CCE, 26 novembre 1990, n° 3421-90
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Règlement
Imposant un droit antidumping provisoire sur les importations d'aspartame originaires du Japon et des Etats-Unis d'Amérique
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (1), et notamment son article 11, après consultations au sein du comité consultatif institué conformément au règlement, Considérant ce qui suit :
A. PROCEDURE
(1) La Commission a été saisie d'une plainte déposée par Holland Sweetener Company v.o.f. (ci-après " HSC "), seul producteur d'aspartame dans la Communauté. La plainte comportait des éléments de preuve selon lesquels ce produit originaire du Japon et des Etats-Unis d'Amérique faisait l'objet d'un dumping et qu'un préjudice important en résultait, ce qui a été jugé suffisant pour justifier l'ouverture d'une procédure.
(2) La Commission a par conséquent annoncé, dans un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (2), l'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations dans la Communauté d'aspartame, relevant du code NC ex 2924 29 90, originaires du Japon et des Etats-Unis d'Amérique, et elle a ouvert une enquête.
(3) La Commission en a avisé officiellement les exportateurs et importateurs notoirement concernés, les représentants des pays exportateurs et le plaignant, et elle a donné aux parties directement intéressées l'occasion de faire connaître par écrit leur point de vue et de demander une audition.
(4) Tous les exportateurs, quelques importateurs et le producteur communautaire ont fait connaître leur point de vue par écrit. De même, des observations ont été présentées par des associations représentant des consommateurs d'aspartame.
(5) L'enquête sur les pratiques de dumping a couvert la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1989.
(6) La Commission a recherché et vérifié toutes les informations qu'elle a estimées nécessaires aux fins d'une détermination préliminaire du dumping et elle a procédé à des enquêtes dans les locaux des sociétés suivantes :
a) producteur communautaire :
Holland Sweetener Company v.o.f ., Maastricht, Pays-Bas;
b) producteur/exportateur japonais :
Ajinomoto Co. Ltd, Tokyo, Japon;
c) producteur/exportateur américain :
NutraSweet Company Ltd, Deerfield, Etats-Unis d'Amérique;
d) importateur lié au producteur/exportateur japonais :
Deutsche Ajinomoto, GmbH, Hambourg, Allemagne.
(7) La Commission a demandé et reçu des renseignements détaillés présentés par écrit ou verbalement par le producteur communautaire, les exportateurs et plusieurs importateurs; elle a vérifié l'exactitude de ces informations dans les cas où elle l'a jugé nécessaire.
B. PRODUIT CONSIDERE
(8) L'aspartame est un édulcorant au goût semblable à celui du sucre mais d'une teneur moindre en calories.
(9) Ce produit est utilisé principalement par les industries des boissons non alcoolisées, des produits alimentaires et des produits laitiers. L'aspartame est également utilisé dans les comprimés et les poudres à faible teneur en calories utilisés pour sucrer le café ou le thé.
(10) Bien que l'aspartame soit produit dans le monde entier selon différents procédés, le résultat est uniforme et on ne constate aucune différence importante dans ses caractéristiques physiques ou chimiques.
(11) L'aspartame produit par l'exportateur américain était vendu à l'intérieur des Etats-Unis d'Amérique ainsi qu'à l'exportation vers la Communauté sous la marque commerciale " NutraSweet ". Le produit japonais était exporté vers la Communauté sous la même marque commerciale " NutraSweet " alors que pour les ventes intérieures la marque utilisée était " Pal ".
C. DUMPING
a) Les Etats-Unis d'Amérique
i) Valeur normale
(12) En vue d'établir si les ventes intérieures sont suffisamment représentatives pour déterminer la valeur normale, la Commission a établi que les ventes sur le marché intérieur américain, de loin le marché le plus important pour l'aspartame dans le monde, dépassaient les ventes à l'exportation vers la Communauté et représentaient par conséquent un volume suffisant pour constituer un marché viable et servir de base au calcul de la valeur normale.
(13) La Commission a également examiné la question de savoir si ces ventes étaient pratiquées au cours d'opérations commerciales normales. Elle a donc comparé le coût moyen à la production pendant la période de l'enquête avec les prix départ usine de toutes les ventes intérieures réalisées pendant cette même période. La comparaison a révélé que toutes les ventes intérieures ont été effectuées à un prix qui permettait la couverture de tous les coûts raisonnablement imputés pendant la période de l'enquête.
