CCE, 12 novembre 1992, n° 3296-92
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Règlement
Instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Hongrie, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de la République de Croatie, et clôturant la procédure antidumping en ce qui concerne les importations des Républiques du Monténégro et de Serbie, de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, ainsi que de la République de Bosnie-Herzégovine et de la République de Slovénie
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (1), et notamment son article 11, après consultations au sein du comité consultatif institué conformément audit règlement, considérant ce qui suit:
A. PROCÉDURE
(1) En septembre 1991, la Commission a été saisie d'une plainte déposée par le comité de liaison de l'industrie du tube d'acier de la Communauté européenne au nom de producteurs représentant la plus grande partie de la production communautaire des produits en cause.
(2) La plainte contenait des éléments de preuve de l'existence d'un dumping de ces produits originaires de Hongrie, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie, ainsi que d'un préjudice important en résultant, qui ont été jugés suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure.
(3) En conséquence, la Commission a annoncé, par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (2), l'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations dans la Communauté de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Hongrie, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie, relevant des codes NC 7304 10 10, 7304 10 30, 7304 31 99, 7304 39 91 et 7304 39 93, et elle a entamé une enquête. En ce qui concerne le dernier pays, la Commission a constaté que les produits en cause étaient fabriqués exclusivement sur le territoire de la Croatie.
(4) La Commission a officiellement informé les producteurs exportateurs (ci-après dénommés " producteurs ") et les importateurs notoirement concernés, les représentants des pays exportateurs et les plaignants. Elle a donné à toutes les parties directement concernées la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues.
(5) Tous les producteurs de la Communauté représentés par le plaignant, la plupart des producteurs des pays concernés et certains importateurs ont fait connaître leur point de vue par écrit. Certains d'entre eux ont demandé à être entendus, ce qui leur a été accordé.
(6) Aucune observation n'a été présentée par les acheteurs ou les transformateurs communautaires des produits en cause ni en leur nom.
(7) La Commission a recherché et vérifié toutes les informations jugées nécessaires aux fins d'une détermination préliminaire du dumping, et elle a procédé à des contrôles sur place auprès de:
a) producteurs communautaires:
- Mannesmann Roehrenwerke AG, Duesseldorf, Allemagne,
- Benteler AG, Paderborn, Allemagne,
- Rohrwerk Neue Maxhuette GmbH, Sulzbach-Rosenberg, Allemagne,
- Babcock & Wilcox Española SA, Galindo, Espagne,
- Tubos Reunidos SA, Bilbao, Espagne,
- Vallourec Industries, Boulogne-Billancourt, France,
- Dalmine SpA, Dalmine, Italie,
- British Steel Seamless Tubes, Corby, Royaume-Uni;
b) importateurs de la Communauté:
- Stahlrohr-Import GmbH, Duesseldorf, Allemagne,
- Stahl-Rohr-Commerz GmbH, Duesseldorf, Allemagne,
- Scopsi Jannone Arm., Naples, Italie.
(8) L'enquête de dumping a couvert la période comprise entre le 1er janvier et le 30 septembre 1991 (" période d'enquête ").
B. PRODUITS CONSIDÉRÉS
a) Définition du produit
(9) Les produits faisant l'objet de la plainte et pour lesquels la procédure a été ouverte sont les suivants:
tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, du type utilisé pour oléoducs ou gazoducs, d'un diamètre extérieur n'excédant pas 406,4 millimètres et des tubes sans soudure de section circulaire, en fer ou en acier non allié, étirés ou laminés à froid, autres que de précision, ainsi que des tubes de section circulaire, en fer ou en acier non allié, autres que filetés ou filetables, d'un diamètre extérieur n'excédant pas 406,4 millimètres, relevant des codes NC 7304 10 10, 7304 10 30, 7304 31 99, 7304 39 91 et 7304 39 93. Aux fins de la présente procédure, ces produits sont considérés comme un seul produit ayant fondamentalement les mêmes caractéristiques physiques et les mêmes utilisations.
b) Produit similaire
(10) En ce qui concerne la question de savoir si les produits importés et les produits de la Communauté sont des produits similaires au sens des dispositions de l'article 2 paragraphe 12 du règlement (CEE) n° 2423-88, les résultats de l'enquête effectuée par la Commission ont montré qu'ils étaient fabriqués selon la même technologie de production qui donne des produits qui sont tous similaires par leurs caractéristiques essentielles physiques et techniques et par leurs utilisations finales.
