Livv
Décisions

CE, 3e et 8e sous-sect. réunies, 24 mai 2006, n° 275363

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association pour la promotion des soyfoods

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hagelsteen

Commissaire du gouvernement :

M. Glaser

Rapporteur :

Mme Egerszegi

CE n° 275363

24 mai 2006

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'Association pour la promotion des soyfoods dont le siège est 12, avenue Georges V à Paris (75008); l'Association pour la promotion des soyfoods demande au Conseil d'Etat; 1°) d'annuler les articles 2 et 5 de l'arrêté interministériel du 8 octobre 2004 relatif à l'emploi de calcium dans des produits alimentaires à base de soja; 2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative; Vu les autres pièces du dossier; Vu le Code de la consommation; Vu le décret du 15 avril 1912; Vu le Code de justice administrative; Après avoir entendu en séance publique: - le rapport de Mme Aune Egerszegi, Auditeur, - les conclusions de M. Emmanuel Glaser. Commissaire du gouvernement;

Considérant que l'Association pour la promotion des soyfoods demande l'annulation des articles 2 et 5 de l'arrêté interministériel du 8 octobre 2004 relatif à remploi de calcium dans des produits alimentaires à base de soja;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté:

Considérant que l'Association pour la promotion des soyfoods demande l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 8 octobre 2004 en tant qu'il fixe à 100 mg/100 ml la teneur maximale en calcium des desserts à base de soja;

Considérant que ces dispositions sont indivisibles de celles de l'article 1er de ce même arrêté qui autorisent l'adjonction de calcium dans les desserts obtenus à partir de jus de soja, par exception à l'interdiction de l'adjonction de produits chimiques dans les denrées alimentaires énoncée à l'article 1er du décret du 15 avril 1912; qu'elles ne peuvent donc être déférées seules au juge de l'excès de pouvoir; que, dès lors, les conclusions de l'association, expressément limitées à l'annulation des dispositions de l'article 2, sont irrecevables;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 5 de l'arrêté :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : "Il sera statué par des décrets en Conseil d'Etat sur les mesures à prendre pour assurer l'exécution des chapitres II à VI du présent titre, notamment en ce qui concerne : (...) / 2° Les modes de présentation ou les inscriptions de toute nature sur les marchandises elles-mêmes, les emballages, les factures, les documents commerciaux ou documents de promotion, en ce qui concerne notamment : le mode de production, la nature, les qualités substantielles, la composition y compris, pour les denrées alimentaires, la composition nutritionnelle, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, l'identité, la quantité, l'aptitude à l'emploi, les modes d'emploi ainsi que les marques spéciales facultatives ou obligatoires apposées sur les marchandises françaises exportées à l'étranger. (...) / Les décrets prévus au présent article sont pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments lorsqu'ils portent sur des produits entrant dans son champ de compétence ou qu'ils comportent des dispositions visant à prévenir des risques sanitaires ou nutritionnels. Ces avis sont rendus publics."; qu'aux termes de l'article R. 112-9 du même Code dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué: "Sans préjudice des dispositions relatives au contrôle métrologique, l'étiquetage des denrées alimentaires préemballées comporte, dans les conditions et sous réserve des dérogations prévues au présent chapitre, les mentions obligatoires suivantes : (...) / 9° Le mode d'emploi chaque fois que sa mention est nécessaire à un usage approprié de la denrée alimentaire ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières d'utilisation, notamment les précautions d'emploi."; qu'aux termes de l'article R. 112-13 du même Code : "Des arrêtés du ministre chargé de la Consommation, du ministre de l'Agriculture et des autres ministres intéressés fixent, en tant que de besoin, les modalités pratiques d'application des articles R. 112-9 à R. 112-12, notamment en ce qui concerne l'utilisation de signes conventionnels.";

Considérant que l'article 5 de l'arrêté attaqué impose dans l'étiquetage des produits alimentaires à base de soja enrichis en calcium une mention supplémentaire déconseillant la consommation de ces produits en association avec une forte consommation de produits laitiers, compte tenu des risques de surcharge en calcium de l'organisme qui en résulteraient; que cette recommandation sanitaire, eu égard à son objet et sa portée générale excède les "modalités pratiques d'application" qui, d'après l'article R. 112-13 précité, peuvent être fixées par arrêté ministériel, lorsqu'elles concernent certains données relatives à "l'information des consommateurs" prévues au titre 1er du livre 1er du Code de la consommation, duquel relèvent les articles R. 112-9 et R. 112-13 susmentionnés, mais a trait à la "conformité et à la sécurité des produits" auxquelles ledit Code a consacré son livre II; que, par suite, cette mention supplémentaire d'étiquetage, qui ne trouve pas de fondement dans les dispositions de l'article 1er du décret du 15 avril 1912 en application desquelles l'arrêté attaqué autorise l'enrichissement en calcium des boissons et desserts à base de soja, ne pouvait être prévue que par décret en Conseil d'Etat pris en application de l'article L. 214-1 précité figurant au livre II du Code de la consommation;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Association pour la promotion des soyfoods est fondée à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêté qu'elle attaque; qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euro au titre des frais exposés par l'Association pour la promotion des soyfoods et non compris dans les dépens;

Décidé:

Article 1er : L'article 5 de l'arrêté interministériel du 8 octobre 2004 relatif à l'emploi de calcium dans des produits alimentaires à base de soja est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à l'Association pour la promotion des soyfoods une somme de 2 000 euro au titre de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Association pour la promotion des soyfoods est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Association pour la promotion des soyfoods et au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.