CA Agen, ch. corr., 8 août 2007, n° 06-00048
AGEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bertouille, Gontier, Pages, Pinède
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boutie
Conseillers :
M. Certner, Mmes Nolet
Avocats :
Mes Couleau, O'Kelly
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le Tribunal de grande instance d'Agen, par jugement en date du 25 janvier 2006,
Sur l'action publique
- a prononcé la jonction des procédures numéro 05000335 et 03005857;
- a déclaré X Isabelle coupable de:
* Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 31/08/2002, à Agen (47), infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
* Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 17/07/2003, à Agen (47), infraction prévue, par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
* Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 12/04/2003, à Agen (47), infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
* Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 06/02/2004, à Agen (47), infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-l, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
- et par application de ces articles, a condamné X Isabelle à la peine de 3 mois d'emprisonnement,
Sur l'action civile
- a reçu Gontier Gilbert, Nicole Pinède, Bertouille Denis et Pierre Pages en leur constitution de partie civile,
- a déclaré Isabelle X responsable du préjudice subi par les parties civiles.
- l'a condamnée à payer à:
* Gontier Gilbert:
1 000 euro à titre de dommages et intérêts
300 euro sur les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale
* Nicole Pinède:
5 788,28 euro à titre de dommages et intérêts,
300 euro sur les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
* Bertouille Denis
120 euro à titre de dommages et intérêts,
* Pierre Pages
2 155,37 euro à titre de dommages et intérêts
Les appels:
Appel a été interjeté par:
* Monsieur Gontier Gilbert, le 3 février 2006 sur les dispositions civiles,
* Mademoiselle X Isabelle, le 9 mai 2006 sur les dispositions pénales et civiles,
* M. le Procureur de la République, le 9 mai 2006 contre Mademoiselle X Isabelle
Sur citation à comparaître, l'affaire a été appelée à l'audience du 16 novembre 2006, date à laquelle l'affaire a été renvoyée contradictoirement à l'égard de toutes les parties à l'audience du 8 février 2007;
A l'audience de renvoi du 8 février 2007, la cour a renvoyé l'affaire contradictoirement à l'égard de X Isabelle, de Gilbert Gontier, de Pierre Pages et de Nicole Pinède et ordonné la citation de Denis Bertouille;
Arrêt
Isabelle X et le Ministère public ont interjeté appel de la décision susmentionnée par déclarations reçues au greffe du Tribunal de grande instance d'Agen le 9 mai 2006.
Ces appels sont réguliers en la forme et ils ont été interjetés dans le délai de la loi; il convient par conséquent de les déclarer recevables.
Bien que régulièrement cités, Messieurs Bertouille et Gontier n'ont pas comparu ni personne pour eux; l'Arrêt sera prononcé par défaut à leur égard;
Mademoiselle Pinède conclut à la réformation partielle de la décision dont appel et demande à la cour de condamner le prévenu à lui payer en outre les somme de 1 000 euro pour son préjudice moral et de 500 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Monsieur Pages a sollicité la confirmation de la décision.
Le Ministère public a requis.
La prévenue comparait en personne et demande à la cour de la renvoyer des fins de la poursuite au motif que les éléments constitutifs de l'infraction qui lui est reprochée ne sont pas réunis et que notamment il n'y a pas d'intention frauduleuse.
Sur quoi
1) Sur l'action publique
* Les faits
Il résulte des pièces de la procédure et des débats d'audience les éléments suivants:
Le 9 novembre 2002 Monsieur Pages est venu déposer plainte au commissariat de Cahors contre la société Motocass qui lui a vendu un cyclomoteur de marque Derby pour son fils juste âgé de 14 ans. A la suite d'un contrôle de la gendarmerie en raison du bruit du pot d'échappement il l'a amené chez un concessionnaire qui a constaté des anomalies : cadre ressoudé, numéros refrappés le rendant impropre à la circulation.
Madame X entendue sur ces faits en août 2003 déclarait vouloir indemniser le plaignant.
Réentendue en 2004 elle faisait toujours la même proposition. Au mois d'août 2004 ne recevant toujours aucune indemnisation Monsieur Pages écrivait au Procureur de la République en précisant que cyclo est depuis deux ans chez le concessionnaire et qu'il a dû racheter un cyclomoteur neuf.