(14) Etant donné que les prix variaient, la Commission a calculé la valeur normale sur la base du prix moyen pondéré de l'ensemble des ventes intérieures, conformément à l'article 2 paragraphe 13 du règlement (CEE) n° 2423-88.
(15) L'exportateur américain et NutraSweet AG (ci-après " NSAG "), la société apparentée, ont fait valoir que des différences existaient au niveau de l'élasticité des prix de l'aspartame entre le marché américain et le marché communautaire car, aux Etats-Unis d'Amérique, les consommateurs sont davantage vigilants sur le plan de leur santé et préfèrent par conséquent utiliser l'aspartame. En outre, comme le marché de l'aspartame s'est développé plus tard en Europe qu'aux Etats-Unis d'Amérique, le produit est sans doute moins connu des consommateurs de la Communauté. Les prix intérieurs aux Etats-Unis d'Amérique ne peuvent pas, par conséquent, être valablement comparés et ne devraient donc pas servir au calcul de la valeur normale. La valeur normale devrait, par contre, être établie sur la base de la valeur construite.
(16) La Commission admet, en règle générale, une différence dans l'élasticité des prix entre le marché américain et le marché communautaire, faute de quoi il n'existerait aucune différence de prix. Cette différence dans l'élasticité des prix est d'ailleurs une condition préalable de la différenciation des prix et s'il fallait la compenser, le dumping ne pourrait jamais être sanctionné.
(17) L'exportateur a également fait valoir que, aux Etats-Unis d'Amérique, il vendait son produit breveté alors que, sur le marché communautaire, son brevet avait expiré. Il estimait donc qu'aucune mesure de protection ne se justifiait dès lors qu'elle était décidée en se fondant sur une valeur normale calculée à partir des prix sur les marchés intérieurs puisque ces prix n'étaient pas réellement comparables.
(18) La Commission ne considère pas cet argument justifié. Une différenciation préjudiciable des prix est condamnée tant par le droit communautaire que par le droit international, quelles qu'en soient les raisons. Le brevet aux Etats-Unis d'Amérique ne détermine pas en soi le niveau des prix sur le marché intérieur. Si l'exportateur exploite sa position de détenteur du brevet pour pratiquer des prix plus élevés sur son marché intérieur qu'à l'exportation, il doit supporter les conséquences de sa décision prise librement. Il n'y a aucune raison pour que la différenciation des prix, dans la mesure où elle aboutit à un préjudice important pour l'industrie de la Communauté, échappe à l'application de la réglementation antidumping.
(19) La Commission a en conséquence établi la valeur normale sur la base de la moyenne pondérée du prix intérieur, net de toute ristourne, conformément aux dispositions de l'article 2 paragraphe 3 point a) du règlement (CEE) n° 2423-88, c'est-à-dire sur la base du prix effectivement payé au cours d'opérations commerciales normales pour le produit similaire destiné à la consommation aux Etats-Unis d'Amérique.
ii) Prix à l'exportation
(20) Les prix à l'exportation ont été calculés sur la base des ventes réalisées directement par l'exportateur américain auprès de clients indépendants. Ces ventes, qui représentaient la majorité des exportations américaines vers la Communauté, étaient destinées soit à des clients dans la Communauté, soit à des clients aux Etats-Unis d'Amérique, qui se chargeaient de les exporter ultérieurement vers la Communauté. Les prix à l'exportation ont, donc, été calculés sur la base du prix effectivement payé ou payable pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté conformément aux dispositions de l'article 2 paragraphe 8 point a) du règlement (CEE) n° 2423-88.
(21) L'exportateur a fait valoir que certaines de ses ventes, réalisées aux Etats-Unis d'Amérique puis ultérieurement exportées vers la Communauté, ne devraient pas être considérées comme des ventes à l'exportation.
(22) La Commission n'a pas jugé que ces ventes devaient être exclues des exportations vers la Communauté puisque le producteur était justement au courant de la destination finale du produit. Ces ventes ont, par conséquent, été incluses dans le volume total des ventes à l'exportation vers la Communauté.
(23) Le producteur américain a également exporté vers la Communauté par le biais de NSAG, une société apparentée implantée en Suisse. La Commission n'a pas tenu compte des prix de vente à l'exportation de l'aspartame vendu par le biais de NSAG pour la détermination préliminaire du dumping.
