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Décisions

CJCE, 2e ch., 2 octobre 2008, n° C-157/06

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République italienne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bay Larsen

Avocat général :

M. Poiares Maduro

Juges :

MM. chiemann, Makarczyk, Bonichot, Mme Toader

Avocat :

Me Fiengo

CJCE n° C-157/06

2 octobre 2008

LA COUR (deuxième chambre),

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ayant adopté le décret du ministre de l'Intérieur n° 558/A/04/03/RR, du 11 juillet 2003 (ci-après le "décret ministériel"), qui autorise la dérogation à la réglementation communautaire en matière de marchés publics de fournitures pour l'achat d'hélicoptères légers destinés aux besoins des forces de police et du corps national des pompiers, sans qu'aucune des conditions susceptibles de justifier une telle dérogation soit remplie, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 93-36-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1), et notamment des articles 2, paragraphe 1, sous b), 6 et 9 de celle-ci.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 L'article 2, paragraphe l, sous b), de la directive 93-36 se lit comme suit:

"1. La présente directive ne s'applique pas:

[...]

b) aux marchés des fournitures lorsqu'ils sont déclarés secrets ou lorsque leur exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité, conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives en vigueur dans l'État membre considéré, ou lorsque la protection des intérêts essentiels de la sécurité de l'État membre l'exige."

3 L'article 3 de la même directive prévoit:

"Sans préjudice des articles 2 et 4 et de l'article 5 paragraphe 1, la présente directive s'applique à tous les produits visés à l'article 1er point a), y compris ceux qui font l'objet de marchés passés par des pouvoirs adjudicateurs dans le domaine de la défense, à l'exception des produits auxquels l'article [296] paragraphe 1 point b) [CE] s'applique."

4 L'article 6 de cette directive dispose:

"1. Pour passer leurs marchés publics de fournitures, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures définies à l'article 1er points d), e) et f) dans les cas énumérés ci-dessous.

2. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés de fournitures en recourant à la procédure négociée en cas de dépôt de soumissions irrégulières en réponse à une procédure ouverte ou restreinte ou en cas de dépôt de soumissions inacceptables en vertu des dispositions nationales conformes au titre IV, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées. Les pouvoirs adjudicateurs publient dans ces cas un avis d'adjudication, à moins qu'ils n'incluent dans ces procédures négociées toutes les entreprises qui satisfont aux critères visés aux articles 20 à 24 et qui, lors de la procédure ouverte ou restreinte antérieure, ont soumis des offres conformes aux exigences formelles de la procédure d'adjudication.

3. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés de fournitures en recourant à la procédure négociée sans publication préalable d'un avis d'adjudication dans les cas suivants:

a) lorsqu'aucune soumission ou aucune soumission appropriée n'a été déposée en réponse à une procédure ouverte ou restreinte, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées et à condition qu'un rapport soit communiqué à la Commission;

b) lorsque les produits concernés sont fabriqués uniquement à des fins de recherche, d'expérimentation, d'étude ou de développement, cette disposition ne comprenant pas la production en quantités visant à établir la viabilité commerciale du produit ou à amortir les frais de recherche et de développement;

c) lorsque, en raison de leur spécificité technique, artistique ou pour des raisons tenant à la protection des droits d'exclusivité, la fabrication ou la livraison des produits ne peut être confiée qu'à un fournisseur déterminé;

d) dans la mesure strictement nécessaire, lorsque l'urgence impérieuse, résultant d'événements imprévisibles pour les pouvoirs adjudicateurs en question n'est pas compatible avec les délais exigés par les procédures ouvertes, restreintes ou négociées visées au paragraphe 2. Les circonstances invoquées pour justifier l'urgence impérieuse ne doivent en aucun cas être imputables aux pouvoirs adjudicateurs;

e) pour les livraisons complémentaires effectuées par le fournisseur initial et destinées soit au renouvellement partiel de fournitures ou d'installations d'usage courant, soit à l'extension de fournitures ou d'installations existantes, lorsque le changement de fournisseur obligerait le pouvoir adjudicateur à acquérir un matériel de technique différente entraînant une incompatibilité ou des difficultés techniques d'utilisation et d'entretien disproportionnées. La durée de ces marchés, ainsi que des marchés renouvelables, ne peut pas, en règle générale, dépasser trois ans.

4. Dans tous les autres cas, les pouvoirs adjudicateurs passent leurs marchés de fournitures en recourant à la procédure ouverte ou à la procédure restreinte."

5 L'article 9 de ladite directive se lit comme suit:

"1. Les pouvoirs adjudicateurs font connaître, le plus rapidement possible après le début de leur exercice budgétaire, au moyen d'un avis indicatif, l'ensemble des marchés par groupes de produits qu'ils envisagent de passer au cours des douze mois suivants, lorsque le montant total estimé, compte tenu des dispositions de l'article 5, est égal ou supérieur à 750 000 [euro].