(11) Les produits vendus sur le marché intérieur de la Croatie, de la Hongrie, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie sont identiques aux produits exportés vers la Communauté qui font l'objet de la présente procédure.
C. DUMPING
1. Valeur normale
a) Croatie
(12) En Croatie, Zeljezara Sisak est le seul producteur des tubes en cause. La société a fourni des informations en répondant au questionnaire et elle a coopéré pendant la période d'enquête.
(13) La valeur normale a été établie sur la base des prix comparables réellement payés ou à payer, au cours d'opérations commerciales normales en Croatie pour les produits similaires pendant la période d'enquête. Il ressort des éléments de preuve qui ont été fournis que les ventes intérieures ont été effectuées à des acheteurs indépendants en quantités représentatives. La Commission a estimé que les transactions commerciales entre les parties indépendantes avaient été réalisées sur la base de contrats de vente et de factures commerciales, et que ces transactions avaient été comptabilisées conformément aux règles comptables yougoslaves qui ont été adoptées par la Croatie.
(14) Afin d'établir les valeurs normales correspondant aux différents types et dimensions des produits concernés et aux différents prix fixés pendant la période d'enquête, la Commission a basé sa détermination préliminaire sur des listes de prix intérieurs détaillées. À cet effet, elle a vérifié que les ventes intérieures avaient bien été facturées conformément aux listes de prix officielles du producteur intéressé. Il a été également tenu compte du fait que des listes de prix, des conditions de vente et de paiement identiques ont été appliquées pour les ventes aux utilisateurs finaux et aux revendeurs.
b) Hongrie, Pologne et Tchécoslovaquie
(15) À la date où la présente procédure a été entamée et pendant toute la période d'enquête, le règlement (CEE) n° 1765-82 du Conseil, du 30 juin 1982, relatif au régime commun applicable aux importations de pays à commerce d'État (3), modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) n° 848-92 (4), s'appliquait aux importations des produits concernés originaires de Hongrie, de Pologne et de Tchécoslovaquie. En conséquence, ces pays n'ont pas pu être considérés comme des pays à économie de marché, et la Commission a dû baser ses déterminations sur les valeurs normales des produits concernés dans un pays à économique de marché conformément aux dispositions de l'article 2 paragraphe 5 du règlement (CEE) n° 2423-88.
(16) Le plaignant a proposé que, pour le calcul de la valeur normale relative à la Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie, le prix des produits concernés sur le marché intérieur de la Croatie soit pris comme référence.
(17) La plupart des producteurs hongrois, polonais et tchécoslovaques ont contesté ce choix et proposé que, en raison des programmes de réforme économique entrepris dans leur pays pour réaliser la transition vers des économies de marché, la Commission utilise leurs prix intérieurs ou leurs coûts de production pour déterminer les valeurs normales.
Pour les raisons indiquées au considérant 15, la Commission n'a pas pu accepter cette proposition.
(18) Il a été en outre soutenu que, en raison de sa situation politique particulière et des conséquences économiques qui en découlent, la Croatie ne pouvait pas être considérée comme un pays à économie de marché analogue approprié pour l'établissement des valeurs normales. Les plaignants n'ont toutefois proposé aucun autre pays de référence possible.
(19) En conséquence, la Commission a examiné avec attention si d'autres pays à économie de marché pouvaient fournir une base plus appropriée pour la détermination des valeurs normales.
