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Décisions

CA Metz, 1re ch., 27 septembre 2007, n° 04-03566

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Euro Soudure (SA), Maroccou (ès qual.)

Défendeur :

Fimic Dispelor (SA), Sereca (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Staechele

Conseillers :

Mmes Claude-Mizrahi, Duroche

Avocats :

Mes Bettenfeld, Thiebaut, Henaff, Larzillière

TGI Metz, du 21 sept. 2004

21 septembre 2004

Par acte du 30 janvier 2002, la SA Euro Soudure, spécialisée dans la soudure, la chaudronnerie et le montage de construction métallique, a exposé qu'elle a été chargée par la SA Pont-à-Mousson des travaux de remise en état d'un condenseur situé dans la cokerie de Pont-à-Mousson, le cahier des charges mentionnant au titre des interventions à réaliser le démontage de tous les caissons et de tous les anciens tubes, le changement de tous les tubes et le remontage de tous les caissons ; qu'elle a commandé à l'un de ses fournisseurs habituels, la société Fimic Dispelor, et pris livraison le 30 janvier 1999 des joints d'étanchéité destinés à être placés entre le condenseur et les caissons ; qu'or, lors de la remise en eau de la chauffe, des fuites ont été décelées par la société Pont-à-Mousson qui a décidé de stopper le processus de remise en service et de vidanger le condenseur et, après avoir constaté l'éclatement des joints d'étanchéité, lui a imposé le dépôt de tous les capots et le changement complet des joints; que la société Fimic Dispelor avançant l'hypothèse d'une mauvaise qualité des joints, a proposé de les remplacer en totalité et de fournir les tubes de colle nécessaires à leur fixation ; que le second lot de joints a été réceptionné le 26 avril 1999 et les travaux de préparation terminés au cours de la première semaine de mai 1999; que lors de la remise en eau et la chauffe du condenseur, de nouvelles fuites ont été constatées; que la société Fimic Dispelor a accepté de prendre en charge la mise en place de joints différents, ces joints étant directement extraits d'une plaque et non des joints extrudés comme précédemment ; que la société Pont-à-Mousson s'estimant satisfaite du troisième essai auquel il a été procédé le 17 mai 1999, lui a demandé d'équiper le condenseur de nouveaux joints, ce qu'elle a fait.

Prétendant que la société Fimic Dispelor doit prendre en charge le surcoût de l'opération engendré par la défectuosité des deux premiers joints posés, soit la somme de 50 912,72 euro correspondant :

- au coût salarial correspondant à l'intervention de ses salariés

- au coût des goujons (vis de fixation) servant à la fixation des capots dont le remplacement est nécessaire

- au coût de location des échafaudages

- au coût du contrôle des échafaudages

- ainsi qu'au coût salarial de l'intervention pour effectuer l'opération de changement des joints et montages de la structure,

la société Euro Soudure a sollicité sa condamnation à lui payer ledit montant avec intérêts au taux conventionnel égal à 1,5 fois le taux d'intérêts légal, à compter du 10 août 1999, outre une indemnité de 4 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La demanderesse a ajouté que le juge des référés qu'elle avait saisi d'une demande de provision, a ordonné une mesure d'expertise technique ; qu'il résulte du rapport déposé par l'expert le 29 janvier 2001, que la responsabilité de la société Fimic Dispelor est seule engagée, les désordres qui se sont produits à deux reprises provenant d'une non-conformité des joints d'étanchéité ; que la défenderesse ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne connaissait pas la destination exacte du produit et qu'il y aurait eu un défaut technique dans la conception de l'ouvrage et le choix du joint alors que les joints fournis n'ont pas assuré leur fonction d'étanchéité ; qu'en tout état de cause, à supposer que le problème résulte du choix du joint et non de sa qualité, la société Fimic Dispelor, spécialisée en matière de joints d'étanchéité à usage industriel, a failli à son obligation de conseil.

La SA Fimic Dispelor a conclu au rejet de la demande et à titre subsidiaire, appelé son propre fournisseur, la société Sereca, à laquelle les opérations d'expertise ont été étendues, en garantie de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de la société Euro Soudure et paiement d'une indemnité de 2 300 euro du chef des frais irrépétibles.

