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Décisions

CA Nancy, 1re ch. civ., 16 octobre 2006, n° 04-03235

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centre régional du meuble Méga Meubles (SA)

Défendeur :

Miksa (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Dory

Conseillers :

M. Schamber, Mme Tomasini

Avoués :

SCP Bonet-Leinster-Wisniewski, SCP Millot-Logier-Fontaine

Avocats :

SCP Massé-Berlemont-Fournier, Mes Schaf-Codognet, Geny La Rocca

TGI Nancy, du 26 août 2004

26 août 2004

Exposé du litige:

Selon bon du 30 mars 2001, Monsieur et Madame Miksa ont commandé une cuisine auprès de la société Centre régional du meuble (Méga Meubles) pour un montant total net de 128 000 F soit 19 513,97 euro.

Ils ont versé un acompte de 10 000 F (1 524,49 euro), le solde étant stipulé payable lors de la livraison, prévue en novembre 2001.

En l'absence de toute livraison des éléments commandés, les époux Miksa ont adressé un courrier à la société venderesse le 21 janvier 2003 aux fins d'annulation de la commande et restitution de l'acompte versé.

La demanderesse n'a pas accepté la demande de résiliation présentée par les époux Miksa.

Par exploit du 1er octobre 2003, elle les a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Nancy pour voir:

- constater qu'elle n'a pas failli dans son obligation de livrer, les époux Miksa ayant demandé que la livraison de leur cuisine soit différée et en conséquence déclarer nulle et de nul effet la notification d'annulation des époux Miksa,

- dire et juger que dans les 15 jours du jugement à intervenir, ils devront faire connaître la date à laquelle la livraison pourra être effectuée, à défaut de quoi, ils y seront contraints par une astreinte de 100 euro par jour de retard,

- voir condamner les époux Miksa au paiement de 17 988,98 euro représentant le solde du prix avec intérêts de droit au taux légal à compter du 29 janvier 2003 et subsidiairement de l'assignation, outre 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les époux Miksa ont conclu au débouté de la société Centre régional du meuble, exposant qu'ils ont attendu en vain la livraison de leur cuisine et qu'ils n'ont pas été informés de l'arrivée des meubles qui permettait la livraison effective, de dire et juger que la notification de l'annulation est valable, de voir constater la résiliation du contrat liant les époux Miksa au Centre régional du meuble, condamner la société Centre régional du meuble à leur rembourser la somme de 3 048,98 euro et à leur payer la somme de 800 euro à titre de dommages-intérêts, outre 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 26 août 2004, le Tribunal de grande instance de Nancy a:

- débouté la société Centre régional du meuble de l'ensemble de ses demandes,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat passé entre les parties portant sur la vente et la pose d'une cuisine intégrée pour un total de 128 000 euro,

- condamné la société Centre régional du meuble à payer aux époux Miksa la somme de 1 524,49 euro au titre du remboursement des acomptes,

- condamné la société Centre régional du meuble à payer aux époux Miksa la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouté les époux Miksa du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Centre régional du meuble aux dépens.

Le tribunal, après avoir rappelé:

- que l'obligation de délivrance est l'une des obligations essentielles du vendeur qui doit respecter le délai convenu entre les parties, sauf fait justificatif;

- que le vendeur a alors la charge de la preuve du fait justificatif;

- que lorsque la marchandise n'est pas livrée, l'acheteur peut à son gré demander l'exécution forcée ou la résolution du contrat,

a constaté l'absence totale de pièces prouvant que les époux Miksa aient été avertis de l'arrivée des meubles et auraient demandé une livraison différée et a en conséquence considéré que les époux Miksa étaient bien fondés à obtenir la résolution judiciaire de la vente pour défaut de délivrance par le vendeur dans le délai convenu et en l'absence de preuve d'un fait justificatif.

