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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 14 décembre 2000, n° 98-2574

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ardéchoise des Plastiques des Bruyères (Sté), Etablissements Lecompte Agri Comtat Ventoux (SARL), Coopérative Agricole l'Union, Caisse Industrielle d'Assurance Mutuelle

Défendeur :

GAEC Nouet, Veyrier, Gallet, GAEC Jeanjean, Bonaud, Merle, Rodriguez, Pourcher, Guigue, Aguilar, Cabanis (EARL), Comptoir Agricole du Sud Est (SA), Cebe, Masclaux, Caggiolli, Candalh, André Jean (SCEA), GAEC Rosa, Couturier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deltel

Conseillers :

Mme Miquel Pribile, M. Bouloumie

Avoués :

SCP Pomies Richaud Astraud, SCP Guizard Servais, SCP Tardieu, SCP Fontaine Macaluso Jullien, Me d'Everlange

Avocats :

Mes Gasser, Bonnenfant, SCP Penard Marin, SCP Bout Carot Balay Puech, SCP Arnaud Ray

TGI Carpentras, du 26 févr. 1998 ; TGI C…

26 février 1998

Faits, procédure et prétentions des parties

Des agriculteurs de la région de Carpentras (Vaucluse) sont spécialisés dans la production de melons précoces, et accessoirement de tomates.

Ce mode de culture spécifique dit "par forçage" ou "méthode de Carpentras", consiste à:

- disposer sur un terrain préparé le film plastique de "paillage",

- mettre en place les arceaux des chenillettes (mini serres) et déposer au sommet des arceaux le film plastique de couverture,

- réaliser la plantation, en perçant le paillage, puis arroser et fermer les chenillettes,

- ne pas ouvrir (ou aérer) les chenillettes pendant environ 3 semaines après la plantation, c'est-à-dire jusqu'au début de la floraison.

Jusqu'à la saison de culture 1993 les agriculteurs concernés ont généralement utilisé comme film de paillage du film ordinaire transparent "film standard".

En 1992 a été mis sur le marché un nouveau film de paillage marron, dénommé "Trilène" qui devait présenter à la fois les avantages des films transparents et des films noirs, c'est-à-dire:

- améliorer la précocité de la culture,

- limiter le développement des herbes adventices,

- réduire la baisse de la température nocturne,

Ce film "Trilène" était fabriqué par la société Ardéchoise des Plastiques des Bruyères (SAPB), distribué dans la région de Carpentras par la société Comptoir Agricole du Sud Est (CASE), et revendu aux agriculteurs de Carpentras par la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux et la Coopérative Agricole l'Union.

Des agriculteurs qui ont utilisé comme film de paillage le Trilène pour la culture " par forçage " ont constaté que peu de jours après la plantation des flétrissements, et même des brûlures des plants, sont apparus, entraînant parfois leur mortalité. Ils ont pris un certain nombre de mesures de sauvetage : ouverture des chenillettes, recouvrement du film de paillage Trilène avec de la terre, remplacement des plants morts.

Par ordonnance de référé du 19 mai 1993 le Président du Tribunal de grande instance de Carpentras a ordonné une expertise confiée à un ingénieur chimiste, Monsieur Paul Rochas, et à un expert agricole, Monsieur Michel Faucon, avec pour mission, chacun en ce qui concerne sa spécialité, de:

- décrire le produit Trilène,

- décrire les désordres constatés par chacun des exploitants,

- déterminer l'origine du désordre,

- dire si les exploitants ont reçu des instructions d'emploi particulières,

- donner leur avis sur l'origine du désordre,

- vérifier les conditions d'expérimentation du produit Trilène par la société CASE avant son placement sur le marché,

- donner leur avis sur le préjudice de chacun des exploitants agricoles,

Les experts ont déposé leurs rapports le 31 octobre 1995.

Le 3 juillet 1996, 18 exploitants agricoles ont assigné devant le Tribunal de grande instance de Carpentras la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux, la Coopérative Agricole l'Union et la société Comptoir Agricole du Sud Est (CASE) pour obtenir réparation de leur préjudice.

