Livv
Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 31 octobre 2006, n° 05-02047

CHAMBÉRY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cartier (Epoux)

Défendeur :

Actuel Concept (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bertrand

Conseillers :

Mmes Zerbib, Simond

Avoués :

SCP Bollonjeon-Arnaud, SCP Fillard-Cochet-Barbuat

Avocats :

SCP Ballaloud Aladel, Me Bregman

TI Annecy, du 6 juin 2005

6 juin 2005

Vu le jugement rendu le 6 juin 2005 par le juge d'instance d'Annecy frappé d'appel par Monsieur et Madame Jacky Cartier ainsi que les écritures par eux développées devant les deuxièmes juges outre celles établies pour le compte de la SARL Actuel Concept, intimée, respectivement déposées au greffe les 14 septembre et 8 septembre 2006.

Sur quoi, LA COUR:

Selon devis ne prévoyant nul délai de livraison et accepté le 29 novembre 2002, les époux Cartier ont commandé auprès de la SARL Actuel Concept des travaux tendant à meubler deux salles de bains, le tout pour un montant de 10 300 euro, un acompte de 3 090 euro à valoir sur ce prix ayant été versé par chèque encaissé daté du jour de la conclusion du contrat.

La SARL Actuel Concept a fait installer sur le chantier en février 2003 par une société sous-traitante pour un prix de 729,56 euro un podium destiné à l'encastrement d'une baignoire. Elle a également commandé le 27 juin 2003 le mobilier sanitaire fabriqué aux mesures spéciales requises d'un montant total de 1 477,50 euro qu'elle a acquitté auprès du fournisseur.

Les époux Cartier ont affirmé avoir eu ensuite de vains échanges téléphoniques avec la SARL Actuel Concept à laquelle ils ont envoyé le 12 août 2004 une lettre recommandée assortie d'un accusé de réception dans laquelle déplorant n'avoir réceptionné aucun meuble à ce jour, ils demandaient "la nullité du contrat suite à l'absence de date limite de livraison sur le bon de commande" ainsi que la restitution de l'acompte de 3 090 euro.

Le premier juge les a déboutés de leur requête en résolution du contrat aux torts de la SARL Actuel Concept estimant que la convention avait reçu un commencement d'exécution par l'installation du podium et qu'elle avait en définitive été rompue de leur fait de sorte qu'il a laissé à l'entreprise en dédommagement les sommes conjuguées liées à l'installation du podium (729,56 euro et au prix des meubles effectivement fabriqués et prêts à être posés (1 477,50 euro), soit au total 2 207,96 euro prélevés sur l'acompte initial de 3 090 euro, 882,94 euro devant ainsi être restitués aux époux Cartier. La SARL Actuel Concept indique avoir rendu ce surplus aux époux Cartier en vertu de l'exécution provisoire dont le jugement était assorti.

La SARL Actuel Concept sollicite en appel la confirmation de cette décision tandis que les époux Cartier souhaitent la voir infirmer.

L'entreprise fait valoir qu'elle attendait le "feu vert" des époux Cartier, maîtres d'ouvrage dont la villa était en construction, pour achever les travaux d'installation du mobilier et de pose de carrelage dans les deux salles de bains, les intéressés étant les mieux informés de l'ordre d'intervention sur leur chantier des différentes entreprises participant à l'œuvre de construction ainsi que de leur retard éventuel dans l'exécution de leurs missions respectives.

En l'espèce, la convention du 29 novembre 2002 dont s'agit ne prévoyait nul délai de livraison alors qu'en application des dispositions de l'article L. 114-1 du Code de la consommation, le professionnel devait indiquer la date limite à laquelle il s'engageait à livrer des meubles et à exécuter la prestation promise.

Cependant, cette omission n'est pas à elle seule de nature à entraîner la résolution du contrat aux torts de l'entrepreneur en l'absence de sanction législative assortissant l'absence de date limite de livraison de sorte que le litige apparaît devoir être réglé par référence au droit commun.

L'article 1146 du Code civil dispose que les dommages et intérêts ne sont dûs que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur n'était pas obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante.

Une telle précision reprend d'ailleurs les termes de l'article 1139 du même Code qui définit la mise en demeure par une sommation ou par un autre acte équivalent telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante.

