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Décisions

CJCE, 5e ch., 14 septembre 2000, n° C-348/98

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mendes Ferreira, Delgado Correia Ferreira

Défendeur :

Companhia de Seguros Mundial Confiança SA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Edward

Avocat général :

M. Cosmas

Juges :

MM. Sevón, Kapteyn, Jann, Ragnemalm

Avocats :

Mes Macau Ferreira, Geraldes, Fiumara

CJCE n° C-348/98

14 septembre 2000

LA COUR (cinquième chambre),

1. Par ordonnance du 15 juillet 1998, parvenue à la Cour le 24 septembre suivant, le Tribunal de Comarca de Setúbal a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), sept questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la deuxième directive 84-5-CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO 1984, L 8, p. 17, ci-après la "deuxième directive"), et de la troisième directive 90-232-CEE du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO L 129, p. 33, ci-après la "troisième directive").

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Mendes Ferreira et Mme Delgado Correia Ferreira à la compagnie d'assurance Companhia de Seguros Mundial Confiança SA (ci-après "Mundial Confiança") au sujet de l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis lors d'un accident de la circulation.

Le cadre juridique communautaire

3. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72-166-CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité (JO L 103, p. 1, ci-après la "première directive"):

"Chaque État membre prend toutes les mesures utiles ... pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance. Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre de ces mesures."

4. L'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la deuxième directive dispose:

"1. L'assurance visée à l'article 3 paragraphe 1 de la directive 72-166-CEE couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels.

2. Sans préjudice de montants de garantie supérieurs éventuellement prescrits par les États membres, chaque État membre exige que les montants pour lesquels cette assurance est obligatoire s'élèvent au minimum:

- pour les dommages corporels, à 350 000 écus lorsqu'il n'y a qu'une victime; lorsqu'il y a plusieurs victimes lors d'un seul sinistre, ce montant est multiplié par le nombre des victimes,

- pour les dommages matériels, à 100 000 écus par sinistre quel que soit le nombre de victimes.

Les États membres peuvent prévoir en lieu et place des montants minimaux précédents un montant minimal de 500 000 écus pour les dommages corporels, lorsqu'il y a plusieurs victimes lors d'un seul et même sinistre, ou, pour les dommages corporels et matériels, un montant global minimal de 600 000 écus par sinistre quels que soient le nombre de victimes ou la nature des dommages."

5. L'article 3 de la même directive prévoit:

"Les membres de la famille du preneur, du conducteur ou de toute autre personne dont la responsabilité civile est engagée dans un sinistre et couverte par l'assurance visée à l'article 1er paragraphe 1 ne peuvent être exclus en raison de ce lien de parenté du bénéfice de l'assurance pour leurs dommages corporels."

6. Aux termes de l'article 5 de ladite directive, tel que modifié par l'annexe I, partie IX, F, intitulée "Assurances", de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (JO 1985, L 302, p. 23, 218, ci-après l'"acte d'adhésion"):

"1. Les États membres modifient leurs dispositions nationales pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 1987. ...

2. Les dispositions ainsi modifiées sont appliquées au plus tard le 31 décembre 1988.

3. Par dérogation au paragraphe 2:

a) le Royaume d'Espagne, la République hellénique et la République portugaise disposent d'un délai allant jusqu'au 31 décembre 1995 pour augmenter les montants de garantie jusqu'aux montants prévus à l'article 1er paragraphe 2. S'ils font usage de cette faculté, les montants de garantie doivent, par rapport aux montants prévus dans ledit article, atteindre:

- un pourcentage supérieur à 16 % au plus tard le 31 décembre 1988,

- un pourcentage de 31 % au plus tard le 31 décembre 1992;

..."

7. Selon l'article 1er, premier alinéa, de la troisième directive, "l'assurance visée à l'article 3 paragraphe 1 de la directive 72-166-CEE couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d'un véhicule".

8. Cette troisième directive prévoit, en son article 6:

"1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 1992. ...

2. Par dérogation au paragraphe 1:

- la République hellénique, le Royaume d'Espagne et la République portugaise disposent d'un délai allant jusqu'au 31 décembre 1995 pour se conformer aux articles 1er et 2,

..."

Le litige au principal et le cadre juridique national

9. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, le 12 février 1995, un accident de la circulation est survenu, dans lequel était impliqué un véhicule automoteur appartenant à M. Mendes Ferreira, conduit par l'un de ses enfants et dans lequel avait pris place un autre de ses enfants, âgé de 12 ans, qui a été mortellement blessé. Aucun autre véhicule n'a été impliqué dans l'accident. Il est précisé dans l'ordonnance de renvoi que le conducteur du véhicule n'a commis aucune faute.

