Cass. crim., 22 mai 2002, n° 01-81.671
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Institut national des appellations d'origine
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Agostini
Avocat général :
M. Launay
Avocats :
SCP Parmentier, Didier
LA COUR : - Cassation partielle sur le pourvoi formé par l'Institut national des appellations d'origine, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 16 février 2001, qui, après relaxe partielle de Cécile X des chefs de vente de denrées à l'étiquetage de nature à créer une confusion et de contravention de fraude en matière de présentation des vins, a prononcé sur les intérêts civils. - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 214-1, L. 214-2, R. 112-1, R. 112-6 et R. 112-7 du Code de la consommation, 11, 12 et 40 du règlement CEE n° 2392-89 du 24 juillet 1989, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, relaxant Cécile X du chef de vente, vente ou offre de denrées alimentaires à l'étiquetage trompeur et ne retenant que partiellement sa culpabilité du chef d'infractions aux règlements pris pour l'exécution de la loi sur les fraudes, a limité à la somme de 1 franc le montant de l'indemnisation du préjudice subi par l'INAO ;
" aux motifs que, sur le caractère trompeur de l'étiquetage, il convient de rechercher si l'étiquetage en cause est de nature à tromper un consommateur moyen ; que les bouteilles litigieuses contenaient du vin de cépage Merlot originaire du pays d'Oc alors que la décoration imputée à Cécile X reproduisait des sites et monuments, outre des textes, relatifs à des communes du pays nantais relevant de l'appellation Muscadet Sèvre et Maine ; que, toutefois, les étiquetages, au sens large, comportaient clairement la mention "Merlot, Vin du Pays d'Oc", ainsi que toutes les mentions obligatoires, mentions qui se distinguaient parfaitement de la décoration litigieuse, laquelle ne faisait aucune allusion aux vins de l'appellation Muscadet Sèvre et Maine ; qu'au demeurant, le Merlot de pays d'Oc est un vin rouge alors que les habitants du pays nantais, et les touristes y séjournant, savent pertinemment que le Muscadet Sèvre et Maine est un vin blanc ; que, par conséquent, Cécile X avait suffisamment différencié les éléments décoratifs et les mentions obligatoires d'étiquetage des vins, de sorte qu'aucune confusion n'était possible dans l'esprit d'un consommateur moyen entre le contenu des bouteilles incriminées et le vin produit dans les régions évoquées par les sérigraphies litigieuses ; que, dès lors, Cécile X sera relaxée du chef de vente, vente ou offre de denrées alimentaires à l'étiquetage trompeur ; que, sur l'apposition de mentions interdites sur l'étiquetage, la CJCE a retenu une définition large de la notion d'étiquetage ; que les éléments de décoration apposés par la société Les Bouteilles Sérigraphiées font partie de l'étiquetage ainsi défini ; que le règlement CEE n° 2392-89, dans son article 11, énumère les seules mentions autorisées sur les bouteilles de vins de qualité produits en régions déterminées (VQPRD) ; que la représentation de sites touristiques accompagnés d'un texte de caractère culturel et historique ne figure pas parmi les mentions limitativement énumérées par cet article ; que, cependant, l'article 11-2, d) de ce règlement CEE autorise la représentation, sur les bouteilles de VQPRD, de la commune ou de partie de la commune où les personnes physiques ou morales ayant participé au circuit commercial du vin en question ont leur siège social ; que la société Hyper U - Verdis, visée par la prévention, a son siège social à Vertou, commune évoquée sur trois des sept sérigraphies visées dans le procès-verbal des poursuites ; qu'il ne saurait être soutenu que la société Hyper U - Verdis ne participe pas au circuit commercial du vin en question puisque justement c'est elle qui le vend aux consommateurs ; que Cécile X sera dès lors relaxée du chef de mentions interdites relativement aux bouteilles portant en décoration sérigraphiée des sites ou monuments de la commune de Vertou ; que, par contre, les éléments matériels et intentionnels de l'infraction restent réunis s'agissant des autres communes ; que le jugement déféré sera par conséquent réformé sur la peine, ramenée à une seule peine d'amende de 500 francs assortie du sursis ; que, de même, le montant des dommages-intérêts alloués à la partie civile, l'INAO, sera ramenée à la somme de 1 franc ;
" 1° alors que l'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et plus particulièrement sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, l'origine ou la provenance de celle-ci ; qu'en considérant que les étiquettes sérigraphiées, apposées sur des bouteilles de vin de pays d'Oc, cépage Merlot, étiquettes qui comprenaient des noms de communes, la représentation de sites ou de monuments de celles-ci, ainsi qu'un historique, n'étaient pas de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur de ce vin, quand bien même ces communes étaient toutes situées dans l'aire géographique de l'appellation Muscadet Sèvre et Maine, dès lors que la mention "Merlot, Vin du Pays d'Oc", apparaissait clairement et se distinguait des mentions litigieuses pouvant se rattacher à l'appellation Muscadet Sèvre et Maine et que nul ne pouvait ignorer que cette appellation correspondait à du vin blanc