La défenderesse a prétendu que contrairement à ce que soutient la demanderesse, il ne résulte aucunement du rapport d'expertise que sa responsabilité serait engagée, l'expert demeurant très circonspect concernant les causes des désordres après avoir exclu des investigations plus poussées jugées très compliquées, très coûteuses et fort incertaines ; qu'il apparaît en réalité que la cause des fuites constatées lors des deux premiers essais réside dans l'incompatibilité à sa destination technique du produit nitrile extrudé livré conformément à la commande passée et aux prescriptions du cahier des charges, et donc à une erreur de conception de l'ouvrage; qu'or, elle a répondu à la commande qui lui était faite, sans être associée au marché conclu entre la société Pont-à-Mousson et Euro Soudure et sans connaître la destination exacte de l'utilisation du produit commandé ; qu'elle a livré un produit nitrile dont la destination répondait aux paramètres d'utilisation demandés ; que la société Euro Soudure, spécialisée en chaudronnerie-tuyauterie, connaît parfaitement les types de joints disponibles sur le marché, qu'elle met en œuvre quotidiennement ; qu'il lui appartient d'adapter ses commandes à leur destinations et qu'elle ne peut pas plus lui reprocher un manquement à son devoir de conseil alors qu'elle a très exactement répondu aux prescriptions du cahier des charges.

La SARL Sereca a conclu au rejet de l'appel en garantie, le produit livré étant parfaitement conforme aux commandes reçues et ne présentant aucun vice, et sollicité la condamnation de la société Fimic à lui verser une indemnité de 4 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 21 septembre 2004, le tribunal, énonçant qu'il n'est pas démontré que les joints livrés par la société Fimic Dispelor ne seraient pas conformes à la commande passée par la SA Euro Soudure, laquelle ne peut par ailleurs reprocher à la défenderesse un manquement à son devoir de conseil dans la mesure où elle n'a pas sollicité un tel conseil, a débouté la demanderesse de ses prétentions et l'a condamnée à payer à la société Fimic Dispelor la somme de 1 300 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant déclaration reçue le 6 octobre 2004, la SA Euro Soudure a régulièrement relevé appel de ce jugement.

La société Euro Soudure ayant été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du 16 février 2006, Maître Maroccou ès qualités de mandataire liquidateur est intervenu volontairement aux débats et a conclu comme suit :

- avant dire droit et en tant que de besoin, ordonner une expertise judiciaire aux fins d'apprécier le préjudice subi par Euro Soudure directement en relation causale avec la faute contractuelle commise par la SA Fimic Dispelor

- infirmer le jugement entrepris, et vu les articles 1134 et suivants, 1142 et suivants du Code civil, déclarer la société Fimic Dispelor responsable du préjudice subi par la société Euro Soudures

- la condamner à payer à maître Maroccou, ès qualités, la somme de 50 912,72 euro avec intérêts au taux conventionnel de 1,5 x le taux d'intérêt légal à compter du 10 août [2]000

- débouter la société Fimic Dispelor de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions

- la condamner au paiement d'une indemnité de 6 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens des deux instances y compris les frais d'expertise judiciaire.

La SA Fimic Dispelor a conclu :

- à la confirmation du jugement entrepris concernant l'appel de la société Euro Soudures et sa condamnation à lui verser 1 500 euro du chef des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais et dépens de l'appel en garantie

