "livre" originaires de la république populaire de Chine.
9 Par lettre du 9 septembre 1993, la Commission a communiqué à la requérante les principaux faits et considérations sur la base desquels elle avait institué le droit antidumping provisoire.
10 Les représentants de la requérante et les services de la Commission se sont rencontrés le 20 septembre 1993 pour discuter du règlement provisoire.
11 Le 8 octobre 1993, la requérante a commenté par écrit le règlement provisoire.
12 Le 3 novembre 1993, la requérante a été entendue par la Commission.
13 Par lettre du 9 novembre 1993, la Commission a de nouveau communiqué à la requérante les principaux faits et considérations sur la base desquels elle envisageait de proposer au Conseil l'instauration d'un droit antidumping définitif.
14 Le 22 décembre 1993, le Conseil a adopté le règlement litigieux qui institue un droit antidumping définitif de 18,6 % sur les importations, dans la Communauté, d'albums de photographies à reliure "livre" originaires de la république populaire de Chine.
Les règlements en cause
15 Dans le cadre de la procédure devant la Commission, la requérante a demandé à bénéficier d'une marge de dumping distincte. Ayant conclu que, dans le cas d'espèce, il n'était pas opportun d'appliquer actuellement un traitement individuel, la Commission a refusé cette demande et a justifié aux points 13 à 18 des considérants du règlement provisoire sa conclusion.
16 Premièrement, la Commission rappelle que le règlement antidumping de base n'impose pas le traitement individuel, puisque, selon celui-ci, les règlements antidumping doivent seulement préciser le pays et le produit faisant l'objet du droit (point 13 des considérants du règlement provisoire).
17 Deuxièmement, elle affirme que, étant donné que dans le cas de pays n'ayant pas une économie de marché la valeur normale doit être établie sur la base des prix ou des coûts pratiqués dans des pays à économie de marché, la seule manière d'accorder le traitement individuel à des exportateurs de pays n'ayant pas une économie de marché est de tenir compte de leurs prix respectifs à l'exportation. Cependant, cette méthode aurait tendance à donner lieu à des résultats individuels déformés et donc inappropriés (point 14 des considérants du règlement provisoire).
18 Troisièmement, la Commission mentionne la difficulté extrême, dans le cas d'un pays tel que la république populaire de Chine, où l'État domine toujours toute l'activité économique, d'établir en pratique si une société est réellement indépendante de l'État, et notamment si cette indépendance a un caractère permanent (point 15 des considérants du règlement provisoire).
19 Quatrièmement, elle fait observer qu'elle n'est actuellement pas en mesure de vérifier sur place les déclarations des exportateurs chinois, du fait principalement des difficultés inhérentes aux pays à économie planifiée. Elle fait notamment état des difficultés à vérifier certains arrangements censés garantir l'indépendance vis-à-vis de l'État, en particulier lorsque ces arrangements ont été conclus en sachant que des mesures antidumping pourraient être prises (point 16 des considérants du règlement provisoire).
20 Elle ajoute que le traitement individuel peut offrir à l'État la possibilité d'éluder les mesures antidumping en acheminant les exportations par l'entremise de l'exportateur auquel est appliqué le droit le plus bas, ou en concentrant les exportations sur ce dernier. La Commission conclut que, tant qu'elle n'est pas entièrement convaincue que ces difficultés ne se présenteront pas, il ne doit pas être appliqué de dérogations à la règle générale selon laquelle un seul droit antidumping est établi pour les pays à commerce d'État (point 17 des considérants du règlement provisoire).
21 Quant au cas d'espèce, le point 18 des considérants du règlement provisoire contient les constatations suivantes:
[...] le régime de production dans la république populaire de Chine est régi par un accord entre l'entreprise de Hong-Kong et les autorités chinoises. Cet accord ne prévoit pas que les opérations de production réalisées en Chine sont totalement indépendantes du contrôle de l'État. Cette production est réalisée en Chine dans des locaux abritant les machines et le personnel propres de l'entreprise de Hong-Kong mais qui appartiennent à une entreprise publique chinoise qui fournit ses cadres et sa main-d'œuvre. Celle-ci doit faire rapport aux autorités de l'État chinois sur ses activités économiques et c'est elle qui a signé l'accord avec l'entreprise de Hong-Kong. La formulation de certaines des dispositions de cet accord, notamment celles concernant la direction de l'usine et le recrutement et les conditions de rétribution de la main-d'œuvre, permet de penser que la gestion de la production et des activités commerciales de l'usine en question n'est pas réellement indépendante de l'influence des autorités chinoises. En outre, dans la documentation soumise à la Commission, il était fait référence à un autre accord, en indiquant que ses clauses devaient être mises en œuvre par les parties au premier accord mentionné ci-dessus.
Le texte de ce second accord n'a pas été soumis à la Commission, car, a-t-il été allégué, il a été conclu entre deux parties chinoises et n'était, de ce fait, pas un document public. Cependant, d'après les renseignements transmis, dans cet accord sont définies les modalités et les conditions dans lesquelles des investissements étrangers peuvent être attirés dans cette région de Chine, modalités et conditions qui sont importantes pour la conduite des opérations commerciales dans l'usine chinoise de production d'albums de photographies.
22 Le Conseil a confirmé la conclusion de la Commission refusant le traitement individuel de la requérante. Tout en reconnaissant que [l]'exclusion du traitement individuel et, partant, l'établissement d'une marge de dumping unique ont un impact sur l'exportateur qui a collaboré à l'enquête , le Conseil constate que aucune autre solution n'est possible dans la mesure où la considération qui doit l'emporter est que toutes les exportations en provenance des pays visés à l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base doivent être soumises à un droit national unique pour les raisons exposées aux points 13 à 17 du règlement provisoire et parce que, en l'espèce, il n'est pas établi que Climax est libre d'agir indépendamment de l'État dans la conduite de ses affaires (point 9 des considérants du règlement litigieux).
23 La valeur normale a été déterminée sur la base de la valeur construite du produit similaire dans un pays tiers à économie de marché, la Corée du Sud, conformément à l'article 2, paragraphe 5, sous b), et à l'article 2, paragraphe 3, sous b), du règlement antidumping de base (points 19 à 22 des considérants du règlement provisoire et points 10 à 12 des considérants du règlement litigieux).
24 En ce qui concerne la détermination du prix à l'exportation, la Commission a utilisé deux méthodes. Pour les exportations pour lesquelles elle avait des informations fournies par la requérante, le prix à l'exportation a été construit sur la base du prix auquel le produit en cause a été revendu par la requérante à des acheteurs indépendants de la Communauté, conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement antidumping de base. Pour les autres exportations, pour lesquelles aucune information n'était disponible, les prix ont été déterminés sur la base des données disponibles, conformément à l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base. A cette fin, ont été utilisés les prix les plus bas de la requérante, pour ne pas récompenser la non-coopération des autres exportateurs concernés (point 23 des considérants du règlement provisoire et point 15 des considérants du règlement litigieux).
25 Le Conseil a confirmé l'approche de la Commission. Aux points 17 et 19 à 21 des considérants du règlement litigieux, le Conseil a exposé la méthode utilisée par la Commission pour déterminer les prix à l'exportation pour lesquels aucune information n'était disponible. Il ressort de cet exposé que, pour l'estimation du volume de ces exportations, la Commission disposait des statistiques d'Eurostat sur le volume total d'importations de la république populaire de Chine dans la Communauté d'albums de photographies de tous types ainsi que du volume exact d'albums exportés par la requérante. Il a été estimé que 50 % du solde était constitué d'albums de photographies à reliure "livre". Cette estimation a été basée sur des affirmations, confirmées par un importateur, que trois fabricants d'albums de photographies de Hong-Kong avaient délocalisé leur production en république populaire de Chine et sur le fait que la requérante était apparemment le principal exportateur du produit concerné dans la Communauté (point 17 des considérants du règlement litigieux).
26 Ensuite, pour l'établissement des prix à l'exportation, la Commission a divisé les albums exportés par la requérante en sous-catégories, se basant sur la grandeur du feuillet intérieur et de la couverture extérieure et le nombre de feuillets contenus dans les albums. Après réexamen de la représentativité des sous-catégories incluses dans l'exercice, au cours de la procédure ayant précédé l'adoption du règlement litigieux, toutes les sous-catégories dont les ventes excédaient 5 % du montant total des ventes ont été incluses dans l'échantillonnage (points 19 à 21 des considérants du règlement litigieux).
27 Quant à la comparaison, la valeur normale et les prix à l'exportation ont été comparés transaction par transaction (point 24 des considérants du règlement provisoire). Une marge de dumping unique a été établie pour la république populaire de Chine, sur la base de la moyenne pondérée d'une marge de dumping de 11,5 %, applicable aux exportations pour lesquelles des informations étaient disponibles, et d'une marge de dumping de 32,3 %, calculée sur la base des données disponibles, conformément à l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base, pour les autres exportations. Cette dernière marge de dumping a été légèrement modifiée au cours de la procédure ayant précédé l'adoption du règlement litigieux. A la suite de cette modification, la marge de dumping unique a été fixée à 18,6 % en moyenne pondérée (point 25 des considérants du règlement provisoire et point 23 des considérants du règlement litigieux).