Leur inclusion n'aurait, de toute façon, pas eu de répercussion sur le niveau du droit provisoire (voir considérant (66)).
b) Japon
(24) Au cours de l'enquête sur place au Japon, l'exportateur japonais n'a pas fourni l'information requise par la Commission et jugée nécessaire pour le calcul de la valeur normale. La Commission n'a, en particulier, pas pu vérifier les ventes de la société sur le marché intérieur. L'information que la société a fournie a seulement permis de vérifier moins d'1 % des ventes sur le marché intérieur. La Commission n'a pas pu non plus vérifier les coûts de production car la société a refusé de fournir les preuves relatives à une partie non négligeable de la période d'enquête.
(25) La Commission a conclu, par conséquent, que la société en question, malgré les demandes spécifiques qu'elle lui avait présentées avant l'enquête, lui a refusé l'accès à des informations essentielles et a sensiblement entravé l'enquête. Ce comportement justifie donc l'utilisation de l'information disponible, conformément aux dispositions de l'article 7 paragraphe 7 point b) du règlement (CEE) n° 2423-88.
(26) Toutes les exportations d'Ajinomoto vers la Communauté se sont faites par l'intermédiaire de NSAG en Suisse. La Commission a proposé à la société et au pays en question, conformément à l'article 7 paragraphe 2 point b) du règlement (CEE) n° 2423-88, d'effectuer une enquête sur place dans les locaux de ladite société. Les autorités suisses ont toutefois soulevé des objections à la proposition de la Commission et aucune enquête sur place n'a pu par conséquent être effectuée dans les locaux de la société.
(27) Au vu du refus de l'exportateur de fournir l'information nécessaire et compte tenu du fait qu'il était impossible de vérifier les prix à l'exportation, la Commission a décidé qu'il était raisonnable d'appliquer ses conclusions concernant les pratiques de dumping de l'exportateur américain à l'exportateur japonais, à titre d'information la plus fiable dont dispose la Commission.
D. COMPARAISON
(28) En vue de comparer équitablement la valeur normale et les prix à l'exportation, il a été dûment tenu compte, par un jeu d'ajustements, des différences affectant la comparabilité des prix, tant pour les prix à l'exportation que pour la valeur normale, conformément aux dispositions de l'article 2 paragraphes 9 et 10 du règlement (CEE) n° 2423-88.
(29) A cet égard, la Commission a accepté des abattements au titre des salaires des vendeurs, des frais de transport, d'assurance, de manutention, de stockage, des conditions de crédit et des commissions.
E. MARGE DE DUMPING
(30) La valeur normale a été comparée aux prix à l'exportation, transaction par transaction. L'examen préliminaire des faits montre l'existence de pratiques de dumping pour l'aspartame originaire des Etats-Unis d'Amérique, la marge de dumping correspondant à la différence entre la valeur normale calculée et le prix à l'exportation vers la Communauté.
(31) La marge moyenne pondérée de dumping excédait les 100 %.
(32) Pour les raisons exposées aux considérants (24) à (27), la même marge de dumping est appliquée à l'exportateur japonais.
F. PREJUDICE
I) Le marché communautaire de l'aspartame
(33) Les exportateurs américains et japonais ont bénéficié jusqu'en 1986-1987 de la protection de leur brevet dans la Communauté et ont été jusqu'alors les seuls fournisseurs du marché communautaire. Lorsque la validité des brevets a expiré, la société HSC a commencé à produire. Ces trois sociétés représentent aujourd'hui pratiquement 100
% des ventes et de la consommation dans la Communauté.
(34) Sur cette base, la Commission a établi que le marché communautaire a augmenté de (...) kilogrammes en 1986 à (...) kilogrammes en 1989, soit une augmentation de 215 % (3).
II) Volume et part de marché des importations ayant fait l'objet d'un dumping
(35) L'exportateur américain a fait valoir que les exportations d'aspartame d'origine américaine et japonaise vers la Communauté ne devraient pas être cumulées puisque les exportations américaines représentaient moins de (...) du total des ventes d'aspartame par NutraSweet AG dans la Communauté et qu'elles étaient, par conséquent, trop réduites pour causer un préjudice à l'industrie communautaire.