Le 1er septembre 2004 le Directeur Départemental de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des fraudes transmettait au Procureur de la République d'Agen les plaintes de trois consommateurs, Monsieur Bertouille, Monsieur Gontier et Mademoiselle Pinède concernant également la société Motocass 47;
La gérante de la société est Mademoiselle X. Les enquêteurs de la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des fraudes se sont rendus à plusieurs reprises au sein de la société mais n'ont pu la rencontrer, ils n'ont vu à chaque fois qu'un dénommé Laclotte exerçant en réalité les fonctions de gérant de fait.
Les dossiers Bertouille et Pinède sont similaires : vente de motocyclettes d'occasion accidentées et remises sommairement en état par Motocass alors qu'ils comportaient des vices graves les rendant impropres à l'usage auxquels ils étaient destinés. Les acquéreurs n'ont pas été informés du caractère accidenté de la moto qui avait été classée économiquement irréparable ce qui suffit à caractériser le délit de tromperie sur les qualités substantielles.
Monsieur Bertouille a acheté le véhicule Yamaha le 6 février 2004 et a payé l'intégralité du prix. Il n'a pas été informé du caractère accidenté de la moto. Elle lui a été livrée sans les documents administratifs. Il les a réclamés plusieurs semaines en vain. La société est venue lui reprendre la moto le 16 mars et depuis il est sans moto, sans carte grise, sans remboursement.
Monsieur Massol, précédant propriétaire du cyclo a écrit à la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (pièce D 46) qu'il a eu un accident grave avec la moto, qu'elle a été classée par l'expert économiquement irrécupérable, et qu'il l'a revendue à Motocass 260 euro.
Le prix facturé à Monsieur Bertouille a été de 1 524,49 euro.
Madame X (D 31) prétend avoir prévenu que la moto était accidentée. Interrogée sur le point de savoir pourquoi dans ce cas la facture ne portait pas la mention accidentée elle a répondu que c'était un oubli. Le 9 juillet 2004 elle s'engageait à dédommager Monsieur Bertouille.
Madame Pinede (D 41) indique avoir acheté une motocyclette Kawasaki pour 3 048 euro.
Le vendeur lui a dit qu'elle avait été accidentée, mais remise en état dans le cadre d'une procédure RSV. Lorsque la moto a été livrée en avril 2003, il ne lui a pas été remis les documents administratifs, on s'est engagé à les lui faire parvenir.
En janvier 2004, n'ayant toujours rien reçu en dépit de multiples démarches, elle l'a amenée chez un mécanicien qui lui a signalé qu'il y avait un problème sur le cadre.
Lorsque certains papiers lui ont été remis elle a vu que le rapport du cabinet d'expertise a classé ce véhicule comme techniquement irréparable et destiné à la destruction ce que savait parfaitement Moto cass qui a racheté le véhicule à la compagnie d'assurance.
Madame X sur 1' affaire Pinède (D43) invoque à nouveau une erreur de son personnel qui a enregistré la moto comme réparable et l'a vendue 3 048 euro alors que l'assurance l'avait placée en destruction-réparable ce qui implique une nouvelle immatriculation et un passage aux Mines. Elle indique que la moto a été réparée, mais qu'elle n'est pas passée aux Mines. Donc qu'elle n'a pas obtenu de certificat d'immatriculation. Elle fait valoir qu'elle était prête à dédommager Madame Pinède mais qu'elle n'est pas venue au garage.
Son garage ayant brûlé elle a cessé toute activité et s'engage dès qu'elle retravaillera à la dédommager (1er mars 2005);
Monsieur Gontier fait valoir (D28) qu'il a répondu à une annonce.
Madame X lui a dit que la moto lui appartenait et qu'elle roulait avec tous les jours, qu'elle la vendait car elle était trop petite et avait des difficultés à mettre pied à terre. Elle lui a dit qu'elle était en excellent état sauf une bosse sur le réservoir et un coup sur le carter moteur. Il a alors viré 1 000 euro sur son compte. Lorsqu'il a reçu la moto elle était dans un piteux état, et sans documents administratifs.
Lorsqu'il a mis de l'huile dans le carter, celle ci est tombée par terre car il y avait carrément un trou.
Il s'est alors renseigné auprès du parc automobile de Lafox où Madame X a acheté la moto. Il lui a été répondu que la moto avait été vendue en VEI (véhicule économiquement irréparable). C'est ce qui ressort également du rapport d'expertise qui l'a classée également en véhicule techniquement réparable.