Procédure
28 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 1994, la requérante a introduit un recours en annulation contre le règlement litigieux.
29 Par ordonnance du 7 novembre 1994, le président de la quatrième chambre élargie du Tribunal a admis l'intervention de la Commission au soutien des conclusions du Conseil. Par lettre du 20 décembre 1994, la Commission a déclaré renoncer au dépôt d'un mémoire en intervention.
30 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
31 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 8 mai 1996.
Conclusions des parties
32 Climax Paper Converters, partie requérante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° déclarer le recours recevable;
° annuler le règlement n 3664-93;
° condamner le Conseil aux dépens.
33 Le Conseil, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° déclarer le recours irrecevable;
° rejeter le recours;
° condamner la requérante aux dépens.
Sur la recevabilité
Arguments des parties
34 Sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au sens de l'article 114 du règlement de procédure, le Conseil fait valoir, en premier lieu, que la requérante n'est pas directement et individuellement concernée par le règlement litigieux. Il affirme que, dans son arrêt du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil (113-77, Rec. p. 1185, point 11), la Cour a jugé que les règlements antidumping ne concernent directement et individuellement que les producteurs qui y sont nommément désignés.
35 A cet égard, le Conseil relève que, en l'espèce, le pays concerné est un pays à commerce d'État et que, pour cette raison, le règlement litigieux institue un droit antidumping unique pour l'ensemble du pays à l'égard de toutes les importations en provenance de ce pays. Il soutient que, le règlement litigieux étant ainsi adressé à la république populaire de Chine en tant qu'État, la seule entité directement et individuellement concernée est l'État lui-même, ou, éventuellement, un organisme ou des sociétés étatiques responsables pour l'ensemble, ou au moins pour la grande majorité, des exportations dans le secteur en question. Dans le passé, seuls de tels organismes auraient formé des recours contre des règlements antidumping qui concernaient des pays à commerce d'État. Le Conseil fait observer que la requérante n'est pas un tel organisme.
36 Selon le Conseil, la requérante ne saurait pas se prévaloir de l'arrêt de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission (239-82 et 275-82, Rec. p. 1005, points 11 et 12), parce que la règle énoncée par la Cour dans ledit arrêt, selon laquelle les règlements antidumping sont de nature à concerner individuellement celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou qu'elles étaient concernées par les enquêtes préparatoires, ne s'applique qu'aux producteurs et exportateurs auxquels sont imputées des pratiques de dumping. Or, en l'espèce, ce ne serait pas à la requérante ou à d'autres producteurs et exportateurs que sont imputées des pratiques de dumping, mais à la république populaire de Chine, en tant qu'État.
37 Il rappelle ensuite que, selon l'ordonnance de la Cour du 8 juillet 1987, Sermes/Commission (279-86, Rec. p. 3109), qui concernait un importateur, la simple participation à une enquête, ou le fait qu'une requérante soit désignée dans le préambule d'un règlement, n'entraîne pas la recevabilité d'un recours.
38 Quant à l'arrêt de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil (C-358-89, Rec. p. I-2501), le Conseil fait observer que Extramet était un importateur indépendant établi dans la Communauté et non un producteur ou exportateur d'un pays à commerce d'État.
39 La requérante soutient qu'elle est directement et individuellement concernée aussi bien par le règlement provisoire que par le règlement litigieux. A cet égard, elle fait valoir, premièrement, qu'elle a été la seule parmi les exportateurs à participer à toutes les phases de la procédure, deuxièmement, que les informations qu'elle a fournies constituent le fondement unique des constatations du règlement litigieux, troisièmement, qu'elle est expressément mentionnée tant dans le règlement provisoire que dans le règlement litigieux, et, enfin, que les droits imposés par les règlements s'appliquent à ses produits.
40 Elle récuse l'argument du Conseil, selon lequel il faut être nommément désigné dans un règlement antidumping pour être directement et individuellement concerné par ce règlement. Elle rappelle que dans son arrêt Allied Corporation e.a./Commission, précité, la Cour a dégagé deux critères alternatifs, soit l'identification dans les actes de la Commission ou du Conseil, soit le fait que les parties ont été concernées par les enquêtes préparatoires. Elle estime que, en tout état de cause, elle est nommée dans le règlement litigieux, puisque les constatations du règlement sont fondées uniquement sur ses informations vu qu'elle est la seule partie coopérante.
41 La requérante récuse également l'argument avancé par le Conseil, selon lequel seule la république populaire de Chine ou un organisme ou des sociétés étatiques responsables pour l'ensemble ou pour la grande majorité des exportations sont directement et individuellement concernés. Le fait que le règlement litigieux concerne des importations à partir d'un pays à commerce d'État serait sans conséquence pour la question de la qualité pour agir. Cela ressortirait des arrêts Allied Corporation e.a./Commission et Extramet Industrie/Conseil, précités, dans lesquels la Cour a jugé que s'il est vrai que [...] les règlements instituant des droits antidumping ont [...] un caractère normatif, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques.
42 En deuxième lieu, le Conseil fait valoir que le recours doit être déclaré irrecevable puisque la requérante demande l'annulation du règlement litigieux dans sa totalité, et non pas dans la mesure où elle n'a pas été exemptée de l'application du droit antidumping. Il rappelle que, selon une jurisprudence constante, et notamment l'arrêt de la Cour du 10 mars 1992, Ricoh/Conseil (174-87, Rec. p. I-1335, point 7), un règlement imposant des droits antidumping différents à une série d'opérateurs ne concerne individuellement l'un d'entre eux que par ses seules dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant. Selon le Conseil, le règlement litigieux n'impose pas un droit antidumping particulier à la requérante et n'en fixe pas le montant, mais institue, au contraire, un droit antidumping applicable, de manière générale, à toutes importations d'albums de photographies à reliure "livre" originaires de la république populaire de Chine.
43 La requérante conteste également ce motif d'irrecevabilité. Elle fait d'abord observer que, dans la présente affaire, la situation se distingue de celle de l'arrêt Ricoh/Conseil, précité, car le règlement litigieux institue un droit antidumping d'application générale, tandis que, dans l'arrêt Ricoh/Conseil, différents droits avaient été mis à la charge de différentes entreprises.
44 Elle soutient, ensuite, que la présentation d'un moyen subsidiaire visant à l'annulation partielle du règlement litigieux n'est pas nécessaire, puisque l'article 174 du traité CE confère à la Cour un pouvoir discrétionnaire d'indiquer quels sont, parmi les effets d'un règlement qu'elle a déclaré nul et non avenu, ceux qui sont à considérer comme définitifs. D'après elle, ce pouvoir discrétionnaire ne dépend pas de la formulation des conclusions du requérant.
Appréciation du Tribunal
45 En premier lieu, en ce qui concerne l'argument du Conseil tendant à faire valoir que la requérante n'est pas directement et individuellement concernée par le règlement litigieux, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, les règlements instituant un droit antidumping, bien qu'ils aient, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, peuvent concerner directement et individuellement ceux des producteurs et exportateurs auxquels sont imputées les pratiques de dumping (voir arrêt Allied Corporation e.a./Commission, précité, point 11).
46 Il ressort également de la jurisprudence que, en général, les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner individuellement celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les actes préparatoires (voir arrêts de la Cour Allied Corporation e.a./Commission, précité, point 12, et du 23 mai 1985, Allied Corporation e.a./Conseil, 53-83, Rec. p. 1621, point 4, et Extramet Industrie/Conseil, précité, point 15).
47 Premièrement, le Tribunal constate qu'il ressort du règlement provisoire et du règlement litigieux que la majeure partie des pratiques de dumping est imputée à la requérante.
48 A cet égard, le Tribunal relève que la Commission connaissait le volume exact des albums exportés par la requérante et qu'elle s'est basée sur cette donnée pour déterminer le volume à attribuer aux autres exportateurs chinois (voir point 17 des considérants du règlement litigieux). La marge de dumping unique de 18,6 % a été établie sur la base d'une moyenne pondérée de la marge de dumping établie pour les exportations pour lesquelles la requérante a fourni des renseignements, à savoir 11,5 %, et la marge de dumping déterminée sur la base des faits disponibles, conformément à l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base (voir point 25 des considérants du règlement provisoire et point 23 des considérants du règlement litigieux). Cette dernière marge de dumping a été établie à 32,3 % dans le règlement provisoire et a ensuite été légèrement modifiée au cours de la procédure ayant précédé l'adoption du règlement litigieux. Il ressort également du dossier que cette marge de dumping a été appliquée à 38 % des exportations, tandis que la marge de 11,5 % a été appliquée à 62 % des exportations, attribuées à la requérante.