Le 26 février 1998 le Tribunal de grande instance de Carpentras a prononcé le jugement suivant:

"Vu les deux rapports d'expertise,

Dit que la SARL Lecompte et la Coopérative l'Union ont manqué à leur obligation d'informer les utilisateurs sur l'inadéquation du produit vendu à la méthode culturale de forçage à l'étuvée;

Condamne la Coopérative l'Union à payer à Monsieur Régis Gallet 22 176,75 F avec exécution provisoire pour l'intégralité de 1 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Condamne la SARL Etablissements Lecompte à payer, avec exécution provisoire pour l'intégralité de la somme principale:

- à Monsieur Régis Gallet 15 429,25 F et 1 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à Monsieur Pierre Candalh 26 890 F et 3 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à Monsieur Guy Cebe 25 972 F et 3 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à Monsieur Jacques Caggiolli 30 489 F et 3 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à la SCEA Jean 241 051 F et 3 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à Monsieur Masclaux 17 578 F et 3 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à Monsieur Gérard Pourcher 46 034 F et 3 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- au GAEC 27 195 F et 3 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la SARL Etablissements Lecompte à payer, sans exécution provisoire, à:

- Monsieur Placido Aguilar 47 783 F et 2 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- Monsieur Pierre Bonaud 24 416 F et 2 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- Monsieur Alain Couturier 115 560 F et 2 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- au GAEC Nouet 69 312 F et 2 500 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation;

Déboute Monsieur Laurent Guigue, le GAEC Jeanjean, Monsieur René Merle, Monsieur Edouard Rodriguez, Monsieur Veyrier, l'EARL Cabanis;

Dit que la SA CASE a manqué à ses obligations d'information des vendeurs;

Condamne la SA CASE à relever et garantir la SARL Etablissements Lecompte et la Coopérative Agricole l'Union de toutes les condamnations prononcées contre elles;

Condamne la SA CASE à payer 8 000 F en tout à la SARL Etablissements Lecompte et à la Coopérative l'Union par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Condamne la SA CASE aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ".

Sur le recours en garantie formé par la société CASE à l'encontre de la société Ardéchoise des Plastiques des Bruyères - SAPB - et de la Caisse Industrielle d'Assurance Mutuelle - CIAM -, le Tribunal de grande instance de Carpentras a, par un jugement du 17 mars 1998:

- condamné la société SAPB à relever et garantir la société CASE pour l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre;

- condamné la CIAM à payer à la société SAPB la somme de 10 000 F au titre de sa garantie;

- condamné in solidum la société SAPB et la CIAM aux dépens.

Ont relevé appel du jugement du 26 février 1998:

- les six exploitants agricoles déboutés de leurs demandes,

- la société CASE,

La société SAPB a relevé appel du jugement du 17 mars 1998.

Les trois procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 octobre 1998.

Par conclusions auxquelles il est expressément fait référence pour le détail de leur argumentation, les parties formulent les demandes suivantes:

- Les exploitants agricoles

"Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la société Lecompte et la Coopérative l'Union étaient tenues de réparer le préjudice subi par les exploitants agricoles sur le fondement d'une obligation de sécurité et d'information liée aux articles 1147 et 1615 du Code civil;

Dire que toutes les sommes qui seront allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 1996;

Dire que toutes les condamnations qui seront prononcées le seront en deniers ou quittances eu égard aux sommes réglées en cours d'instance à certains des concluants;

Dire que les exploitants agricoles qui n'ont pas réglé les factures de la société Lecompte ou de la Coopérative l'Union en seront déchargés au titre de la facturation du film "Trilène"

Dire que chacun des exploitants agricoles aura droit à la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Evaluer le préjudice des exploitants agricoles de la manière suivante y compris pour l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:

1° - Monsieur René Merle 12 331 F

2° - Monsieur Marc Veyrier 142 638,40 F

3° - Le GAEC Nouet 86 312 F

4° - Monsieur Edouard Rodriguez 215 323 F

5° - Monsieur Régis Gallet 121 688,54 F

6° - Monsieur Pierre Bonaud 123 406 F

7° - Monsieur Alain Couturier 323 439 F

8° - Monsieur Gérard Pourcher 63 549,94 F

9° - Monsieur Placido Aguilar 130 169 F

10° - Monsieur Guy Cebe 41 467,02 F

11° - Monsieur Jean Masclaux 33 978 F

12° - Monsieur Sacques Caggiolli 58 269 F

13° - Le GAEC Jeanjean 223 218 F

14° - Monsieur Pierre Candalh 51 381,44 F

15° - la SCEA André Jean 316 307 F

16° - Le GAEC Rosa 42 836 F

17° - Monsieur Laurent Guigue 254 270 F

18° - EARL Le Cabanis (Madame Josette Brun) 52 298 F

Condamner la société Lecompte et la Coopérative l'Union au paiement des sommes susvisées;

Statuer ce que de droit sur les réclamations faites par la société Lecompte et la Coopérative l'Union contre d'autres personnes morales à la procédure;

Condamner la société Lecompte et la Coopérative l'Union aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de référé et les frais d'expertise...".

- La société Lecompte Agri Comtat Ventoux et la Coopérative Agricole l'Union

"Vu les deux rapports d'expertise;

Débouter la société CASE de l'ensemble de ses demandes;

Dire et juger qu'aucun manquement à l'obligation de conseil ne peut être relevé à l'encontre de la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux et de la Coopérative Agricole l'Union;

En conséquence,

Prononcer leur mise hors de cause;

Subsidiairement,

Condamner la société CASE du fait de son manquement à l'obligation de conseil à relever et garantir la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux et la Coopérative Agricole l'Union de toutes les condamnations prononcées à leur encontre;

Sur la réparation du préjudice,

Débouter l'ensemble des demandeurs à l'indemnisation de toute prétention injustifiée;

Confirmer la décision attaquée sur les quantums indemnitaires alloués;

Sur les rapports contractuels des parties,

Rejeter l'exception d'inexécution comme infondée;

Condamner Messieurs Merle, Veyrier, Rodriguez, Couturier, Aguilar, le GAEG Nouet et l'EARL Cabanis au paiement des factures dues, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 26 février 1998, soit:

* Monsieur Merle 1 359,39 F

* Monsieur Veyrier 1 660,40 F

* Monsieur Rodriguez 8 383,36 F

* Monsieur Couturier 11 622,80 F

* Monsieur Aguilar 5 811,40 F

* GAEC Nouet 5 811,40F

* EARL Cabanis 5309,46 F

Condamner solidairement l'ensemble des appelants au paiement de la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel..."

- La société Comptoir Agricole du Sud Est - CASE

"Accueillir l'appel formé par la SA CASE à l'encontre du jugement rendu le 26 février 1998 par le Tribunal de grande instance de Carpentras,

Y faisant droit,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la SA CASE

Statuant à nouveau,

Dire et juger que les désordres invoqués par les agriculteurs proviennent de la culture du melon par forçage, méthode spécifique à la région de Carpentras;

Constater que la SA CASE, grossiste, n'avait aucun contact direct avec les utilisateurs du film Trilène;

Constater que les notices apposées sur les rouleaux du film Trilène attiraient l'attention des utilisateurs sur les particularités du film thermique;

Constater que l'établissement Lecompte et la Coopérative Agricole l'Union devaient s'informer ou se renseigner auprès du fabricant eux seuls, connaissant l'utilisation finale des films Trilènes;

En conséquence, dire et juger que seuls les agriculteurs et les revendeurs, l'établissement Lecompte et la Coopérative Agricole l'Union peuvent être déclarés responsables des désordres invoqués;

Mettre purement et simplement hors de cause la SA CASE;

Débouter les agriculteurs et plus généralement toute partie demanderesse de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, telles que dirigées à l'encontre de la SA CASE;

Condamner toute partie succombante à verser à la SA CASE une somme de 40 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître d'Everlange, avoué;

A titre infiniment subsidiaire,

Si par impossible le jugement du 26 février 1998 rendu par le Tribunal de grande instance de Carpentras venait à être confirmé,

Faire droit à l'appel incident de la SA CASE et réformer le jugement rendu le 17 mars 1999 par le Tribunal de grande instance de Carpentras;