En dépit de 50 appels, il n'a jamais reçu la carte grise ni le certificat de vente.
Monsieur Gontier indique que Madame X a proposé aux services de police de le dédommager mais qu'il n'a rien reçu. Il précise qu'il aurait pu se tuer car il ignorait les vices graves affectant la moto et notamment le cadre.
Madame X (D30) déclare le 26 mai 2004 qu'elle a prévenu Monsieur Gontier qu'il s'agissait d'une moto légèrement accidentée. Elle dit avoir effectué quelques réparations et l'avoir informé qu'il s'agissait d'un véhicule RSV (véhicule accidenté pour lequel seul l'expert pouvait justifier de sa remise en circulation) que c'était indiqué sur la facture.
Ceci est inexact: la facture (D24) ne porte que la mention: " accidenté léger sur carter d'huile et impact sur coté gauche du réservoir ".
Concernant l'année du véhicule - 1re mise en circulation 1/7/1999 - cote 2000, elle indique que c'est à partir de la dernière date, soit 2000 que tous les véhicules à moteur sont cotés.
* La culpabilité
Les faits sont établis par les constatations régulières des procès-verbaux qui démontrent:
Qu'elle a trompé Monsieur Gontier sur le millésime de la moto. En effet contrairement à ce qu'elle indique il ne s'agit pas d'un millésime 1999. Ce dernier est un modèle carburation avec quatre vitesses. Le millésime 2000 est un modèle injection à cinq vitesses (cote D27). Or le véhicule livré avait les caractéristiques du millésime 1999,
Qu'elle a trompé les quatre victimes sur les qualités substantielles des motos vendus en leur cachant leurs vices dont elle avait connaissance puisque ceux-ci étaient indiqués sur les documents administratifs et rapports d'expertise qu'elle avait en sa possession lorsqu'elle a acheté les motos, et qu'elle n'a pas fait apparaître sur les factures de vente.
Les acquéreurs n'ont jamais été informés du caractère accidenté de la moto qui avait été classée économiquement irréparable ce qui suffit à caractériser le délit de tromperie sur les qualités substantielles ;
S'agissant de l'intention frauduleuse elle découle:
du fait qu'elle a dirigé cette société pendant huit ans,
qu'elle est titulaire d'un CAP de mécanique et qu'elle est donc parfaitement avisée de la nature des tromperies qui lui sont reprochées;
qu'elle savait dans tous les cas que les motos étaient irréparables (techniquement ou économiquement) et qu'elle n'a pas remis aux clients les papiers administratifs leur permettant tout simplement d'agir en qualité de propriétaire.
Les infractions sont donc cratérisées dans tous leurs éléments.
* La peine
En retenant Madame X dans les tiens de la prévention les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de la loi pénale. En la condamnant à la peine ci-dessus rappelée, ils lui ont infligé une sanction à la juste mesure de la gravité des faits qu'elle a commis et de la situation de danger à laquelle elle a exposé les conducteurs des motos vendues, et ont pris en considération la personnalité et notamment son passé judiciaire.
Madame X a déjà fait l'objet de plusieurs condamnations dont une en 2001 à six mois d'emprisonnement avec sursis pour abus de confiance, il convient par conséquent de confirmer le jugement dont appel
1) Sur l'action civile
Les parties civiles ont justifié du montant de leur préjudice par la production des factures d'achat, de garage, de réparation. Les premiers juges ont justement évalué leur préjudice matériel qui sera confirmé.
La demande concernant le préjudice moral de Mademoiselle Pinède n'est pas suffisamment caractérisée il n'y sera pas fait droit en revanche Madame X sera condamnée à lui payer la somme supplémentaire de 500 euro par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'encontre de Isabelle X, de Nicole Pinède, de Pierre Pages et de Gilbert Gontier, par défaut à l'égard de Denis Bertouille, et en dernier ressort, En la forme, reçoit les appels jugés recevables et réguliers de Madame X, du Ministère public et de Monsieur Gontier; Et au fond, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, tant pénales que civiles; Mais y ajoutant, condamne Madame X à payer à Mademoiselle Pinède la somme supplémentaire de 500 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable chaque condamné. Le tout en application des articles susvisés, 512 et suivants du Code de procédure pénale, Ainsi fait et jugé les jours, mois et an susdits.