(36) Quelle que soit l'exactitude de ce chiffre _ il ne correspond pas aux conclusions de l'enquête _ la Commission estime que les importations tant du Japon que des Etats-Unis d'Amérique devraient être considérées globalement plutôt qu'individuellement comme le suggère l'exportateur américain. Dans les deux cas, le produit importé est identique et vendu sous la même marque commerciale, et dans des conditions similaires. Des quantités significatives du produit en cause sont importées par la même société parente NSAG, une joint venture des deux exportateurs, créée dans l'unique but de vendre le produit, tant d'origine japonaise qu'américaine, sous la même marque dans la Communauté. Les importations d'origine japonaise et américaine peuvent facilement se substituer les unes aux autres sur le marché communautaire. Dans ces conditions, le cumul paraît se justifier même si les ventes d'aspartame originaire des Etats-Unis d'Amérique ont été relativement limitées pendant la période d'enquête.
(37) Même si avec l'apparition de HSC sur le marché communautaire les importations américaines et japonaises ont perdu des parts de marché en chutant de (...) en 1986 à (...) pendant la période d'enquête, les importations d'aspartame des Etats-Unis d'Amérique et du Japon ont augmenté en termes absolus de (...) kilogrammes en 1986 à (...) kilogrammes en 1987, (...) en 1988 et (...) kilogrammes pendant la période de l'enquête.
III) Volume et part de marché du producteur communautaire
(38) Les ventes du producteur communautaire dans la Communauté ont augmenté de (...) kilogrammes en 1987 à (...) kilogrammes en 1988 et de (...) kilogrammes pendant la période de l'enquête. La part du producteur communautaire sur le marché communautaire est passée de (...) en 1987 à (...) en 1988 et à (...) en 1989.
IV) Prix
(39) En ce qui concerne l'évolution des prix japonais et américains de l'aspartame, il a été constaté que ces prix, déjà très inférieurs aux prix du producteur communautaire en 1988, avaient encore baissé, malgré cet écart de 23,8 % entre 1988 et la période de l'enquête, à des niveaux qui ne les rendaient plus rentables.
(40) En ce qui concerne le producteur communautaire, il a été constaté que ses prix ont chuté de 7,6 % entre 1988 et la période d'enquête. Malgré cette baisse, il y a eu une sous-cotation des prix des produits américains et japonais par rapport aux prix du producteur communautaire, dont la marge moyenne s'est établie à 6 % pendant la période de l'enquête. Du fait de cette situation, le producteur communautaire n'a pas pu atteindre l'équilibre, ni même garantir une rentabilité à son activité.
V) Conclusions
(41) La Commission a tenu compte des facteurs suivants pour déterminer si l'industrie communautaire concernée a subi un préjudice matériel :
_ le producteur communautaire a commencé à vendre l'aspartame en 1988 et a réussi à gagner une petite part du marché communautaire, qui est encore détenu dans sa quasi-totalité par les exportateurs américains et japonais. Au cours de ses premières années de production, le producteur de la Communauté n'a pas seulement dû faire face aux coûts escomptés et aux problèmes qu'implique la mise en route d'une installation de production, mais également à une chute brutale des prix de ses concurrents américains et japonais qui continuaient à détenir la plus grande part du marché communautaire,
_ la baisse des prix s'est traduite par des pertes considérables pour l'industrie communautaire, qui l'ont empêchée d'augmenter l'exploitation de ses capacités de production, ce qui lui aurait permis de tirer profit d'une économie d'échelle. A la fin de la période d'enquête, les pertes avaient atteint une ampleur telle qu'elles menaçaient directement la viabilité de l'industrie.
(42) Les facteurs susmentionnés ont amené la Commission à conclure que, aux fins de son examen préliminaire, l'industrie communautaire avait subi un préjudice important au sens de l'article 4 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 2423-88.
(43) NSAG a fait valoir que l'industrie communautaire ne pouvait pas avoir subi un préjudice important puisque sa part de marché avait augmenté et que ses perspectives commerciales futures étaient favorables à partir du moment où, en 1993, le marché américain serait ouvert à d'autres fournisseurs, dont le plaignant.
(44) La Commission considère que l'augmentation de la part de marché du producteur communautaire est la conséquence nécessaire de son apparition sur le marché qui, avant 1987, était totalement aux mains de NSAG. L'acquisition d'une part de marché encore relativement réduite doit être considérée en regard des pertes considérables que le producteur communautaire a subies après la chute des prix de l'aspartame. La menace que cette situation fait peser sur la poursuite de son activité commerciale ne peut, en aucun cas, être niée en invoquant d'éventuelles perspectives positives de ses activités commerciales à moyen terme sur le marché américain.