Statuant à nouveau,

Dire et juger que la société SAPB en sa qualité de fabriquant, sera condamnée solidairement avec la SA CASE à indemniser les demandeurs, après réduction des sommes réclamées qui devront être conformes au chiffrage de l'expert judiciaire et justifiées;

Dire et juger que la CIAM devra relever et garantir intégralement la SA CASE de toute condamnation mise à la charge de cette dernière en principal, intérêts, dommages-intérêts, article 700 et frais;

Condamne la CIAM à verser à la SA CASE la somme de 30 000 F au titre de la garantie défense-recours;

Condamner les succombants à verser à la SA CASE la somme de 40 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Condamner en ce cas la CIAM aux entiers dépens de première instance et d'appel..."

- La société Ardéchoise des Plastiques des Bruyères (SAPB)

"Déclarer l'appel de la SAPB recevable et bien fondé;

En conséquence, infirmer le jugement entrepris;

Statuant à nouveau,

Débouter l'ensemble des demandeurs de leurs demandes;

Dire et juger qu'en conséquence, l'appel en garantie de CASE contre SAPB est mal fondé;

Condamner solidairement les demandeurs au paiement d'une somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Pomies Richaud Astraud;

Subsidiairement,

Prononcer un partage de responsabilité entre les demandeurs et les défendeurs et appelés en garantie à hauteur de 50 %;

En cas de condamnation de la société SAPE, condamner CJAM à relever et garantir SAPE de toutes condamnations prononcées à son encontre sur l'appel en garantie diligenté contre elle par CASE, en principal, intérêts, frais et accessoires;

Condamner la CIAM au paiement d'une somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel..."

- La Caisse Industrielle d'Assurance Mutuelle (CIAM)

"Sur le jugement du Tribunal de grande instance de Carpentras du 26 février 1998

Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société CASE avait manqué à ses obligations d'information des vendeurs, et l'a condamnée à ce titre à relever et garantir la SARL Etablissements Lecompte et la Coopérative Agricole l'Union de toutes les condamnations prononcées contre elle;

Rejeter comme injustifiée et non fondée la demande en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de la société CASE et mettre cette dernière purement et simplement hors de cause;

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement entrepris concernant le montant des dommages-intérêts alloués à chacun des agriculteurs;

Rejeter l'appel de Messieurs Merle, Rodriguez, Guigue, Veyrier de l'EARL Le Calbanis et du GAEC Jeanjean comme injustifié et non fondé;

Sur le jugement du Tribunal de grande instance de Carpentras du 17 mars 1998,

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA SAPB à relever et garantir la société CASE de l'ensemble des condamnations supportées par elle;

Rejeter comme injustifié et non fondé l'appel en garantie formé par la société CASE à l'encontre de la société SAPB;

Mettre purement et simplement la société SAPB hors de cause;

A titre subsidiaire,

Vu les contrats d'assurances souscrits par la société CASE et la société SAPB auprès de la CIAM,

Dire et juger que la CIAM ne pourra être tenue à garantir la société CASE ou la société SAPB que dans la limite d'un plafond de 500 000 F sous déduction d'une franchise de 30 000 F;

A titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la CIAM ne pourra être tenue à garantir la société CASE ou la société SAPB que dans la limite d'un plafond de 500 000 F sous déduction d'une franchise de 30 000 F en ce qui concerne la perte de précocité des récoltes;

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la CIAM à payer à la société SARB la somme de 10 000 F au titre de sa garantie défense et recours;

Dire et juger que dans l'hypothèse où la cour retiendrait la responsabilité de la société CASE ou de la société SAPB et condamnerait la CIAM à les relever et garantir, aucune condamnation ne pourrait être prononcée à l'encontre de la CIAM et au profit de l'une de ces sociétés au titre des frais de procès;

Allouer à la CIAM la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Statuer ce que de droit sur les dépens..."