49 Deuxièmement, le Tribunal considère que la requérante était concernée par les actes préparatoires. Ce sont, entre autres, ses produits qui ont été frappés par le droit antidumping imposé par le règlement litigieux et il ressort dudit règlement, ainsi que du règlement provisoire, qu'elle a été visée par l'enquête. A cet égard, il y a lieu de relever que les institutions se sont basées uniquement sur les informations fournies par la requérante pour établir tous les prix à l'exportation utilisés pour le calcul des différentes marges de dumping et, par conséquent, pour établir la marge de dumping unique (voir points 23 à 25 des considérants du règlement provisoire et points 13 à 23 des considérants du règlement litigieux).
50 Au surplus, le Tribunal relève que la requérante a reçu un questionnaire antidumping (voir point 3 des considérants du règlement provisoire), qu'elle est le seul exportateur qui ait répondu au questionnaire de la Commission (voir point 11 des considérants du règlement provisoire), qu'elle est mentionnée comme "exportateur d'albums de photographies à reliure 'livre'originaires de la république populaire de Chine" aussi bien dans le règlement provisoire (voir point 4 des considérants) que dans le règlement litigieux (voir point 2 des considérants) et qu'elle est le seul exportateur ayant coopéré à l'enquête (voir point 19 des considérants du règlement provisoire).
51 En outre, le Tribunal observe que le règlement provisoire et le règlement litigieux font, à plusieurs reprises, référence à la requérante; celle-ci a donc été identifiée dans les actes de la Commission et du Conseil.
52 Dans ces conditions, le Tribunal constate que la requérante est individuellement concernée par le règlement litigieux.
53 En ce qui concerne la question de savoir si la requérante est directement concernée, le Tribunal relève que le règlement litigieux, applicable à toutes les importations dans la Communauté d'albums de photographies à reliure "livre" originaires de la république populaire de Chine, institue un droit antidumping fixé à 18,6 %. Le règlement n'envisage aucun pouvoir d'appréciation au profit des autorités nationales. Au contraire, l'exécution par les autorités nationales a un caractère purement automatique. Par ailleurs, il est procédé à l'exécution non pas en vertu de règles nationales intermédiaires, mais en vertu de la seule réglementation communautaire (voir arrêt de la Cour du 29 mars 1979, Iso/Conseil, 118-77, Rec. p. 1277, point 26). Il convient, dès lors, de constater que la requérante est directement concernée par le règlement litigieux.
54 En deuxième lieu, en ce qui concerne l'étendue du recours, le Tribunal considère qu'il suffit de constater que, comme la requérante l'a fait observer lors de l'audience, l'objet du recours a été défini sur la première page de la requête comme visant "l'annulation du règlement (CEE) n 3664-93 du Conseil, du 22 décembre 1993, dans la mesure où il affecte la requérante".
55 Le Tribunal relève qu'il ressort également du dossier que, en effet, la requérante poursuit l'annulation du règlement litigieux soit au motif qu'elle n'a pas été exemptée du droit antidumping, soit parce que le règlement lui impose un droit dépassant 11,5 %.
56 Il s'ensuit que l'objet du recours doit être interprété en ce sens qu'il ne vise l'annulation du règlement que dans la mesure où celui-ci affecte la requérante.
57 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le recours est recevable.
Sur le fond
58 La requérante invoque trois moyens à l'appui de ses conclusions. Le premier moyen est tiré d'une violation du règlement antidumping de base, des droits de la défense et des principes de non-discrimination et de sécurité juridique ainsi que d'un abus de pouvoir de la part des institutions communautaires. Dans son deuxième moyen, la requérante soutient que, en ne lui accordant pas un traitement individuel, la Commission et le Conseil ont, d'une part, violé le principe de protection de la confiance légitime, d'autre part, commis une erreur manifeste d'appréciation des faits, et lui ont refusé le droit d'être entendue. Le troisième moyen est tiré d'une violation de l'article 13, paragraphe 3, du règlement antidumping de base, du fait de l'application d'un droit antidumping excessif.
59 Le Tribunal constate que le premier et le deuxième moyens mettent en cause le refus des institutions communautaires d'accorder un traitement individuel à la requérante. Ainsi, il y a lieu d'examiner ensemble ces deux moyens.
Sur les premier et deuxième moyens réunis tirés d'une violation du règlement antidumping de base, d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une violation du principe de protection de la confiance légitime, des droits de la défense et des principes de non-discrimination et de sécurité juridique ainsi que d'un abus de pouvoir de la part des institutions communautaires
Arguments des parties
60 La requérante fait observer, à titre liminaire, que, en ce qui concerne l'institution de droits antidumping, les institutions communautaires appliquent, depuis quelques années, une politique qui consiste à refuser d'accorder un traitement individuel aux entreprises de pays n'ayant pas une économie de marché. De ce fait, un droit antidumping unique est institué pour l'ensemble du pays et appliqué à tous les produits exportés vers la Communauté européenne, sans respect des marges de dumping évaluées pour chacun des producteurs ou exportateurs concernés. Selon la requérante, la Commission et le Conseil considéreraient que l'institution de droits différenciés selon les entreprises d'un pays à économie planifiée inciterait l'État à intervenir et à acheminer toutes les exportations par l'intermédiaire de la société à laquelle est appliqué le droit le plus bas.
61 La requérante soutient, en premier lieu, que l'application d'une telle politique est contraire à la lettre et à l'esprit du règlement antidumping de base, qui impose aux institutions communautaires d'accorder le traitement individuel, indépendamment de l'origine des produits, dès lors que cela est possible et notamment quand l'entreprise a pleinement coopéré au cours de la procédure antidumping.
62 A cet égard, elle rappelle que l'article 2, paragraphe 13, dispose explicitement que les prix à l'exportation sont comparés avec la valeur normale sur une base transaction par transaction, ce qui signifie nécessairement une application sur une base individuelle. Elle relève ensuite que l'article 2, paragraphe 14, sous a), définit la marge de dumping comme le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l'exportation. Le caractère individualisé de cette comparaison est, d'après la requérante, souligné par l'article 2, paragraphe 9, aux termes duquel, aux fins d'une comparaison valable, il est dans chaque cas, selon ses particularités, dûment tenu compte sous forme d'ajustement des différences affectant la comparabilité des prix.
63 Elle ajoute que l'article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base renforce encore son argumentation, puisque l'obligation de nommer le fournisseur lorsque cela est possible aurait pour but d'exclure uniquement les parties n'ayant pas coopéré.
64 La requérante considère que la procédure antidumping n'a de sens que dans le contexte d'une application individualisée des règles. Elle fait observer que la Chine en tant que telle ne vend rien. Ce sont les entreprises chinoises qui produisent et vendent individuellement leurs produits aux acheteurs de la Communauté.
65 Elle conclut que l'ensemble du dispositif établi par le règlement antidumping de base prescrit le traitement individuel. En interprétant le règlement de façon différente, la Commission et le Conseil auraient commis une erreur manifeste. Par leur attitude, ils auraient privé la requérante du droit de se défendre équitablement.
66 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, même dans le cadre de la politique contestée, la Commission et le Conseil auraient dû lui accorder le traitement individuel.
67 A cet égard, elle relève que, dans des affaires antérieures concernant des produits originaires de la république populaire de Chine, la politique contestée a été appliquée d'une façon plus équitable. A titre d'exemple, elle mentionne le règlement (CEE) n° 2093-91 du Conseil, du 15 juillet 1991, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de petits appareils récepteurs de télévision couleur originaires de Hong-Kong et de la république populaire de Chine et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 195, p. 1), dans lequel le traitement individuel a été refusé aux exportateurs chinois, puisqu'ils étaient membres de la chambre de commerce de Chine des exportateurs de produits audio et vidéo, qui contrôlait strictement toutes les exportations, et à laquelle tous les exportateurs étaient tenus d'adhérer, à l'exception des entreprises mixtes qui étaient libres d'exporter des produits en toute indépendance, et puisque, pendant la procédure, ils ont tous été représentés par la chambre de commerce, sans que leurs positions respectives soient individualisées. Elle cite également le règlement (CEE) n 3836-91 du Conseil, du 19 décembre 1991, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de dihydrostreptomycine originaire de la république populaire de Chine et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 362, p. 1), dans lequel le traitement individuel a été refusé aux motifs que tous les exportateurs étaient représentés par une chambre de commerce unique, qu'ils n'ont pas été en mesure de démontrer l'absence de contrôle par l'État et qu'ils n'avaient pas la possibilité de transférer leurs bénéfices à l'extérieur de la Chine.
