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Décisions

CJCE, 24 mars 1992, n° C-381/89

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndesmos Melon tis Eleftheras Evangelikis Ekklisias, VASKO AE, Sotiropoulos

Défendeur :

État hellénique, Organismos Anasygkrotiseos Epicheiriseon AE, Elliniki Parketoviomichania Afoi Sotiropouloi AE, Ethniki Trapeza tis Ellados AE, Geniki Trapeza tis Ellados AE, Emporiki Trapeza tis Ellados AE, Elliniki Trapeza Viomichanikis Anaptyxeos AE, Ethniki Trapeza Ependyseon Viomichanikis Anaptyxeos AE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

MM. Joliet, Kapteyn

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

MM. Mancini, Kakouris, Rodríguez Iglesias, Díez de Velasco

Avocats :

Mes Anastasopoulos, Georgakopoulos, Voridis, Deligianni, Stratigis, Papanikolaou, Tsouderos, Felios, Karagiannis

CJCE n° C-381/89

24 mars 1992

LA COUR,

1 Par jugement du 2 octobre 1989, parvenu à la Cour le 21 décembre suivant, le Polymeles Protodikeio, Athinas, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 25 et 29 de la deuxième directive 77-91-CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58, deuxième alinéa, du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO L 26, p. 1, ci-après "deuxième directive").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant certains actionnaires de la société Elliniki Parketoviomichania Afoi Sotiropouloi AE (ci-après "EPAS") à l'État hellénique, à l'Organismos Anasygkrotiseos Epicheiriseon AE (organisme pour la restructuration des entreprises, ci-après "OAE"), à EPAS et à plusieurs banques. Ce litige porte sur les augmentations du capital social de EPAS réalisées dans le cadre du régime prévu par la loi hellénique n° 1386, du 5 août 1983 (Journal officiel de la République hellénique A, 107, du 8.8.1983, p. 14), et auquel EPAS a été soumise par décision du ministre de l'Économie nationale du 26 novembre 1984 (arrêté ministériel n° 1406, Journal officiel de la République hellénique B, 839, du 27.11.1984, p. 7697).

3 L'OAE est un organisme du secteur public institué par la loi n° 1386-1983. Il a la forme d'une société anonyme et agit dans l'intérêt commun sous le contrôle de l'État. Selon l'article 2, paragraphe 2, de la loi, l'OAE a pour objet de contribuer au développement économique et social du pays par l'assainissement financier des entreprises, l'importation et l'application du savoir-faire étranger, le développement du savoir-faire national, ainsi que la création et l'exploitation d'entreprises nationalisées ou d'économie mixte.

4 L'article 2, paragraphe 3, de la loi n° 1386-1983 donne une énumération des pouvoirs accordés à l'OAE pour la réalisation de ces objectifs. Il peut ainsi reprendre l'administration et la gestion courante d'entreprises en cours d'assainissement ou nationalisées, prendre des participations dans le capital d'entreprises, accorder des prêts et émettre ou contracter certains emprunts, acquérir des obligations, ainsi que transférer des actions en particulier aux travailleurs ou à leurs organisations représentatives, aux collectivités locales ou à d'autres personnes morales de droit public, aux institutions de bienfaisance, aux organisations sociales ou aux particuliers.

5 Selon l'article 5, paragraphe 1, de la loi n° 1386-1983, le ministre de l'Économie nationale peut décider de soumettre au régime de la loi les entreprises qui connaissent des difficultés financières graves.

6 Selon l'article 7 de la loi n° 1386-1983, le ministre compétent peut décider de transférer à l'OAE l'administration de l'entreprise soumise au régime de la loi précitée, d'aménager ses dettes d'une manière qui assure sa viabilité ou de procéder à sa liquidation.

7 L'article 8 de la loi n° 1386-1983 contient les dispositions relatives au transfert de l'administration de l'entreprise à l'OAE. L'article 8, paragraphe 1, tel que modifié par la loi n° 1472-1984 (Journal officiel de la République hellénique A, 112, du 6.8.1984, p. 1273), détermine les modalités du transfert et règle les relations entre les personnes chargées de l'administration, nommées par l'OAE et les organes de l'entreprise. Il est ainsi prévu que la publication de la décision ministérielle de soumettre l'entreprise au régime de la loi met fin aux pouvoirs des organes administratifs de l'entreprise et que l'assemblée générale subsiste, mais qu'elle ne peut révoquer les membres de l'administration nommés par l'OAE.