Motifs de la décision

Sur les responsabilités

Attendu qu'il ressort des rapports d'expertise de Monsieur Rochas que le film Trilène présente la particularité de retenir 85 % du rayonnement infra-rouge proche, rayonnement hautement énergétique qu'un film de paillage opaque-thermique doit normalement laisser passer afin qu'il parvienne jusqu'au sol et le réchauffe pendant la journée;

Que les désordres survenus sont imputables à la conjonction de deux facteurs:

- une importante élévation de la température du film Trilène résultant de l'absorption du rayonnement infra-rouge solaire court;

- l'absence de ventilation et d'aération du film de paillage, liée au mode de culture "par forçage", tel que pratiqué dans la région de Carpentras;

Que l'expert a précisé que les conditions climatiques de la saison de culture 1993 n'ont pas exercé une influence significative sur la génération des désordres;

Attendu que les premiers juges ont à bon droit retenu que la société Lecompte Agri Comtat Ventoux et la Coopérative Agricole l'Union, vendeurs professionnels de Carpentras, connaissant les besoins spécifiques de leurs clients, auraient dû, avant de promouvoir un nouveau produit, se renseigner sur ses caractéristiques techniques auprès de leur propre vendeur, et avaient manqué à leur obligation de fournir aux utilisateurs les renseignements accessoires à l'utilisation du film et plus particulièrement en l'espèce les contre-indications quant à l'emploi pour le mode de culture par forçage;

Que le jugement du 26 février 1998 sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Lecompte Agri Comtat Ventoux et la Coopérative Agricole l'Union à réparer le préjudice subi par les exploitants agricoles;

Que ce jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société Comptoir Agricole du Sud Est (CASE), fournisseur du film Trilène, également implanté à Carpentras, et connaissant donc les spécificités des modes de culture locaux, à garantir la société Lecompte Agri Comtat Ventoux et la Coopérative Agricole l'Union, auxquelles elle n'avait pas fourni les renseignements techniques suffisants en vue de la commercialisation locale;

Attendu cependant qu'il n'est pas démontré que le film Trilène fabriqué par la société Ardéchoise des Plastiques des Bruyères - SARB - présentait un vice caché lors d'un paillage réalisé dans des conditions courantes ; qu'il ne saurait être reproché à la SAPB, située en Ardèche, de ne pas avoir vérifié l'aptitude de son produit au mode de culture "par forçage", spécifique à Carpentras,

Qu'en conséquence le jugement du 17 mars 1998 sera réformé en ce qu'il a condamné la SAPB à relever et garantir la société CASE;

Sur la garantie de la Caisse Industrielle d'Assurance Mutuelle (CIAM)

Attendu que la CIAM était l'assureur responsabilité civile tant de la société CASE que de la SAPB;

Attendu que l'expert Faucon a estimé que les exploitants agricoles avaient subi trois types de préjudice:

- une perte de précocité,

- une perte de récolte,

- des frais supplémentaires pour la sauvegarde,

Que la perte de précocité et la perte de récolte sont des dommages matériels;

Qu'il est donc sollicité la réparation de dommages matériels et de dommages immatériels consécutifs, pour lesquels le contrat souscrit par la société CASE prévoit une garantie de 5 000 000 F, avec une franchise de 20 000 F;

Attendu en conséquence que la CIAM devra garantir la société CASE pour toutes les sommes mises à la charge de celle-ci;

Sur les préjudices

Attendu que le jugement du 26 février 1998 sera confirmé en ce qu'il a, au vu du rapport d'expertise de Monsieur Faucon, évalué comme suit le préjudice des exploitants agricoles:

- Monsieur Placido Aguilar 47 783 F

- Monsieur Pierre Bonaud 24 416 F

- Monsieur Pierre Candalh 26 890 F

- Monsieur Guy Cebe 25 972 F

- Monsieur Alain Couturier 115 560 F

- Monsieur Jacques Gaggiolli 38 769 F

- Monsieur Régis Gallet 37 606 F (15 429,25 F à la charge de la société Lecompte Agri Comtat Ventoux et 22 176,75 F à la charge de la Coopérative Agricole l'Union)

- SCEA Jean 241 051 F

- Monsieur Jean Masclaux 17 578 F

- GAEC Nouet 69 312 F

- Monsieur Gérard Pourcher 46 034 F

- GAEC Rosa 27 195F

et débouté Monsieur Merle de ses demandes;

Attendu que l'expert Faucon, malgré l'absence d'observation sur les melonnières précoces pour deux exploitants, et de certains documents pour d'autres, est toutefois parvenu à évaluer les préjudices résultant de l'emploi du film Trilène, par des méthodes que la cour agrée ;