Il a relevé que la dénonciation du contrat par lettre recommandée du 21 janvier 2003 n'est pas valable comme n'ayant pas été faite dans le délai prévu par l'article L. 114-1 du Code de la consommation, a rejeté la demande de remboursement du double de la somme de 1 524,49 euro présentée par les époux Miksa, alors que le bon de commande stipulait le versement d'acompte. Il les a également déboutés de leur demande de dommages-intérêts, faute pour eux d'avoir mis préalablement en demeure la société Centre régional du meuble d'avoir à effectuer la délivrance.

La société Centre régional du meuble a interjeté appel de cette décision selon déclaration du 5 novembre 2004.

Dans ses dernières écritures signifiées le 6 janvier 2006 et déposées le 9 janvier 2006, l'appelante a conclu à l'infirmation de la décision querellée. Elle demande à la cour de:

- constater que les époux Miksa cherchent à s'affranchir unilatéralement du contrat sans son accord et alors qu'ils sont déchus de tout droit à demander la résiliation pour défaut de délivrance,

- les condamner au paiement du solde du prix du mobilier soit 17 988,98 euro avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2003,

- les condamner à faire connaître la date à laquelle la livraison pourra être effectuée faute de quoi, ils seront condamnés à prendre possession du mobilier au siège de la société, sous astreinte de 100 euro par jour de retard,

- fixer une somme de 1 000 euro par an depuis novembre 2001 pour frais de gardiennage dont les époux Miksa seront déclarés débiteurs,

- les condamner au quantum correspondant lorsque la cour statuera en fonction du temps passé,

- les débouter de toutes demandes, fins et conclusions contraires,

- les condamner à 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à 1 000 euro pour résistance abusive ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel.

L'appelante souligne que la convention passée avec les époux Miksa ne prévoyait pas que le non-respect du délai indicatif de livraison figurant à la commande était prévu à peine de résiliation, que l'action en résiliation adverse est irrecevable en application de l'article 1622 du Code civil, qu'aucune disposition ne prévoit que l'application de ce texte est limitée au domaine immobilier, qu'il vise aussi l'action en résiliation du contrat à la requête de l'acquéreur.

Elle fait valoir également les dispositions de l'article 1353 du Code civil en précisant qu'elle établit par les bons de livraison émanant de ses fournisseurs produits aux débats qu'en novembre 2001, les divers éléments visés au bon de commande lui ont bien été livrés, de sorte qu'elle était en mesure de satisfaire aux dispositions de l'article 1610 du Code civil. Elle précise également qu'il convient de tenir compte de l'absence de mise en demeure émanant des époux Miksa, cet élément démontrant qu'ils ne souhaitaient pas obtenir leur cuisine à la date prévue.

Elle dénonce par conséquent la résiliation unilatérale et fautive du contrat par les époux Miksa.

Dans leurs dernières écritures signifiées et déposées le 27 octobre 2005, les époux Miksa ont conclu à la confirmation de la décision querellée. Ils réclament la condamnation de l'appelante à leur payer la somme de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts pour appel abusif outre 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que sa condamnation aux dépens.

Les intimés rappellent qu'en application de l'article 1184 du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, que l'article 1622 du Code civil ne s'applique qu'aux ventes immobilières et concerne exclusivement les défauts de contenance. Ils observent que l'appelante ne détermine pas quelle est la présomption légale dont elle pourrait bénéficier.

Les époux Miksa soulignent que l'appelante a passé l'aveu de ce qu'elle est dans l'impossibilité de rapporter la preuve par écrit de ce qu'elle leur aurait offert de livrer et poser la cuisine en novembre 2001 et de ce qu'ils auraient refusé en demandant une prorogation de livraison.

Ils précisent que les pièces produites par l'appelante sont inopérantes, que le bon de livraison est écrit manuellement et ne correspond pas à ce qu'ils avaient commandé, qu'il s'agit d'une photocopie dépourvue de date certaine, que le bon de livraison de la société Sagne ne permet pas d'établir que les meubles visés correspondaient à la cuisine qu'ils avaient commandée.

