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Décisions

CJCE, 5e ch., 7 mai 1998, n° C-390/96

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lease Plan Luxembourg SA

Défendeur :

Belgische Staat

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Gulmann

Juges :

MM Wathelet, Mointinho de Almeida, Edward, Puissochet

Avocat général :

M. Fennelly

Avocats :

Mes De Broe, Vandenberghe, Destrycker

CJCE n° C-390/96

7 mai 1998

LA COUR (cinquième chambre),

1. Par jugement du 26 novembre 1996, parvenu à la Cour le 2 décembre suivant, le Rechtbank Van Eerste AanlegTe Brussel a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la " sixième directive "), ainsi que des articles 6 et 59 du traité CE.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Lease Plan Luxembourg SA (ci-après " Lease Plan"), établie à Luxembourg, à l'État belge à propos du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la " TVA") payée par cette société lors de l'achat de voitures en Belgique ainsi que sur l'entretien et la réparation de voitures effectués dans cet État.

3. L'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:

" Le lieu d'une prestation de services est réputé se situer à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle."

4. L'article 9, paragraphe 2, de la sixième directive, tel que modifié par la dixième directive 84-386-CEE du Conseil, du 31 juillet 1984, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, modifiant la directive 77-388-CEE - Application de la taxe sur la valeur ajoutée aux locations de biens meubles corporels (JO L 208, p. 58, ci-après la " dixième directive "), précise:

" Toutefois:

...

e) le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l'endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:

...

- la location de biens meubles corporels, à l'exception de tout moyen de transport.

"

5. L'article 17, paragraphe 3, de la sixième directive énonce les principes régissant le droit à déduction ou au remboursement de la TVA payée en amont.

6. L'article 17, paragraphe 4, première phrase, de la sixième directive ajoute:

" Le Conseil s'efforcera d'adopter avant le 31 décembre 1977, sur proposition de la Commission et statuant à l'unanimité, les modalités d'application communautaires selon lesquelles les remboursements doivent être effectués, conformément au paragraphe 3, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis à l'intérieur du pays. "

7. Conformément à cette disposition, le Conseil a adopté, le 6 décembre 1979, la huitième directive 79-1072-CEE en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays (JO L 331, p. 11, ci-après la " huitième directive "), dont l'article 7, paragraphe 4, dispose:

" Les décisions concernant les demandes de remboursement doivent être notifiées dans un délai de six mois à compter de la date de présentation, au service compétent visé au paragraphe 3, de ces demandes accompagnées de tous les documents requis par la présente directive pour instruire la demande. Le remboursement doit être effectué avant l'expiration du délai précité, sur demande du requérant, soit dans l'État membre du remboursement, soit dans l'État où il est établi. Dans ce dernier cas, les frais bancaires d'envoi sont à la charge du requérant.

Les décisions de rejet doivent être motivées. Elles peuvent faire l'objet d'un recours devant les instances compétentes de l'État membre concerné, dans les formes et les délais prévus pour les réclamations relatives aux remboursements demandés par les assujettis établis dans cet État.

"

8. Lease Plan est une société de leasing, dont l'activité principale est de donner en location des voitures particulières dans le cadre de contrats de crédit-bail (leasing).

9. Lease Plan a conclu la plupart de ses contrats avec des sociétés établies au Luxembourg. Les voitures qui leur sont louées dans le cadre de leasing ont été achetées au Luxembourg, sont assurées par des compagnies d'assurances au Luxembourg et font l'objet de contrats globaux au titre desquels les sociétés locataires versent une redevance globale couvrant à la fois le financement, l'entretien, l'assurance et les réparations. Les sociétés établies au Luxembourg mettent ces voitures à la disposition de leurs propres salariés dont un certain nombre réside dans la région frontalière ou ailleurs en Belgique. Les garagistes établis en Belgique auxquels les salariés recourent adressent leurs factures à Lease Plan qui en acquitte la TVA.