G. CAUSES
(45) En cherchant à déterminer dans quelle mesure le préjudice important subi par l'industrie communautaire de l'aspartame était dû aux pratiques de dumping susmentionnées, la Commission a constaté que l'abaissement des prix à l'exportation de NSAG a coïncidé avec l'apparition du plaignant sur le marché communautaire. La chute des prix a exercé une pression constante à la baisse sur les prix de l'aspartame dans la Communauté, alors que, dans le même temps, le volume des exportations américaines et japonaises a considérablement augmenté. Le producteur communautaire a, de ce fait, été contraint de vendre à des prix inférieurs à son prix de revient; par voie de conséquence, il n'a pu développer de manière adéquate l'exploitation de ses capacités de production, ce qui a augmenté ses coûts de production en même temps qu'il subissait des pertes considérables.
(46) NSAG a fait valoir que la baisse des prix dans la Communauté n'a pas été liée à l'apparition du plaignant sur le marché, mais qu'elle avait été provoquée par les forces du marché. Plus précisément, la baisse des prix de l'aspartame était, à leur avis, due à l'évolution des prix des autres édulcorants.
(47) La Commission pense que, même s'il y a eu concurrence entre l'aspartame et d'autres édulcorants, cette concurrence entre produits existait également sur le marché américain, quoique, il est vrai à une moindre échelle du fait du comportement différent des consommateurs. Or, les prix de l'aspartame sont restés stables aux Etats-Unis d'Amérique. Vu l'évolution du marché de l'aspartame communautaire, qui s'est développé considérablement, la Commission pense qu'aucune raison évidente ne justifie que NSAG, qui même après 1987 est resté de loin le fournisseur le plus important d'aspartame sur le marché de la Communauté, baisse ses prix à des niveaux qui ne couvriraient plus les coûts.
(48) NSAG a également expliqué que les pertes subies par le producteur communautaire étaient normales et conformes à celles que l'on peut attendre pendant les quatre premières années de la production d'un produit tel que l'aspartame. Ils ont également souligné que des difficultés apparues dans le procédé de production de l'aspartame communautaire étaient responsables du coût élevé du lancement et des retards et que ces coûts, à leur avis, devaient être supportés par les actionnaires de HSC.
(49) La Commission reconnaît que le producteur communautaire a eu à faire face à des coûts de lancement considérables. Il n'en demeure pas moins que le producteur communautaire n'a pas seulement été confronté aux difficultés habituelles que rencontre une nouvelle industrie lorsqu'elle lance une nouvelle production, mais également à une dépression des prix substantielle causée par le leader du marché de l'aspartame. La décision de baisser les prix jusqu'à un niveau équivalent à des pertes est de la responsabilité évidente de NSAG et des exportateurs américains et japonais, et les répercussions de cette politique de prix ne peuvent pas être attribuées aux difficultés qu'a rencontrées HSC avec son procédé de production.
(50) A part les importations ayant fait l'objet d'un dumping, l'enquête n'a pas révélé d'autres facteurs ayant causé un préjudice important à l'industrie communautaire. Pris séparément, les effets des importations en dumping sont à considérer comme la cause d'un préjudice important infligé à l'industrie communautaire.
H. INTERET DE LA COMMUNAUTE
I) Considérations générales
(51) Les droits antidumping ont pour but d'éliminer les pratiques de dumping préjudiciables à une industrie de la Communauté et de rétablir des conditions de concurrence loyale sur le marché communautaire. De telles mesures sont d'autant plus nécessaires que des pratiques commerciales déloyales menacent l'existence même de l'industrie communautaire. Ne laisser en fait qu'un seul fournisseur sur le marché communautaire n'est pas dans l'intérêt général de la Communauté.
(52) L'imposition de droits antidumping fera monter le prix de l'aspartame dans la Communauté mais seulement dans la proportion nécessaire à l'élimination du préjudice en cause. La demande d'aspartame dans la Communauté dépasse largement la capacité de production communautaire actuelle. Les demandes d'importation de pays tiers ne cesseront donc pas. C'est pourquoi il ne faut pas espérer que le rétablissement de conditions de marché équitables aboutira à la disparition de la concurrence étrangère sur le marché.