Les groupes de produits sont établis par les pouvoirs adjudicateurs par référence aux positions de la nomenclature 'Classification of Products According to Activities (CPA)'. La Commission détermine, selon la procédure prévue à l'article 32 paragraphe 2, les conditions de la référence à des positions particulières de la nomenclature dans l'avis.

2. Les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de fournitures par procédure ouverte ou restreinte ou par procédure négociée dans les cas visés à l'article 6 paragraphe 2 font connaître leur intention au moyen d'un avis.

3. Les pouvoirs adjudicateurs qui ont passé un marché en font connaître le résultat au moyen d'un avis. Toutefois, certaines informations sur la passation du marché peuvent, dans certains cas, ne pas être publiées lorsque leur divulgation ferait obstacle à l'application des lois, serait contraire à l'intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre fournisseurs.

4. Les avis sont établis conformément aux modèles qui figurent à l'annexe IV et précisent les renseignements qui y sont demandés. Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent exiger des conditions autres que celles prévues aux articles 22 et 23 lorsqu'ils demandent des renseignements concernant les conditions de caractère économique et technique qu'ils exigent des fournisseurs pour leur sélection (annexe IV partie B point 11, annexe IV partie C point 9 et annexe IV partie D point 8).

5. Les avis sont envoyés par les pouvoirs adjudicateurs dans les meilleurs délais et par les voies les plus appropriées à l'Office des publications officielles des Communautés européennes. Dans le cas de la procédure accélérée prévue à l'article 12, les avis sont envoyés par télex, télégramme ou télécopieur.

L'avis prévu au paragraphe 1 est envoyé le plus rapidement possible après le début de chaque exercice budgétaire.

L'avis prévu au paragraphe 3 est envoyé au plus tard quarante-huit jours après la passation du marché en question.

6. Les avis visés aux paragraphes 1 et 3 sont publiés in extenso au Journal officiel des Communautés européennes et dans la banque de données TED (Tenders electronic daily) dans les langues officielles des Communautés, seul le texte de la langue originale faisant foi.

7. Les avis visés au paragraphe 2 sont publiés in extenso au Journal officiel des Communautés européennes et dans la banque de données TED, dans la langue originale. Un résumé des éléments importants de chaque avis est publié dans les autres langues officielles des Communautés, seul le texte de la langue originale faisant foi.

8. L'Office des publications officielles des Communautés européennes publie les avis douze jours au plus tard après leur envoi. Dans le cas de la procédure accélérée prévue à l'article 12, ce délai est réduit à cinq jours.

9. La publication dans les journaux officiels ou dans la presse du pays des pouvoirs adjudicateurs ne doit pas avoir lieu avant la date d'envoi à l'Office des publications officielles des Communautés européennes et doit faire mention de cette date. Elle ne doit pas contenir de renseignements autres que ceux publiés au Journal officiel des Communautés européennes.

10. Les pouvoirs adjudicateurs doivent être en mesure de faire la preuve de la date d'envoi.

11. Les frais de publication des avis de marchés au Journal officiel des Communautés européennes sont à la charge des Communautés. L'avis ne peut dépasser une page dudit journal, soit environ 650 mots. Chaque numéro dudit journal dans lequel figurent un ou plusieurs avis reproduit le ou les modèles auxquels se réfèrent le ou les avis publiés."

La réglementation nationale

6 Le décret ministériel dispose:

"1. Les fournitures d'hélicoptères de la typologie légère destinés aux besoins des forces de police et du corps national des pompiers sont accompagnées de mesures particulières de sécurité qui s'appliquent aussi aux actes du groupe technique d'évaluation et de la commission interministérielle visés dans l'exposé.

2. Pour l'attribution desdites fournitures, il peut être dérogé aux dispositions du décret législatif n° 358, du [24 juillet 1992], modifié par le décret législatif n° 402, du [20 octobre 1998 (ci-après le "décret législatif n° 358-1992")], les conditions visées à l'article 4, [sous] c), dudit décret étant remplies en l'espèce."

7 Le décret législatif n° 358-1992, cité par le décret ministériel, constitue la législation de transposition de la réglementation communautaire en matière de marchés publics de fournitures.

8 L'article 4, sous c), du décret législatif n° 358-1992 reproduit les dispositions de l'article 2, paragraphe l, sous b), de la directive 93-36.

La procédure précontentieuse

9 La Commission, ayant appris l'existence du décret ministériel et estimant qu'il n'était pas conforme aux articles 2, paragraphe l, sous b), 6 et 9 de la directive 93-36, a adressé, le 1er avril 2004, une lettre de mise en demeure à laquelle la République italienne a répondu le 30 juillet 2004.