10. Lease Plan a également donné en leasing une dizaine de voitures, sur un parc de près de mille, à des clients établis en Belgique. Ces voitures ont été achetées par Lease Plan en Belgique et ne font pas l'objet, à la différence des voitures données en location aux sociétés établies au Luxembourg, de contrats globaux. L'entretien, l'assurance, les réparations ainsi que les taxes restent à la charge des clients établis en Belgique.

11. Lease Plan a demandé le remboursement de la TVA payée lors de l'achat en Belgique des voitures données en location aux clients établis dans cet État ainsi que lors de l'entretien et des réparations, par des garagistes belges, des voitures données en location aux sociétés établies au Luxembourg.

12. L'administration fiscale belge a refusé le remboursement de la TVA sollicité par Lease Plan au motif que cette dernière effectue en Belgique des opérations pour lesquelles elle est redevable de la TVA. Tel serait le cas des réparations effectuées sur les voitures données en location aux clients établis au Luxembourg, qui ne relèvent pas de l'entretien normal. De telles réparations ne seraient pas comprises dans les contrats globaux et constitueraient des services distincts accomplis là où les voitures se trouvent. En outre, pour la période postérieure au 1er janvier 1993, l'administration fiscale belge soutient que l'exercice d'une activité économique consistant à avoir en Belgique un parc de voitures pour les mettre en location suffit pour que Lease Plan dispose dans cet État d'un établissement stable au sens de l'article 21, paragraphe 2, de la loi belge du 3 juillet 1969 créant le code de la taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la loi du 28 décembre 1992, entrée en vigueur le 1 er janvier 1993 (ci-après le " code ").

13. L'article 4, paragraphe 1, du code dispose:

" Est un assujetti quiconque effectue, dans l'exercice d'une activité économique, d'une manière habituelle et indépendante, à titre principal ou à titre d'appoint, avec ou sans esprit de lucre, des livraisons de biens ou des prestations de services visées par le présent code, quel que soit le lieu où s'exerce l'activité économique."

14. L'article 21, paragraphes 1 et 2, du code précise:

" Une prestation de services a lieu en Belgique, lorsque le lieu où elle est réputée se situer, conformément aux §§ 2 à 4, se trouve en Belgique.

Le lieu d'une prestation de services est réputé se situer à l'endroit où le prestataire de services a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle. "

15. Selon l'administration fiscale belge, Lease Plan devrait, dès lors qu'elle effectue en Belgique des opérations pour lesquelles elle est redevable de la TVA, être enregistrée auprès de l'administration fiscale de la TVA en sa qualité d'assujetti belge et solliciter la restitution dans le cadre des déclarations trimestrielles de TVA.

16. A la suite de la décision de l'administration fiscale belge, Lease Plan a introduit devant le Rechtbank Van Eerste Aanleg Te Brussel une action à l'encontre de l'État belge afin d'obtenir la restitution de la somme de 7 669 095 BFR augmentée des intérêts légaux.

17. A cet égard, Lease Plan a fait valoir qu'elle avait droit, en cas de remboursement tardif de la TVA, au paiement des intérêts au taux légal dans les mêmes conditions qu'un assujetti établi en Belgique. En cas de demande par un assujetti établi en Belgique, l'article 76, paragraphe 1, du code prévoit une restitution, dans les trois mois de la demande, de l'excédent restant dû en fin d'année. Si la TVA n'est pas remboursée dans le délai de trois mois prévu à l'article 76, paragraphe 1, l'assujetti établi en Belgique obtient, conformément à l'article 91, paragraphe 3, de ce même code, un intérêt de 0,8 % par mois à compter de l'expiration du délai de trois mois.

18. En revanche, en cas de demande de remboursement par un assujetti qui n'est pas établi en Belgique, l'article 91, paragraphe 4, de ce même code précise que les intérêts moratoires sur les arriérés " sont dus au taux fixé en matière civile et selon les règles établies en la même matière " . Il ressort des observations présentées devant la Cour que, jusqu'au 31 août 1996, un taux d'intérêt de 8 % par an s'appliquait à de telles demandes et que cet intérêt n'était exigible qu'à partir d'une mise en demeure adressée à l'État belge après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 7, paragraphe 4, de la huitième directive.