(53) L'exportateur américain a fait valoir que l'imposition de mesures antidumping correspondrait à une négation de sa position en tant que premier détenteur du brevet; il estime que la reconnaissance de ce brevet est un principe d'ordre public.
(54) La Commission souligne que l'exportateur américain a pu profiter pleinement de la protection de son brevet dans la Communauté jusqu'à la date de son expiration entre 1986 et 1988. L'exportateur américain, aux côtés de l'exportateur japonais avec lequel il coopère, avait détenu jusqu'à ce moment-là 100 % des parts d'un marché en expansion, ce qui lui permettait d'obtenir une compensation des efforts financiers et intellectuels qui avaient été nécessaires pour l'invention du produit et sa commercialisation. Il est normal, sinon souhaitable, qu'à l'expiration de la validité d'un brevet la concurrence apparaisse sur le marché qui était antérieurement protégé. Protéger une concurrence aussi légitime des effets du dumping, même s'il est le fait du détenteur antérieur du brevet, n'est certainement pas contraire aux objectifs de l'ordre public.
II) Intérêts de l'industrie communautaire
(55) Les pertes considérables subies par le producteur communautaire ont amené la Commission à la conclusion que la viabilité de l'industrie est menacée si des mesures ne sont pas prises pour la protéger contre les effets des importations faisant l'objet de dumping. La cessation de la production communautaire rendrait, d'une part, le marché de la Communauté totalement dépendant des importations des Etats-Unis d'Amérique et du Japon et, d'autre part, entraînerait la perte de plusieurs centaines d'emplois. La Commission considère donc qu'il est indispensable et dans l'intérêt de l'industrie communautaire d'imposer des mesures de protection face aux importations d'aspartame.
III) Intérêts des autres parties
(56) La Commission a reçu un certain nombre d'observations d'utilisateurs finaux d'aspartame dans la Communauté, qui sont essentiellement des producteurs de boissons basses calories ou d'autres produits alimentaires basses calories. Les utilisateurs finaux ont fait valoir que l'imposition d'un droit sur les importations d'aspartame augmenterait leurs coûts, aurait pour effet de faire disparaître la concurrence et ralentirait la croissance espérée du marché de l'aspartame.
(57) La Commission n'a pas reçu de preuve sérieuse démontrant que les coûts vont augmenter pour les utilisateurs finaux et qu'une augmentation éventuelle du prix de l'aspartame aurait une incidence sur le prix de leurs produits.
(58) La Commission considère que la disparition du seul producteur communautaire n'est pas dans l'intérêt des utilisateurs finaux puisqu'elle aurait pour effet de restreindre la concurrence à une seule source réelle d'approvisionnement, une grande partie des exportations du Japon et des Etats-Unis d'Amérique se faisant par l'intermédiaire de leur entreprise mixte (joint venture) implantée en Suisse.
(59) A partir du moment où des conditions de commerce loyales seront garanties, les prix seront susceptibles d'augmenter bien qu'ils resteront sans doute bien inférieurs aux prix applicables aux Etats-Unis d'Amérique. A cet égard, il convient de souligner que le niveau des prix de l'aspartame aux Etats-Unis d'Amérique n'a pas empêché le marché américain de ce produit de s'accroître de manière impressionnante.
(60) La Commission estime, par conséquent, que l'intérêt des utilisateurs finaux ne sera pas affecté de façon négative et qu'au contraire, à plus long terme, ils seront plutôt mieux servis par des mesures de protection qui contribueront à maintenir les prix à des niveaux compétitifs sans créer d'obstacles à la croissance continue du marché de l'aspartame.
IV) Conclusion
(61) Ayant examiné les arguments des exportateurs, la Commission conclut qu'il est dans l'intérêt général de la Communauté d'éliminer les effets préjudiciables des importations faisant l'objet d'un dumping et que les avantages de telles mesures de protection l'emportent largement sur les effets à court terme, notamment sur les prix.
I. DROIT
(62) En vue d'éliminer le préjudice subi par l'industrie communautaire et de garantir sa survie, il est indispensable que les mesures prises permettent à cette industrie de réaliser un bénéfice normal, que les importations à des prix de dumping ont rendu impossible.
