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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 19 janvier 2004, n° 02-05206

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bruniaux Chardin (SA)

Défendeur :

Bedet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Roussel

Conseillers :

Mmes Laplane, Guieu

Avoués :

SCP Congos-Vandendaele, SCP Masurel-Thery-Laurent

Avocats :

Me Tavernier, SCP Lecompte, Ledieu

TI Douai, du 7 août 2002

7 août 2002

Par jugement du 7 août 2002 auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits, moyens et prétentions antérieurs des parties, le Tribunal d'instance de Douai dans un litige opposant Monsieur Laurent Bedet à la SA Bruniaux Chiardin, a:

- prononcé l'annulation de la vente des meubles passée entre Monsieur Laurent Bedet et la SA Bruniaux Chardin le 14 novembre 2001;

- ordonné à la SA Bruniaux Chardin de restituer à Monsieur Laurent Bedet le chèque de 25 000 F émis en sa faveur le 27 novembre 2001;

- en cas d'encaissement de ce chèque, ordonné à la SA Bruniaux Chardin de restituer à Monsieur Laurent Bedet la somme de 3 811,23 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2002 et ce dans les huit jours suivant la signification du présent jugement;

- à défaut pour la SA Bruniaux Chardin d'avoir exécuté les dispositions qui précèdent dans le délai fixé, l'a condamnée à payer à Monsieur Laurent Bedet la somme de 3 811,23 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2002;

- ordonné l'exécution provisoire;

- en toutes circonstances, condamné la SA Bruniaux Chardin en sus à payer 380 euro à Monsieur Laurent Bedet au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement.

Par déclaration du 2 septembre 2002, la SA Bruniaux Chardin a relevé appel de la décision et sollicite par conclusions déposées le 2 janvier 2003 de la cour:

- d'infirmer la décision et de déclarer valable et opposable la vente de meubles intervenue le 14 novembre 2001,

En conséquence,

- de condamner Monsieur Laurent Bedet à l'enlèvement des meubles par lui achetés, sous astreinte de 15 euro par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant signification de la décision à intervenir,

- de condamner Monsieur Laurent Bedet à verser le solde du prix de vente des meubles par lui commandés, soit la somme de 12 753,27 euro,

- de le condamner au paiement d'intérêt au taux de 6,26 % à compter de la sommation du 7 janvier 2002,

- de le condamner à verser la somme de 253,07 euro à compter du 15 janvier 2002 par mois d'entreposage, conformément à l'article 2 des conditions générales de vente,

- de débouter Monsieur Laurent Bedet de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- de condamner Monsieur Laurent Bedet au paiement de la somme de 762,25 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 5 mars 2003, Monsieur Laurent Bedet demande à la cour:

- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et a condamné la société appelante à lui rembourser la somme de 3 811,23 euro,

- de condamner la SA Bruniaux Chardin à lui verser la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 30 septembre 2003.

L'analyse plus ample des moyens des parties sera effectuée à l'occasion de la réponse apportée à leurs écritures opérantes.

Rappel des données utiles du litige

Suivant bon de commande n° 22225 du 14 novembre 2001, Monsieur Laurent Bedet a passé commande auprès de la SA Bruniaux Chardin de:

- un bahut trois portes,

- une table ovale,

- 6 chaises,

- 2 fauteuils,

- 2 bergères et du tissu, le tout moyennant la somme de 115 922 F ramenée à la somme de 83 000 F.

Monsieur Laurent Bedet, à l'occasion de la commande, a remis un chèque d'acompte de 25 000 F.

Le bon prévoyait en outre que le bahut, la table et les 6 chaises seraient livrés en décembre et au plus tard le 31 décembre 2001. Les deux fauteuils et les deux bergères devaient être quant à elles être livrées la première quinzaine de janvier et au plus tard le 31 janvier 2002.

N'ayant pas été livré de la première partie des meubles le 31 décembre, Monsieur Laurent Bedet, a par lettre recommandée avec accusé réception du 4 janvier 2002, sollicité la restitution de son acompte.

Le 7 janvier 2002, une sommation interpellative établie par Maître G. Tellier, huissier de justice à Carnières, lui a été délivrée, à la requête de la SA Bruniaux Chardin, le sommant d'avoir à recevoir livraison de la table, du bahut, des 6 chaises et 2 fauteuils commandés par ses soins.

Le 9 janvier 2002, Maître Durieux, huissier de justice à Marchiennes, s'est rendu au sein des établissements Bruniaux Chardin, sur demande de Monsieur Laurent Bedet.

Par acte d'huissier du 4 février 2002, ce dernier a assigné la société de meubles aux fins notamment d'obtenir l'annulation de la commande et la restitution de son acompte.

C'est ainsi qu'a été rendu le jugement querellé.

Au soutien de son appel, la SA Bruniaux Chardin fait essentiellement valoir:

- que Monsieur Laurent Bedet a été mis en possession tant du bon de commande que des conditions générales de vente figurant au verso;

- qu'en application de l'article L. 114-1 du Code de la consommation, eu égard à l'absence de livraison le 31 décembre 2001, Monsieur Laurent Bedet n'était fondé à dénoncer le contrat qu'après le 7 janvier 2002;

- qu'il ne pouvait donc valablement par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 janvier 2002 annuler sa commande et ce, d'autant que les deux fauteuils et les deux bergères n'étaient livrables que le 31 janvier 2002;

- que le 9 janvier 2002, contrairement aux affirmations du client, les meubles étaient bien en possession de la société, stockés dans son entrepôt;

- que Monsieur Laurent Bedet a fait opposition au chèque d'acompte remis.