10. Par contrat d'assurance, M. Mendes Ferreira avait transféré à Mundial Confiança la responsabilité civile afférente à la conduite du véhicule concerné.

11. M. Mendes Ferreira et son épouse ont saisi la juridiction de renvoi d'une demande tendant à ce que Mundial Confiança soit condamnée à leur verser des indemnités en réparation du préjudice subi. Cette dernière s'oppose à cette demande au motif que le droit portugais en vigueur au moment des faits excluait toute obligation d'indemnisation.

12. À cet égard, il ressort de l'ordonnance de renvoi que l'article 504, paragraphe 2, du Code civil portugais, dans sa version en vigueur au moment des faits au principal, prévoyait que, en cas de transport gratuit, le transporteur ne répondait, de manière générale, que des dommages causés par sa faute. Cette disposition était généralement interprétée par les juridictions portugaises comme signifiant que le passager transporté gratuitement devait prouver la faute du conducteur du véhicule pour obtenir une indemnisation.

13. Selon la juridiction de renvoi, afin d'adapter le droit national à la troisième directive et, en particulier, à son article 1er, l'article 504 du Code civil portugais a été modifié par le décret-loi n° 14-96, du 6 mars 1996, lequel prévoit désormais, en son paragraphe 3, la possibilité de mettre en jeu la responsabilité civile pour risque également en faveur des passagers transportés gratuitement, en la limitant cependant aux seuls dommages corporels.

14. La juridiction de renvoi relève en outre que, même si la législation portugaise applicable au moment des faits au principal avait reconnu, en cas de responsabilité pour risque, le droit à réparation du passager transporté gratuitement, il n'en demeure pas moins que, selon l'article 508, paragraphe 1, du Code civil portugais, le montant maximal de l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation, en l'absence de toute faute de la personne responsable, correspondait au double du taux de ressort des juridictions portugaises de seconde instance. Ce taux, qui a été fixé en 1987 et qui n'a jamais été réévalué depuis lors, étant de 2 000 000 PTE, le montant maximal d'indemnisation en l'absence de faute est de 4 000 000 PTE.

15. Ladite juridiction se demande si, eu égard aux articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3, tel que modifié par l'acte d'adhésion, de la deuxième directive, les États membres peuvent fixer, pour l'indemnisation des victimes d'accidents dans lesquels le conducteur responsable n'a commis aucune faute, des limites maximales qui soient inférieures aux limites minimales du capital obligatoirement assuré que la deuxième directive impose. En effet, la deuxième directive n'opérerait pas de distinction entre la responsabilité civile fondée sur la faute du conducteur et celle fondée sur le risque.

16. Dans ces conditions, le Tribunal de Comarca de Setúbal a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1) L'article 3 de la directive 84-5-CEE exige-t-il qu'une assurance obligatoire de responsabilité civile automobile garantisse les dommages causés aux membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur du véhicule, même lorsque ces membres de sa famille sont transportés gratuitement et que seule la responsabilité civile pour risque est engagée, en l'absence de faute, ou bien l'État membre peut-il exclure en pareil cas l'attribution de toute indemnisation ?

2) Les montants minimaux du capital assuré établis à l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 84-5 sont-ils également applicables aux situations dans lesquelles la responsabilité civile pour risque est engagée, en l'absence de faute, ou bien l'État membre peut-il légiférer en ce sens que, si aucune faute n'est imputable au conducteur du véhicule responsable de l'accident, les limites maximales de l'indemnisation à payer seront inférieures à ces montants minimaux ?

3) La juridiction nationale doit-elle interpréter son droit interne de manière à le rendre conforme aux dispositions d'une directive, soit en cas de transposition déficiente de la directive, soit en cas de maintien en vigueur de règles du droit interne préexistantes ?

4) La juridiction nationale doit-elle interpréter son droit interne de manière à le rendre conforme aux dispositions d'une directive, même lorsque cette interprétation est contraire au sens et à la portée des règles de son droit interne telles qu'elles sont généralement entendues, ou lorsque cette interprétation est conforme aux intentions du législateur national, qui n'est cependant pas parvenu à les traduire dans le dispositif de la loi ?

5) La juridiction nationale doit-elle procéder à cette interprétation conforme aux dispositions de la directive communautaire, même dans un litige n'impliquant que des particuliers ?

