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Décisions

Ministre de l’Économie, 5 août 2008, n° ECEC0822850S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la Mutuelle Générale des Préfectures et de l'Administration Territoriale

Ministre de l’Économie n° ECEC0822850S

5 août 2008

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 4 juillet 2008, vous avez notifié la fusion par absorption de la Mutuelle du ministère de l'Intérieur (ci-après " MMI ") par la Mutuelle Générale des Préfectures et de l'Administration Territoriale (ci-après " MGPAT "). Cette opération a été formalisée par un traité de fusion et une convention de transfert de portefeuille signés le 16 juin 2008.

1. LES ENTREPRISES CONCERNEES ET L'OPERATION

Les entreprises concernées par cette opération sont les mutuelles MMI et MGPAT, relevant toutes deux du Livre II du Code de la mutualité.

La MGPAT est active dans le domaine de la couverture des risques de dommages corporels liés à des aléas de l'existence relevant des branches 1 (accidents et maladies professionnelles) et 2 (maladie) ainsi que dans le domaine du cautionnement relevant de la branche 15 (caution). Elle exerce également des activités marginales de garantie d'assistance, de prévention et d'action sociale. Les prestations de la MGPAT sont distribuées par un réseau de 99 sections locales (métropole et DOM) dont 85 sont situées dans les locaux de l'Administration, les autres étant des agences commerciales ou des bureaux loués par la MGPAT.

Les adhérents de la MGPAT sont essentiellement des agents de l'État, les adhérents non-fonctionnaires représentant moins de 1 % de ses membres. Ainsi, 75 % de ses adhérents sont issus de la fonction publique territoriale et 25 % de la fonction publique d'État. Ainsi, la MGPAT couvre environ 9,5 % de la population totale des fonctionnaires d'État actifs du ministère de l'Intérieur et environ 4 % de la population totale des fonctionnaires territoriaux.

En 2007, la MGPAT a réalisé un chiffre d'affaires de [>50]* millions d'euro, exclusivement en France.

La MMI est active dans le domaine de la couverture des risques de dommages corporels liés à des aléas de l'existence relevant des branches 1 (accidents et maladies professionnelles) et 2 (maladie) ainsi que dans le domaine du cautionnement relevant de la branche 15 (caution). Elle exerce également des activités marginales de garantie d'assistance, de prévention et d'action sociale. Les prestations de la MMI sont distribuées par un réseau de 12 agences.

Les adhérents de la MMI sont essentiellement des agents de l'État. Elle couvre environ 24 % de la population totale des fonctionnaires d'État actifs du ministère de l'Intérieur et environ 0,45 % de la population totale des fonctionnaires territoriaux. De plus, elle bénéficie d'une convention de substitution par laquelle la MMI, en application de l'article L. 211-5 du Code de la mutualité, se substitue à la MMI Filia pour la couverture des adhérents non-fonctionnaires.

En 2007, la MMI a réalisé un chiffre d'affaires de [>50]* millions d'euro, exclusivement en France.

Cette opération constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

Concomitamment à l'opération notifiée mais de manière indépendante, la MGPAT va également absorber la Société Mutualiste du Personnel de la Police Nationale (ci-après " SMPPN "). Cette opération a été formalisée par un traité de fusion et une convention de transfert de portefeuille signés le 16 juin 2008. Compte tenu du chiffre d'affaires de la SMPPN en 2007 ([...] millions d'euro) et du caractère indépendant des fusions entre la MGPAT et la MMI d'une part et la MGPAT et la SMPPN d'autre part, cette opération ne relève pas des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique : le ministre n'a donc pas à en connaître au titre du contrôle des concentrations.

Néanmoins, il est de pratique courante que " des éléments à caractère prospectif so[ie]nt également à prendre en compte dans l'analyse concurrentielle " (1). Cette approche, validée par la jurisprudence du Conseil d'État2, est pertinente au cas d'espèce : compte tenu du caractère concomitant de ces deux opérations, pour apprécier au mieux les futures positions de marché des parties, la SMPPN sera donc prise en compte dans le périmètre de l'analyse concurrentielle de l'opération notifiée.

