CA Paris, 25e ch. B, 4 octobre 1996, n° 26216-94
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Caret
Défendeur :
René Godfrid (SA), Vila (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pinot (faisant fonction)
Conseillers :
M. Weill, Mme Canivet
Avoués :
SCP Autier, SCP Bommart Forster
Avocats :
Mes Levy-Jochimek, Katz
LA COUR statue sur l'appel relevé par Madame Caret du jugement contradictoire rendu par le Tribunal de grande instance de Paris du 6 juillet 1994 qui l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société René Godfrid la somme de 11 400 F, sous réserve de la livraison d'un meuble conforme.
Référence faite aux énonciations du jugement ainsi qu'aux conclusions des parties pour l'exposé des faits, des prétentions et moyens soulevés par les parties, il suffit de rapporter que le litige porte sur la demande de Madame Caret en résolution d'une part de la vente d'une bibliothèque en merisier qui aurait présenté des défauts lors de la livraison par la société René Godfrid et restitution du prix d'acquisition ainsi que sur la demande en résolution de la vente d'un meuble, objet d'une commande ultérieure, et restitution de l'acompte versé.
Par le jugement déféré, le tribunal a retenu, pour l'essentiel, que Madame Caret ne rapportait pas la preuve des défauts affectant la bibliothèque qu'elle alléguait, que la livraison remontant à plus d'une année, une mesure d'instruction s'avérerait inefficace, qu'il n'était pas établi que le meuble livré n'était pas conforme à la commande, que la vente du second meuble était parfaite.
Appelante, Madame Caret a repris l'intégralité de sa demande initiale en faisant valoir que l'expertise amiable à laquelle elle a fait procéder démontre que la bibliothèque présentait des défauts tels que le vendeur n'avait pas satisfait à son obligation de délivrer une chose conforme à la commande, que les dispositions édictées par le décret du 14 mars 1986 relatives aux informations devant être portées à la connaissance de l'acquéreur n'ont pas été respectées.
Devant le magistrat de la mise en état, Madame Caret a formé un incident aux fins d'expertise qui a été accueilli.
Au vu des conclusions de l'expert, M. Diisidi, Madame Caret demande à la cour de prononcer la nullité du bon de commande du 16 septembre 1992, pour non-respect par le vendeur professionnel des dispositions de l'article L. 111 du Code de la consommation et des dispositions du décret du 14 mars 1986, de prononcer la résolution de la vente de la bibliothèque, aux torts exclusifs du vendeur, sur le fondement des articles 1184 et 1602 et 1641 du Code de la consommation, en raison de la non-conformité de la chose vendue à la commande ainsi que des vices cachés affectant ce meuble, et encore, de prononcer la résolution du meuble "hi-fi" acquis en complément de la bibliothèque. En outre, elle formule une demande complémentaire tendant à l'allocation de dommages intérêts au titre des tracas causés par le présent litige et au bénéfice de l'article 700 NCPC.
Elle conteste avoir été en possession d'une fiche technique lors de la commande, et fait valoir que la bibliothèque ne présentait pas les caractéristiques énoncées sur le bon de commande et que, de plus, il présentait des défauts et enfin que le second meuble n'a été acquis qu'en complément de la bibliothèque.
Intimée et appelante incidente, la société René Godfrid, représentée par son liquidateur amiable, Me Vila, conclut à la confirmation de la décision déférée et sollicite qu'il lui soit donné acte de son offre de procéder à l'échange de meuble litigieux.
Elle fait observer que l'obligation d'information a été remplie, en considération de la fiche technique figurant au dos de l'étiquette et des indications données par le vendeur, que de plus, Madame Caret a disposé du temps nécessaire pour s'informer, que les constatations expertales mettent en évidence que le meuble livré était conforme à la commande, que le manque de finition relevé par l'expert doit s'apprécier au regard du mode de fabrication en série et non pas à l'unité, que les défauts relevés ne sont pas imputables au fabricant mais aux conditions dans lesquelles le meuble a été conservé et du temps passé depuis la livraison, que le refus de prendre possession du meuble acquis en complément n'est pas justifié.