Il a été constaté que les prix et les coûts de production de pays industrialisés à économie de marché tels que l'Autriche, la Finlande, le Japon, la Norvège et la Suède, dont la production et le marché des produits concernés sont représentatifs, étaient sensiblement plus élevés qu'en Croatie. En outre, la structure des coûts et des salaires de ces pays ne peut pas être comparée avec celle des autres pays concernés, à savoir la Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie.
(20) Dans ce contexte, la Commission a également examiné en particulier si le Brésil constituait une base raisonnable de comparaison. Il a été constaté que, du fait des similarités du procédé de fabrication et de l'échelle de production, de l'accès aux matières premières et des coûts bas de la main-d'œuvre et de l'énergie, les installations de production au Brésil pouvaient être prises en considération. À cette fin, la Commission a rassemblé les informations pertinentes concernant la production de tubes sans soudure et leurs conditions de commercialisation au Brésil, et en particulier les coûts de fabrication et l'évolution des prix. Il est cependant apparu que les valeurs normales, basées sur les prix pratiqués sur le marché brésilien ou sur les coûts de production au Brésil, étaient fortement faussées du fait de l'inflation et conduiraient à des résultats déraisonnables, comparés à la Croatie.
(21) Finalement, comme seule alternative et conformément aux dispositions de l'article 2 paragraphe 5 point c) du règlement (CEE) n° 2423-88, la Commission a examiné les prix réellement payés ou à payer dans la Communauté pour des produits similaires, dûment ajustés afin d'inclure une marge bénéficiaire raisonnable, étant donné que la plupart des producteurs de la Communauté travaillaient à perte. La Commission a établi que ces prix ajustés étaient sensiblement plus élevés que ceux pratiqués sur le marché intérieur de la Croatie et que les calculs effectués sur cette base aboutiraient à des marges de dumping excessives pour les trois pays exportateurs concernés car les structures économiques de la Communauté et de ces pays ne sont pas comparables.
(22) Dans ces conditions, et compte tenu du fait qu'il n'existe pas, entre la Croatie et les trois pays concernés, de différences importantes dans les procédés de fabrication, la fourniture des matières premières, l'échelle de production et la qualité des produits finis et que, en Croatie, le coût de production est raisonnablement proportionnel aux prix, la Commission a conclu qu'il n'était pas déraisonnable d'appliquer les valeurs normales établies pour la Croatie aux produits hongrois, polonais et tchécoslovaques.
2. Prix à l'exportation
(23) Les prix à l'exportation concernant les quatre pays exportateurs ont été déterminés sur la base des prix réellement payés ou à payer pour les produits similaires vendus à l'exportation au cours d'opérations commerciales normales à des importateurs indépendants de la Communauté.
3. Comparaison
(24) Afin de comparer de manière équitable la valeur normale avec les prix à l'exportation, la Commission a tenu compte, le cas échéant et dans la mesure où elle disposait d'éléments de preuve, des différences de conditions de vente, telles que le transport, l'assurance, les commissions, les coûts annexes et l'effet des différences de coût du crédit octroyé pour les ventes en question.
En outre, les prix à l'exportation ont été comparés avec la valeur normale, transaction par transaction, et, lorsque des éléments de preuve suffisants ont été fournis, pour chaque dimension de produit exporté ainsi que sur la base des listes de prix intérieurs du producteur croate, applicables au moment de l'exportation.
Toutes les comparaisons ont été effectuées au stade départ usine.
4. Marges de dumping
(25) La détermination préliminaire des faits révèle l'existence de pratiques de dumping de la part du producteur croate Zeljezara Sisak ainsi que de la part des produits concernés exportés par la Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie. Les marges de dumping, qui varient en fonction de l'exportateur et de l'État membre importateur, sont égales à la différence entre les valeurs normales établies et les prix à l'exportation vers la Communauté.
(26) La moyenne pondérée des marges de dumping établies et exprimées en pourcentage des prix caf franco frontière communautaire des importations est la suivante:
- Croatie : 25,5 %,
- Hongrie : 21,8 %,
- Pologne : 11,7 %,
- Tchécoslovaquie : 49,6 %.
