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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ., 11 mars 2008, n° 06-02670

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Adler Radiateurs (SAS)

Défendeur :

Abihssira (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Boyer

Conseillers :

Mmes Beuve, Cherbonnel

Avoués :

SCP Mosquet Mialon d'Oliveira Leconte, SCP Parrot Lechevallier Rousseau

Avocats :

Mes Alexandre, Letavernier

TGI Lisieux, du 26 mai 2006

26 mai 2006

Pour l'équipement de leur appartement sis à Deauville, les époux Abihssira ont, le 12 août 1996, passé commande à la société Adler de trois convecteurs électriques d'un coût total de 21 153,30 F (3 224,80 euro), conformément au résultat de l'étude thermique effectuée sur place le même jour par Monsieur Lespagnol, "technicien conseil" de la société Adler.

Ces convecteurs ont été installés au cours du mois suivant.

Le 5 septembre 2001, la prise de courant du radiateur installé dans une des chambres a chauffé au point de provoquer un début d'incendie.

Par un jugement rendu le 26 mai 2006, le Tribunal de grande instance de Lisieux a, notamment, au vu du rapport d'expertise déposé par Monsieur Courte, commis par un jugement avant dire droit du 25 novembre 2004:

- condamné la société Adler Radiateurs à procéder à la remise en état de l'équipement et à la mise en conformité de l'installation des dits radiateurs;

- condamné en outre la société Adler Radiateurs à payer aux époux Abihssira la somme de 6 000 euro en réparation de leurs préjudices, toutes causes confondues, ainsi qu'une indemnité de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions prises:

Le 10 janvier 2007 pour la société Adler Radiateurs, appelante de cette décision;

Le 12 juillet 2007 pour les époux Abihssira.

Rapport a été fait à l'audience, avant les plaidoiries.

Selon Monsieur Courte susnommé, dont le rapport d'expertise n'est aucunement discuté, la carbonisation qui s'est produite le 5 septembre 2001 provient de l'utilisation, pour alimenter le radiateur, d'un socle de prise de courant ne présentant pas une intensité nominale suffisante ; l'installation électrique de l'appartement et, plus particulièrement, les socles de prises de courant alimentant les radiateurs, n'étaient pas conformes à l'usage de ceux-ci pour deux raisons, soit, outre une intensité nominale insuffisante, l'absence de broche de terre nécessaire à la protection des personnes contre les contacts indirects.

L'appelante, qui entend que les époux Abihssira soient déboutés de l'intégralité de leurs demandes, fait valoir principalement qu'il était convenu que l'installation des radiateurs "demeure à la charge de nos clients", ou encore "demeure à la charge de l'acheteur, sauf accord contraire", selon la mention portée sur le bon de commande, ou, au verso de celui-ci, les conditions générales de vente.

Quoiqu'il en soit, en choisissant de commercialiser directement à des particuliers n'ayant pas de connaissances techniques idoines, la société Adler s'obligeait, en phase précontractuelle, à les renseigner non seulement sur le modèle adapté à leurs besoins, mais aussi, le cas échéant, à les mettre en garde contre l'inadéquation de ce modèle à leur installation électrique, d'autant, d'une part qu'elle s'engageait à, selon les termes du document publicitaire produit, "vous fournir une étude personnalisée, sur simple demande, par un de nos techniciens-conseils, à votre disposition pour venir chez vous, gratuitement établir un projet d'installation de chauffage" et "étudier pour vous une solution technique adaptée et performante, tenant compte de vos désirs et des divers paramètres liés à votre habitat et à vos habitudes de vie"; d'autre part, que la notice d'installation, au demeurant fort succincte s'agissant du raccordement, n'était fournie qu'à la livraison de l'appareil selon les dires à l'expert du représentant de la société Adler.

Or celle-ci ne démontre pas, l'étude thermique comme le bon de commande étant vierges de toute réserve relative à l'installation électrique de l'appartement des époux Abihssira, avoir rempli cette obligation par son agent commercial dit "technicien conseil" Monsieur Lespagnol, ni même ne l'allègue.

Au surplus, la qualité de "technicien conseil", à l'évidence accordée inconsidérément à Monsieur Lespagnol par la société Adler, jointe à cette absence de réserve, autorisaient les époux Abihssira à accepter l'offre de Monsieur Lespagnol de procéder à l'installation des appareils, qu'accrédite les mentions manuscrites portées par lui sur le document publicitaire sus-évoqué.

En conséquence, il sera retenu que l'incident survenu le 5 septembre 2001 procède de ces fautes, imputables à la société Adler, peu important les conditions de l'offre faite par Monsieur Lespagnol, que l'expert n'est pas parvenu à joindre, sachant en outre qu'il ne ressort pas du rapport de ce dernier que l'installation électrique, ou celle des convecteurs, aurait été modifiée à l'initiative des époux Abihssira postérieurement à la vente.

Quant au préjudice en résultant, les époux Abihssira ne sont pas discutés en ce qu'ils soutiennent qu'ils n'auraient pas conclu s'ils avaient su que les convecteurs qui leur étaient proposés n'étaient pas compatibles avec leur installation électrique.

La condamnation à faire prononcer à l'encontre de la société Adler, du reste exécutée, sera donc confirmée.

Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contestable que l'incident du 5 septembre 2001 a occasionné un trouble de jouissance aux époux Abihssira, lesquels ont pu ensuite légitimement craindre d'user les deux autres radiateurs.

Etant précisé que la remise en état de marche de l'installation de chauffage a été effectuée en août 2006, la condamnation prononcée à ce titre doit être confirmée.

En revanche, il ne peut être retenu, sauf à ôter tout sens à ces mots, que la contestation par la société Adler de sa responsabilité, fut-elle infondée, a généré pour les époux Abihssira un préjudice de nature morale.

En outre, leurs écritures ne suffisent pas à permettre de caractériser un préjudice, distinct de celui qui est réparé dans le cadre de l'article 700 du Code de procédure civile, qui résulterait de la résistance abusive qu'ils imputent à la société Adler.

Par réformation de la décision entreprise, les époux Abihssira seront donc déboutés de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour cause de préjudice moral et de résistance abusive.

La société Adler Radiateurs, qui succombe principalement, sera condamnée aux dépens.

Mais il n'est pas inéquitable de laisser aux époux Abihssira, déboutés de certaines de leurs demandes, la charge des frais qu'ils ont exposés devant la cour.

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire; Réforme la décision entreprise; Déboute les époux Abihssira de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour cause de préjudice moral et de résistance abusive; En conséquence, condamne la Société Adler Radiateurs à leur payer la seule somme de 3 000 euro en réparation de leur trouble de jouissance; Confirme pour le surplus la décision entreprise; Rejette toute autre demande; Condamne la société Adler Radiateurs aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.