19. Lease Plan ne conteste pas le délai de restitution de six mois qui, pour les assujettis qui ne sont pas établis à l'intérieur du pays conformément à l'article 7, paragraphe 4, de la huitième directive, est plus long que celui de trois mois prévu à l'article 91, paragraphe 3, du code pour les assujettis établis à l'intérieur du pays. Selon Lease Plan, une telle différence peut en effet se justifier par le fait que, en cas de remboursement à des assujettis non établis dans le pays, le contrôle et la restitution prennent plus de temps qu'en cas de remboursement à des assujettis établis dans le pays.

20. Compte tenu de l'incertitude quant à la question de savoir si un ensemble de voitures, appartenant à Lease Plan et circulant en Belgique, peut être considéré comme un établissement stable au sens de la sixième directive et de la discussion relative aux intérêts applicables au montant de la TVA dont le remboursement est sollicité, le Rechtbank a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

" 1) La notion d'établissement stable " figurant à l'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive TVA doit-elle être interprétée en ce sens qu'une entreprise établie dans un État membre, qui donne en location ou en leasing un certain nombre de véhicules à des clients qui sont établis dans un autre État membre, dispose du fait même de cette mise en location d'un établissement stable dans l'autre État membre?

2) Si la question précédente appelle une réponse affirmative, l'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive TVA doit-il être interprété en ce sens que les services consistant à donner des véhicules en leasing peuvent être réputés accomplis à partir d'un établissement stable en Belgique lorsque le siège du prestataire de services est établi au Luxembourg et que la quasi-totalité des contrats sont négociés à partir de ce siège luxembourgeois et conclus avec des clients établis au Luxembourg et que seul un nombre restreint de véhicules (à savoir une dizaine de voitures sur une flotte de près de mille véhicules) sont achetés en Belgique et sont entretenus ou réparés sur le sol belge?

3) Les articles 6 et 59 du traité CEE doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils interdisent d'allouer aux assujettis étrangers qui reçoivent en Belgique des biens ou des services et sollicitent le remboursement de la TVA y afférente conformément à la huitième directive TVA un intérêt inférieur en cas de remboursement différé, qui de surcroît commence à courir à compter du moment où cet assujetti étranger a mis l'État belge en demeure, alors que le remboursement différé aux assujettis belges donne lieu à un intérêt supérieur commençant à courir de plein droit et sans mise en demeure à compter de l'expiration du délai légal de remboursement?

"

Sur la première question

21. Il convient de relever tout d'abord que, à la suite de l'arrêt du 17 juillet 1997, ARO Lease (C-190-95, Rec. p. I-4383), les parties au principal ont reconnu lors de l'audience que Lease Plan n'avait pas, au cours de la période relative au remboursement de TVA sollicité, d'établissement stable en Belgique à partir duquel elle fournissait des services.

22. Il y a lieu de rappeler ensuite que, ainsi que la Cour l'a relevé au point 12 de l'arrêt ARO Lease, précité, le quatrième considérant de la dixième directive indique que, " ... en ce qui concerne la location de moyens de transport, il convient, pour des raisons de contrôle, d'appliquer strictement l'article 9, paragraphe 1 [de la sixième directive], en localisant ces prestations de service au lieu du prestataire " . Une telle considération est, au demeurant, confirmée par l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, tel que modifié par la dixième directive.

23. En effet, ainsi que la Cour l'a souligné au point 14 de ce même arrêt, étant donné que les moyens de transport peuvent franchir facilement les frontières, il est difficile, sinon impossible, de déterminer le lieu de leur utilisation, et il est nécessaire de prévoir dans chaque cas un critère praticable pour la perception de la TVA. En conséquence, la sixième directive a consacré, pour la location de tous les moyens de transport, le rattachement non pas au lieu de l'utilisation du bien donné en location, mais, pour des raisons de simplification et conformément au principe général, à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique (arrêt du 15 mars 1989, Hamann, 51-88, Rec. p. 767, points 17 et 18).