8 L'article 8, paragraphe 8, de la loi n° 1386-1983 prévoit que l'OAE peut décider, pendant son administration provisoire de la société concernée, d'augmenter le capital social de cette société, par dérogation aux dispositions en vigueur en matière de sociétés anonymes. L'augmentation doit être approuvée par le ministre compétent. Les anciens actionnaires conservent leur droit préférentiel, qu'ils peuvent exercer dans un délai fixé dans la décision d'approbation ministérielle.

9 L'article 10 de la loi n° 1386-1983 a également trait à l'augmentation du capital social. Les mesures de l'article 10, contrairement à celles envisagées à l'article 8, paragraphe 8, ne s'insèrent pas dans le cadre de l'administration provisoire de l'OAE. L'augmentation prévue à l'article 10 est une mesure d'assainissement définitive.

10 Selon cet article, le ministre compétent peut, dans les cas visés aux articles 7 et 8, paragraphe 5, de la loi, décider d'augmenter le capital social ou de capitaliser les dettes de l'entreprise à l'égard de l'État ou d'autres organismes et entreprises publiques. L'article 10 ne confère pas aux anciens actionnaires un droit préférentiel sur les nouvelles actions.

11 Suite à l'arrêté ministériel n° 1406, du 26 novembre 1984, précité, soumettant, à sa demande, l'EPAS au régime prévu par la loi n° 1386-1983, l'OAE a assumé l'administration de cette société et a décidé, le 26 mars 1986, d'augmenter son capital d'un montant de 650 millions de DR. Cette décision a été approuvée, conformément à l'article 8, paragraphe 8, de la loi n° 1386-1983, par le secrétaire d'État à l'Industrie, à l'Énergie et à la Technologie dans son arrêté n° 98 du 28 mars 1986 (Journal officiel de la République hellénique B, 143, du 3.4.1986, p. 1615).

12 Selon cet arrêté, les anciens actionnaires avaient un droit préférentiel illimité, qu'ils devaient exercer au moyen d'une déclaration écrite dans un délai de un mois suivant la publication de l'arrêté au Journal officiel de la République hellénique. Aucun actionnaire n'ayant utilisé cette possibilité, l'OAE s'est porté acquéreur des nouvelles actions, de sorte qu'il possédait 68,64 % du capital social s'élevant à 947 000 000 DR.

13 Vers la fin de 1986, à la suite de négociations intervenues entre les créanciers, l'OAE, et les autres actionnaires de l'EPAS, il a été décidé de maintenir en vie la société et de mettre fin à l'administration provisoire ainsi qu'à la suspension du paiement de ses dettes. L'accord, approuvé par le secrétaire d'État à l'Industrie, à l'Énergie et à la Technologie dans son arrêté n° 15, du 9 janvier 1987 (Journal officiel de la République hellénique B, 25, du 16.1.1987, p. 210), prévoyait une réduction du capital de la société de 947 000 000 DR au minimum obligatoire de 5 000 000 DR, suivi d'une augmentation destinée à le porter à 6 062 660 000 DR.

14 Cette augmentation a été imposée par le ministre compétent, conformément à l'article 10, paragraphe 1, de la loi n° 1386-1983, et s'est effectuée par une capitalisation d'une partie des dettes de l'EPAS à l'égard de l'État hellénique et des banques, de l'entreprise publique d'électricité et de certaines caisses de sécurité sociale, ainsi que par l'apport de nouveaux fonds par l'OAE. Le nouveau capital social a été réparti entre les banques et l'OAE, qui détiennent ainsi la majorité des actions.

15 Les demandeurs dans le litige au principal, qui ne détiennent plus qu'une participation minime dans l'EPAS, ont attaqué, devant le Polymeles Protodikeio, Athinas, les augmentations de capital de l'EPAS susvisées ainsi que la répartition des actions entre les banques et l'OAE. Ils estiment notamment que ces augmentations sont contraires à la deuxième directive.

16 C'est dans ces conditions que le Polymeles Protodikeio a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1) La deuxième directive communautaire en matière de droit des sociétés (77-91-CEE du 13 décembre 1976) et plus spécialement ses dispositions relatives au maintien et à la modification du capital des sociétés anonymes (articles 25 à 29 inclus) sont-elles d'application directe sur le territoire hellénique à partir du 1er janvier 1981, en ce sens que les juridictions helléniques sont tenues d'appliquer les dispositions en question aux litiges dont elles sont saisies ?