La règle est donc celle de la mise en demeure préalable d'exécuter l'obligation de livrer ou de faire devant être adressée par le créancier au débiteur, démarche en l'absence de laquelle ce dernier n'est, en principe, point tenu au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution ou de la seule période d'inexécution de son engagement contractuel, cela par application de l'article 1146 précité.

Or, en l'espèce, la lettre du 12 août 2004 adressée par les époux Cartier à la SARL Actuel Concept ne saurait être assimilée à une mise en demeure d'exécuter au sens des articles 1146 et 1138 du Code civil ci-dessus rappelés, ses auteurs invitant au contraire l'entreprise destinataire à ne pas exécuter ses obligations tendant à la livraison et à l'installation des meubles de salle de bains puisque y est demandée la "nullité du contrat" et la restitution de l'acompte.

L'article 1610 du Code civil - aux termes duquel l'acquéreur peut à son choix demander la résolution de la vente ou la mise en possession de la chose vendue si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu et si le retard vient du fait de ce dernier -, ne déroge pas au droit commun de la rupture contractuelle dont les modalités sont précisées par les articles 1146 - la teneur de ce texte ayant été rappelée plus haut -, et suivants du même Code.

Aucun temps n'a été convenu en l'espèce et ce texte ne dispense pas le créancier de l'obligation d'adresser une mise en demeure d'exécuter au débiteur à partir de laquelle aurait pu courir, si elle avait été délivrée, un délai, dont le juge aurait pu apprécier le caractère raisonnable, de livraison des meubles et d'installation des salles de bains dans une villa en cours de construction et à l'issue duquel il y aurait eu retard en cas d'exécution différée et donc dommages et intérêts envers le créancier.

En toute hypothèse, l'absence de terme stipulé impliquait en l'espèce que le débiteur de l'obligation prît soin au moins d'informer les époux Cartier qu'il était en possession du mobilier sanitaire spécialement commandé ainsi que du moment précis auquel il a reçu les meubles afin qu'une date puise être conjointement convenue au sujet de leur installation compte tenu des travaux devant être antérieurement achevés par d'autres entrepreneurs parties prenantes à l'œuvre globale de construction de la villa.

Il apparaît ainsi en définitive, indépendamment de toute mise en demeure, que la résiliation de la convention - conjointement sollicitée -, doit être prononcée, en application de l'article 1184 du Code civil, aux torts exclusifs de la SARL Actuel Concept qui a pêché par un manque caractérisé de communication avec ses clients dont elle n'a pas établi avoir pris l'attache de février 2003 à août 2004, mois au cours duquel ce sont ces derniers qui, sans nouvelle d'elle depuis un an et demi en l'état au moins des éléments versés au dossier, ont - ce qui n'est pas abusif -, préféré dénoncer le pacte du 29 novembre 2002 alors déjà vieux de deux années.

L'acompte de 3 090 euro apparait ainsi devoir être restitué aux époux Cartier sous déduction d'une somme de 729,56 euro correspondant à l'installation effective d'un podium de sorte que reste à rendre une somme de 2 360,44 euro majorée non pas des intérêts de retard au taux légal à compter du 12 août 2004 mais à partir de la date du présent arrêt qui ordonne la résolution judiciaire du contrat, les droits des parties n'ayant pas été fixés avant ce jour.

Il est encore observé, au soutien des motifs qui précèdent, que la SARL Actuel Concept n'a pas, après le 12 août 2004, proposé d'exécuter enfin ses obligations.

L'équité ne conduit pas à faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au présent cas d'espèce.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter ses propres dépens de première instance et d'appel dès lors que les meubles commandés apparaissent avoir été disponibles et réglés par la SARL Actuel Concept.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, - infirme le jugement déféré - Prononce la résiliation du contrat aux torts de la SARL Actuel Concept - Condamne la SARL Actuel Concept à restituer aux époux Cartier la somme de 2 360,44 euro - Donne acte à la SARL Actuel Concept de ce qu'elle a déjà rendu aux époux Cartier 882,94 euro à valoir sur la somme précitée. - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au présent cas d'espèce - Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés au premier et au deuxième degré de juridiction.