6) La juridiction nationale doit-elle procéder à une interprétation de son droit interne conforme aux dispositions de l'article 1er de la directive 90-232-CEE, même dans le cas d'un accident survenu avant l'expiration du délai imparti à l'État membre pour transposer cette norme dans son droit interne ?

7) Dans l'hypothèse où il ne serait pas possible d'interpréter le droit interne de manière à le rendre conforme aux dispositions d'une directive, la primauté du droit communautaire oblige-t-elle la juridiction nationale à exclure l'application des normes de droit interne incompatibles avec une directive, même dans le cas d'un litige n'impliquant que des particuliers ?"

Sur la première question

17. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 3 de la deuxième directive exige que l'assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs couvre les dommages corporels causés aux passagers membres de la famille du preneur, du conducteur ou de toute autre personne dont la responsabilité civile est engagée dans un sinistre et couverte par l'assurance automobile obligatoire (ci-après les "membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur"), transportés à titre gratuit, indépendamment de l'existence d'une faute de la part du conducteur du véhicule ayant provoqué l'accident.

18. Les requérants au principal font valoir que les articles 3 de la deuxième directive et 1er de la troisième directive prévoient la responsabilité civile automobile pour risque en ce qui concerne la protection des personnes transportées à titre gratuit et des membres de la famille du conducteur. Ces dispositions auraient un effet direct et primeraient le droit national.

19. Mundial Confiança prétend que la juridiction de renvoi a commis une confusion entre le régime de l'assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation automobile auquel se réfèrent les différentes directives et le régime de droit privé de la responsabilité civile, qui n'a fait l'objet d'aucun rapprochement des législations. L'article 3 de la deuxième directive aurait eu pour seul objectif de contraindre les États membres à supprimer une inégalité de traitement jugée injuste dans le domaine des législations nationales relatives à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation automobile, ainsi que cela ressortirait des considérants de ladite directive.

20. La nouvelle réglementation portugaise relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation automobile, à savoir le décret-loi n° 522-85, du 31 décembre 1985, ne prévoyant plus l'exclusion des membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur qui existait dans la législation antérieure, la République portugaise aurait correctement transposé les dispositions de l'article 3 de la deuxième directive lors de son adhésion aux Communautés européennes.

21. Le Gouvernement italien fait valoir qu'il résulte de l'article 3 de la deuxième directive que, en ce qui concerne les dommages corporels, les membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur ne peuvent pas être exclus de la garantie de l'assurance du fait du lien de parenté, qu'ils aient été ou non transportés. Par ailleurs, il indique, ainsi que la Commission, que les trois directives relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs font toutes manifestement abstraction de l'existence ou de l'absence d'une faute commise par le conducteur, n'établissant aucune distinction entre la responsabilité pour faute et celle pour risque.

22. La Commission estime que l'article 3 de la deuxième directive doit être interprété en ce sens que, si le droit national applicable impose la couverture d'un passager qui n'est pas membre de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur du véhicule, ce même article implique que toute disposition légale ou contractuelle excluant de la même protection un membre de la famille blessé lors d'un accident de la circulation doit demeurer inappliquée. En revanche, si le droit national n'impose pas la couverture des passagers, l'article 3 de la deuxième directive ne prévoirait pas la couverture des membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur.

23. À cet égard, il convient d'abord de constater qu'il ressort de l'objet des trois directives relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, ainsi que de leur libellé, qu'elles ne visent pas à harmoniser les régimes de responsabilité civile des États membres.

24. En effet, ainsi que la Cour l'a déjà constaté dans l'arrêt du 28 mars 1996, Ruiz Bernáldez (C-129-94, Rec. p. I-1829, points 13 à 16), le préambule des directives en cause fait ressortir que celles-ci tendent, d'une part, à assurer la libre circulation tant des véhicules stationnant habituellement sur le territoire de la Communauté que des personnes qui sont à leur bord et, d'autre part, à garantir que les victimes des accidents causés par ces véhicules bénéficieront d'un traitement comparable, quel que soit le point du territoire de la Communauté où l'accident s'est produit (voir, plus particulièrement, le cinquième considérant de la deuxième directive et le quatrième considérant de la troisième directive).

25. À cette fin, la première directive a mis en place un système fondé sur la présomption que les véhicules ayant leur stationnement habituel sur le territoire de la Communauté sont couverts par une assurance (huitième considérant). L'article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoit ainsi que les États membres doivent prendre toutes les mesures utiles pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur leur territoire soit couverte par une assurance.