2) Les dispositions susvisées prévalent-elles contre les dispositions contraires de la loi n° 1386-1983, qui dérogent aux autres dispositions du droit hellénique réglant des questions correspondantes dans le cadre des sociétés anonymes, étant donné que la loi en question, qui a créé la deuxième partie défenderesse, l''Organismos Anasygkrotisis Epicheiriseon', organisme d'intérêt public sous contrôle de l'État, a été mise en vigueur à dater du 8 août 1983, principalement dans un but d'assainissement économique des entreprises ?"

17 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, de la réglementation applicable ainsi que des observations présentées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

18 Il y a lieu d'observer à titre liminaire que certains arguments présentés à la Cour par les parties au principal concernent des problèmes qui ne sont pas englobés dans les questions préjudicielles précitées. Il s'agit notamment des questions de savoir si les justiciables, invoquant devant le juge national des droits fondés sur une disposition de droit communautaire, sont soumis à un principe général de droit selon lequel les justiciables doivent avoir un intérêt légitime à invoquer une disposition de droit, sous peine que leur demande constitue un détournement ou un abus de droit, et si la Communauté est compétente pour légiférer en matière de droit de la faillite et d'autres procédures collectives de satisfaction des créanciers.

19 A cet égard, il convient de souligner que, selon la répartition des compétences opérée par l'article 177 dans le cadre de la procédure préjudicielle, il appartient à la seule juridiction nationale d'apprécier la pertinence de tels arguments et, le cas échéant, de saisir à nouveau la Cour si elle estime nécessaire d'obtenir des éléments supplémentaires d'interprétation du droit communautaire en vue de rendre son jugement (voir, notamment, arrêt du 3 octobre 1985, CBEM, point 10, 311-84, Rec. p. 3261). Il n'y a donc pas lieu pour la Cour d'examiner les arguments susvisés.

20 Il y a lieu d'observer ensuite que, par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si les dispositions de la deuxième directive s'opposent à des augmentations de capital d'une société qui ont été réalisées sous le régime d'une loi visant à permettre l'assainissement économique des entreprises, sans que l'assemblée générale les ait autorisées et sans qu'un droit préférentiel ait été offert aux anciens actionnaires.

21 A cet égard, elle demande en premier lieu si les articles 25, paragraphe 1, et 29, paragraphe 1, de cette directive produisent un effet direct. Ensuite, elle pose la question de savoir si ces dispositions prévalent contre une loi de restructuration et d'assainissement d'entreprises, telle que la loi n° 1386-1983.

22 Il ressort du jugement de renvoi que cette seconde question ne vise pas le principe de la primauté du droit communautaire en tant que tel. En effet, la juridiction de renvoi observe que le droit communautaire primaire et dérivé fait partie intégrante du droit national hellénique et prévaut contre toute disposition légale contraire. Par sa seconde question, elle cherche plutôt à savoir si les dispositions de la directive s'appliquent dans un cas comme celui de l'espèce au principal, où il s'agit de l'assainissement économique d'une entreprise par un organisme d'intérêt public, tel que l'OAE.

23 Il y a lieu de répondre à cette dernière question en premier lieu. En effet, s'il s'avère que la directive ne s'applique pas à une procédure spéciale d'assainissement d'entreprises, du type de celle qui est en cause dans le litige au principal, le problème visé par la première question préjudicielle, à savoir l'effet direct des articles 25, paragraphe 1, et 29, paragraphe 1, ne se posera plus.

Sur le champ d'application de la deuxième directive

24 Dans leurs observations devant la Cour, les parties défenderesses au principal ont fait valoir que la deuxième directive ne s'applique pas à des mesures publiques, telles que celles prévues par la loi n° 1386-1983, concernant l'assainissement ou la liquidation d'entreprises.

25 Il y a lieu d'examiner en premier lieu les arguments avancés par l'OAE. Celui-ci estime que la deuxième directive ne s'applique pas dans le cas d'espèce au principal, parce qu'elle concerne un autre domaine du droit que celui régi par la loi n° 1386-1983. Il fait valoir notamment que la deuxième directive relève du droit des sociétés, tandis qu'une réglementation nationale, telle que celle prévue par la loi n° 1386-1983, relève du droit de l'assainissement et du redressement des entreprises et s'apparente aux procédures collectives de satisfaction des créanciers telle la faillite. L'OAE précise à cet égard qu'une telle réglementation n'a pas pour objet le fonctionnement normal d'une société et les relations entre actionnaires, mais vise à satisfaire les intérêts des créanciers au moyen de mesures d'exécution collective.

26 A cet égard, il convient de rappeler que la Cour a explicitement rejeté cette argumentation dans l'arrêt du 30 mai 1991, Karella et Karellas (C-19-90 et C-20-90, Rec. p. I-0000).