D. PRÉJUDICE
1. Effets cumulatifs des importations en dumping
(27) Étant donné que les produits exportés en provenance des pays concernés sont interchangeables, qu'ils ont la même utilisation finale et que la quantité exportée de chaque produit n'est pas négligeable, la Commission a, selon sa pratique habituelle, établi l'impact cumulatif des produits faisant l'objet de dumping sur la production de la Communauté.
(28) L'exportateur hongrois a fait valoir que, par suite des différences des conditions de vente et de l'augmentation des quantités exportées, l'impact de ses exportations vers la Communauté devrait être examiné individuellement. Après examen des faits, la Commission a toutefois constaté que les importations en provenance de Hongrie avaient eu lieu dans des conditions comparables à celles des autres pays concernés et qu'il serait discriminatoire par rapport à ces autres exportateurs d'accorder un traitement séparé à l'exportateur hongrois.
2. Volume, parts de marché et écarts de prix des importations effectuées en dumping
a) Volume
(29) Les importations cumulées dans la Communauté en provenance de Croatie, de Hongrie, de Pologne et de Tchécoslovaquie sont passées de 77 620 tonnes en 1988 à 125 841 tonnes en 1990 et à 104 653 tonnes au cours de la période d'enquête (neuf mois), ce qui correspond à une augmentation, extrapolée sur une base annuelle, de 80 % depuis 1988.
(30) Le total des importations en provenance des pays exportateurs concernés dans les États membres les plus touchés a augmenté entre 1988 et 1990 et la période d'enquête, passant de 32 010 tonnes à 67 754 tonnes et à 57 762 tonnes en Allemagne, et de 28 647 tonnes à 41 542 tonnes et à 32 709 tonnes en Italie.
b) Parts de marché
(31) Entre 1988 et la période d'enquête, la part du marché communautaire détenue cumulativement par les pays exportateurs concernés est passée de 7,8 % à 13,7 % et, par pays, elle est la suivante:
- Croatie : de 3,9 % à 4,6 %,
- Hongrie : de 2,0 % à 3,1 %,
- Pologne : de 0,2 % à 1,5 %,
- Tchécoslovaquie: de 1,6 % à 4,6 %.
(32) Au cours de la même période, les parts de marché cumulées dans la plupart des États membres touchés ont augmenté, notamment, en Allemagne, de 11,3 % à 27,1 % et en Italie de 17,9 % à 25,7 %.
c) Écarts de prix
(33) Les prix des produits importés en provenance des quatre pays concernés ont été, au cours de la période d'enquête, sensiblement inférieurs aux prix pratiqués par les producteurs de la Communauté. L'écart de prix a été établi, pour chacun des exportateurs ayant coopéré, en comparant, au même stade commercial, la moyenne pondérée des prix de ces exportateurs pour les ventes au premier acheteur indépendant de la Communauté, avec la moyenne pondérée des prix de vente nets des producteurs communautaires.
Lorsque des éléments de preuve suffisants étaient disponibles, cette comparaison a été effectuée par dimension de produit importé, comme pour la détermination du dumping préliminaire.
(34) La comparabilité des prix a été établie en tenant compte, dans la mesure où ils ont été jugés appropriés, des coûts de transport, des droits de douane et des marges de l'importateur, y compris les coûts de dédouanement, de manutention, de commission, de financement et le bénéfice ajouté aux prix à l'importation.
(35) Les résultats de la comparaison indiquent des écarts de prix pour tous les pays concernés. La moyenne pondérée de l'écart de prix, exprimée au niveau franco frontière communautaire, est la suivante:
- pour la Croatie : 17,4 %,
- pour la Hongrie : 21,7 %,
- pour la Pologne : 10,8 %,
- pour la Tchécoslovaquie: 30,4 %.