68 Ensuite, elle mentionne deux autres affaires, dans lesquelles le traitement individuel a été accordé. Dans la première, il s'agissait du règlement (CEE) n° 2904-91 de la Commission, du 27 septembre 1991, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains fils de polyesters (fibres synthétiques ou artificielles discontinues) originaires de T'ai-wan, d'Indonésie, d'Inde, de la république populaire de Chine et de Turquie et clôturant la procédure antidumping en ce qui concerne les importations de ces mêmes fils originaires de la république de Corée (JO L 276, p. 7). Selon la requérante, le traitement individuel a été accordé à l'un des exportateurs aux motifs que l'entreprise était libre d'établir ses prix à l'exportation et de transférer ses bénéfices à ses actionnaires étrangers, sous réserve de certaines contraintes administratives. Elle fait observer que l'exportateur en cause avait le statut d'une entreprise mixte composée par des partenaires chinois et de Hong-Kong et que le partenaire de Hong-Kong était lié à un groupe de la Communauté européenne. Dans la seconde, la requérante se réfère au règlement (CEE) n° 3091-91 du Conseil, du 21 octobre 1991, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bandes vidéo en cassettes originaires de la république populaire de Chine et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 293, p. 2), dans lequel le traitement individuel a été accordé aux exportateurs chinois ayant collaboré. Dans cette affaire, les exportateurs constituaient, d'après la requérante, des entreprises mixtes à capitaux étrangers et ils étaient en mesure d'établir leurs prix à l'exportation en toute indépendance et, sous réserve de certaines contraintes administratives, de transférer les bénéfices de Chine aux actionnaires étrangers.
69 En ce qui concerne son indépendance, la requérante considère satisfaire aux critères fixés par les institutions communautaires dans les règlements antérieurs, et également décrits dans un mémorandum de la Commission du 1er décembre 1992. A cet égard, elle fait valoir que, dans la présente affaire, elle a été l'unique exportateur ayant collaboré, ce qui l'individualise par rapport à tous les autres exportateurs, qu'elle a été représentée par son propre avocat pendant toute la procédure et qu'elle agit en toute indépendance de l'État chinois. Elle serait, notamment, entièrement libre d'exporter des marchandises, d'établir ses prix à l'exportation et de transférer ses bénéfices à ses actionnaires.
70 Elle souligne qu'elle est une société cotée publiquement à la bourse de Hong-Kong, qu'aucun des actionnaires n'a de relation avec l'État chinois et que les autorités chinoises n'ont aucune influence de fait sur les opérations conduites par l'usine de la requérante située en Chine, même si celle-ci a été créée en accord avec les autorités chinoises. Elle ajoute que c'est elle qui possède les machines, qui fournit les matières premières et qui dirige l'usine.
71 Elle considère que les accords conclus entre elle et les autorités chinoises, sous le nom de Baoan County Xinan Town Tiegang Economic Development Company (ci-après "Baoan Company"), confirment son indépendance. Les accords prévoiraient spécifiquement que la requérante nomme "le directeur de l'usine, les experts comptables et financiers, le personnel administratif et magasinier qui sont chargés de la gestion et du contrôle financier de l'usine". De plus, bien que les accords prévoient que la Baoan Company peut nommer du personnel afin de codiriger l'usine, la requérante soutient qu'elle a, de fait, un contrôle total sur les personnes qu'elle souhaite ou ne souhaite plus employer. Les autorités chinoises n'ont qu'une influence résiduelle théorique sur l'emploi dans la mesure où, après avoir contrôlé que le niveau des rémunérations excède celui du salaire minimal imposé, elles approuvent les contrats de travail passés par la requérante, ce qui, selon la requérante, ne diffère pas fondamentalement de l'influence qu'exercent les autorités étatiques dans la plupart des pays européens.
72 Elle fait valoir que les autorités chinoises ne peuvent pas, afin d'éluder les mesures antidumping, la contraindre à exporter des produits manufacturés ailleurs en Chine ou l'obliger à accroître sa capacité de production. Elle soutient que ses profits sont générés à Hong-Kong et qu'elle est libre de délocaliser ses activités de production hors de Chine. Selon la requérante, le commerce extérieur n'est pas contrôlé par l'État chinois. Les entreprises chinoises agissent sur le marché exactement comme le font les entreprises de la Communauté.
73 La requérante soutient que la thèse du Conseil, selon laquelle il importe de prendre en compte la faculté de l'État d'intervenir dans le commerce extérieur, ne tient pas compte de la souveraineté de l'État, qui, en fait, est une autorité supérieure, agissant en fonction de considérations politiques, et qui a le droit d'intervenir dans le domaine commercial.
74 En tout état de cause, elle estime que si un contrôle étatique doit être établi, il appartient aux institutions communautaires de le prouver et non uniquement de le présumer.
75 Elle conclut que le Conseil a, en adoptant le règlement litigieux sur la base de considérations erronées et sans avoir tenu compte des informations essentielles fournies par la requérante, commis une erreur manifeste d'appréciation des faits. Cette erreur constitue un abus de pouvoir et prive la requérante de son droit d'être entendue. Elle soutient que la confirmation du raisonnement de la Commission par le Conseil dans le règlement litigieux montre que les arguments de la requérante sur la question du traitement individuel n'ont pas été pris en compte.
76 Elle soutient, en troisième lieu, que, étant donné que le traitement qui lui est appliqué dans le cas d'espèce ne correspond pas à la pratique antérieure de la Communauté, le règlement litigieux viole le principe de protection de la confiance légitime.
77 En quatrième lieu, la requérante soutient que la justification du refus d'accorder le traitement individuel, en raison du contournement possible des mesures antidumping, viole les principes généraux du droit communautaire, notamment les principes de non-discrimination et de sécurité juridique, et constitue un abus de pouvoir de la part des institutions communautaires. Le moyen adéquat pour lutter contre un détournement consiste, selon la requérante, soit dans l'application de dispositions existantes contre le détournement, soit dans l'établissement de dispositions spécifiques à cet effet. La requérante fait valoir, en outre, que ces motifs ne sont pas valables, puisque le système économique capitaliste fonctionne de la même manière. Il serait logique que la plupart des exportations soient effectuées par la partie à laquelle est appliqué le droit le plus bas.
78 Le Conseil fait valoir que le règlement antidumping de base n'exige pas que les institutions de la Communauté traitent les exportateurs de manière individuelle. A cet égard, il soutient qu'il ressort de l'article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement antidumping de base qu'une procédure antidumping porte sur des exportations en provenance d'un ou de plusieurs pays et non sur des exportations d'une ou de plusieurs sociétés prises individuellement.
79 Il soutient également qu'il n'y a aucune disposition dans le règlement antidumping de base qui prévoit que des marges de dumping individuelles doivent être calculées pour chaque exportateur. Au contraire, il estime qu'il ressort des dispositions du règlement, entre autres, de l'article 16, paragraphe 1, que l'institution de droits uniquement au niveau du pays est la règle générale et que, par conséquent, l'application du traitement individuel doit être fondée sur des raisons valables. Le fait que la requérante est une société installée à Hong-Kong n'est pas valable, puisque le règlement litigieux ne l'envisage pas; il vise toutes les exportations du produit concerné en provenance de la république populaire de Chine.
80 Le Conseil reconnaît que la méthode d'institution de droits individuels offre souvent la protection la plus efficace et la plus équilibrée à l'encontre d'un dumping préjudiciable et que, lorsque les marges de dumping et les marges de préjudice varient selon la source, l'imposition d'un droit unique pour tout le pays conduirait à l'institution d'un droit à la fois trop protecteur à l'égard des exportateurs dont les marges sont faibles et trop peu protecteur à l'égard de ceux dont les marges sont plus élevées. Cependant, en ce qui concerne les exportations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché, il considère que l'institution d'un droit unique pour l'ensemble du pays est la mesure la plus appropriée. A cet égard, il se réfère aux motifs figurant aux points 11 à 18 des considérants du règlement provisoire, d'où il ressort que l'indépendance de l'exportateur n'est pas le seul élément à prendre en compte ni le plus important.
81 Il précise que l'article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base prévoit simplement que les règlements antidumping doivent en tout cas indiquer le pays d'origine ou d'exportation et, si cela est possible, les noms des fournisseurs. Quant à l'article 2, paragraphes 9 et 13, du règlement, il soutient que leurs termes ne contraignent pas les institutions de la Communauté à imposer des droits antidumping individuels.
82 Le Conseil soutient que, en l'espèce, la requérante ne pouvait pas être traitée individuellement. A cet égard, il fait valoir qu'il n'a pas été établi que la requérante est libre d'agir indépendamment de l'État chinois (voir point 18 des considérants du règlement provisoire). De plus, selon le Conseil, la question de l'indépendance d'un exportateur n'est plus le seul élément à prendre en compte ni le plus important pour déterminer si l'exportateur doit être traité individuellement. Une question encore plus importante à examiner est la faculté de l'État de réglementer le commerce extérieur et de modifier les règles applicables. L'État chinois peut, d'après le Conseil, à tout moment exercer son contrôle sur tous les opérateurs économiques de la république populaire de Chine en modifiant sa politique d'exportation et diriger les exportations par l'entremise de certaines sociétés.