Monsieur Laurent Bedet quant à lui soutient:

- être fondé à demander la résolution de la vente par application des dispositions de l'article 1610 du Code civil, la SA Bruniaux Chardin ayant manqué à son obligation de délivrance;

- que le 9 janvier 2002, les meubles litigieux n'étaient pas en possession de la société.

A titre préliminaire, il doit être relevé que devant la cour, la SA Bruniaux Chardin produit le bon de commande original, au verso duquel figurent les conditions générales de vente.

Aux termes de l'article 1610 du Code civil, si le vendeur manque à faire délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acheteur peut, à son choix, demander la résolution de la vente ou sa mise en possession.

Il n'est pas contesté que la première partie des meubles livrables au plus tard le 31 décembre, ne l'aient pas été pour cette date.

L'article L. 114-1 du Code de la consommation dispose que le consommateur peut dénoncer le contrat de vente d'un bien meuble ou de fourniture d'une prestation de services par lettre recommandée par accusé réception, en cas de dépassement de la date de livraison du bien ou d'exécution de la prestation excédant 7 jours et non dû à un cas de force majeure.

La SA Bruniaux Chardin fait une lecture erronée de ces dispositions en affirmant que Monsieur Laurent Bedet n'était fondé à dénoncer le contrat, concernant les meubles non livrés le 31 décembre, que le 7 janvier 2002.

En effet, le délai de 7 jours visé n'a pas vocation à s'appliquer à l'hypothèse du dépassement de la date de livraison en retardant ainsi la date de livraison contractuellement prévue, mais ne concerne que le cas de l'exécution d'une prestation excédant 7 jours, ce qui ne correspond pas à la présente espèce.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'il appartient au vendeur de prouver qu'il a mis la chose vendue à disposition de l'acheteur.

Or, il ressort de la sommation interpellative du 7 janvier 2002 l'aveu passé par la SA Bruniaux Chardin qu'elle a reçu une partie de la commande après le 31 décembre 2001, de sorte que les meubles ne pouvaient dès lors être à disposition de l'acheteur le 31 décembre.

En outre, le 9 janvier 2002, l'huissier mandaté par Monsieur Laurent Bedet, s'étant vu refuser l'accès à la réserve n'a pu davantage constater la disposition des meubles commandés au motif (non prouvé) que ceux-ci se trouvaient dans un entrepôt.

C'est dès lors à bon droit que Monsieur Laurent Bedet se prévalant d'un défaut de livraison dans les termes convenus a pu, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 janvier 2002 (l'accusé de réception étant produit aux débats), solliciter l'annulation de la vente.

Comme l'a justement relevé le premier juge, si dans la vente d'une salle à manger, les pièces principales sont le bahut, la table et les chaises, il s'observe que les bergères et les fauteuils (livrables le 31 janvier 2002) en constituaient néanmoins l'accessoire indispensable, le tout devant former l'ensemble harmonieux indissociable.

Aussi, en raison du caractère indivisible du contrat ayant prévu des livraisons successives il convient, au regard de la résolution de la commande principale, de prononcer l'annulation de l'ensemble du contrat, et ce, même si postérieurement au 9 janvier 2002 des transactions ont pu être envisagées par les parties relativement à l'échange de meubles.

Monsieur Laurent Bedet est donc fondé à obtenir la résolution de l'ensemble de la commande du 14 novembre 2001.

Le jugement doit être confirmé.

Sur les conséquences de la résolution

Monsieur Bedet sollicite que lui soit restituée la somme de 3 811,23 euro correspondant au montant de son acompte.

Comme devant le premier juge, la SA Bruniaux Chardin fait valoir que son client a irrégulièrement fait opposition au paiement du chèque de 25 000 F, émis le 27 novembre 2001. Elle n'indique cependant pas davantage que devant le tribunal si la suite des protestations émises par elle, le 8 janvier 2002, auprès de la banque cette somme lui a finalement été attribuée.

Monsieur Laurent Bedet ne démontre pas non plus avoir été débité.

Toutefois, il s'observe que la SA Bruniaux Chardin a sollicité auprès du premier président de la cour de céans, l'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée par "le jugement l'ayant condamnée à payer la somme de 3 811,23 euro à Monsieur Laurent Bedet", demandant subsidiairement "l'autorisation de consigner le montant des condamnations".

Il se déduit donc de l'engagement et des termes de cette procédure que la société a donc bien perçu le montant du chèque d'acompte, puisque dans le cas contraire, eu égard aux dispositions du jugement attaqué, elle n'aurait eu qu'à restituer le chèque litigieux à Monsieur Laurent Bedet et n'aurait alors pas eu à régler entre les mains de Monsieur Laurent Bedet la somme de 3 811,23 euro.

Le jugement doit donc être confirmé, relativement aux conséquences de la résolution, uniquement en ce qu'il a condamné la SA Bruniaux Chardin au paiement de la somme de 3 811,23 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2002.

Sur les dommages et intérêts

En cas de défaut de délivrance au terme convenu, le vendeur doit être condamné aux dommages-intérêts s'il en résulte un préjudice pour l'acquéreur.

Alléguant uniquement s'être trouvé sans meubles à la fin de l'année, Monsieur Laurent Bedet ne prouve cependant pas avoir subi un préjudice distinct, indépendant de celui réparé par les intérêts moratoires de la créance.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'il a pu exposer, non compris dans les dépens. Une somme de 400 euro lui sera allouée en cause d'appel.

Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges; Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions sauf à préciser, relativement aux conséquences de la résolution, qu'eu égard à l'évolution du litige, seule sera confirmée la disposition du jugement ayant condamné la SA Bruniaux Chardin au paiement de la somme de 3811,23 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2002; Y ajoutant, Condamne la SA Bruniaux Chardin au paiement de la somme de 400 euro au profit de Monsieur Laurent Bedet sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Masurel Thery Laurent conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.