CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 17 février 2004, n° 02-07152
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Socolo (SA)
Défendeur :
Maillet (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lonne
Conseillers :
Mmes Faivre, Guillou
Avoués :
SCP Jupin & Algrin, Me Binoche
Avocats :
Mes Guerard-Oberti, Papineau
Faits et procédure
Par jugement contradictoire du 12 septembre 2002, le Tribunal d'instance de Sannois, saisi d'un litige opposant Monsieur et Madame Maillet à la SA Socolo a:
- condamné la SA Socolo à payer à Monsieur et Madame Maillet la somme de 4 000 euro avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la SA Socolo à la somme de 200 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La SA Socolo a régulièrement relevé appel de ce jugement le 30 octobre 2002.
La SA Socolo, dans ses dernières écritures déposées le 12 janvier 2004, demandent à la cour de:
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter Monsieur et Madame Maillet de leurs demandes,
- les condamner à verser à la SA Socolo la somme de 2 500 euro pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- les condamner à la somme de 915 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
A l'appui de ses prétentions, la SA Socolo fait essentiellement valoir que le professionnel qui a vendu la cabine de douche à Monsieur et Madame Maillet n'a pas violé son devoir de conseil. Elle ajoute que les dommages liés à la pose ne rentrent pas dans la garantie contractuelle.
Enfin, la concluante affirme que la réclamation a été faite hors délai soit plus de 10 jours ouvrables après réception de la douche.
Monsieur et Madame Maillet, dans leurs dernières conclusions déposées le 14 janvier 2004, demandent à la cour de:
- rejeter l'appel de la société Socolo
- élever la condamnation de la société Socolo à la somme de 6 381,52 euro soit déduction faite de la somme de 4 000 euro déjà versée, une condamnation à la somme complémentaire de 2 381,52 euro avec ladite somme les intérêts légaux à compter du 16 octobre 2001,
- à titre subsidiaire, condamner la société Socolo sur le fondement des articles 1116, 1184 et 1641 du Code civil à rembourser la somme de 6 381,52 euro sauf à déduire celle de 4 000 euro versée en exécution de la décision entreprise, outre les intérêts légaux à compter du 16 octobre 2001,
- condamner la société Socolo au paiement de la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Monsieur et Madame Maillet exposent à titre principal que Monsieur Agostini, gérant de la société, a hésité à vendre la cabine de douche.
Ils soutiennent, qu'à aucun moment, ils n'ont été avertis que cette cabine de douche nécessitait une installation de plomberie différente des installations habituellement pratiquées.
Les concluants rappellent qu'ils ne pouvaient faire de réserves afin de commencer l'installation du matériel.
Motifs,
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture
Considérant que la signification tardive par la société Socolo de conclusions le 12 janvier 2004, veille de l'ordonnance de clôture, constitue une atteinte au principe du contradictoire, laquelle est une cause grave justifiant de révoquer l'ordonnance de clôture afin d'admettre aux débats les conclusions des époux Maillet.
Au fond
Considérant que le 24 juillet 2001, la société Socolo éditait un accusé réception du bon de commande par les époux Maillet d'une cabine de douche d'exposition; avec hydrojets hammam moyennant un prix de 5 335,72 euro (35 000 F) HT, que cette cabine de douche a été livrée le 13 septembre 2001.
Considérant que s'agissant de l'acquisition d'une cabine de douche d'exposition, qui a séjourné pendant plusieurs mois dans le showroom de la société Socolo, qui a été démontée avant d'être livrée, il est vain pour les époux Maillet, qui ont obtenu une réduction du prix de 50 %, de se plaindre d'une livraison en vrac, d'un emballage peu soigné; qu'ils ne peuvent tirer aucune conclusion de ce que le carton d'emballage de la porte et différents cartons portaient l'inscription " retour HS ";
Considérant que de même il est sans intérêt pour la présente instance de savoir que le gérant de la société venderesse se serait réservé cette douche pour son usage personnel et en aurait été privé en raison de la vente consentie par son épouse;
Considérant enfin qu'il ressort de l'original de l'accusé réception de la commande, de la facture, que cette cabine de douche a été commandée et payée par les époux Maillet; que ces derniers s'étaient réservés la fourniture des appareils sanitaires dans le marché de travaux qui les liaient à la société MN Services; qu'il ne saurait en conséquence être tiré du seul fait que cette dernière s'est rendue dans les locaux de l'entreprise Socolo et a signé le bon de commande que la vente a été consentie au bénéfice d'un professionnel.