27 En effet, la Cour a considéré au point 30 de cet arrêt que la deuxième directive est destinée à assurer le respect des droits des associés et des tiers, notamment dans les opérations de constitution d'une société et d'augmentation et de réduction de son capital. Cette garantie, pour être effective, doit être assurée aux associés tant que la société continue d'exister avec ses structures propres. Si la directive ne fait pas obstacle à l'institution de mesures d'exécution forcée et notamment à des régimes de liquidation plaçant la société sous un régime d'administration forcée dans le but de sauvegarder les droits des créanciers, il n'en reste pas moins qu'elle continue à s'appliquer aussi longtemps qu'il n'y a pas eu dessaisissement des actionnaires et des organes normaux de la société. Il en est ainsi certainement, en cas de simple régime d'assainissement faisant intervenir des organismes publics ou des sociétés de droit privé, lorsque le droit des associés au capital et au pouvoir décisionnel dans la société est en cause.

28 Par conséquent, aussi longtemps que la société continue d'exister avec ses structures propres, la deuxième directive s'applique, même si cette société a été soumise à un régime de restructuration, tel que celui prévu par la loi n° 1386-1983.

29 Au surplus, il convient d'observer que, même si l'administration provisoire de l'OAE est susceptible d'aboutir à la procédure de liquidation spéciale prévue à l'article 9 de la loi n° 1386-1983, la liquidation de sociétés par le biais de mesures d'exécution forcée ne figure pas parmi les objectifs de l'OAE, tels qu'ils sont énoncés à l'article 2, paragraphe 2, de cette loi. Au contraire, il est explicitement prévu (sous a) que l'OAE a pour objet de contribuer au développement économique et social du pays par l'assainissement financier des entreprises conformément aux dispositions de la loi.

30 Il convient d'apprécier ensuite les arguments avancés par les autres parties défenderesses au principal. Celles-ci soutiennent que la deuxième directive ne concerne pas les situations exceptionnelles visées par la loi n° 1386-1983. Selon elles, cette loi ne règle pas de façon permanente l'augmentation de capital des sociétés anonymes, mais elle prévoit des mesures spéciales pour assurer la survie d'entreprises qui ne peuvent plus fonctionner normalement en raison de leur surendettement et qui ont une importance particulière pour l'économie nationale. Elles précisent encore que ces mesures spéciales sont nécessaires afin d'éviter des troubles sociaux résultant de licenciements collectifs.

31 A cet égard, il y a lieu de rappeler tout d'abord que la Cour a également rejeté une telle argumentation dans son arrêt du 30 mai 1991, précité, et notamment à ses points 25 à 28.

32 Selon cet arrêt, la deuxième directive vise, conformément à l'article 54, paragraphe 3, sous g), du traité, à coordonner les garanties qui sont exigées dans les États membres à l'égard des sociétés, au sens de l'article 58, dernier alinéa, du même traité, afin de rendre ces garanties équivalentes et de protéger les intérêts des associés et des tiers. La deuxième directive a ainsi pour objet d'assurer un niveau minimal de protection des actionnaires dans l'ensemble des États membres.

33 Cet objectif serait sérieusement compromis si les États membres pouvaient déroger aux dispositions de la directive, en maintenant en vigueur des réglementations, même qualifiées de spéciales ou exceptionnelles, qui permettent de décider, par voie de mesure administrative et en dehors de toute décision de l'assemblée générale des actionnaires, une augmentation du capital social et qui ne leur garantissent pas un droit préférentiel sur les actions à émettre.

34 Toutefois, cette constatation ne signifie pas que le droit communautaire empêche les États membres de déroger à ces dispositions en toute circonstance. En effet, le législateur communautaire a spécifiquement prévu soit des dérogations délimitées soit des procédures susceptibles d'aboutir à de telles dérogations dans le but de sauvegarder certains intérêts vitaux des États membres qui risqueraient d'être affectés dans des situations exceptionnelles. Tel est le cas, par exemple, des articles 19, paragraphes 2 et 3, 40, paragraphe 2, 41, paragraphe 2, et 43, paragraphe 2, de la directive.