10 La Commission n'étant pas satisfaite de cette réponse a adressé à la République italienne, le 14 décembre 2004, un avis motivé l'invitant à prendre les dispositions nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

11 Par lettre du 22 mars 2005, la République italienne a informé la Commission qu'il n'avait pas encore été répondu en détail audit avis motivé, mais qu'elle "avait entamé à ce sujet un processus de réflexion approfondi" dont les premiers résultats "incitaient à penser que la lecture dudit décret était susceptible de susciter une certaine perplexité sur la correspondance au cadre normatif en vigueur au niveau communautaire des procédures d'adjudication des marchés publics de fournitures". Cette lettre poursuivait en souhaitant l'ouverture d'un dialogue technique avec les services de la Commission qui pourrait "accompagner le processus de réflexion en question et conduire à un réexamen de la législation susmentionnée qui tienne dûment compte des divers impératifs en la matière".

12 Malgré deux lettres de la Commission des 14 avril et 26 mai 2005, indiquant à la République italienne qu'elle était disposée à ouvrir un dialogue avec les services ministériels concernés, ce dialogue technique n'a jamais eu lieu. Dans ces conditions, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

Sur le recours

Argumentation des parties

13 La Commission reproche à la République italienne d'avoir indûment soustrait du champ d'application de la directive 93-36, par le décret ministériel, les fournitures d'hélicoptères légers pour les besoins des forces de police et du corps national des pompiers, car aucune des conditions prévues à l'article 2, paragraphe 1, sous b), de cette directive n'a été respectée.

14 À cet égard, elle souligne que lesdits hélicoptères sont destinés aux forces de police et au corps national des pompiers, c'est-à-dire à des services civils qui, normalement, ne devraient pas participer à des opérations militaires. D'ailleurs, la circonstance que l'installation d'un armement léger soit prévue comme une simple éventualité confirmerait que les hélicoptères en cause sont destinés à un usage essentiellement civil. Enfin, le fait que ces hélicoptères doivent posséder certaines caractéristiques semblables à celles des hélicoptères militaires ne suffirait pas à les assimiler à des fournitures militaires. Il s'agit, pour la Commission, tout au plus d'aéronefs destinés à un double usage éventuel.

15 En outre, la Commission estime que, même s'il s'agissait de fournitures militaires, la directive 93-36 n'en devrait pas moins être appliquée et les circonstances justifiant la dérogation prévue à son article 2, paragraphe 1, sous b), devraient être établies par l'État membre qui invoque cette dérogation. Or, elle considère que, en l'espèce, la République italienne n'a pas établi la légitimité du recours à la dérogation visée à ladite disposition.

16 La République italienne affirme que, dans le contexte international actuel, les notions de guerre et de matériel de guerre ont subi une modification substantielle par rapport à leur signification initiale, à l'instar de la notion de protection des intérêts essentiels de la sécurité nationale. Le caractère militaire des hélicoptères faisant l'objet des fournitures prévues par le décret ministériel ne saurait être contesté, ces hélicoptères étant susceptibles d'être utilisés pour assurer des missions de sécurité nationale. En effet, conformément à ce qu'a prévu une commission interministérielle créée à cet effet, ces hélicoptères doivent posséder certaines caractéristiques techniques leur permettant d'être éventuellement utilisés comme systèmes d'arme et de défense, de sorte qu'ils requièrent une homologation du ministère de la Défense.

17 La République italienne soutient que les conditions prévues à l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93-36 sont réunies. Elle fonde notamment son affirmation sur l'argument suivant lequel il y a lieu de maintenir la plus grande discrétion sur les fournitures en cause étant donné leur utilisation comme systèmes d'arme et leur interopérabilité avec d'autres matériels militaires. C'est la raison pour laquelle le secret ne pourrait être garanti dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres ouvert.

18 Par ailleurs, la République italienne considère que, dès lors que les aéronefs en question peuvent être qualifiés sans restriction de matériels militaires, même dans l'hypothèse où il devrait être considéré que les conditions prévues à l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93-36 ne sauraient s'appliquer dans le présent cas d'espèce, les fournitures litigieuses relèveraient néanmoins de la dérogation visée à l'article 296 CE et seraient donc soustraites aux règles communautaires sur les marchés publics.

19 Enfin, la République italienne considère le présent recours irrecevable dans la mesure où le principe ne bis in idem est méconnu. En effet, elle soutient que la question faisant l'objet du litige a déjà été examinée et appréciée par la Cour dans son arrêt du 8 avril 2008, Commission/Italie (C-337-05, non encore publié au Recueil).

