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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 15 juin 2006, n° 04-04966

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Télé Robot (SARL)

Défendeur :

Turcovitch

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Werl

Conseillers :

Mmes Vieilledent, Conte

Avocats :

Mes Wybrecht-Hiriart, Bresch, Crovisier, Loos

TGI Colmar, du 4 oct. 2004

4 octobre 2004

Le 12 mars 2003, Mme Danièle Turcovitch a acheté à la SARL Télé Robot un téléviseur et un support de table Plasma, avec option cadre champagne gratuit, pour un prix de 8 400 euro TTC qui a été intégralement payé.

Des dysfonctionnements sont rapidement apparus (coupures d'images).

Le 22 juillet 2003, un technicien s'est présenté au domicile de la cliente pour procéder à l'installation du cadre champagne (non livré jusque là) et aux contrôles techniques.

Mme Danièle Turcovitch a refusé cette intervention au motif que la pièce de remplacement proposée était du matériel de démonstration.

Les dysfonctionnements s'aggravant, Mme Danièle Turcovitch a fait assigner la SARL Télé Robot à comparaître devant le juge des référés civils du Tribunal de grande instance de Colmar pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance du 7 octobre 2003, le juge des référés a fait droit à cette demande et désigné M. Auguste Rademacher pour y procéder en réservant les dépens.

Le 15 avril 2004, l'expert judiciaire a déposé son rapport dont les conclusions sont en substance les suivantes : l'appareil concerné ne présente aucun défaut et fonctionne à la satisfaction de Mme Danièle Turcovitch, les dysfonctionnements évoqués avaient pour origine le verrouillage par inadvertance de la télécommande par l'utilisateur, le cadre champagne a été livré le 3 avril 2004 aux époux Turcovitch.

A la suite de quoi la SARL Télé Robot a repris l'instance pour demander la condamnation de Mme Danièle Turcovitch au paiement d'un montant de 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en sus des dépens et d'une indemnité de procédure de 1 000 euro.

Mme Danièle Turcovitch a conclu au débouté de la SARL Télé Robot à la condamnation de cette dernière aux dépens (y compris les frais d'expertise) et au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000 euro.

Par ordonnance du 4 octobre 2004, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Colmar s'est déclaré incompétent sur la demande de provision, a condamné la SARL Télé Robot aux dépens nés de l'expertise et Mme Danièle Turcovitch, aux frais d'assignation et droit de plaidoirie.

Pour justifier sa décision, le premier juge a considéré que le vendeur avait manqué à son devoir d'information relatif au fonctionnement, considéré comme complexe, de la télécommande, et qu'il était ainsi à l'origine du "contentieux technique" ayant conduit à la désignation d'un expert judiciaire, tandis que "par son attitude rigide" (refus d'intervention des techniciens de la SARL Télé Robot) la demanderesse avait également contribué à la mise en œuvre de cette procédure.

Suivant déclaration enregistrée au greffe le 22 octobre 2004, la SARL Télé Robot a interjeté appel de cette ordonnance.

En l'état de ses conclusions récapitulatives déposées le 18 juillet 2005, l'appelante demande à la cour:

- d'infirmer la décision entreprise. Et statuant à nouveau :

- de condamner Mme Danièle Turcovitch à lui payer un montant de 500 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation;

- de condamner Mme Danièle Turcovitch aux entiers dépens de première instance et d'appel (y compris les frais d'expertise);

- de la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000 euro ;

L'appelante rappelle en premier lieu les conclusions du rapport d'expertise que Mme Danièle Turcovitch ne discute pas. Elle conteste ensuite la faute qui lui est reprochée en rappelant qu'outre les explications orales données lors de la livraison du matériel, une notice de fonctionnement de la télécommande a été laissée à la disposition des clients. De plus, avant de se décider à acheter, les époux Turcovitch se sont présentés à cinq reprises au magasin où toutes les informations sur le fonctionnement de l'appareil leur ont alors été données. S'agissant de la livraison du cadre, la SARL Télé Robot rappelle que même après le passage de l'expert judiciaire, Mme Danièle Turcovitch ne savait pas si elle souhaitait la livraison du cadre champagne ou conserver le cadre d'origine (de couleur métallisée).

Elle rappelle enfin qu'après le signalement de la panne, toutes les tentatives d'intervention au domicile de Mme Danièle Turcovitch ont été systématiquement refoulées par l'intimée.

La SARL Télé Robot en déduit que la responsabilité et les frais de la procédure incombent intégralement à Mme Danièle Turcovitch dont l'attitude "bornée" lui a en outre occasionné de multiples autres tracas (déplacements, pertes de temps...)

En l'état de ses conclusions récapitulatives déposées le 9 septembre 2005, l'intimée demande à la cour:

- de déclarer l'appel irrecevable et mal fondé;

- de débouter la SARL Télé Robot de l'ensemble de ses prétentions;

- de confirmer la décision entreprise, sauf en ce qu'elle l'a condamnée aux frais d'assignation et au droit de plaidoirie;

- d'infirmer la décision entreprise de ce chef. Sur appel incident:

- de condamner la SARL Télé Robot aux frais d'assignation et au droit de plaidoirie;

- de la condamner aux entiers frais et dépens des deux instances (y compris les frais d'expertise) ainsi qu'au paiement d'un montant de 1 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Danièle Turcovitch conteste avoir reçu la moindre information sur le fonctionnement de l'appareil lors de ses trois passages (et non pas cinq) au magasin de la SARL Télé Robot. Elle affirme avoir été contrainte d'adresser une lettre recommandée avec accusé de réception au vendeur pour le faire réagir à la suite du signalement des dysfonctionnements, ses appels téléphoniques étant restés vains. Elle insiste sur le caractère complexe de la télécommande et plus généralement de l'appareil en cause. Elle affirme que la brièveté des explications fournies lors de la livraison est à l'origine de l'erreur de manipulation commise et relève que l'expert judiciaire lui-même, n'a pas immédiatement décelé l'origine des dysfonctionnements.