- au cas où l'appel de la société Euro Soudures serait admis, à la condamnation de la société Sereca à la garantir de toutes condamnations et à lui payer une indemnité de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL Sereca a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la société Fimic Dispelor à lui verser une indemnité de 4 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les dernières écritures déposées le 16 octobre 2006 par la SAS Euro Soudure en liquidation judiciaire représentée par Maître Maroccou ès qualités de mandataire liquidateur, le 29 août 2006 par la SA Fimic Dispelor et le 13 novembre 2006 par la SARL Sereca, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que la SA Euro Soudure, à laquelle la SA Pont-à-Mousson avait confié, dans le cadre de la remise en état d'un condenseur sur le site de la cokerie de Pont-à-Mousson, les prestations de démontage de tous les caissons et anciens tubes, changement de tous les tubes et remontage de tous les caissons - le croquis joint au descriptif annexé au marché par la SA Pont-à-Mousson préconisant la pose de " joints caoutchouc qualité 75 dureté 75 Dshore (Perbunam) en section carrée de 12 mm" - a passé commande, le 29 janvier 1999 à la société Fimic Dispelor, auprès de laquelle elle se fournissait habituellement, des joints d'étanchéité destinés à être placés entre le condenseur et les caissons, la commande portant précisément sur " 45 longueurs de 4300 mm de corde caoutchouc nitrile carré 12 mm DS 70" ;

Que des fuites s'étant manifestées dès la mise en service du condenseur, résultant de l'éclatement des joints d'étanchéité posés par la société Euro Soudure, celle-ci a procédé, sur injonction du maître de l'ouvrage, à leur remplacement et passé le 26 avril 1999, une nouvelle commande à la société Fimic Dispelor portant sur " 200 mm de corde caoutchouc nitrile carré 12 mm DS 70", qui ont fait l'objet d'une livraison le 26 avril 1999 ;

Que des fuites ayant été à nouveau constatées, une réunion a été organisée le 12 mai 1999 en présence des représentants de la SA Pont-à-Mousson, de la SAS Euro Soudure et de la SA Fimic Dispelor au cours de laquelle a été décidé un nouvel essai avec de nouveaux joints ; que cet essai, effectué avec des joints directement extraits d'une plaque, et non des joints extrudés comme précédemment, s'est avéré concluant ;

Qu'à la demande de la société Pont-à-Mousson, la SA Euro Soudure a alors équipé le condenseur de joints " tirés dans la plaque" livrés par la société Fimic Dispelor ;

Attendu en premier lieu, que les éléments du dossier et notamment les conclusions de l'expertise diligentée par Monsieur Waeckerle, commis par ordonnance de référé du 29 février 2000, ne permettent pas d'incriminer le caractère défectueux des joints livrés tant le 31 janvier que le 26 avril 1999 ; que la société Euro Soudure ne peut se prévaloir du compte-rendu de réunion dressé par le maître de l'ouvrage le 12 mai 1999 qui indique que, selon Monsieur Renaudin représentant la société Euro Soudure, les fuites constatées à l'occasion des deux premiers essais de mise en eau sont dues à des joints défectueux, inopérant à cet égard dès lors que les causes des avaries n'étaient pas encore définies ;

Qu'en réalité, il résulte du rapport d'expertise déposé le 31 janvier 2001, que l'origine des désordres est très probablement liée à une fragilisation temporaire thermiquement activée, dont l'origine est en rapport avec la marche de la vulcanisation ou des conditions qui l'entourent ;

Que Monsieur Waeckerle, qui relève que les deux types de cordes employées - extrudées lors des deux premiers essais et " tirées dans la plaque " lors de l'essai du 17 mai 1999 - n'ont pas les mêmes propriétés technologiques, conclut que les joints en cause lors des deux premières poses n'étaient pas conformes à leur destination ;

Attendu que la SA Euro Soudure fait valoir qu'elle n'a aucune compétence en matière de joints et qu'elle a strictement répercuté les exigences du maître de l'ouvrage à la société Fimic Dispelor, spécialisée dans la fourniture de matériels industriels dans le domaine des passages de fluides et la fourniture d'élastomères spéciaux, et fournisseur habituel de la société Pont-à-Mousson ; qu'elle soutient que l'inadéquation du produit livré est imputable à cette dernière, qui a effectué de nombreuses livraisons sur le chantier et ne pouvait ignorer de ce fait la destination des joints commandés en vue de la remise en état du condenseur et qui a choisi de livrer des joints extrudés sans se renseigner plus avant ; qu'en tout état de cause, s'il devait être admis que la société Fimic Dispelor n'était pas astreinte à une obligation de conseil au libellé de la commande initiale, il n'en va pas de même concernant la seconde commande qui a fait suite aux premières fuites, dont elle avait été avisée et qu'elle a elle-même constatées ;