La SMPPN est une mutuelle relevant du Livre II du Code de la mutualité. Elle est active dans le domaine de la couverture des risques de dommages corporels liés à des aléas de l'existence relevant des branches 1 (accidents et maladies professionnelles), (2) (maladie) et 31 (gestion du régime obligatoire des fonctionnaires).

Les adhérents de la SMPPN sont essentiellement des fonctionnaires (les agents des collectivités territoriales représentant moins de 1 % des adhérents), les adhérents non-fonctionnairess représentant près de 30 % de ses adhérents. Ainsi, la SMPPN couvre environ 10,3 % de la population totale des fonctionnaires d'État actifs du Ministère de l'Intérieur et environ 0,02 % de la population totale des fonctionnaires territoriaux actifs. En 2007, la SMPPN a réalisé un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro, exclusivement en France.

Enfin, il convient de noter que cette opération de concentration s'inscrit dans un contexte particulier. La participation de l'État français à la protection sociale de ses agents a été amenée à évoluer depuis quelques années. En effet, le 26 septembre 2005, le Conseil d'État (3) a enjoint l'État français d'abroger l'article R. 523 du Code de la mutualité et l'arrêté du 19 septembre 1962. Ces dispositions introduisaient un traitement différencié entre les agents de la fonction publique selon la mutuelle à laquelle ils adhéraient. Elles ont été de plus déclarées incompatibles avec le marché commun par la Commission européenne (4) au titre de l'article 87 du traité CE. Par décret (5) en date du 19 septembre 2007, l'État français a adapté sa législation de sorte que les mutuelles susceptibles de recevoir ses subventions seront sélectionnées à l'issue d'une procédure de mise en concurrence par appel d'offres ouvert à l'ensemble des opérateurs actifs dans le domaine de l'assurance complémentaire. Enfin, de nouvelles directives européennes envisagent de soumettre d'une part les mutuelles à la fiscalité d'entreprises et d'autre part, les sociétés d'assurance à de nouvelles règles de solvabilité.

2. LES MARCHES CONCERNES

D'une façon générale, certaines des activités menées par les mutuelles ne relèvent par ailleurs pas de " marchés " au sens du droit de la concurrence. Il en va par exemple ainsi de l'action sociale, qu'elle soit de la propre initiative des mutuelles en vertu de l'article L. 111-1 du Code de la mutualité ou menée dans le cadre de la gestion pour le compte de l'État ou des collectivités territoriales, car elle ne constitue pas une activité commerciale, et n'est exercée qu'à titre accessoire et gratuit.

Au cas d'espèce, l'activité d'action sociale de la MGPAT est bien exercée à titre accessoire, dans la mesure où les montants alloués ne représentent que [0-5] % du chiffre d'affaires généré par ailleurs.

En dehors de ces activités très spécifiques, les mutuelles en cause sont généralement actives sur des marchés d'assurance, et de distribution des produits d'assurance.

2.1. Les marchés des assurances

La Commission européenne a déjà eu à traiter d'opération de concentration concernant le marché des assurances (6). Ainsi, la pratique décisionnelle de la Commission distingue les marchés de l'assurance de personnes, de dommages et de réassurance comme autant de marchés pertinents. Elle retient également que les marchés de l'assurance de personnes (vie et non-vie) peuvent être divisés en autant de marchés qu'il existe de risques couverts, dans la mesure où les produits d'assurances couvrent des risques différents et qu'ils ne sont pas substituables du point de vue de l'assuré.

En ce qui concerne la dimension géographique des marchés de l'assurance, le marché de la réassurance a été retenu comme étant de dimension mondiale et les marchés de l'assurance vie et non - vie ont été analysés au niveau national, en laissant toutefois ouverte la question d'une dimension plus vaste, l'harmonisation du marché intérieur européen conduisant à une ouverture croissante des marchés de l'assurance à une concurrence communautaire.