26. Dans sa rédaction initiale, cet article laissait toutefois aux États membres le soin de déterminer les dommages couverts ainsi que les modalités de l'assurance obligatoire de la responsabilité civile. Afin de réduire les divergences qui subsistaient quant à l'étendue de l'obligation d'assurance entre les législations des États membres (troisième considérant de la deuxième directive), l'article 1er de la deuxième directive a imposé, en matière de responsabilité civile, une couverture obligatoire des dommages matériels et des dommages corporels, à concurrence de montants déterminés, et l'article 3 de cette même directive a précisé, en ce qui concerne les dommages corporels, que les membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur ne peuvent être exclus de la couverture en raison de ce lien de parenté. L'article 1er de la troisième directive a étendu cette obligation à la couverture des dommages corporels causés aux passagers autres que le conducteur.

27. L'article 3, paragraphe 1, de la première directive, tel que précisé et complété par les deuxième et troisième directives, impose donc aux États membres de garantir que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur leur territoire soit couverte par une assurance et précise, notamment, les types de dommages et les tiers victimes que cette assurance doit couvrir. En revanche, cette disposition ne se prononce pas sur le type de responsabilité civile, pour risque ou pour faute, que l'assurance doit couvrir.

28. En l'absence d'une réglementation communautaire précisant le type de responsabilité civile relative à la circulation des véhicules qui doit être couverte par l'assurance obligatoire, le choix du régime de responsabilité civile applicable aux sinistres résultant de la circulation des véhicules relève, en principe, de la compétence des États membres.

29. Il s'ensuit que, en l'état actuel du droit communautaire, les États membres restent libres de déterminer le régime de responsabilité civile applicable aux sinistres résultant de la circulation des véhicules, mais ils sont obligés de garantir que la responsabilité civile applicable selon leur droit national soit couverte par une assurance conforme aux dispositions des trois directives précitées.

30. Ensuite, en ce qui concerne l'indemnisation des dommages causés aux membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur, l'article 3 de la deuxième directive prévoit que ceux-ci ne peuvent être exclus en raison de ce lien de parenté du bénéfice de l'assurance pour leurs dommages corporels. Il ressort du neuvième considérant de la deuxième directive que cette disposition vise à assurer une protection comparable à celle des autres tiers victimes, en ce qui concerne les dommages corporels, aux membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur.

31. Il s'ensuit que les tiers victimes d'un sinistre ne peuvent pas être exclus du bénéfice de l'assurance automobile obligatoire pour la seule raison qu'ils sont membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur. L'assurance automobile obligatoire doit donc permettre aux membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur victimes d'un accident causé par un véhicule d'être indemnisés de leurs dommages corporels dans les mêmes conditions que les autres tiers victimes d'un tel accident.

32. Par conséquent, si le droit national d'un État membre impose la couverture obligatoire des dommages corporels causés aux passagers tiers transportés à titre gratuit, indépendamment de l'existence d'une faute de la part du conducteur du véhicule ayant provoqué l'accident, il doit imposer la même couverture des dommages corporels causés aux passagers membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur. En revanche, si le droit national de cet État membre n'impose pas une telle couverture des dommages corporels causés aux passagers tiers, l'article 3 de la deuxième directive ne lui fait pas obligation de l'imposer pour les dommages corporels causés aux passagers membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur.

33. Par ailleurs, il convient de relever que l'accident qui est à l'origine du litige au principal est survenu le 12 février 1995, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de transposition fixé par la troisième directive pour la République portugaise, à savoir le 31 décembre 1995. Cette directive ne saurait donc être invoquée par les particuliers devant les juridictions nationales (voir arrêt du 3 mars 1994, Vaneetveld, C-316-93, Rec. p. I-763, point 16).

34. Il y a lieu toutefois de rappeler que, si l'article 1er de la troisième directive a étendu la couverture obligatoire imposée par l'article 3, paragraphe 1, de la première directive, tel que précisé et complété par la deuxième directive, aux dommages corporels causés aux passagers autres que le conducteur, il ressort des points 27 à 29 du présent arrêt qu'il n'impose pas le type de responsabilité civile que l'assurance obligatoire automobile doit couvrir.

35. Dès lors, il convient de répondre à la première question que l'article 3 de la deuxième directive exige que l'assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs couvre les dommages corporels causés aux passagers membres de la famille du preneur d'assurance ou du conducteur, transportés à titre gratuit, indépendamment de l'existence d'une faute de la part du conducteur du véhicule ayant provoqué l'accident, uniquement si le droit national de l'État membre concerné impose une telle couverture des dommages corporels causés dans les mêmes conditions aux autres passagers tiers.