83 En effet, bien que le contrôle étatique dans la république populaire de Chine ait quelque peu reculé et que les sociétés exportatrices chinoises jouissent actuellement d'une certaine indépendance, la situation de la république populaire de Chine ne pourrait pas être comparée à celle des pays à économie de marché, où il existe des sociétés totalement indépendantes.
84 A cet égard, il fait valoir que l'organisation du commerce extérieur de la république populaire de Chine diffère à bien des égards de celle de la Communauté. Il soutient d'abord que les prix des produits fabriqués dans la république populaire de Chine ne sont généralement pas déterminés par les forces du marché. Il y existerait, pour certains produits très importants, des plans impératifs contenant des règles contraignantes, et, pour des produits moins importants, des plans indicatifs contenant des orientations pour la production et la distribution du produit en question. Ces plans fixeraient entre autres le nombre de produits attribués à ces entreprises et qui peuvent être exportés par elles. Le Conseil affirme ensuite que, afin de pouvoir exporter des produits, une licence d'exportation est exigée. Cette licence serait délivrée par l'État, qui peut la retirer à tout moment. Il mentionne enfin que le cadre juridique qui s'applique aux transactions commerciales en république populaire de Chine ne peut être comparé aux systèmes en vigueur dans la Communauté. La différence fondamentale ressort de l'existence, dans la république populaire de Chine, de lois secrètes, des lois qui ne sont pas publiées et auxquelles les étrangers n'ont pas accès et qui traitent en particulier des relations économiques extérieures et du commerce extérieur. Le Conseil ajoute que le contrôle du commerce extérieur de la république populaire de Chine est en grande partie exercé au moyen de liens personnels. Une des pratiques consiste à promouvoir des fonctionnaires du ministère du Commerce extérieur et de la Coopération économique à des postes élevés dans les différentes sociétés et qui sont appelés, afin de garder leurs emplois, à suivre les instructions du ministère.
85 En l'espèce, il relève qu'il est difficile d'évaluer si les déclarations de la requérante, affirmant qu'il n'y a eu aucune influence de fait et qu'elle n'a jamais connu d'interférence étatique, sont correctes. En tout état de cause, ce qui importe c'est la faculté de l'État à agir.
86 Il ajoute que l'accord conclu le 28 janvier 1988 entre la requérante et Shenzhen Baoan Foreign Company prévoit que cette dernière mettra à disposition l'usine et les travailleurs chargés de la production et fabriquera les produits qu'elle livrera à la requérante. Ensuite, l'accord conclu le 20 janvier 1988 entre la Baoan Company et la requérante attribue, selon le Conseil, à la Baoan Company le droit de nommer le directeur de l'entreprise. De plus, la requérante aurait, dans une lettre adressée le 5 mai 1993 à la Commission, reconnu que la Baoan Company est tenue d'obtenir une licence de la Baoan County Industrial and Commerce Executive Management Council, une entité gouvernementale. Ladite lettre préciserait également que les accords entre la requérante et la Baoan Company sont régis par la réglementation de l'administration générale des Douanes de la RPC relative au contrôle de l'entreprise de transformation et d'assemblage concernant les parties étrangères du 10 septembre 1987, laquelle, d'après le Conseil, prévoit un contrôle permanent de l'État sur les établissements du type de celui de la requérante.
87 Il soutient que le fait que la requérante soit installée à Hong-Kong ne signifie ni qu'elle échappe au contrôle de la république populaire de Chine ni qu'une évaluation différente doit lui être accordée. Il fait valoir que, même si la requérante devait être considérée comme indépendante du contrôle direct de l'État, les produits concernés sont fabriqués dans la république populaire de Chine, qui exerce toujours un contrôle significatif sur des sociétés telles que la Shenzhen Baoan Foreign Company et la Baoan Company.
88 Le Conseil fait également valoir que, dans la présente affaire, il aurait été relativement facile pour l'État d'utiliser la possibilité d'éluder les mesures antidumping (voir point 17 des considérants du règlement provisoire). Il aurait suffi de faire facturer les albums de photographies exportés vers la Communauté par la requérante, indépendamment de leur lieu de fabrication.
89 Le Conseil affirme, ensuite, que l'approche des institutions communautaires a changé en matière de traitement individuel, dans le cas des importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché. En conséquence, les arguments de la requérante au sujet de la pratique antérieure des institutions et du mémorandum interne de la Commission du 1er décembre 1992 ne sont pas pertinents.
90 Enfin, il soutient qu'il a pris en compte tous les arguments présentés par la requérante sur la question du traitement individuel ainsi que sur les autres points pertinents.
91 Lors de l'audience, la Commission, en réponse à une question du Tribunal, a expliqué que la raison pour laquelle les institutions communautaires ont modifié leur approche concernant le traitement individuel appliqué aux exportateurs de la république populaire de Chine est que, à l'origine, elles ont probablement été un peu naïves quant à la nature de la situation dans ce pays et que ce n'est que ces dernières années que les procédures antidumping ont été lancées en grand nombre à l'égard des productions chinoises. Selon la Commission, la politique initiale ne tenait pas compte du haut degré de contrôle qui existait et qui existe toujours, même si ce contrôle est moindre par rapport à celui de l'époque.
Appréciation du Tribunal
° Sur l'institution d'un droit antidumping unique
92 Le Tribunal relève qu'il n'y a aucune disposition dans le règlement antidumping de base qui interdit l'institution d'un droit antidumping unique pour les pays à commerce d'État. En effet, l'article 2, paragraphe 5, indique seulement les critères sur la base desquels la valeur normale doit être déterminée dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché. L'article 2, paragraphe 9, relatif à la comparaison de la valeur normale avec le prix à l'exportation, ne concerne que la comparabilité des prix et les ajustements visant à prendre en compte les différences qui affectent cette comparabilité. Il ressort de l'article 2, paragraphe 13, que, lorsque les prix varient, les prix à l'exportation sont en principe comparés avec la valeur normale sur une base transaction par transaction, ce qui ne signifie pas, contrairement à ce que prétend la requérante, qu'un droit antidumping unique ne peut pas être fixé. Par ailleurs, en l'espèce, la valeur normale et les prix à l'exportation ont été comparés transaction par transaction (voir point 24 des considérants du règlement provisoire). Quant à l'article 2, paragraphe 14, s'il est vrai qu'il définit la marge de dumping comme le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l'exportation [sous a)], il dispose cependant que "[l]orsque les marges de dumping varient, des moyennes pondérées peuvent être établies" [sous b)].
93 Enfin, l'article 13, paragraphe 2, dispose que les règlements antidumping "indiquent en particulier le montant et le type de droit institué, le produit concerné, le pays d'origine ou d'exportation, le nom du fournisseur, si cela est possible, et les motifs sur lesquels ils se fondent". A cet égard, le Tribunal considère que, s'il ressort, certes, tant de l'économie que de l'objet de cette disposition que l'obligation d'indiquer le nom du fournisseur dans les règlements antidumping implique en principe l'obligation de fixer un droit antidumping spécifique pour chaque fournisseur, il convient toutefois de souligner que le texte de cette disposition précise que le nom ne doit être indiqué que "si cela est possible". Le législateur a donc explicitement limité l'obligation d'indiquer le nom du fournisseur et, par ce biais, l'obligation de fixer un droit antidumping spécifique pour chaque fournisseur, aux seuls cas où de telles précisions sont possibles.
94 Le Tribunal estime que, en poursuivant la politique contestée, les institutions n'ont pas donné une interprétation erronée des termes "si cela est possible". En effet, force est de constater qu'il n'est pas possible d'indiquer le nom de chaque fournisseur, si, pour éviter le risque d'un contournement des droits antidumping, il est nécessaire d'instituer un droit unique pour tout un pays. Tel est notamment le cas quand, s'agissant d'un pays à commerce d'État, les institutions communautaires, après avoir examiné la situation des exportateurs concernés, ne sont pas convaincues que ces exportateurs agissent d'une façon indépendante vis-à-vis de l'État.
95 Le Tribunal considère que la politique contestée n'est pas non plus contraire à l'objet et à l'esprit du règlement antidumping de base. En effet, l'objet du règlement antidumping de base est, entre autres, de protéger la Communauté contre les importations qui font l'objet d'un dumping. Quant à l'esprit du règlement, il ressort des différentes dispositions que la valeur normale et les prix à l'exportation doivent normalement être établis individuellement pour chaque exportateur. Cependant, cela ne veut pas dire que les institutions communautaires sont obligées de le faire dans chaque cas, ni qu'elles sont obligées d'instituer un droit antidumping individuel pour chaque exportateur. L'esprit du règlement laisse une grande discrétion aux institutions communautaires pour décider quand la solution la plus appropriée est d'accorder un traitement individuel aux exportateurs concernés. Cela ressort, entre autres, de l'article 2, paragraphe 14, sous b), et de l'article 13, paragraphe 2, qui laissent aux institutions communautaires la possibilité d'établir une moyenne pondérée des marges de dumping, et donc une marge de dumping unique, pour tout un pays ainsi que d'instituer un droit antidumping unique pour ce pays.