24. La Cour a également rappelé, au point 15 de l'arrêt ARO Lease, précité, que l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, en ce sens que la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présente un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre. Il s'ensuit que, ainsi que la Cour l'a relevé au point 16 de ce même arrêt, le rattachement d'une prestation de services à un établissement autre que le siège n'entre en ligne de compte que si cet établissement présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

25. A cet égard, la Cour a relevé, au point 18 de l'arrêt ARO Lease, précité, que les prestations de services de location de véhicules en leasing consistent principalement en la négociation, l'établissement, la signature et la gestion des contrats et en la mise à la disposition matérielle des clients des véhicules convenus, lesquels restent la propriété de la société de leasing.

26. La Cour a conclu au point 19 de ce même arrêt que, lorsqu'une société de leasing ne dispose dans un État membre ni de personnel propre ni d'une structure présentant un degré suffisant de permanence, dans le cadre de laquelle des contrats puissent être établis ou des décisions administratives de gestion puissent être prises, structure qui soit donc apte à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services en question, elle ne peut être considérée comme disposant d'un établissement stable dans cet État.

27. Or, tel est également le cas dans l'affaire au principal, Lease Plan ne disposant en Belgique ni de personnel propre ni d'une structure présentant un degré suffisant de permanence.

28. Par ailleurs, ainsi que la Cour l'a indiqué au point 20 de l'arrêt ARO Lease, précité, il ressort tant de la lettre que de la finalité de l'article 9, paragraphes 1 et 2, sous e), de la sixième directive, modifié, ainsi que de l'arrêt Hamann, précité, que la mise à la disposition matérielle des clients de véhicules dans le cadre de contrats de leasing, pas plus que le lieu d'utilisation de ceux-ci, ne saurait être considérée comme un critère sûr, simple et praticable, répondant à l'esprit de la sixième directive, qui puisse fonder l'existence d'un établissement stable.

29. Il y a dès lors lieu de répondre à la première question que la notion d'établissement stable figurant à l'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive doit être interprétée en ce sens qu'une entreprise établie dans un État membre, qui donne en location ou en leasing un certain nombre de véhicules à des clients qui sont établis dans un autre État membre, ne dispose pas du fait même de cette mise en location d'un établissement stable dans l'autre État membre.

Sur la deuxième question

30. Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n'est pas nécessaire de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question

31. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 6 et 59 du traité s'opposent à une réglementation nationale qui octroie aux assujettis non établis dans un État membre, qui sollicitent conformément à la huitième directive un remboursement de la TVA, des intérêts uniquement à partir de la mise en demeure de cet État membre et à un taux inférieur à celui qui s'applique aux intérêts perçus de plein droit par les assujettis établis à l'intérieur de cet État à l'expiration du délai légal de remboursement.

32. Il y a lieu de relever qu'une réglementation telle que celle en cause au principal octroie, à l'expiration de la période légale de remboursement, aux assujettis non établis à l'intérieur de l'État membre concerné des intérêts à un taux inférieur à celui qui s'applique aux intérêts alloués aux assujettis établis à l'intérieur de ce même État. En outre, alors que ces derniers perçoivent de plein droit des intérêts en cas de remboursement tardif, les assujettis qui ne sont pas établis à l'intérieur de l'État membre concerné ont l'obligation, pour obtenir des intérêts à l'expiration de la période légale de remboursement, de mettre en demeure cet État et de supporter les frais de cette formalité supplémentaire.

33. Une telle réglementation, qui traite différemment les assujettis selon qu'ils sont ou non établis à l'intérieur de l'État membre concerné, est susceptible de constituer une discrimination interdite par l'article 59 du traité.

34. Toutefois, en vertu d'une jurisprudence constante, une discrimination ne peut consister que dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l'application de la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêt du 14 février 1995, Schumacker, C-279-93, Rec. p. I-225, point 30).