Pour l'analyse de l'espèce, des marchés nationaux ont été retenus eu égard au fait que les conditions de concurrence restent encore hétérogènes entre les différents marchés nationaux, notamment au regard des canaux de distribution, du comportement des consommateurs et des législations nationales. Différentes segmentations ont également été retenues, notamment dans le domaine des assurances de personnes, avec des segmentations en fonction de la clientèle, entre individuel et collectif ou encore entre entreprises et particuliers.

Les mêmes définitions de marché ont été retenues de manière constante par le ministre (7) et le Conseil de la concurrence (8). La présente instruction n'a pas permis de les remettre en cause.

En définitive, les marchés sur lesquels l'analyse de l'espèce sera menée sont les suivants :

- Le marché de l'assurance santé complémentaire individuelle, sur lequel il y a un chevauchement d'activité entre les parties ;

- Le marché de l'assurance santé complémentaire collective, sur lequel seule la MGPAT est active ;

- Le marché de la prévoyance individuelle, sur lequel seule la SMPPN est active ;

En ce qui concerne le marché du cautionnement individuel, la MGPAT et la MMI y exercent certes directement une activité, mais le font à titre gratuit : elles ne dégagent donc aucun chiffre d'affaires à ce titre.

2.2. Les marchés de la distribution des produits d'assurance

La Commission européenne a laissé ouverte la question de la délimitation précise des marchés en matière de distribution d'assurances, mais a envisagé plusieurs segmentations. Le Ministre a adopté une position similaire (9).

D'après la pratique décisionnelle, il est possible de considérer un marché large de la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires indépendants, comprenant tous les canaux de distribution : agents, courtiers, et autres intermédiaires (dont les banques), à l'exception toutefois de la distribution directe par les compagnies d'assurance (10) ou un marché plus étroit du courtage d'assurance, comprenant ce seul canal de distribution (11). Cette segmentation n'est toutefois pas pertinente au cas d'espèces, les mutuelles en cause ne pouvant être assimilées à des " courtiers ".

Les marchés de la distribution de produits d'assurances peuvent également être éventuellement segmentés en fonction de la grande catégorie de risques assurés (assurance de dommages et assurance de personnes) (12).

La Commission européenne et le ministre chargé de l'Economie ont également envisagé une segmentation en fonction de la clientèle (entreprises ou particuliers).

Au cas d'espèce, les parties ne sont pas directement actives sur certains marchés d'assurance, mais poursuivent indirectement des activités de prévoyance collective, de cautionnement collectif et d'assistance, en offrant à leurs assurés des produits émanant d'un tiers-assureur. Elles sont donc simultanément actives en matière de distribution de produits d'assurance.

La Commission considère que les marchés en matière de distribution de produits d'assurance sont pour l'essentiel de dimension nationale (13).

En tout état de cause, pour les besoins de la présente opération, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement la question du ou des marchés concernés en matière de distribution d'assurances, ni celle de leur dimension géographique, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelles que soient les définitions retenues.

3. L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

3.1. Les marchés des assurances

Les parties à l'opération notifiée, la MGPAT et la MMI, ainsi que la SMPPN, sont simultanément actives sur le seul marché de l'assurance santé complémentaire individuelle. Sur ce marché, en 2007, la MGPAT détient une part de marché au plus égale à [0-5] %, la MMI, d'au maximum [0-5] % et la SMPPN, d'au plus [0-5] %. Les parties estiment donc que la part de marché de la nouvelle entité y sera inférieure à 2 %.

Sur le marché de l'assurance santé complémentaire collective, avec un chiffre d'affaires net de [...] euro, la MGPAT détient une part de marché négligeable, qui ne représente que [0-5] % de son chiffre d'affaires.

La SMPPN est également active sur le marché de la prévoyance individuelle sur lequel elle détient, selon la partie notifiante, une part de marché résiduelle : l'opération n'emporte donc aucun chevauchement d'activité sur ce marché.