En réplique, Madame Caret précise à nouveau son argumentation et ajoute que la fiche technique ne lui a pas été remise, que, en tout état de cause, les prescriptions du décret précité n'ont pas été satisfaites, que les défauts relevés ne lui sont pas imputables, que l'offre de procéder au remplacement du meuble par un meuble présentant les mêmes caractéristiques critiquées n'est pas sérieuse, que sa demande de dommages-intérêts est fondée sur les dispositions de l'article 1645 du Code de la consommation.
En réponse, Maître Vila conteste l'argumentation de l'appelante.
Sur quoi, LA COUR,
Considérant que, aux termes des dispositions impératives de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, le vendeur professionnel d'un bien, est tenu de mettre le consommateur, avant la conclusion du contrat en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien;
Que les prescriptions édictées par le décret n° 86-583 du 14 mars 1986 font obligation au vendeur professionnel de porter à la connaissance du consommateur les caractéristiques du bien, en faisant figurer, par une mention spécifique le cas échéant que les informations fournies ne concernent que les parties apparentes du bien en cause;
Considérant que Maître Vila ne démontre pas avoir communiqué à Madame Caret des informations autres que celles figurant sur le bon de commande sur lequel est porté la mention "merisier massif";
Qu'il n'est établi par aucun élément objectif que la fiche technique du meuble en cause a été apposée au dos de l'étiquette;
Que, pas davantage, n'est corroborée de manière probante l'affirmation du vendeur professionnel selon laquelle les informations telles que énoncées au décret précité auraient été portées oralement à la connaissance de Madame Caret lors de la commande passée par celle-ci le 16 septembre 1992;
Que les mentions portées sur le bon de commande étaient manifestement équivoques et insuffisantes quant au matériau utilisé pour la fabrication du meuble, l'expert ayant relevé que les essences utilisées constituées de merisier massif pour toutes les façades et les parties visibles à l'extérieur et de hêtre massif, pour les tablettes, fonds, séparations à l'intérieur et intérieur des tiroirs;
Que les recommandations de la Fédération nationale du négoce de l'ameublement selon laquelle la fiche technique serait remise à l'acquéreur si celui-ci en fait la demande ne sont pas opposables à Madame Caret;
Que c'est donc à bon droit que Madame Caret sollicite la nullité du bon de commande;
Qu'il devient par suite inopérant de se prononcer sur le manquement à l'obligation de délivrance d'une chose conforme pesant sur la société Raflé Godfrid, pas plus que sur l'existence de vices affectant le meuble litigieux;
Considérant qu'il ne peut être contesté que la commande relative au meuble "hi-fi" était destinée à former un ensemble avec la bibliothèque;
Que cette seconde commande doit également être annulée;
Qu'il s'ensuit que Maître Vila doit être condamné A restituer les sommes reçues en exécution des deux commandes annulées soit 30 920 F, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 1992 et 1 200 F avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 1992;
Considérant que Madame Caret a exposé des frais et supporté les tracas inhérents à l'exercice de la présente procédure pour faire triompher ses droits; qu'elle est fondée à obtenir réparation de ce préjudice à hauteur de 5 000 F;
Considérant que l'équité, comme la situation économique de la partie condamnée commandent de faire bénéficier Madame Caret des dispositions de l'article 700 NCPC dans la limite de 5 000 F;
Par ces motifs, Reforme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Statuant à nouveau, Prononce la nullité du bon de commande du 16 septembre 1992 et du bon de commande du 16 décembre 1992, Ordonne en conséquence la restitution par Maître Vila des sommes de 30 920 F, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 1992 contre remise de la bibliothèque litigieuse et de 1 200 F, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 1992, Condamne Maître Vila à payer à Madame Caret la somme de 5 000 F, à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 5 000 F, par application de l'article 700 NCPC; Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire, Condamne Maître Vila aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise et admet la SCP Autier, avoué, au bénéfice de l'article 699 NCPC.