Mais attendu qu'il est constant que la société Fimic Dispelor a strictement satisfait aux commandes dont elle était destinataire en livrant les produits commandés ;

Que s'il est constant que le fournisseur est tenu d'un devoir de conseil, encore eût-il fallu en l'espèce, que la société Fimic Dispelor soit en mesure de fournir ledit conseil ;

Or attendu que la première commande qui porte précisément sur " 45 longueurs de 4300 mm de corde caoutchouc nitrile carré 12 mm DS 7O " ne mentionne aucunement que les joints sont destinés à assurer l'étanchéité entre le condenseur et les caissons, ni ne fournit une quelconque indication quant à leurs conditions de mise en œuvre, pas plus qu'elle ne reproduit les exigences du maître de l'ouvrage telles qu'elle figuraient sur le devis descriptif ; que le fait que la société Fimic Dispelor ait, à plusieurs reprises, livré sur le chantier des produits qui lui étaient commandés par la société Euro Soudure, ainsi que l'atteste son responsable d'agence, Monsieur Plateau, ne suffit pas de déduire qu'elle avait, dans le cas précis, connaissance de l'usage auquel étaient destinés les joints litigieux ;

Attendu qu'il en va de même de la deuxième commande qui porte sur des joints identiques aux premiers, sans aucune précision quant à leur utilisation, et qui n'est accompagnée d'aucun commentaire quant aux problèmes rencontrés lors de la première mise en eau ;

Attendu que la société Euro Soudure qui ne justifie pas avoir adressé un quelconque avertissement à son fournisseur, ne rapporte pas la preuve que, comme elle le prétend, celui-ci se serait déplacé sur les lieux après le premier incident et aurait constaté l'état des joints ; que la réunion dont elle fait état, à laquelle assistait effectivement Monsieur Joly de la société Fimic Dispelor, s'est tenue à l'initiative de la SA Pont-à-Mousson, le 12 mai 1999, soit postérieurement à la deuxième mise en eau ;

Attendu qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Euro Soudure de ses prétentions ; qu'il sera observé que si les développements de l'appelante concernant les qualités équivalentes du Perbunam et de la corde de nitrile obtenue par extrusion, peuvent avoir leur importance dans ses relations avec le maître de l'ouvrage, ils sont en revanche inopérants s'agissant de la mise en cause de la société Fimic Dispelor, laquelle a strictement livré les produits commandés et ne disposait d'aucun élément pour apprécier leur adéquation à l'usage auquel ils étaient destinés ;

Attendu que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de la SA Fimic Dispelor du chef des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, à hauteur de la somme de 1 000 euro qui s'ajoutera à l'indemnité allouée par les premiers juges ;

Attendu que l'appel en garantie formé par la société Fimic Dispelor contre la SARL Sereca est dès lors sans objet ;

Qu'il échoit d'allouer à la société Sereca une indemnité de 1 000 euro du chef des frais irrépétibles ;

Attendu que l'appelante succombant en son appel, les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition publique au greffe, Donne acte à Maître Maroccou, mandataire judiciaire, de son intervention volontaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Euro Soudure en liquidation judiciaire, Reçoit la SA Euro Soudure, en liquidation judiciaire, représentée par Maître Maroccou ès qualités de liquidateur judiciaire, en son appel contre le jugement rendu le 21 septembre 2004 par la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz, Confirme ce jugement en toutes ses dispositions, Déboute la SA Euro Soudure, en liquidation judiciaire, représentée par Maître Maroccou, ès qualités de liquidateur judiciaire, de l'ensemble de ses prétentions, Condamne Maître Maroccou, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Euro Soudure en liquidation judiciaire à payer à la SA Fimic Dispelor une indemnité de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile du chef des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, Déclare l'appel en garantie formé par la SA Fimic Dispelor contre la SARL Sereca sans objet, Condamne la SA Fimic Dispelor à payer à la SARL Sereca une indemnité de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que les dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à la procédure de référé-expertise, seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.