Qu'il convient donc, en réformant le jugement déféré, d'allouer, en réparation de leur préjudice:

- à Monsieur Laurent Guigue la somme de 211 833 F,

- au GAEC Jeanjean la somme de 155 018 F,

- à Monsieur Edouard Rodriguez la somme de 93 485 F,

- à Monsieur Marc Veyrier la somme de 32 075 F,

- à l'EARL Cabanis (Madame Brun) la somme de 32 474 F,

Attendu que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation;

Attendu que si les exploitants agricoles ont sollicité et obtenu (à l'exception d'un seul) l'indemnisation du préjudice lié à l'emploi du film Trilène, ils ne sauraient pour autant être dispensés du paiement de la marchandise qui leur a été livrée et qu'ils ont utilisée;

Qu'en conséquence la demande de la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux en paiement des factures non réglées est justifiée et qu'il convient d'y faire droit;

Sur les dépens à l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu que la CIAM sera condamnée aux entiers dépens de première instance (y compris les frais d'expertise) et d'appel;

Qu'il convient d'allouer à chacun des exploitants agricoles demandeurs (à l'exception de Monsieur Merle qui est débouté de ses demandes) la somme de 3 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel;

Qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux, de la Coopérative Agricole l'Union, de la société CASE et de la SAPB;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, Vu l'ordonnance de jonction du 8 octobre 1998; Reçoit en la forme les appels ; Confirme le jugement du 26 février 1998 en ce qu'il a : - condamné la Coopérative Agricole l'Union à payer à Monsieur Régis Gallet la somme de 22 176,75 F, - condamné la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux à payer à : - Monsieur Placido Aguilar 47 783 F - Monsieur Pierre Bonaud 24 416 F - Monsieur Pierre Candalh 26 890 F - Monsieur Guy Cebe 25 972 F - Monsieur Alain Couturier 115 560 F - Monsieur Jacques Gaggiolli 38 769 F - Monsieur Régis Gallet 15 429,25 F - SCEA Jean 241 051 F - Monsieur Jean Masclaux 17 578 F - GAEC Nouet 69 312 F - Monsieur Gérard Pourcher 46 034 F - GAEC Rosa 27 195 F, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de l'assignation; - condamné la société Comptoir Agricole du Sud Est (CASE) à relever et garantir la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux et la Coopérative Agricole l'Union; - débouté Monsieur René Merle de ses demandes; Réformant pour le surplus le jugement du 26 février 1998, ainsi que le jugement du 17 mars 1998, Condamne la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux à payer, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation : - à Monsieur Laurent Guigue la somme de 211 833 F, - au GAEC Jeanjean la somme de 155 018 F, - à Monsieur Edouard Rodriguez la somme de 93 485 F, - à Monsieur Marc Veyrier la somme de 32 075 F, - à l'EARL Cabanis (Madame Brun) la somme de 32 474 F, Condamne la société CASE à relever et garantir la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux pour ces sommes; Condamne la Caisse Industrielle d'Assurance Mutuelle - CIAM - à garantir la société CASE, sous réserve de l'application de la franchise conventionnelle; Met hors de cause la société Ardéchoise des Plastiques des Bruyères (SAPB); Condamne à payer à la SARL Lecompte Agri Comtat Ventoux, avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 1998: - Monsieur Merle la somme de 1 359,39 F, - Monsieur Veyrier la somme de 1 660,40 F, - Monsieur Rodriguez la somme de 8 383,36 F, - Monsieur Couturier la somme de 11 622,80 F, - Monsieur Aguilar la somme de 5 811,40 F, - le GAEC Nouet la somme de 5 811,40 F, - l'EARL Cabanis la somme de 5 309,46 F, Condamne la Caisse Industrielle d'Assurance Mutuelle (CIAM) : * aux entiers dépens de première instance (y compris les frais d'expertise) et d'appel, ces derniers étant distraits au profit des avoués qui en ont fait la demande; * à verser à chacun des exploitants agricoles (à l'exception de Monsieur Merle), la somme de 3 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel; Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.