CA Reims, ch. civ. sect. 1, 30 avril 2007, n° 05-02690
REIMS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Robert Ravillon (SA)
Défendeur :
Devalle (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Maunand
Conseillers :
MM. Alesandrini, Mansion
Avoués :
SCP Genet-Braibant, SCP Thoma-Le Runigo-Delaveau-Gaudeaux
Avocats :
Mes Lepitre, Arnoux
La distillerie Jean Goyard, qui souhaitait procéder au remplacement d'une pompe d'épandage, s'est adressée à la SAS Robert Ravillon pour la fourniture d'un groupe motopompe dimensionné par rapport à un enrouleur d'une longueur de 300 mètres et d'une section de 90 à 110 millimètres.
Le 29 mars 1999, la société Robert Ravillon a consulté la SARL Devalle pour la fourniture d'un "groupe motopompe - turbine bronze ouverte pour vinasse à 60 degrés et eaux chargées (quelques rafles de grappes de raisin) - débit entre 75 m3/h mini à 100 m3/h à 120 MH mini", d'un châssis réservoir de 450 litres sur remorque et d'accessoires.
La société Devalle a établi le 30 mars 1999 un devis sur la base duquel la société Robert Ravillon, lui a commandé le 22 juin 1999 un groupe motopompe sur remorque et équipé d'un moteur thermique diesel lveco et d'une pompe Bauer d'un débit de 100 m3/h "toute fonte eau chargée (vinasse lisiers) ".
Le matériel a été livré le 30 août 1999 et facturé le 31 août 1999 pour un montant de 118 648,28 F TTC.
En novembre 1999, la société Robert Ravillon a informé la société Devalle que la pompe Bauer avait été cassée et lui a demandé de fournir une nouvelle pompe. Cette dernière a été livrée et facturée le 3 décembre 1999 pour un montant de 22 256,13 F.
Cette pompe ayant subi de nouveaux incidents au cours de l'année 2000, la société Devalle a livré en juillet 2000 une troisième pompe, de marque Caprari, qui a été facturée le 26 juillet 2000 pour un montant de 51 942,28 F.
Cette pompe allait de nouveau subir des incidents et faire l'objet de réparations dans les ateliers de la société Devalle lesquelles ont été facturées le 28 février 2001 pour un montant de 27 986,40 F.
Par acte du 9 octobre 2001, la SARL Devalle a fait assigner la société Robert Ravillon devant le Tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne en paiement de la somme totale de 15 577,97 euro correspondant aux trois factures des 3 décembre 1999, 26 juillet 2000 et 28 février 2001 que la société Robert Ravillon avait refusé de régler, outre une somme de 1 524,49 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
La société Ravillon reconnaissait devoir la facture du 26 juillet 2000, mais faisait état de dysfonctionnements des matériels livrés par la société Devalle pour demander réparation du préjudice en étant résulté et la condamnation en conséquence, après compensation, de la société Devalle à lui payer la somme de 18 197,09 euro, outre celle de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image commerciale.
Par un premier jugement avant dire droit au fond, le Tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne a commis M. Alain Gustin en qualité d'expert lequel a déposé son rapport le 9 avril 2004.
Par jugement rendu le 15 septembre 2005, le Tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne a:
- rejeté tous les moyens, fins et demandes de la société Robert Ravillon;
- condamné cette dernière à payer à la société Devalle la somme de 15 577,97euro, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation;
- condamné la société Robert Ravillon à payer à la société Devalle la somme de 1 300 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens;
- rejeté toutes les autres demandes et ordonné l'exécution provisoire de sa décision,
La SAS Robert Ravillon a relevé appel de ce jugement le 21 octobre 2005.