Elle conteste la valeur des attestations produites par la SARL Télé Robot selon lesquelles des informations complètes auraient été données aux acquéreurs, en faisant observer que ces attestations émanent de préposés de l'appelante et en déduit que l'appelante ne rapporte pas le preuve qui lui incombe du respect de son obligation.

Elle soutient son appel incident en affirmant:

- qu'elle ne s'est jamais opposée à une vérification technique de l'appareil;

- que le refus d'intervention opposé à la SARL Télé Robot était justifié par le fait que cette dernière voulait remplacer un appareil neuf haut de gamme par un téléviseur de démonstration, ce qui n'était évidemment pas acceptable.

Elle invoque à son tour le préjudice qu'elle a subi tant sur le plan financier qu'en termes de privation de jouissance, dont elle ne réclame cependant pas l'indemnisation.

Sur quoi, LA COUR,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour le plus ample exposé de leurs moyens :

Sur la recevabilité de l'appel

Tout en sollicitant l'irrecevabilité de l'appel de la SARL Télé Robot, Mme Danièle Turcovitch ne développe aucune argumentation au soutien de ce moyen. Dès lors, en l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, il y a lieu de déclarer l'appel recevable.

Sur l'appel principal

Les dysfonctionnements - avérés - qui affectaient le poste de télévision acquis par Mme Danièle Turcovitch provenaient, selon l'expert judiciaire, du "verrouillage par inadvertance de la télécommande, par l'utilisateur". Ce constat n'est pas discuté. L'expert ajoute dans ses conclusions que "le test proposé par la SARL Télé Robot avait valeur technique" et qu'il "permettait de cerner l'origine d'une éventuelle panne."

La SARL Télé Robot en déduit non seulement que le mauvais fonctionnement de l'appareil ne lui était pas imputable, mais que la responsabilité de la procédure et des tracas qu'elle a générés incombent à Mme Danièle Turcovitch qui lui en doit réparation.

Toutefois, dans la mesure où le litige trouve son origine dans une erreur de manipulation de l'appareil survenue peu de temps après l'achat de l'appareil, la question se pose du respect de l'obligation d'information du vendeur. En effet, aux termes de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, "tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit avant la conclusion du contrat mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

La preuve de l'exécution de cette obligation incombe au professionnel.

En l'occurrence, la SARL Télé Robot argue de la remise d'une notice d'information et d'explications orales détaillées qui auraient été données aux acheteurs avant la vente. Cependant, la notice à laquelle se réfère l'appelante n'est pas produite et l'expert judiciaire n'en parle pas de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier la teneur des explications qu'elle comporte, notamment celles qui concernent le fonctionnement de la télécommande.

Quant aux explications orales fournies avant la vente, Mme Danièle Turcovitch les conteste et les attestations établies par les salariés de la SARL Télé Robot qui sont en outre les personnes qui auraient dû fournir cette information, ne constituent pas des pièces probantes.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge non seulement s'est déclaré incompétent sur la demande de provision de la SARL Télé Robot, mais qu'il a en outre condamné le vendeur de l'appareil au paiement des frais d'expertise.

Sur l'appel incident

Mme Danièle Turcovitch reproche au premier juge de l'avoir condamnée à payer une partie des frais de la procédure au motif qu'en ne laissant pas les techniciens accéder à son domicile le 22 juillet 2003, elle aurait fait preuve d'une "attitude rigide" qui aurait contribué à la survenance du litige.

Le partage des frais auquel est parvenu le premier juge suppose toutefois une appréciation des fautes respectives des parties et une analyse du comportement de Mme Danièle Turcovitch qui excède la compétence du juge des référés, étant observé:

- d'une part que les circonstances et les motifs pour lesquels l'accès au domicile des époux Turcovitch a été refusé aux préposés de la SARL Télé Robot ne sont pas claires;

- d'une part que la SARL Télé Robot n'est intervenue au domicile des époux Turcovitch pour effectuer un contrôle que plusieurs semaines après des demandes d'interventions par voie d'appels téléphoniques - et lettre recommandée d'avocat - demeurées sans effet, ce qui est révélateur d'une négligence au moins tout aussi critiquable.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision de premier juge en ce qu'il a condamné Mme Danièle Turcovitch au paiement d'une partie des frais de la procédure, de condamner la SARL Télé Robot aux entiers dépens de l'appel ainsi qu'au versement à Mme Danièle Turcovitch d'une indemnité de procédure de 1 000 euro

Par ces motifs, Déclare l'appel régulier et recevable en la forme; Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a condamné Mme Danièle Turcovitch aux frais d'assignation et droit de plaidoirie; Et statuant à nouveau de ce chef : Condamne la SARL Télé Robot aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel; La condamne également à payer à Mme Danièle Turcovitch une indemnité de procédure de 1 000 euro (mille euro).