Considérant que c'est en conséquence à bon droit que le premier juge a considéré que cette vente est soumise à l'article L. 111-1 du Code de la consommation; que le professionnel, vendeur de biens doit avant la conclusion du contrat mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.
Considérant qu'il ressort du courtier du plombier (pièce n° 3) dépêché sur les lieux à la demande de la société Socolo que "la plomberie existante sur les lieux n'était pas compatible avec la cabine de douche vendue. Le diamètre à prévoir pour cette installation était au minimum de 16 x 18 pour permette un débit d'eau suffisant."
Considérant qu'il n'est en effet pas discuté que la cabine de douche n'a pas pu être installée avec toutes les fonctionnalités prévues en raison d'une section insuffisante (16) du tuyau d'alimentation; que le diamètre à prévoir pour ce type d'installation sanitaire est au minimum 18 mm voire 20 mm selon les entrepreneurs qui ont établi les devis des travaux de reprise à la demande des époux Maillet.
Considérant qu'il incombait à la société Socolo, vendeur professionnel, d'informer les époux Maillet, consommateurs, que la cabine de douche équipée d'hydrojets nécessite une section des tuyaux d'alimentation et des évacuation supérieure à la section standard.
Considérant que le courrier adressé le 13 novembre 2001 par la société Socolo au conseil des époux Maillet précisant "le 24 juillet, le constructeur est venu passer la commande pour le carrelage et la cabine de douche. Je lui ai soumis le problème de hauteur et de pression d'eau. Le constructeur m'a dit qu'il était au courant de ces problèmes et que c'était résolu." qui peut apparaître comme une preuve que la société Socolo s'est constituée à elle même a posteriori ne suffit en tout état de cause pas à établir que la société Socolo a fourni à l'acquéreur une information précise sur le diamètre des tuyaux d'alimentation et d'évacuation nécessaire au fonctionnement de la cabine de douche vendue.
Considérant que ce manquement du vendeur professionnel à son obligation d'information est préjudiciable aux acquéreurs qui ne peuvent faire usage du bien qui leur a été vendu;
Considérant que c'est en vain que la société Socolo invoque l'irrecevabilité de la demande comme tardive; en effet la demande des époux Maillet ne relève ni de la conformité du bien vendue ni de la garantie due par le vendeur mais du non-respect de son obligation d'information pour laquelle la réclamation n'est contractuellement enfermée dans aucun délai; que de même la société Socolo ne peut se soustraire à l'obligation d'information prévue par le texte d'ordre public susvisé en invoquant une clause contractuelle limitative de garantie.
Considérant que le jugement qui a retenu un manquement du vendeur professionnel à son obligation d'information sera confirmé.
Considérant que le premier juge a justement fixé à la somme de 4 000 euro la réparation du préjudice subi par les époux Maillet à raison du manquement du vendeur à son obligation d'information, correspondant à l'adaptation des tuyaux d'alimentation et d'évacuation nécessaire à la mise en œuvre de toutes les fonctionnalités de douche vendue; que les époux Maillet jouissent actuellement d'une douche à usage classique; qu'en conséquence les devis qu'ils ont fait établir postérieurement au jugement, au cours du dernier trimestre 2003, soit plus de deux années après la réalisation des travaux, pour un montant compris entre 6 et 7 000 euro ne peuvent justifier la remise en cause de cette juste évaluation.
Considérant que la société Socolo qui succombe supportera la charge des dépens; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Maillet l'intégralité des frais non compris dans les dépens; qu'il sera fait droit à leur demande à hauteur de 800 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, Révoque l'ordonnance de clôture et admet aux débats les conclusions signifiées par les époux Maillet le 14 janvier 2004, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, Condamne la société Socolo à payer à Monsieur et Madame Maillet la somme de 800 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Jupin & Algrin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.