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Décisions

CA Poitiers, ch. corr., 16 février 2001, n° 00-00887

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Institut National des Appellations d'Origine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Albert

Conseillers :

MM. Delpech, You

Avocat :

Me Rumeau

T. pol. Fontenay Le Comte, ch. corr., du…

14 septembre 2000

Décision dont appel

Le tribunal a :

Sur l'action publique :

- déclaré la prévenue coupable des faits qui lui sont reprochés;

- condamné cette dernière à la peine de deux amendes de 1 300 F chacune, soit la somme totale de 2 600 F

Sur l'action civile :

- reçu l'institut national des appellations d'Origine (INAO) en sa constitution de partie civile;

- condamné Cécile X à lui payer la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- condamné Cécile X aux dépens de l'action civile.

Appel a été interjeté par :

- Mademoiselle X Cécile, le 19 septembre 2000

- M. le Procureur de la République, le 21 septembre 2000 contre mademoiselle X Cécile :

Rappel des faits et de la procédure :

Melle Cécile X est la gérante de la SARL "Y", dont l'activité consiste à distribuer des bouteilles de vin personnalisées et décorées.

Il lui est reproché d'avoir commis deux infractions, à savoir d'avoir à Vertou (44) Hyper U, le 9 mars 1999, à l'encontre de Gravier Florence, commis l'infraction de détention pour vente, ou offre de denrée alimentaire à l'étiquetage trompeur, prévue et réprimée parles articles R. 112-6, R. 112-7, R. 112-1, L. 214-2 al.1 du Code de la consommation et l'infraction aux règlements pris pour l'exécution de la loi sur les fraudes, prévue et réprimée par l'article L. 214-2 al.1, L. 214-1 du Code de la consommation.

Condamnée par jugement contradictoire à signifier du Tribunal de police de Fontenay le comte, en date du 14 septembre 2000, Melle X a interjeté appel le 19 septembre, suivie le 21 septembre par un appel incident du Ministère public.

Devant la cour, l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO), intimée, non appelante, a conclu à la confirmation du jugement et à l'allocation de 3 000 F au titre de l'article 475-1° du Code de procédure pénale en cause d'appel.

Madame l'Avocat général a conclu à la confirmation du jugement sur la culpabilité et au prononcé de deux amendes de 3 000 F chacune.

Melle X, représentée par son conseil, a conclu à la relaxe.

Décision :

Sur ce LA COUR,

Sur l'action publique

1°) sur le caractère trompeur de l'étiquetage

Attendu qu'il échet de rechercher si l'étiquetage un cause est de nature à tromper un consommateur moyen d'une intelligence normale, la loi n'étant pas rédigée dans le but de la protection des simples d'esprit.

Attendu que les bouteilles litigieuses contenaient du vin de cépage Merlot originaire du pays d'Oc, alors que la décoration reprochée à Melle X reproduisait des sites et monuments du pays nantais, région d'où sont originaires les Muscadet Sèvre-et-Maine, en l'espèce des paysages de Vertou, de Monnières, de Saint-Fiacre sur Maine, de la haie Fouassière et de Château-Thébaud.

Mais attendu que les étiquetages, au sens large, comportaient clairement la mention "Merlot, Vin de Pays d'Oc", ainsi que toutes les mentions obligatoires, de façon parfaitement distinguée du reste de la décoration représentant un site ou un monument, accompagnée de l'historique du site ou du monument, et sans qu'aucune allusion ne soit faite ni dans les éléments visuels ni dans les textes aux vins de la région de distribution.

Attendu au surplus que le Merlot de pays d'Oc est un vin rouge, alors que les habitants du pays nantais, et les touristes y séjournant, savent parfaitement que Le Muscadet de Sèvre-et-Maine est un vin blanc.

Attendu par conséquent que la prévenue avait, suffisamment différencié les éléments décoratifs et les mentions obligatoires d'étiquetage des vins, et qu'aucune confusion n'était possible dans l'esprit d'un consommateur moyen entre le contenu des bouteilles incriminées et le vin produit dans les régions évoquées par la décoration sérigraphiée que Melle X sera relaxée du chef de détention en vue de la vente de denrée alimentaire à étiquetage trompeur.

2°) Sur l'apposition de mentions interdites sur 1'étiquetage :

Attendu que la Cour de justice des communautés européennes a retenu une définition large de la notion d'étiquetage et que les éléments de décoration apposés par la société "Y" font partie de l'étiquetage ainsi défini.