3. Situation de la production de la Communauté
a) Production de la Communauté
(36) Le volume de production des produits concernés, réalisé par les producteurs communautaires ayant fait l'objet d'une enquête, est passé de 1 380 000 tonnes en 1988 à 1 440 000 tonnes en 1989. Sous la pression croissante des importations, et notamment des produits en dumping, la production a commencé à diminuer en 1990 pour tomber à 1 300 000 tonnes au cours de la période d'enquête, extrapolée sur base d'une extrapolation annuelle, soit une réduction de 10 % en moins de deux ans. La diminution a été particulièrement marquée en Allemagne, pays qui a absorbé 55 % des importations en dumping provenant des pays exportateurs concernés pendant la période d'enquête. Aussi, le volume de production en Allemagne est-il tombé de 716 000 tonnes en 1989 à 444 835 tonnes au cours de la période d'enquête, soit d'environ 17 % sur base d'une extrapolation annuelle.
b) Capacités et taux d'utilisation des capacités
(37) Depuis 1980, la production communautaire de tubes d'acier a subi un processus de restructuration sévère afin d'adapter ses capacités aux conditions changeantes du marché. Jusqu'à la fin de 1990, les capacités de production de tubes sans soudure ont été réduites d'environ 20 %. Depuis le début de 1991, la détérioration accrue de la situation de la production de la Communauté, combinée à l'afflux croissant des importations en dumping en provenance des pays exportateurs concernés, a conduit à prendre des décisions draconiennes en ce qui concerne la poursuite de la réduction des capacités à l'essentiel, et à fermer plusieurs usines de production, principalement en Allemagne, mais aussi en Italie et au Royaume-Uni.
(38) Malgré les efforts de restructuration mentionnés ci-dessus, l'utilisation des capacités des producteurs communautaires a diminué fortement entre 1988 et la période d'enquête. Le taux d'utilisation de presque tous les producteurs communautaires est tombé très en dessous de 75 %, chiffre considéré comme étant le seuil de rentabilité dans le secteur des tubes et tuyaux.
c) Ventes, consommation et parts de marché
(39) Le volume total des ventes des produits concernés sur le marché de la Communauté, effectuées par les producteurs communautaires, a diminué d'environ 9 % depuis 1988. Alors que la consommation annuelle restait généralement stable dans la Communauté et dans la plupart des États membres entre 1988 et la période d'enquête, les parts de marché des producteurs communautaires sont tombées, au cours de la même période:
- dans la Communauté, de 81 % à 76 %,
- en Allemagne, de 81 % à 64 %,
- en Italie, de 64 % à 56 %.
d) Prix des ventes
(40) À la suite des augmentations de prix en 1989, les producteurs de la Communauté ont été obligés, en raison de la pression continuelle exercée sur les prix, de maintenir leurs prix au même niveau, malgré l'évolution à la hausse des coûts de production. Les producteurs communautaires n'ont pas pu augmenter leurs prix de manière à traduire la hausse des coûts de production et, dans certains cas, ils ont dû abaisser leurs prix à des niveaux qui ne leur permettaient pas de couvrir les coûts ou qui ne leur permettaient pas de réaliser un bénéfice raisonnable.
e) Rentabilité
(41) En 1988 et en 1989, certains producteurs communautaires ont réalisé des bénéfices raisonnables à la suite de la forte augmentation des prix de vente, liée à l'amélioration de la situation de l'industrie sidérurgique. Le volume élevé des importations en dumping en provenance des quatre pays concernés a néanmoins entraîné depuis 1990 une réduction importante des bénéfices ou même des pertes financières.
f) Emploi
(42) En ce qui concerne la situation de l'emploi de l'ensemble de la production de la Communauté de tubes et tuyaux, l'effet combiné des plans de restructuration et des fermetures d'usines destinés à réduire le coût de production et à défendre la rentabilité a, selon les estimations, entraîné plus de 20 000 pertes d'emplois entre 1988 et 1991. En Allemagne et en Italie plus particulièrement, la réduction considérable des commandes a obligé les producteurs communautaires, dans de nombreux cas, à introduire le travail à temps partiel, à supprimer des équipes et à alterner la production dans les deux laminoirs en employant la même équipe.