(63) En conséquence, il est essentiel que les droits provisoires à instituer couvrent la différence entre les prix japonais et américains de l'aspartame et le prix minimum nécessaire pour permettre à l'industrie communautaire de couvrir ses coûts et de réaliser une marge bénéficiaire raisonnable.
(64) L'industrie communautaire a fait valoir qu'une marge bénéficiaire raisonnable pour une industrie qui est considérée comme débutante devrait équivaloir à un rendement de 25 % des capitaux investis. Elle a attiré l'attention sur le fait que ce taux de 25 % est utilisé comme norme par DSM Chemicals BV, l'un des principaux actionnaires de HSC et que Monsanto, la société propriétaire de NutraSweet, considère que l'objectif général d'une société doit être d'atteindre un rendement de 20 % de ses actions.
(65) La Commission admet qu'une marge bénéficiaire raisonnable doit inclure un élément de rentabilité des capitaux investis et de rendement des actions. Elle doute toutefois que les chiffres avancés constituent un repère approprié dans la situation spécifique dans laquelle travaille le producteur communautaire. Compte tenu de ces circonstances, la Commission considère que, aux fins de la détermination provisoire, un rendement annuel adéquat, permettant un développement équilibré à long terme, doit atteindre 8 % du chiffre d'affaires avant impôt. Sur cette base, la Commission a calculé un prix de référence avec lequel elle a comparé le prix moyen pondéré à l'importation.
(66) Pour le calcul du niveau du droit, les écarts ainsi établis ont été exprimés écus par kilogramme d'aspartame. Ce calcul a permis de fixer les droits antidumping provisoires suivants qui sont destinés à éliminer le préjudice subi :
Ajinomoto Co. Ltd : 29,95 écus par kilogramme,
NutraSweet Co. Ltd : 27,55 écus par kilogramme.
(67) Les marges de dumping constatées pour l'ensemble des exportateurs visés excédant le niveau de préjudice, les droits susmentionnés seront appliqués conformément aux dispositions de l'article 13 paragraphe 3 du règlement (CEE) n° 2423-88.
(68) Quant aux sociétés qui ne se sont pas fait connaître, la Commission a jugé opportun de leur imposer le même droit, soit 29,95 écus par kilogramme pour l'aspartame originaire du Japon et 27,55 écus par kilogramme pour l'aspartame originaire des Etats-Unis d'Amérique.
(69) En effet, estimer que les droits applicables à ces producteurs/exportateurs soient inférieurs aux droits antidumping fixés équivaudrait à récompenser l'absence de coopération.
(70) Il convient de fixer un délai dans lequel les parties intéressées peuvent faire connaître leur point de vue et demander une audition. Il convient de préciser, en outre, que toutes les constatations faites aux fins du présent règlement sont provisoires et peuvent être révisées en vue du calcul d'un droit définitif à proposer par la Commission,
A arrête le présent règlement :
Article premier
1. Il est imposé un droit antidumping provisoire de 27,55 écus par kilogramme (poids net) sur les importations d'aspartame relevant du code NC ex 2924 29 90 (position Taric : 2924 29 90*50) originaire des Etats-Unis d'Amérique.
2. Il est imposé un droit antidumping provisoire de 29,95 écus par kilogramme (poids net) sur les importations d'aspartame relevant du code NC ex 2924 29 90 (position Taric : 2924 29 90*50) originaire du Japon.
3. Les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables.
4. La mise en libre pratique dans la Communauté des produits mentionnés aux paragraphes 1 et 2 est subordonnée à la constitution d'une garantie équivalente au montant du droit provisoire.
Article 2
Sans préjudice des dispositions de l'article 7 paragraphe 4 point b) du règlement (CEE) n° 2423-88, les parties intéressées peuvent faire connaître leur point de vue par écrit et demander une audition à la Commission dans un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement.
Article 3
Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
Sous réserve des dispositions des articles 11, 12 et 13 du règlement (CEE) n° 2423-88, l'article 1er du présent règlement est applicable pour une période de quatre mois, à moins que le Conseil n'adopte des mesures définitives avant cette échéance.
Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre.
Notes
(1) JO n° L 209 du 2. 8. 1988, p. 1.
(2) JO n° C 52 du 3. 3. 1990, p. 12.
(3) Certains chiffres ont délibérément été omis dans la version publiée du présent règlement, conformément aux dispositions de l'article 8 du règlement (CEE) n° 2423-88, qui porte sur la non-divulgation des secrets des affaires.