35. A cet égard, le gouvernement belge fait valoir que les assujettis établis dans l'État membre concerné et ceux établis dans d'autres États membres se trouvant dans la même situation sont traités de façon identique. Un assujetti établi dans un autre État membre qui introduit des déclarations auprès de l'administration fiscale belge aurait droit, en cas de remboursement tardif, aux intérêts au taux supérieur, exigibles de plein droit, conformément à l'article 91, paragraphe 3, du code. Inversement, l'assujetti établi dans l'État membre concerné qui n'exerce que de façon irrégulière des activités économiques taxables et qui, de ce fait, ne présente que très occasionnellement des déclarations de TVA n'aurait droit, à compter de la mise en demeure, qu'aux intérêts au taux inférieur prévu à l'article 91, paragraphe 4, du code. Tel serait également le cas de l'assujetti établi dans l'État membre concerné qui, bien que régulièrement soumis à la TVA en ce qui concerne ses activités économiques, introduit une demande visant au remboursement de la TVA afférente à une opération qui n'a pas un caractère exclusivement professionnel.

36. Cependant, il convient de relever que la situation d'un assujetti qui est établi dans un État membre, qui y exerce une activité économique régulière soumise à la TVA et qui cherche, dans le cadre de cette activité, à obtenir le remboursement de la TVA relative à une opération effectuée dans un second État membre ne saurait être comparée avec la situation d'un assujetti établi dans le second État membre, qui soit y exerce de façon irrégulière une activité économique taxable, soit demande le remboursement de la TVA afférente à une opération qui n'a pas un caractère exclusivement professionnel.

37. La comparaison doit en effet être faite, en ce qui concerne le taux des intérêts alloués et le moment à partir duquel ces derniers sont calculés, avec la situation d'un assujetti établi à l'intérieur de l'État concerné, qui, à l'instar de Lease Plan, exerce une activité économique régulière soumise à la TVA et cherche, dans le cadre de cette activité, à obtenir le remboursement d'un excédent de TVA.

38. Or, en cas de restitution tardive, un tel assujetti qui introduit régulièrement des déclarations auprès de l'administration fiscale aurait droit, contrairement à l'assujetti non établi dans l'État membre concerné, à des intérêts exigibles de plein droit à un taux supérieur.

39. Aucun autre motif n'ayant été soutenu pour justifier une telle discrimination, il y a lieu de conclure qu'une réglementation telle que celle au principal est contraire à l'article 59 du traité, dans la mesure où elle octroie aux assujettis non établis à l'intérieur de l'État membre concerné des intérêts uniquement à partir de la mise en demeure de cet État et à un taux inférieur à celui qui s'applique aux intérêts perçus de plein droit par les assujettis établis à l'intérieur de cet État à l'expiration du délai légal de remboursement.

40. Une réglementation du type de celle en cause au principal relevant de l'article 59 du traité, il n'y a pas lieu de s'interroger sur sa compatibilité avec l'article 6 du traité.

41. Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que l'article 59 du traité s'oppose à une réglementation nationale qui octroie aux assujettis non établis dans un État membre, qui sollicitent conformément à la huitième directive un remboursement de la TVA, des intérêts uniquement à partir de la mise en demeure de cet État membre et à un taux inférieur à celui qui s'applique aux intérêts perçus de plein droit par les assujettis établis à l'intérieur de cet État à l'expiration du délai légal de remboursement.

Sur les dépens

42. Les frais exposés par les gouvernements belge et luxembourgeois, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, LA COUR (cinquième chambre), Statuant sur les questions à elle soumises par le Rechtbank Van Eerste Aanleg Te Brussel, par jugement du 26 novembre 1996, dit pour droit:

1) La notion d'" établissement stable" figurant à l'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprétée en ce sens qu'une entreprise établie dans un État membre, qui donne en location ou en leasing un certain nombre de véhicules à des clients qui sont établis dans un autre État membre, ne dispose pas du fait même de cette mise en location d'un établissement stable dans l'autre État membre.

2) L'article 59 du traité CE s'oppose à une réglementation nationale qui octroie aux assujettis non établis dans un État membre, qui sollicitent conformément à la huitième directive 79-1072-CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays, un remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts uniquement à partir de la mise en demeure de cet État membre et à un taux inférieur à celui qui s'applique aux intérêts perçus de plein droit par les assujettis établis à l'intérieur de cet État à l'expiration du délai légal de remboursement.