Ils rappellent qu'en application de l'article L. 114-1 du Code de la consommation, le professionnel a l'obligation d'indiquer la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation, que l'acheteur n'a pas à mettre le vendeur en demeure de livrer, qu'en l'espèce, il est établi que la cuisine commandée n'a pas été livrée dans le délai convenu et qu'aucun fait justificatif n'est démontré.

Les époux Miksa observent par ailleurs que le délai de 60 jours prévu à l'article L. 114-1 du Code de la consommation n'a pas été rappelé au contrat et ne leur est pas opposable, que le bon de commande ne fait apparaître qu'un prix global sans détailler le prix de chaque meuble ou électroménager et sans que soit décomposé le prix de la fourniture de main d'œuvre.

Ils réclament enfin le bénéfice des intérêts légaux sur la somme de 1 524,49 euro à compter du 30 juin 2001 conformément à l'article L. 131-1 du Code de la consommation.

La procédure a été clôturée suivant ordonnance du 6 avril 2006.

Motifs de la décision:

L'appelante invoque à l'appui de son appel les dispositions des articles 1622 et 1353 du Code civil.

Il convient d'observer que les dispositions de l'article 1622 du Code civil ne concernent que les ventes d'immeubles et ne s'appliquent pas aux ventes de meubles et que l'appelante ne précise pas de quelle présomption elle entend se prévaloir.

Les articles 1622 du Code civil et 1353 du même Code ne peuvent dès lors recevoir application dans le présent litige.

Par contre, la présente procédure est soumise aux dispositions particulières du Code de la consommation, notamment l'article L. 114-1.

Cet article dispose : "Dans tout contrat ayant pour objet la vente d'un bien meuble ou la fourniture d'une prestation de services à un consommateur, le professionnel doit, lorsque la livraison du bien ou la fourniture de la prestation n'est pas immédiate et si le prix convenu excède 500 euro, indiquer la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation."

En l'espèce, le bon de commande souscrit le 30 mars 2001 par les époux Miksa auprès de la société Centre régional du meuble ne comporte pas de date limite de livraison au sens de l'article L. 114-1 du Code de la consommation. En effet, la mention "novembre 2001" sous la rubrique date prévue de livraison, est imprécise et ne saurait constituer une date limite de livraison, à défaut d'indication du quantième du mois.

Il apparaît ainsi établi que la société appelante n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 114-1 du Code de la consommation.

L'appelante ne saurait reprocher aux intimés de n'avoir pas respecté le délai de 60 jours prévu à l'alinéa 3 dudit article, alors que ce délai court à compter de la date indiquée pour la livraison du bien et qu'à défaut d'indication de cette date, le délai n'a pu commencer à courir.

C'est par conséquent à bon droit que le tribunal a prononcé la résiliation du contrat passé entre les parties et portant sur la vente et la pose d'une cuisine intégrée pour un total de 128 000 F.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions par substitution de motifs.

En application de l'article L. 131-1 du Code de la consommation, il sera alloué aux intimés le bénéfice des intérêts légaux sur la somme de 1 524,49 euro à compter du 30 juin 2001.

Le simple fait d'interjeter appel d'une décision de justice est insuffisant pour caractériser un abus de droit. Les époux Miksa seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif.

Ils se verront par contre allouer une indemnité de procédure de 1 500 euro.

L'appelante qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Nancy en date du 26 août 2004 en toutes ses dispositions, par substitution de motifs; Y ajoutant; Dit que la somme de mille cinq cent vingt quatre euro et quarante neuf centimes (1 524,49 euro) allouée aux époux Miksa au titre du remboursement des acomptes portera intérêts légaux à compter du 30 juin 2001 en application de l'article L. 131-1 du Code de la consommation; Déboute les époux Miksa de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive; Condamne la SA Centre régional du meuble à payer à Monsieur et Madame Miksa la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la SA Centre régional du meuble aux dépens d'appel et autorise la SCP Bonet Leinster Wisniewski, avoués associés, à faire application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.