4. Conclusions
(43) L'examen préliminaire des faits relatifs au préjudice montre que, en raison notamment du déclin de la production et du volume des ventes, de la perte importante de la part de marché, de l'impossibilité d'augmenter les prix pour couvrir les coûts de production en augmentation, et en raison de la détérioration des résultats financiers, la production de la Communauté a subi un préjudice important au sens des dispositions de l'article 4 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 2423-88.
E. CAUSALITÉ
(44) La Commission a examiné si le préjudice subi par la production de la Communauté avait été causé par les importations en dumping et si d'autres facteurs avaient pu également le causer ou y contribuer.
(45) Au cours de l'enquête, la Commission a constaté que la tendance des importations originaires de Croatie, de Hongrie, de Pologne et de Tchécoslovaquie, l'augmentation de leurs parts de marché et la pression à la baisse exercée sur les prix par ces importations, coïncidaient avec la diminution de la production de la Communauté, de l'utilisation des capacités, du volume des ventes, de la part de marché, des bénéfices et de l'emploi, ce qui a entraîné une détérioration de la situation concurrentielle et financière de la production de la Communauté. Alors que la consommation des produits concernés restait relativement stable, la part de marché des importations en question a presque doublé, passant de 7,8 % en 1988 à 13,7 % au cours de la période d'enquête, alors que la part de marché détenue par les producteurs de la Communauté tombait de 81,4 % à 75,9 %. La part de marché perdue par la production de la Communauté correspond donc exactement aux gains de celle des pays exportateurs.
(46) Dans un marché tel que celui de l'industrie des tubes et tuyaux sans soudure, où les prix sont hautement compétitifs, l'écart de prix considérable a un effet nettement négatif sur les ventes et, en conséquence, sur les bénéfices de la production de la Communauté. L'écart de prix n'a été rendu possible que par les pratiques de dumping comme le prouve le fait que, dans tous les cas, la marge de dumping est supérieure à cet écart.
(47) La Commission a également examiné si d'autres facteurs, tels que le volume et les prix des importations ne faisant pas l'objet de dumping ou la contraction de la demande, pouvaient avoir causé le préjudice subi par la production de la Communauté ou y avoir contribué.
Entre 1988 et la période d'enquête, les importations en provenance d'autres pays tiers ont diminué de 108 000 tonnes à 104 000 tonnes, sur la base d'une extrapolation annuelle, et leur part de marché est tombée de 10,8 % à 10,2 %. Par rapport à une croissance de 65 000 tonnes des importations combinées des pays exportateurs concernés et à une augmentation de leur part de marché de 6 % au cours de la même période, il apparaît nettement que les bénéficiaires en matière de volume de ventes et de parts de marché ont été les pays exportateurs concernés par l'enquête. La Commission n'a aucune indication montrant que les importations d'autres pays tiers ont été effectuées en dumping et elle a tenu compte du fait que leurs prix étaient nettement plus élevés que ceux des importations en dumping.
En ce qui concerne l'évolution de la demande, la Commission a constaté que la consommation des produits concernés dans la Communauté était restée pratiquement stable entre 1988 et 1990, n'augmentant que légèrement de 1 000 000 de tonnes à 1 036 000 tonnes.
(48) Compte tenu de ces considérations, la Commission est arrivée à la conclusion que, aux fins de ses conclusions provisoires, les importations en dumping originaires de Croatie, de Hongrie, de Pologne et de Tchécoslovaquie, prises isolément, avaient causé un préjudice important à la production de la Communauté.
F. INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ
(49) La Commission considère que l'adoption de mesures supprimera les effets préjudiciables des importations en dumping provenant des pays exportateurs concernés, en permettant aux producteurs communautaires d'obtenir un rendement raisonnable de leurs ventes de tubes et tuyaux sans soudure et en rétablissant des conditions concurrentielles loyales sur le marché de la Communauté pour le produit concerné. La Commission estime que ces mesures seraient de l'intérêt général de la Communauté.
(50) La Commission a également estimé que la production de tubes en acier était une industrie de base importante dans la Communauté, liée de toute évidence en amont à l'industrie sidérurgique. Le secteur continue à subir un processus de restructuration rigoureux (voir considérant 37). En 1988, le secteur employait environ 75 000 personnes dans la Communauté contre 124 000 en 1981. Entre 1988 et 1991, 20 000 emplois supplémentaires ont été perdus dans l'industrie des tubes en acier. Dans les régions, les usines sont situées à proximité des centres de production d'acier qui souffrent déjà de difficultés d'emploi dues à la régression de l'industrie sidérurgique.
En aval, le secteur des tubes en acier est un fournisseur important de nombreuses branches de l'industrie manufacturière. Les groupes d'acheteurs les plus importants sont les secteurs de la construction mécanique, de la construction, des charpentes métalliques, de la construction automobile, et le secteur énergétique, y compris le nucléaire.
(51) Afin d'être à même de fabriquer la gamme complète des produits à des coûts compétitifs, le secteur dépend d'un taux d'utilisation raisonnable de ses équipements, rendu possible à la base par la production de tubes standardisés de qualité commerciale qui sont en concurrence directe avec les produits importés en dumping en provenance des pays exportateurs concernés et qui représentent une partie prépondérante des recettes produites par l'industrie. Le déclin de cette activité de production affecterait également la production d'autres catégories de produits de qualité supérieure en augmentant leurs coûts ainsi que les prix pour les consommateurs de la Communauté.
(52) La Commission a également tenu compte des intérêts des utilisateurs de tubes en acier sans soudure importés des pays exportateurs en cause, et elle a considéré que les effets des augmentations de prix nécessaires ne seront pas très importants, comparés aux prix basés sur des pratiques déloyales. Quoi qu'il en soit, les transformateurs de la Communauté des produits concernés ne peuvent pas s'attendre à bénéficier des avantages de prix résultant d'une concurrence déloyale obligeant les producteurs communautaires à vendre leurs produits à perte.
Aucune observation indiquant le contraire n'a été présentée par les acheteurs ou les transformateurs communautaires des tubes concernés, ni en leur nom.
(53) Ayant pesé les différents intérêts en jeu, la Commission estime qu'il est de l'intérêt de la Communauté d'instituer des mesures sous forme de droits antidumping provisoires afin de prévenir tout nouveau préjudice qui pourrait être causé par les importations en dumping avant la fin de la procédure.
G. DROIT PROVISOIRE
(54) Afin de fixer le montant du droit nécessaire pour supprimer le préjudice, la Commission estime que, en matière de mesures provisoires, il serait suffisant de supprimer l'écart de prix constaté. Cela permettrait aux producteurs communautaires d'augmenter leurs prix et d'améliorer leur rentabilité.
(55) Sur cette base, la Commission a fixé les droits antidumping provisoires comme suit:
- 17,4 % pour la Croatie,
- 21,7 % pour la Hongrie,
- 10,8 % pour la Pologne,
- 30,4 % pour la Tchécoslovaquie,
calculés sur le prix net franco frontière communautaire non dédouané des produits concernés.
H. DISPOSITIONS FINALES
(56) Dans l'intérêt d'une saine administration, il convient de fixer un délai pour permettre aux parties intéressées de faire connaître leur point de vue et de demander à être entendues. Il convient en outre de rappeler que toutes les conclusions tirées aux fins du présent règlement sont provisoires et peuvent devoir être reconsidérées en vue de l'institution d'un droit définitif que la Commission pourrait proposer.