Sur la deuxième question

36. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3, tel que modifié par l'acte d'adhésion, de la deuxième directive s'opposent à une législation nationale qui prévoit des montants maximaux d'indemnisation qui sont inférieurs aux montants minimaux de garantie fixés par ces dispositions lorsque, en l'absence de faute du conducteur du véhicule ayant provoqué l'accident, seule la responsabilité civile pour risque est engagée.

37. Les requérants au principal et le Gouvernement italien soutiennent que les montants minimaux de garantie établis à l'article 1er, paragraphe 2, de la deuxième directive sont applicables aux situations dans lesquelles la responsabilité civile pour risque est engagée et que les États membres n'ont pas la possibilité de prévoir des limites maximales d'indemnisation inférieures auxdits montants minimaux. Le Gouvernement italien ajoute que, à l'égard des montants minimaux, il n'existe pas de différence entre la responsabilité pour faute et la responsabilité pour risque.

38. La Commission fait valoir qu'aucune des trois directives ne prend position sur le choix du régime de responsabilité. Le régime national pourrait donc être un régime de responsabilité pour risque ou un régime de responsabilité pour faute. Toutefois, l'article 1er, paragraphe 2, de la deuxième directive devrait être interprété en ce sens que, dès lors que la responsabilité est établie et eu égard au principe selon lequel l'indemnisation doit couvrir des dommages effectivement provoqués, les montants minimaux de garantie fixés audit article doivent être respectés, indépendamment du type de régime de responsabilité applicable.

39. À cet égard, il résulte des points 27 et 28 du présent arrêt que les dispositions de l'article 3, paragraphe 1, de la première directive, telles que précisées et complétées par les deuxième et troisième directives, notamment par l'article 1er de la deuxième directive, ne se prononcent pas sur le type de responsabilité civile, pour risque ou pour faute, que l'assurance automobile obligatoire doit couvrir. Dans la mesure où la réglementation communautaire ne règle pas cette question, le choix du régime de responsabilité civile applicable aux sinistres résultant de la circulation des véhicules relève, en principe, de la compétence des États membres.

40. Toutefois, il ressort du point 29 du présent arrêt que la responsabilité civile qui, selon le droit national de l'État membre concerné, s'applique aux sinistres résultant de la circulation des véhicules doit être couverte par une assurance et cette assurance doit respecter les montants minimaux de garantie fixés aux articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3, tel que modifié par l'acte d'adhésion, de la deuxième directive. Dès lors, pour les sinistres couverts par cette responsabilité civile, la législation ne saurait prévoir des limites maximales d'indemnisation qui sont inférieures auxdits montants minimaux.

41. Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que les articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3, tel que modifié par l'acte d'adhésion, de la deuxième directive s'opposent à une législation nationale qui prévoit des montants maximaux d'indemnisation qui sont inférieurs aux montants minimaux de garantie fixés par lesdits articles lorsque, en l'absence de faute du conducteur du véhicule ayant provoqué l'accident, seule la responsabilité civile pour risque est engagée.

Sur les troisième à septième questions

42. Eu égard à la réponse apportée aux deux premières questions, les troisième à septième questions, qui sont relatives à l'obligation de procéder à une interprétation conforme au droit communautaire et à l'effet direct de dispositions concernées des deuxième et troisième directives, sont sans pertinence pour la solution du litige au principal. Dès lors, il n'est pas nécessaire de les examiner.

Sur les dépens

43. Les frais exposés par le Gouvernement italien ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal de Comarca de Setúbal, par ordonnance du 15 juillet 1998, dit pour droit:

1) L'article 3 de la deuxième directive 84-5-CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, exige que l'assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs couvre les dommages corporels causés aux passagers membres de la famille du preneur, du conducteur ou de toute autre personne dont la responsabilité civile est engagée dans un sinistre et couverte par l'assurance automobile obligatoire, transportés à titre gratuit, indépendamment de l'existence d'une faute de la part du conducteur du véhicule ayant provoqué l'accident, uniquement si le droit national de l'État membre concerné impose une telle couverture des dommages corporels causés dans les mêmes conditions aux autres passagers tiers.

2) Les articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3, tel que modifié par l'annexe I, partie IX, F, intitulée "Assurances", de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités, de la deuxième directive 84-5 s'opposent à une législation nationale qui prévoit des montants maximaux d'indemnisation qui sont inférieurs aux montants minimaux de garantie fixés par lesdits articles lorsque, en l'absence de faute du conducteur du véhicule ayant provoqué l'accident, seule la responsabilité civile pour risque est engagée.