96 Il découle de ce qui précède qu'une politique qui a comme résultat l'institution d'un droit antidumping unique pour tout un pays n'est contraire ni à la lettre, ni à l'objet, ni à l'esprit du règlement antidumping de base, si cette politique est nécessaire à la Communauté pour se protéger contre un dumping et contre le risque de contournement des mesures de défense.
97 Il convient ensuite d'examiner si, en l'espèce, les institutions communautaires auraient dû accorder un traitement individuel à la requérante.
98 A titre liminaire, le Tribunal relève que la question de savoir si un exportateur d'un pays à commerce d'État agit d'une façon suffisamment indépendante vis-à-vis de l'État pour que lui soit accordé un traitement individuel suppose l'appréciation de situations de faits complexes qui sont à la fois d'ordre économique, politique et juridique. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, en ce qui concerne les questions économiques complexes, il ressort de la jurisprudence que les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil, T-164-94, Rec. p. II-2681, point 131) et que le contrôle juridictionnel de cette appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir arrêts de la Cour du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, 255-84, Rec. p. 1861, point 21, et du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C-156-87, Rec. p. I-781, point 63). Le Tribunal estime qu'il en va de même pour les situations de faits, d'ordre juridique et politique, dans le pays concerné, que les institutions communautaires doivent évaluer pour déterminer si un exportateur agit d'une façon suffisamment indépendante des autorités d'un pays à commerce d'État pour bénéficier du traitement individuel.
99 Il ressort de la lettre du 5 mai 1993 que la Baoan Company est une entreprise coopérative, dotée d'une personnalité juridique propre, composée des membres du Tiegang Villagers'Committee, un consortium de propriétaires terriens de Tiegang Village. Ce comité a pour objet de promouvoir le développement du village par le biais des investissements étrangers. La Baoan Company a reçu une licence du Baoan County Industrial and Commerce Executive Management Council, une entité gouvernementale, qui lui donne le droit d'exercer des activités économiques.
100 D'après la même lettre, la Baoan County Foreign Trade Company, dotée d'une personnalité juridique propre, a, entre autres, pour fonction de surveiller les importations par les investisseurs étrangers de matières premières et l'exportation ultérieure des produits finis incorporant ces matières premières. La Baoan County Foreign Trade Company surveille la réalisation des arrangements d'importations, comparables au régime de perfectionnement actif de la Communauté, dont bénéficie l'usine où a lieu la production de la requérante. Ces arrangements sont préalablement approuvés par le Baoan County Foreign Economic Committee, une agence gouvernementale responsable pour l'approbation des investissements étrangers dans le département de Baoan et à laquelle appartient la Baoan County Foreign Trade Company.
101 Ensuite, il ressort du dossier que la production de la requérante en Chine, dans l'usine de la Five Brothers Stationery Manufacturer, est régie par l'accord du 20 janvier 1988 et par les deux accords supplémentaires du 2 janvier 1991 et du 18 janvier 1992, conclus entre la requérante et la Baoan Company. Ces trois accords ont été joints à la requête, ainsi qu'un quatrième accord daté du 28 janvier 1988, qui, selon son libellé, a été conclu entre la requérante et la Shenzhen Baoan Foreign Company en association avec Baoan County Xinan Town Tiegang Village Five Brothers Stationery Manufacturer.
102 Dans l'accord du 20 janvier 1988, la Baoan Company s'est engagée à construire une usine en conformité avec des plans fournis par la requérante, qui ensuite sera louée à bail (leasing) à la requérante. Cette dernière s'est engagée à fournir les machines ainsi que la matière première et le matériel supplémentaire nécessaires à la production, et à payer le loyer, les salaires, les charges d'eau et d'électricité ainsi que les taxes. L'article 1er de la section VII dudit accord dispose que la Baoan Company nomme un directeur d'installation et le personnel chargé de la gestion, de l'administration et de la comptabilité nécessaire afin de codiriger l'installation avec du personnel nommé par la requérante. La Baoan Company s'engage à assister la requérante en ce qui concerne les procédures d'importation et d'exportation. Le personnel chargé de la gestion et de l'administration, le management personnel, nommé par la Baoan Company, doit, avant d'être engagé, passer l'examen de recrutement de la requérante. Pour ce qui est des ouvriers dont a besoin la requérante, ils doivent, selon l'article 4 de la section VIII, passer l'examen de recrutement des deux parties.
103 Les deux accords supplémentaires concernent essentiellement le financement de la construction, le loyer et la construction elle-même de l'usine.
104 Quant à l'accord daté du 28 janvier 1988, il convient de constater qu'il semble être conclu avec une autre entreprise que la Baoan Company et que son contenu paraît différent de celui de l'accord du 20 janvier 1988. A cet égard, le Tribunal observe que l'affirmation de la requérante, selon laquelle elle nomme "le directeur d'usine, les experts comptables et financiers, le personnel administratif et magasinier qui sont chargés de la gestion et du contrôle financier de l'usine", se base sur l'accord du 28 janvier 1988, section I. Il ressort du point 102 des motifs du présent arrêt que cette affirmation est en contradiction avec l'article 1er, section VII, de l'accord du 20 janvier 1988. Il y a également lieu d'observer que, lors de l'audience, la requérante n'a pas pu répondre à la question du Tribunal portant sur la signification de l'accord du 28 janvier 1988 par rapport à celui du 20 janvier 1988. Il y a aussi lieu de noter, par ailleurs, qu'il ressort des réponses des institutions communautaires à une question du Tribunal, qui n'ont pas été contredites par la requérante, que la Commission ne semble pas avoir reçu de copie de l'accord du 28 janvier 1988 pendant la procédure administrative.
105 Le Tribunal observe encore que, comme l'a relevé la Commission dans le règlement provisoire, la lettre du 5 mai 1993 fait également référence à un accord conclu entre le Baoan County Foreign Economic Committee et le Tiegang Villagers'Committee, qui définirait les modalités et les conditions selon lesquelles des investissements étrangers peuvent être attirés dans la région. D'après la requérante, cet accord n'est pas un document public et, pour cette raison, il n'a pas été soumis à la Commission.
106 Il y a lieu de constater qu'il ressort de l'examen ci-dessus que les relations entre la requérante et l'État chinois doivent être qualifiées d'assez vagues et confuses, même si l'on ne tient pas compte du manque de clarté qu'ajoute l'accord du 28 janvier 1988. L'examen ne montre pas, comme l'a constaté la Commission dans le règlement provisoire (voir point 18 des considérants), que la requérante est réellement indépendante de l'influence des autorités chinoises. A cet égard, le Tribunal relève que ni les accords entre la requérante et la Baoan Company, ni la description contenue dans la lettre du 5 mai 1993 ne permettent de tirer une conclusion quelconque concernant le contrôle effectivement exercé sur la Baoan Company par le Baoan County Industrial and Commerce Executive Management Council et celui exercé par le Baoan County Foreign Economic Committee, par le biais de la Baoan County Foreign Trade Company, sur la Five Brothers Stationery Manufacturer. Le rôle joué par le Tiegang Villagers'Committee reste aussi confus. En outre, il y a lieu de souligner que l'accord du 20 janvier 1988 laisse à la Baoan Company une possibilité non négligeable d'influencer la fabrication de la Five Brothers Stationery Manufacturer.
107 Cette conclusion est corroborée par deux informations comprises dans la lettre du 5 mai 1993. Premièrement, il ressort de cette lettre que, étant donné que les accords entre la requérante et la Baoan Company ne contiennent pas de clause d'arbitrage, et dans l'hypothèse où aucune convention ultérieure d'arbitrage n'est conclue, les parties doivent, en cas de litige, s'en remettre à une people's court, en Chine. Deuxièmement, dans la lettre, le représentant de la requérante souligne que la Commission doit bear in mind that the environment in which the arrangements for Climax's production in China have been set up is rather different from those generally prevailing in western countries, and it may not always be possible to provide answers with the degree of legal precision to which you may be accustomed ("garder à l'esprit que le milieu dans lequel les accords relatifs à la production de Climax en Chine ont été conclus est assez différent de celui qui prévaut généralement dans les pays occidentaux et il se peut qu'il ne soit pas toujours possible de fournir des réponses avec le degré de précision juridique auquel vous êtes sans doute habitué").