I. CLÔTURE
(57) L'enquête effectuée par la Commission ayant révélé que les produits concernés ne sont pas fabriqués et exportés vers la Communauté par les républiques du Monténégro et de Serbie, ni par l'ancienne république yougoslave de Macédoine, ni par la république de Bosnie-Herzégovine ni par la république de Slovénie, la Commission a considéré que la procédure concernant ces pays pouvait être close sans l'institution de mesures de défense.
J. SUSPENSION PROVISOIRE DE L'APPLICATION DU DROIT PROVISOIRE CONCERNANT LA CROATIE
(58) Considérant les arguments avancés par le producteur croate en ce qui concerne la situation dramatique en Croatie, et notamment le fait que les unités de production sont situées dans la zone des combats et que les activités de production et d'exportation sont fortement entravées par le conflit armé actuel, la Commission estime que l'application des mesures antidumping concernant la Croatie doit être suspendue tant que ces conditions subsisteront.
K. RESTRICTIONS QUANTITATIVES CONCERNANT LA TCHÉCOSLOVAQUIE
(59) La Commission n'ignore pas que les importations en Allemagne des produits relevant du code NC 7304 et originaires de Tchécoslovaquie sont subordonnées à la présentation d'une autorisation d'importation délivrée par les autorités allemandes à concurrence d'un contingent annuel fixé dans la décision 92-433-CEE de la Commission (5).
Compte tenu du fait que le contingent annuel précité est déjà épuisé et que les restrictions quantitatives expirent le 31 décembre 1992, il est jugé inutile de supprimer à présent ces mesures quantitatives,
A arrêté le présent règlement:
Article premier
1. Il est institué un droit antidumping provisoire sur les importations suivantes originaires de Croatie, de Hongrie, de Pologne et de Tchécoslovaquie:
- tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, du type utilisé pour oléoducs ou gazoducs, d'un diamètre extérieur n'excédant pas 406,4 millimètres (relevant des codes NC 7304 10 10 et 7304 10 30),
- tubes sans soudure de section circulaire, en fer ou en acier non allié, étirés ou laminés à froid, autres que les tubes de précision (relevant du code NC 7304 31 99)
et
- autres tubes de section circulaire, en fer ou en acier non allié, autres que filetés ou filetables, d'un diamètre extérieur n'excédant pas 406,4 millimètres (relevant des codes NC 7304 39 91 et 7304 39 93).
2. Le taux du droit applicable au prix net franco frontière communautaire non dédouané s'établit comme suit pour les importations des produits concernés originaires des pays suivants:
- Croatie : 17,4 %,
- Hongrie : 21,7 %,
- Pologne : 10,8 %,
- Tchécoslovaquie : 30,4 %.
3. Les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables.
4. La mise en libre pratique dans la Communauté des produits visés au paragraphe 1 est subordonnée au dépôt d'une garantie équivalant au montant du droit provisoire.
Article 2
L'application de l'article 1er est provisoirement suspendue en ce qui concerne la Croatie.
Article 3
Sans préjudice des dispositions de l'article 7 paragraphe 4 points b) et c) du règlement (CEE) n° 2423-88, les parties concernées peuvent faire connaître leur point de vue par écrit et demander à être entendues par la Commission dans un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement.
Article 4
La procédure antidumping concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires des républiques du Monténégro et de Serbie, de l'ancienne république yougoslave de Macédoine, de la république de Bosnie-Herzégovine et de la république de Slovénie, est close.
Article 5
Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
Sous réserve des dispositions des articles 11, 12 et 14 du règlement (CEE) n° 2423-88, il s'applique pendant une période de quatre mois ou jusqu'à l'adoption par le Conseil de mesures définitives avant l'expiration de cette période. Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.
Notes :
(1) JO n° L 209 du 2. 8. 1988, p. 1.
(2) JO n° C 321 du 12. 12. 1991, p. 7.
(3) JO n° L 195 du 5. 7. 1982, p. 1.
(4) JO n° L 89 du 4. 4. 1992, p. 1.
(5) JO n° L 238 du 21. 8. 1992, p. 24.