Attendu que le règlement CEE n° 2392-89, en son article 11, énumère les seules mentions autorisées sur les bouteilles de vins de qualité produits des régions déterminées (vqprd), et que la représentation de sites touristiques accompagnés d'un texte de caractère culturel et historique ne figure pas parmi les mentions limitativement énumérées à l'article 11.

Attendu que Melle X invoque pour se disculper, une erreur de droit sur le fondement de l'article 122-3 du Code pénal, en soulignant les difficultés d'interprétation du règlement CEE, ainsi que la position des administrations françaises - INAO, Direction Générale de la Répression des Fraudes, notamment - qui avaient soutenu devant la Cour de justice une définition restrictive de la notion d'étiquetage.

Mais attendu que l'arrêt du 5 juillet 1995 rendu par la Cour de justice l'a été sur question préjudicielle du Tribunal de police de Bordeaux à l'occasion d'une affaire dans laquelle Mme Michèle X, alors gérante de la société (alors dénommée " Bouteilles en fête "), et mère de Melle Cécile X, était prévenue d'infractions analogues à celles de l'affaire an cours. Que par conséquent. Mlle X, ni personnellement, ni ès qualités de gérante de la SARL " Y ", ne saurait prétendre avoir ignoré le droit applicable en la matière.

Attendu au surplus que c'est à tort que Mlle X tire argument de la relaxe prononcée, suite à l'arrêt de la Cour de justice, par la Cour d'appel de Bordeaux vu date du 24 septembre 1997 au bénéfice de sa mère pour des faits similaires, puisque s'il a été admis que Mme Michèle X pouvait ignorer, avant juillet 1995, les subtilités de la règlementation européenne, cela n'est à contrario plus possible pour Mlle X à compter de cette date.

Attendu cependant que l'article 11-2, d) du règlement CEE autorise la représentation sut les bouteilles de vqprd de la commune ou de parties de la commune où les personnes physiques ou morales ayant participé au circuit commercial du vin en question ont leur siège social, que la société "Hyper-U-Verdis" visée à la prévention, a son siège social à Vertou, commune évoquée sur trois des sept sérigraphies visées dans le procès-verbal ayant donné naissance à la prévention et aux poursuites.

Attendu qu'il ne saurait être soutenu que la société "Hyper-U-Verdis" ne participe pas au circuit commercial du vin en question puisque justement c'est elle qui le vend au consommateur, et Melle X sera donc relaxée du chef de mentions interdites relativement aux bouteilles portant en décoration sérigraphiée des sites ou monuments de la commune de Vertou.

Attendu par contre que les éléments matériels et intentionnels de l'infraction restent réunis pour les sérigraphies relatives aux communes de Monnières, Saint-Fiacre sur Maine, la haie Fouassières et Château-Thébaud, que Melle X sera reconnue coupable de ces seuls chefs.

Attendu en conséquence que le jugement déféré sera réformé sur la peine, ramenée à une seule peine d'amende de 500 F assortie du sursis à exécution.

Sur l'action civile

Attendu qu'il n'est pas contesté que l'INAO possède un intérêt légitime à faire respecter la règlementation française et européenne en matière de présentation des bouteilles de vin, que l'institut sera déclaré recevable en son action.

Attendu qu'à titre de dommages et intérêts, la cour s'estime suffisamment informée pour lui accorder la somme de 1 franc.

Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de l'INAO les frais irrépétibles de première instance et d'appel qu'il a pu engager.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur appel un matière de police et un dernier ressort, Reçoit les appels de Melle X et du Ministère public; Au fond : Sur l'action publique : Réforme partiellement le jugement du 14 septembre 2000 : Renvoie Melle X des fins de la poursuite du chef de détention pour vente, vente et offre de denrée alimentaire à l'étiquetage trompeur; Confirme la déclaration de culpabilité du chef d'infraction aux règlements pris pour l'exécution de la loi sur les fraudes

Réforme sur la peine : Condamne Melle X à une peine de 500 F d'amende assortie du sursis à exécution. En l'absence de la prévenue, le Président n'a pu lui communiquer l'avertissement prévu par l'article 132- 29 du Code pénal. Sur l'action civile : Réforme partiellement le jugement du 14 septembre 2000, Confirme la recevabilité de la constitution du partie civile de l'INAO; Confirme la déclaration implicite de responsabilité de Melle X à l'égard de l'INAO; Condamne Melle X à verser 1 F de dommages et intérêts à l'INAO; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.