35 A cet égard, il convient de constater qu'aucune disposition permettant aux États membres de déroger aux articles 25, paragraphe 1, et 29, paragraphe 1, de la deuxième directive dans des situations de crise n'est prévue ni par le traité CEE ni par la deuxième directive elle-même. Au contraire, l'article 17, paragraphe 1, de la directive prévoit explicitement qu'en cas de perte grave du capital souscrit l'assemblée générale doit être convoquée dans un délai fixé par les législations des États membres, afin d'examiner s'il y a lieu de dissoudre la société ou d'adopter toute autre mesure. Cette disposition confirme ainsi la compétence décisionnelle de l'assemblée générale, prévue à l'article 25, paragraphe 1, même dans le cas où la société concernée connaît des difficultés financières graves, et ne permet aucunement de déroger au droit préférentiel des actionnaires, prévu à l'article 29, paragraphe 1.

36 Par conséquent, les dispositions de la deuxième directive et notamment ses articles 25, paragraphe 1, et 29, paragraphe 1, s'appliquent à des mesures d'assainissement d'entreprises, telles que celles prévues par la loi n° 1386-1983.

37 Il y a donc lieu de répondre à la juridiction de renvoi que les articles 25, paragraphe 1, et 29, paragraphe 1, de la deuxième directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils font obstacle à l'application d'une réglementation qui, visant à assurer l'assainissement et la poursuite de l'activité d'entreprises qui ont une importance particulière pour l'économie nationale d'un État membre et qui se trouvent, en raison de leur endettement, dans une situation exceptionnelle, permet de décider l'augmentation du capital social par acte administratif et sans décision de l'assemblée générale, ainsi que de décider par acte administratif l'attribution des nouvelles actions sans que celles-ci soient offertes par préférence aux actionnaires, proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions.

Sur l'effet direct des articles 25, paragraphe 1, et 29, paragraphe 1, de la deuxième directive

38 Il convient de rappeler qu'ainsi que la Cour l'a dit dans l'arrêt du 30 mai 1991, précité, l'article 25, paragraphe 1, de la directive est susceptible d'être invoqué devant les juridictions nationales par un particulier à l'encontre des autorités publiques.

39 Quant à l'article 29, paragraphe 1, de la directive, il y a lieu de constater que cette disposition est rédigée en des termes clairs et précis et qu'elle établit de façon inconditionnelle que, lors de toute augmentation du capital souscrit par apports en numéraire, les actions doivent être offertes par préférence aux actionnaires proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions.

40 Le caractère inconditionnel de cette disposition n'est pas affecté par les prévisions de l'article 29, paragraphe 4, de la deuxième directive. Ce paragraphe permet à l'assemblée générale de décider, dans certaines conditions bien définies, d'exclure ou de limiter le droit préférentiel des actionnaires. Cette dérogation ponctuelle ne laisse aux États membres aucune possibilité de subordonner ce droit à d'autres exceptions que celle expressément prévue.

41 La même affirmation vaut pour l'article 29, paragraphe 5, de la deuxième directive, selon lequel la législation d'un État membre peut prévoir que les statuts, l'acte constitutif ou l'assemblée générale peuvent donner le pouvoir d'exclure ou de limiter le droit préférentiel à l'organe de la société qui peut décider l'augmentation du capital souscrit dans les limites du capital autorisé.

42 Il en va de même en ce qui concerne l'article 41, paragraphe 1, de la deuxième directive, qui permet aux États membres de déroger à l'article 29, dans la mesure nécessaire pour favoriser la participation des travailleurs ou d'autres catégories de personnes déterminées par la loi nationale au capital des entreprises. Cette dérogation est également strictement limitée au cas prévu.

43 Il convient donc de répondre à la juridiction de renvoi que tant l'article 25, paragraphe 1, que l'article 29, paragraphe 1, de la deuxième directive sont susceptibles d'être invoqués devant les juridictions nationales par un particulier à l'encontre des autorités publiques.

Sur les dépens

44 Les frais exposés par le Gouvernement hellénique et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Polymeles Protodikeio, Athinas, par jugement du 2 octobre 1989, dit pour droit:

Les articles 25, paragraphe 1, et 29, paragraphe 1, de la deuxième directive 77-91-CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58, deuxième alinéa, du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital, doivent être interprétés en ce sens que:

1) ils font obstacle à l'application d'une réglementation qui, visant à assurer l'assainissement et la poursuite de l'activité d'entreprises qui ont une importance particulière pour l'économie nationale d'un État membre et qui se trouvent, en raison de leur endettement, dans une situation exceptionnelle, permet de décider l'augmentation du capital social par acte administratif et sans décision de l'assemblée générale, ainsi que de décider par acte administratif l'attribution des nouvelles actions sans que celles-ci soient offertes par préférence aux actionnaires, proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions;

2) ils sont susceptibles d'être invoqués devant les juridictions nationales par un particulier à l'encontre des autorités publiques.