Appréciation de la Cour

Sur la recevabilité

20 À cet égard, il suffit de relever une différence essentielle entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l'arrêt Commission/Italie, précité. Dans la présente affaire, la République italienne a agi en vertu d'un décret du ministre de l'Intérieur alors que l'affaire ayant donné lieu audit arrêt portait sur la légalité d'une pratique des autorités italiennes. Cette constatation suffit pour établir que, en l'espèce, le principe ne bis in idem ne saurait, en tout état de cause, être utilement invoqué.

21 Par conséquent, il y a lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la République italienne.

Sur le fond

22 À titre liminaire, il importe de relever qu'il est constant entre les parties que les montants des marchés visés par le décret ministériel dépassent le seuil, fixé à l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 93-36, susceptible de les faire entrer dans le champ d'application de celle-ci.

23 Il y a également lieu de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que toute dérogation aux règles visant à garantir l'effectivité des droits reconnus par le traité CE dans le secteur des marchés publics doit faire l'objet d'une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 1993, Commission/Espagne, C-71-92, Rec. p. I-5923, point 36) et qu'il incombe à celui qui entend s'en prévaloir d'apporter la preuve que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation existent effectivement (voir, en ce sens, arrêts du 3 mai 1994, Commission/Espagne, C-328-92, Rec. p. I-1569, points 15 et 16, ainsi que Commission/Italie, précité, points 57 et 58).

24 En l'espèce, la République italienne fait valoir que le décret ministériel remplit les conditions prévues aux articles 296 CE et 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93-36 au motif, notamment, que les hélicoptères visés par ce décret sont des biens à double usage, c'est-à-dire pouvant servir aussi bien à des fins civiles que militaires.

25 À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l'article 296, paragraphe 1, sous b), CE, tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre, à la condition toutefois que ces mesures n'altèrent pas les conditions de la concurrence dans le Marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 46).

26 Il ressort du libellé de ladite disposition que les produits en cause doivent être destinés à des fins spécifiquement militaires. Il en résulte que l'achat d'équipements, dont l'utilisation à des fins militaires est peu certaine, doit nécessairement respecter les règles de passation des marchés publics (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 47).

27 Or, il est constant que le décret ministériel vise, ainsi que l'admet la République italienne, des hélicoptères dont la vocation civile est certaine alors que leur finalité militaire n'est qu'éventuelle.

28 Par conséquent, l'article 296, paragraphe 1, sous b), CE, auquel renvoie l'article 3 de la directive 93-36, ne saurait utilement être invoqué par la République italienne pour justifier une réglementation nationale autorisant le recours à la procédure négociée pour l'achat desdits hélicoptères.

29 Par ailleurs, ledit État membre invoque l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93-36.

30 D'emblée, il importe de rappeler que la nécessité de prévoir une obligation de confidentialité n'empêche nullement de recourir à une procédure de mise en concurrence pour l'attribution d'un marché (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 52).

31 Dès lors, le recours à l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93-36 pour justifier une réglementation nationale autorisant l'achat des hélicoptères en question selon la procédure négociée apparaît disproportionné au regard de l'objectif consistant à empêcher la divulgation d'informations sensibles relatives à la production de ceux-ci. En effet, la République italienne n'a pas démontré qu'un tel objectif n'aurait pas pu être atteint dans le cadre d'une mise en concurrence telle que prévue par la même directive (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 53).

32 Il s'ensuit que, en l'espèce, le simple fait d'affirmer que les fournitures en cause sont déclarées secrètes, qu'elles sont accompagnées de mesures spéciales de sécurité ou qu'il est nécessaire de les soustraire aux règles communautaires pour protéger les intérêts essentiels de sécurité de l'État ne saurait suffire à établir que les circonstances exceptionnelles justifiant les dérogations prévues à l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93-36 existent effectivement.

33 En conséquence, l'article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 93-36 ne peut utilement être invoqué par la République italienne pour justifier une réglementation nationale autorisant le recours à la procédure négociée pour l'achat desdits hélicoptères.

34 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ayant adopté le décret ministériel qui autorise la dérogation à la réglementation communautaire en matière de marchés publics de fournitures pour l'achat d'hélicoptères légers destinés aux besoins des forces de police et du corps national des pompiers, sans qu'aucune des conditions susceptibles de justifier une telle dérogation soit remplie, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 93-36, et notamment des articles 2, paragraphe 1, sous b), 6 et 9 de celle-ci.

Sur les dépens

35 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR (deuxième chambre), déclare et arrête:

1) En ayant adopté le décret du ministre de l'Intérieur n° 558/A/04/03/RR, du 11 juillet 2003, qui autorise la dérogation à la réglementation communautaire en matière de marchés publics de fournitures pour l'achat d'hélicoptères légers destinés aux besoins des forces de police et du corps national des pompiers, sans qu'aucune des conditions susceptibles de justifier une telle dérogation soit remplie, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 93-36-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, et notamment des articles 2, paragraphe 1, sous b), 6 et 9 de celle-ci.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.