et non pas à du vin rouge comme le vin litigieux, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2° alors qu'au surplus, en affirmant de la sorte que nul ne pouvait ignorer, séjournant dans le pays nantais, que l'appellation Muscadet Sèvre et Maine correspondait à du vin blanc et non pas à du vin rouge comme le vin de pays d'Oc, cépage Merlot, sans expliquer en quoi cette connaissance est nécessaire à qui séjourne dans le pays nantais, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" 3° alors que l'étiquetage des bouteilles des vins de qualité produits en régions déterminées (VQPRD) peuvent comprendre l'indication du nom ou de la raison sociale des personnes physiques ou morales ou d'un groupement de personnes ayant participé au circuit commercial du vin, ainsi que de la commune ou de la partie de commune où ceux-ci ont leur siège principal ; qu'en admettant, en application de cette règle, qu'était exempt de critique l'étiquetage faisant référence à la commune de Vertou en ce que la société Hyper U - Verdis, qui commercialisait le vin, avait son siège social dans cette commune et participait au circuit commercial de ce vin, quand l'étiquetage litigieux ne se bornait pas à la seule mention du nom de ladite commune mais comprenait aussi la représentation de sites ou de monuments de celle-ci, ainsi qu'un historique, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 4° alors qu'en envisageant, en outre, le siège social de la société qui commercialisait le vin sans préciser si ce siège social était le siège principal de cette société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" 5° alors qu'enfin, en ne précisant pas plus si l'étiquetage litigieux spécifiait en quelle qualité la société Hyper U - Verdis avait participé au circuit commercial du vin, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen " ;
Vu les articles L. 214-2 et L. 214-3 du Code de la consommation et le règlement 2392-89-CEE du 24 juillet 1989 ;
Attendu que les dispositions du règlement communautaire précité, qui déterminent les indications que peut comporter l'étiquetage des vins, excluent tout décor ou référence publicitaire sans rapport avec le vin concerné ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que des bouteilles de vins de pays d'Oc, de cépage Merlot, sur lesquelles étaient sérigraphiés des paysages de plusieurs communes viticoles situées dans l'aire d'appellation d'origine Muscadet Sèvre et Maine, accompagnés d'un historique du site ou du monument reproduit, ont été mises en vente dans un magasin à grande surface de Vertou, l'une des communes concernées par les illustrations ; que cette marchandise avait été distribuée par la société Les Bouteilles Sérigraphiées, qui commercialise des bouteilles de vin personnalisées et décorées ;
Attendu que Cécile X, gérante de la société qui distribue les bouteilles de vins commercialisées, a été poursuivie, d'une part, pour avoir vendu des denrées dont l'étiquetage est de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur, en méconnaissance des articles R. 112-6 et R. 112-7 du Code de la consommation, d'autre part, pour avoir porté sur l'étiquetage du vin des indications non autorisées par les dispositions du règlement 2392-89-CEE du 24 juillet 1989 établissant les règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins, contraventions prévues et réprimées par l'article L. 214-2 dudit Code ;
Attendu que, pour renvoyer la prévenue des fins de la poursuite du chef de vente de denrées à l'étiquetage trompeur, l'arrêt retient que l'ensemble des indications qui doivent obligatoirement figurer sur l'étiquetage était présenté de manière distincte de la décoration et qu'aucune confusion n'était possible entre le vin rouge contenu dans les bouteilles et le vin blanc produit dans les régions évoquées par leur décoration ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, la juridiction du second degré a justifié sa décision déboutant la partie civile de ses demandes en ce qui concerne les contraventions aux articles R. 112-6 et R. 112-7 du Code de la consommation ;
Attendu que, pour relaxer partiellement la prévenue du chef d'apposition de mentions interdites sur l'étiquetage, l'arrêt énonce que le décor, qui évoque la commune du siège social de l'hypermarché commercialisant les bouteilles, entre dans les prévisions de la liste limitative de l'article 11.2, d, du règlement 239289-CEE précité, qui autorise l'indication du nom ou de la raison sociale des personnes qui ont participé au circuit commercial du vin de qualité produit dans une région déterminée, ainsi que de la commune où celles-ci ont leur siège principal ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le décor sérigraphié, qui ne comportait pas l'indication du nom ou de la raison sociale du vendeur, était sans rapport avec le vin de pays contenu dans les bouteilles, la cour d'appel, qui, au surplus s'est référée à tort à l'article 11 du règlement précité, applicable aux seuls vins de qualité produits dans une région déterminée, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Poitiers, en date du 16 février 2001, en ses seules dispositions ayant partiellement débouté la partie civile de ses demandes relatives aux infractions au règlement 2392-89-CEE du 24 juillet 1989, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Angers.