108 Au surplus, le Tribunal observe que, pour les raisons exposées par la Commission aux points 15 et 16 des considérants du règlement provisoire (voir points 18 et 19, ci-dessus), la situation actuelle en Chine rend encore plus difficile, sinon impossible, d'établir si une entreprise chinoise ou une entreprise étrangère, qui fabrique des produits en Chine, est réellement indépendante de l'État. Comme l'explique le Conseil (voir points 83 et 84, ci-dessus), la situation de la république populaire de Chine ne peut pas être comparée à celle des pays à économie de marché, du moins pas en ce qui concerne l'organisation du commerce extérieur.
109 Il découle de ce qui précède que la requérante n'a pas réussi à démontrer qu'elle était réellement indépendante de l'influence des autorités chinoises. Il en résulte que les institutions communautaires n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des faits.
° Sur les autres arguments invoqués par la requérante
110 En premier lieu, quant à la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, la possibilité de se prévaloir de ce principe est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Toutefois, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation des institutions communautaires (voir, entre autres, arrêt du Tribunal du 13 juillet 1995, Thomas O'Dwyer e.a./Conseil, T-466-93, T-469-93, T-473-93, T-474-93 et T-477-93, Rec. p. II-2071, point 48). Il en est, notamment, ainsi dans un domaine comme celui de la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping, où les institutions doivent faire une appréciation, entre autres, de situations économiques complexes et où, par nécessité, elles doivent adapter leur politique aux situations régnant sur différents marchés, au fur et à mesure qu'elles acquièrent de l'expérience.
111 Il résulte du point 98 des motifs du présent arrêt que, en ce qui concerne les pays à commerce d'État, les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour les situations de faits, d'ordre économique, juridique et politique, dans le pays concerné, qui doivent être évaluées pour déterminer si un exportateur agit d'une façon suffisamment indépendante de l'État pour bénéficier d'un traitement individuel.
112 Il s'ensuit que la requérante ne saurait avoir une confiance légitime dans le fait que les institutions communautaires ne modifient pas leur politique relative au traitement individuel, si l'expérience montre qu'une telle modification est nécessaire pour trouver une solution satisfaisante aux problèmes engendrés par les pratiques de dumping imputées aux exportateurs des pays à commerce d'État.
113 A cet égard, le Tribunal constate qu'il ressort du règlement provisoire que la Commission est arrivée, au cours de la procédure, à la conclusion que la plus grande prudence est requise en la matière et que, tant qu'elle n'est pas entièrement convaincue que les difficultés relatives à l'institution de niveaux de droit inappropriés et au contournement des mesures antidumping ne se présenteront pas, il ne doit pas être appliqué de dérogations à la règle générale selon laquelle un droit antidumping unique est établi pour les pays à commerce d'État (voir points 12 et 17 des considérants du règlement provisoire).
114 Le Tribunal considère, par ailleurs, qu'une telle modification de la politique est d'autant moins critiquable que la Commission a soigneusement exposé les raisons qui l'ont amenée à modifier sa politique (voir points 13 à 17 des considérants du règlement provisoire, confirmés par le Conseil au point 9 du règlement litigieux).
115 Quant au mémorandum de la Commission du 1er décembre 1992, il suffit de relever qu'il ressort du dossier que c'est un mémorandum interne et donc un document de travail propre à la Commission, qui ne saurait être de nature à faire naître des espérances fondées, dans le chef de la requérante.
116 En deuxième lieu, en ce qui concerne la prétendue violation des droits de la défense, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, il est satisfait au respect de ces droits dès lors que l'entreprise intéressée a été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués (voir arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69-89, Rec. p. I-2069, point 108).
117 A cet égard, il convient de constater qu'il ressort du dossier que la requérante a présenté des observations au cours de la procédure administrative, que ses représentants ont rencontré les services de la Commission afin de discuter de l'affaire et qu'elle a été entendue par la Commission. De plus, il ressort du règlement provisoire et du règlement litigieux que à la fois la Commission et le Conseil ont examiné les différents arguments présentés par la requérante et y ont répondu, et, dans la mesure du possible, en ont même tenu compte.
118 Dans ce contexte, il convient de souligner que la protection des droits de la défense n'implique pas que les institutions communautaires doivent automatiquement prendre à leur compte tous les arguments présentés par la requérante.
119 En troisième et dernier lieu, le Tribunal constate que la requérante n'a aucunement expliqué comment la politique en cause violerait les principes de non-discrimination et de sécurité juridique. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le bien-fondé de cette branche. En ce qui concerne le prétendu détournement de pouvoir, le Tribunal relève que, dans la mesure où la politique suivie par les institutions communautaires n'est pas contraire au règlement antidumping de base, il n'y a pas de détournement de pouvoir.
120 Il résulte de tout ce qui précède que les premier et deuxième moyens doivent être rejetés comme non fondés.
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 13, paragraphe 3, du règlement antidumping de base
Arguments des parties
121 En premier lieu, la requérante fait valoir que, en instituant sur ses produits un droit antidumping plus élevé que la marge de dumping établie, le Conseil a pénalisé une partie ayant collaboré à la procédure, en l'absence de collaboration d'autres parties, et a ainsi violé l'article 13, paragraphe 3, du règlement antidumping de base, qui dispose que les droits institués ne peuvent dépasser la marge de dumping établie.
122 En deuxième lieu, elle soutient que la méthode de calcul utilisée par la Commission pour établir les prix à l'exportation, décrite au point 23 des considérants du règlement provisoire et confirmée par le Conseil aux points 15 à 21 des considérants du règlement litigieux, a produit un résultat qui est abusif, injuste et éloigné de la réalité. A cet égard, elle fait valoir, d'abord, que, en attribuant à la requérante 62 % des exportations à destination de la Communauté et 38 % aux autres exportateurs, les institutions communautaires se sont fondées sur une simple estimation. En réalité, sa part dans les exportations serait bien supérieure à 62 %, pourcentage qui est en lui-même déjà suffisant, d'après la requérante, pour que son activité soit considérée comme représentative. Ensuite, elle soutient que, en appliquant la marge de dumping la plus élevée constatée pour la requérante aux 38 % restants, la Commission l'a fortement et illégalement pénalisée pour sa coopération, la marge de dumping étant passée de la marge réelle pour la requérante de 11,5 % à un taux de 18,6 %. La requérante conclut, d'une part, que les institutions communautaires ont fabriqué des calculs de marges de dumping pour des transactions n'existant peut-être pas, et, d'autre part, qu'elles ont gonflé les marges de dumping des parties qui n'ont pas collaboré.
123 Le Conseil fait valoir que c'est à juste titre que la méthode des meilleures données disponibles , contenue dans l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base, a été utilisée pour le calcul de la marge de dumping en ce qui concerne les parties n'ayant pas collaboré à l'enquête.
124 Il soutient que, étant donné que la requérante n'a commencé à exporter à partir de la république populaire de Chine qu'à la fin de l'année 1990, après que d'autres producteurs avaient également délocalisé leurs installations de production en république populaire de Chine, les exportations de la requérante ne pouvaient pas être considérées comme représentatives de l'ensemble des exportations chinoises, et que, en outre, si les institutions avaient conclu qu'elles l'étaient, cela aurait récompensé la coopération limitée des producteurs chinois. Dans ces circonstances, les institutions communautaires auraient estimé qu'au lieu de se fonder exclusivement sur les données fournies par la requérante il était plus raisonnable de déterminer, sur la base de l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base, le prix à l'exportation des producteurs qui n'avaient pas coopéré à l'enquête, en identifiant les prix les plus bas auxquels la requérante vendait les albums de photographies des sous-catégories concernées. Il explique que, suivant une pratique courante dans les procédures antidumping, jamais jugée illégale par la Cour, on présume que les exportateurs n'ayant pas coopéré vendent à des prix inférieurs ou égaux aux prix les plus bas des exportateurs ayant coopéré. Cette approche viserait à encourager les exportateurs à participer dans leur propre intérêt aux procédures antidumping. La marge de dumping ainsi établie a, d'après le Conseil, été appliquée à 38 % des exportations, pour lesquelles on ne disposait pas d'information.
125 Le Conseil précise que les institutions communautaires se sont fondées dans toute la mesure du possible sur les chiffres précis, n'utilisant des estimations que lorsqu'elles ne disposaient pas de tels chiffres en raison de l'absence de coopération, à une exception près, de la part des exportateurs concernés. Il soutient que la requérante n'a pas été sanctionnée pour sa participation à l'enquête. Si la requérante n'avait pas collaboré à la procédure, la marge de dumping, pour toutes les importations, aurait été établie sur la base des meilleures données disponibles, donc probablement sur la base des données figurant dans la plainte. Cela aurait, d'après le Conseil, certainement conduit à l'institution d'un droit antidumping plus élevé.
Appréciation du Tribunal
126 En premier lieu, le Tribunal rappelle qu'il ressort de l'article 13, paragraphe 3, du règlement antidumping de base que le montant des droits antidumping ne peut dépasser la marge de dumping provisoirement estimée ou définitivement établie et qu'il devrait être moindre si ce droit moindre suffisait à faire disparaître le préjudice.