Par dernières conclusions signifiées le 20 décembre 2006, la SAS Robert Ravillon poursuit l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:
- débouter la société Devalle de ses prétentions et la condamner à lui payer les sommes de :
* 18 197,09 euro après compensation avec la facture Devalle de 7 918,54 euro du 29 juillet 2000;
* 2 000 euro à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi eu égard à son image commerciale;
* 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamner la société Devalle aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions signifiées le 6 juin 2006, la SARL Devalle poursuit la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société Robert Ravillon au paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Sur ce, LA COUR,
Attendu qu'à l'appui de ses prétentions, la société Robert Ravillon fait valoir que la société Devalle aurait manqué à son obligation contractuelle de conseil, d'une part, lors de la commande du matériel en ne préconisant pas une installation de pompage adaptée alors qu'elle connaissait les besoins de la cliente de la société Robert Ravillon, la distillerie Jean Goyard, à laquelle cette installation était destinée, d'autre part, après que divers incidents se sont produits, en n'effectuant pas les études approfondies qui étaient nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements;
Qu'elle soutient, en conséquence, d'une part, que les factures dont le paiement est réclamé par son adversaire ne sont pas dues, car relatives aux travaux de réparations ou de remplacement successifs rendus nécessaires par les dysfonctionnements, à l'exception de celle en date du 26 juillet 2000, d'un montant de 7 918,55 euro qu'elle reconnaît devoir, d'autre part, que, pour donner satisfaction à sa cliente, la société Jean Goyard, elle a dû exposer des frais importants et prêter un groupe pompe, ce qui a généré un préjudice de 26 115,63 euro;
Mais attendu que l'expert judiciaire a relevé que, dès le départ, ni les besoins de la société Alain Goyard ni les contraintes d'utilisation du matériel n'avaient été formalisés de manière précise ; que ce manque d'expression fonctionnelle des besoins a engendré un flou tout au long de l'utilisation du matériel et, par le fait, a également limité la manière d'y remédier"; que M. Gustin a notamment relevé que, si la pompe Bauer SM1000, qui équipait le groupe motopompe, était équipée d'un hachoir prévu pour débiter jusqu'à 12 % de matière solide, il n'avait cependant pas été tenu compte de la charge en pépins de raisin sur lesquels le hachoir n'a aucune efficacité; que l'expert relève que le problème des pépins de raisin n'a jamais été abordé, pas plus que ne l'a été celui de la viscosité du liquide; qu'il estime qu'en raison de la complexité du système, la conception du groupe motopompe aurait nécessité une étude plus approfondie; que la mauvaise expression des besoins est également à l'origine des problèmes rencontrés par le châssis qui n'était pas adapté au tout-terrain et à une utilisation quotidienne ; qu'en outre, l'expert judiciaire a relevé une erreur de branchement de la pompe laquelle était prévue pour un raccordement en amont de 150 mm alors que le branchement s'est fait à partir d'une citerne équipée d'un tuyau de 75 mm;
Attendu que la société Robert Ravillon, à qui la distillerie Jean Goyard avait confié la réalisation de son projet de remplacement d'une pompe d'épandage, ainsi que l'a indiqué son représentant à l'expert judiciaire, était en charge de la conception de l'ensemble d'épandage; que c'est donc à elle qu'il appartenait, d'une part, de définir précisément avec son client quels étaient ses besoins et quelles étaient les contraintes d'utilisation du matériel et, d'autre part, de répercuter ces informations auprès du fournisseur de l'installation; qu'il importe peu, à cet égard, que la société Devalle ait été précédemment en contact avec la distillerie Jean Goyard et ait adressé le 25 mars 1999 à cette société un devis de fourniture de matériels au demeurant différents de ceux commandés par la suite par la société Robert Ravillon ; qu'on ne saurait en déduire que la société Devalle avait "parfaitement connaissance des besoins de la société Goyard";
Que la société Robert Ravillon est un professionnel de l'agriculture et de la viticulture installé dans la Marne et, à ce titre, n'ignorait pas la spécificité des effluents à éliminer; qu'elle a consulté la société Devalle pour la fourniture d'un matériel d'épandage dont elle avait précisé les caractéristiques, à savoir un "groupe motopompe - turbine bronze ouverte pour vinasse à 60 degrés et eaux chargées (quelques rafles de grappes de raisin) - débit entre 75 m3/h mini à 100 m3/h à 120 MH mini"; que c'est sur la base de ces renseignements que la société Devalle a établi son devis ; que l'appelante ne peut donc valablement lui reprocher de ne pas avoir émis de réserve quant au choix qu'elle avait opéré alors qu'elle était la mieux à même de connaître les besoins et les contraintes de sa cliente et que la société Devalle a fourni un matériel conforme à sa commande et à la définition qu'elle en avait donné dans sa consultation;
Que la société Robert Ravillon ne saurait reprocher à la société Devalle un manquement à son devoir de conseil à l'occasion des différents incidents survenus après la mise en service du groupe motopompe alors que la société intimée a toujours répondu aux demandes qui avaient été formulées auprès d'elle et s'est efforcée de remédier aux incidents qui lui étaient signalés et qui avaient essentiellement pour origine une mauvaise définition des besoins et des contraintes de fonctionnement; qu'il importe peu, à cet égard, qu'un technicien de la société Devalle ne se soit déplacé qu'en janvier 2001 alors que la société intimée écrivait dès le 16 juin 2000 que la pompe commandée par la société Robert Ravillon n'était pas adaptée à l'installation ; qu'il convient de rappeler, comme l'a relevé l'expert judiciaire, que c'est le "manque d'expression fonctionnelle des besoins" qui a engendré un "flou" tout au long de l'utilisation du matériel et "limité la manière d'y remédier";
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont fait droit à la demande formée par la société Devalle et débouté la société Robert Ravillon de l'ensemble de ses prétentions;
Attendu que la société Robert Ravillon, qui succombe dans ses prétentions devant la cour, sera condamnée aux dépens d'appel ; qu'elle ne peut donc pas obtenir l'indemnité qu'elle sollicite au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens;
Que l'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande formée en cause d'appel au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Confirme le jugement entrepris ; Rejette les demandes formées en cause d'appel au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la SAS Robert Ravillon aux dépens d'appel et admet la SCP Thoma Le Runigo Delaveaux Gaudeaux, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.