Par conséquent, compte tenu des faibles parts de marché de la MGPAT, de la MMI et de la SMPPN, les risques d'atteinte à la concurrence peuvent être écartés sur les marchés de l'assurance santé complémentaire, individuelle et collective, ainsi que sur le marché de la prévoyance individuelle.

3.2. Les marchés de la distribution des produits d'assurance

La MGPAT et la MMI ne sont pas directement assureurs sur ces marchés, mais distribuent des produits d'assurance de prévoyance collective, de cautionnement collectif et d'assistance. De la même façon, la SMPPN distribue des produits de tiers dans le cadre d'un contrat collectif à adhésion facultative dans le domaine de la santé complémentaire.

En matière de prévoyance collective et de garantie d'assistance, la MGPAT distribue des produits pour le compte de tiers et ces activités représentent chacune moins de [0-5] % de son chiffre d'affaires, soit une part de marché négligeable. De manière identique, les activités de la MMI dans les domaines de la prévoyance, du cautionnement, de la garantie d'assistance et de l'action sociale sont très marginales, de même que celles de la SMPPN en matière de complémentaire santé collective.

Compte tenu de ce qui précède, tout risque d'atteinte à la concurrence peut être écarté sur les marchés de la distribution de produits d'assurance.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes, et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes :

* La somme de ces deux chiffres est supérieure à 150 millions d'euro.

1 C2006-155/Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 31 août 2007, au conseil de la société CAFOM, relative à une concentration dans le secteur de la vente de biens d'équipement de la maison, publiée au BOCCRF N° 8 bis du 26 octobre 2007, page 42.

2 Paragraphe 218 des Lignes Directrices de la DGCCRF, relatives au contrôle des concentrations, (version du 30 avril 2007) : " Cet avis a été confirmé par l'arrêt du Conseil d'État du 6 février 2004 (société Royal Philips), ainsi que par un arrêt du 13 février 2006 (société De Longhi). Par ses deux décisions, le Conseil d'État a validé le principe d'une analyse dynamique des marchés en cause. " (soulignement ajouté).

3 CE, 26 septembre 2005, Mutuelle générale des services publics.

4 Comm. (CE), 20 juillet 2005, Aide d'État E 21/2004 - France, Aide à la Mutualité Fonction Publique et ses mutuelles membres C(2005) 27.12 final.

5 Décret n° 2007-1373 du 19 septembre 2007, relatif à la participation de l'État et de ses établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs personnels.

6 Voir par exemple les décisions de la Commission n° IV/M.862 - AXA/UAP du 20 décembre 1996 et n° COMP/M.2400 - Dexia/Artesia du 14 juin 2001.

7 Voir les décisions du Ministre C2007-49 AG2R/La Mondiale du 21 août 2007 ainsi que C2007-118 AXA France Assurance/Société Nationale Suisse Assurance du 27 août 2007.

8 Voir l'Avis du Conseil de la concurrence n° 98-A-03 du 24 février 1998 relatif à une demande d'avis de la Commission des finances du Sénat concernant la situation de la concurrence dans le secteur de l'assurance.

9 C2006-45/Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 10 août 2006, aux conseils de la Caisse Nationale des Caisses d'Épargne et de la Banque Fédérale des Banques Populaires, relative à une concentration dans le secteur des services bancaires.

10 Décisions de la Commission M. 4284 - AXA/Winterthur du 28 août 2006 et M. 3395 - SAMPO/IF Skadeförsäkring du 28 avril 2004.

11 Voir les décisions de la Commission M. 1280 KKR/Willis Corroon du 24 août 1998 et M. 1307 - Marsch & McLennan/Sedgwick du 23 octobre 1998.

12 Décision de la Commission M. 3196 - Belgium CA - Agricaisse - Lanbokas/Crédit Agricole Belgique du 20 août 2003).

13 Décisions de la Commission M. 4284 - AXA/Wintherthur du 28 août 2006 et M. 1307 - Marsh & McLennan/Sedgwick.