127 Il y a lieu de rappeler encore qu'il ressort du règlement provisoire (voir point 25 des considérants) et du règlement litigieux (voir point 23 des considérants) qu'une marge de dumping de 11,5 % a été calculée pour les exportations de la requérante. Ensuite, un droit antidumping définitif de 18,6 % a été imposé à toutes les exportations chinoises, sur la base d'une moyenne pondérée de la marge de dumping calculée pour les exportations de la requérante et de la marge de dumping calculée pour les autres exportations (voir point 48, ci-dessus).
128 A cet égard, le Tribunal constate que, à première vue, il pourrait paraître injuste d'imposer à la requérante, étant le seul exportateur à avoir coopéré à l'enquête, un droit antidumping plus élevé que la marge établie pour ses propres exportations. Toutefois, il ressort des conclusions du Tribunal relatives aux deux premiers moyens réunis, d'une part, que la politique contestée des institutions communautaires n'est pas contraire au texte, à l'objet et à l'esprit du règlement antidumping de base, et, d'autre part, que la requérante ne remplit pas les conditions nécessaires pour bénéficier d'un traitement individuel, et que, en conséquence, les institutions n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des faits. Il en résulte que c'est à bon droit que les institutions n'ont pas institué un droit antidumping de 11,5 % pour la requérante et un droit plus élevé pour les exportateurs n'ayant pas coopéré. En effet, une telle solution aurait signifié l'application d'un traitement individuel à la requérante.
129 Par ailleurs, instituer un droit antidumping de 11,5 % pour tous les exportateurs serait encourager la non-coopération des exportateurs qui savent que leurs prix à l'exportation sont très bas et que, par conséquent, les institutions communautaires risquent d'établir une marge de dumping très élevée. Ces exportateurs auraient donc tout intérêt à ne pas coopérer.
130 De plus, la politique contestée se base sur la présomption que, en règle générale, dans les pays à commerce d'État les exportateurs ne sont pas indépendants de l'influence de l'État et qu'un des buts de cette politique est d'éviter le contournement des droits antidumping. Il s'ensuit que, également pour cette raison, les institutions n'auraient pas pu instituer un droit antidumping de 11,5 % pour tous les exportateurs. Une telle solution pourrait offrir aux autorités d'un pays à commerce d'État, en cas d'ouverture d'une enquête antidumping, la possibilité d'ordonner à l'exportateur ayant les prix à l'exportation les plus élevés de coopérer avec les institutions communautaires et d'interdire aux autres exportateurs de le faire. Elles pourraient ainsi s'assurer qu'un droit antidumping égal à la marge de dumping établie pour l'exportateur ayant la marge la plus basse soit applicable à tous les exportateurs impliqués dans le dumping.
131 Au surplus, le Tribunal constate que, comme le Conseil l'a souligné à juste titre, bien que le droit antidumping institué soit plus élevé que la marge de dumping établie pour la requérante, cette dernière n'est pas sanctionnée pour sa participation à l'enquête. En effet, si elle n'avait pas coopéré, elle risquait de se voir appliquer un droit encore plus élevé, dans la mesure où les institutions auraient été contraintes de se baser, du moins en partie, sur les informations contenues dans la plainte, conformément à l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base, ce qui, normalement, n'est pas à l'avantage des exportateurs.
132 Enfin, le Tribunal relève qu'il résulte du point 95 des motifs du présent arrêt et de l'article 2, paragraphe 14, sous b), du règlement antidumping de base que les institutions communautaires ont la possibilité d'établir une moyenne pondérée des marges de dumping, et donc une marge de dumping unique, pour tout un pays.
133 Il résulte de ce qui précède que les institutions communautaires n'ont pas violé l'article 13, paragraphe 3, du règlement antidumping de base en instituant un droit antidumping plus élevé que la marge de dumping calculée pour la requérante, la marge de dumping établie étant celle résultant du calcul de la moyenne pondérée de la marge calculée pour la requérante et de celle calculée pour les autres exportateurs.
134 En deuxième lieu, le Tribunal constate que, en l'espèce, c'est à bon droit, conformément à l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base, que les institutions communautaires se sont basées sur les statistiques d'Eurostat et sur les informations fournies par la requérante, les seules autres informations disponibles étant celles contenues dans la plainte.
135 Le Tribunal relève ensuite que tant le calcul du prix à l'exportation des producteurs qui n'ont pas coopéré à l'enquête que le calcul de la marge de dumping unique sur la base des données disponibles supposent l'appréciation de situations économiques complexes. Or, le contrôle juridictionnel d'une telle appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir arrêts Nachi Fujikoshi/Conseil, précité, point 21, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, précité, point 63).
136 A cet égard, il ressort du règlement provisoire (voir point 23 des considérants) et du règlement litigieux (voir point 17 des considérants) que les informations fournies par la requérante ne portaient pas sur la totalité des exportations chinoises du produit considéré, à savoir les albums de photographies à reliure "livre" relevant du code NC 4820 50 00. Pour calculer la part des exportations qui était à attribuer aux exportateurs n'ayant pas fourni d'informations, les institutions communautaires, conformément à l'article 7, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base, se sont basées sur les statistiques d'Eurostat concernant les produits importés sous le code NC 4820 50 00, englobant tous types d'albums de photographies, ainsi que sur le volume exact des albums exportés par la requérante vers la Communauté. Elles ont estimé que 50 % du solde sous ce code NC étaient constitués d'albums de photographies à reliure "livre". Les institutions communautaires ont fondé cette estimation sur le fait que, depuis 1989, au moins trois fabricants d'albums de Hong-Kong avaient délocalisé leur production en république populaire de Chine et que la requérante était apparemment le principal exportateur de ce produit vers la Communauté. Il ressort du dossier que les exportations de la requérante représentaient 62 % des exportations totales du produit concerné et celles des autres exportateurs 38 %.
137 La requérante fait valoir que ce calcul n'est qu'une simple estimation, que les statistiques d'Eurostat englobaient également des types d'albums sortant du champ de l'enquête et que, de toute façon, les 62 % des exportations totales attribués à la requérante, un chiffre bien inférieur au chiffre réel, étaient suffisants pour qu'elle soit considérée comme représentative.
138 Cet argument ne saurait être retenu. Le Tribunal observe d'abord que la requérante s'est bornée à mettre en cause le calcul effectué par les institutions communautaires, sans fournir le moindre élément de preuve permettant d'établir qu'il est incorrect. En tout état de cause, les institutions communautaires se sont fondées sur les informations disponibles, et c'est justement pour exclure les types d'albums sortant du champ de l'enquête que les institutions ont estimé que seulement 50 % du solde des exportations était composé d'albums de photographies à reliure "livre". Quant à la représentativité des exportations de la requérante, étant donné que l'objet du règlement antidumping de base est de protéger la Communauté contre les importations faisant l'objet de dumping, les 38 % des exportations attribués aux autres exportateurs représentent une partie très importante de l'ensemble des exportations et requièrent un calcul séparé des prix à l'exportation et de la marge de dumping. Par ailleurs, comme l'a souligné le Conseil, considérer les exportations de la requérante comme représentatives de l'ensemble des exportations chinoises serait récompenser l'absence de coopération des autres exportateurs chinois.
139 Pour ce qui est de la méthode de calcul des prix à l'exportation des producteurs n'ayant pas coopéré à l'enquête, le Tribunal rappelle qu'il ressort des points 19 à 21 des considérants du règlement litigieux que les institutions communautaires ont tenu compte des sous-catégories d'albums de photographies vendues par la requérante et qu'elles se sont fondées sur les prix les plus bas auxquels la requérante vendait les albums de chaque sous-catégorie à l'intérieur de laquelle les ventes étaient considérées comme représentatives.
140 A cet égard, le Tribunal considère qu'il ne saurait être reproché aux institutions de s'être fondées sur les prix les plus bas de la requérante, toute autre solution ayant pour effet d'encourager la non-coopération des exportateurs. Le Tribunal note, par ailleurs, que dans le règlement litigieux la méthode de calcul est clairement décrite. Or, rien n'indique que ce calcul est erroné.
141 Il en découle que les institutions n'ont commis aucune erreur manifeste d'appréciation des faits, ni en calculant les prix et la part des exportations des producteurs n'ayant pas coopéré, ni en établissant la marge de dumping unique.
142 Il s'ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.
143 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le recours doit être, dans sa totalité, rejeté comme non fondé.
Sur les dépens
144 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et le Conseil ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le Conseil. Le paragraphe 4 de l'article 87 du règlement de procédure prévoit que les institutions intervenues au litige supportent leurs propres dépens; il y a lieu de décider que la Commission supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens du Conseil.
3) La Commission supportera ses propres dépens.