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Décisions

CE, 5e et 4e sous-sect. réunies, 11 juillet 2008, n° 289763

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ministre de la Santé et des Solidarités

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Daël

Commissaire du gouvernement :

Mme de Salins

Rapporteur :

M. de L'Hermite

Avocats :

SCP Defrenois, Levis

CE n° 289763

11 juillet 2008

LE CONSEIL,

Vu le pourvoi du Ministre de la Santé et des Solidarités et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 13 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 1er décembre 2005 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 30 mars 2004 du Tribunal administratif de Marseille jugeant l'Etat responsable des dommages subis par Mme Janine A à la suite de sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B et ordonnant une expertise médicale sur les dommages subis par l'intéressée ;

Vu le Code de la santé publique ;

Vu le Code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de M. Gaston A et autres,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte des pièces soumises aux juges du fond que Mme A, qui exerçait la profession d'infirmière et était à ce titre tenue de se faire vacciner contre l'hépatite B, a reçu ce vaccin par trois injections entre octobre 1992 et janvier 1993, ainsi qu'une injection de rappel en janvier 1994 ; qu'ayant développé une sclérose latérale amyotrophique postérieurement aux trois premières injections, elle a recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique alors en vigueur ; que le ministre de la santé, après avoir recueilli l'avis d'une commission de règlement amiable des accidents vaccinaux, a rejeté sa demande d'indemnisation par une décision du 29 octobre 2001 ; que Mme A a alors saisi d'une demande d'indemnité le Tribunal administratif de Marseille, qui, par jugement du 30 mars 2004, a jugé l'Etat responsable et ordonné une expertise médicale afin d'évaluer le préjudice subi par Mme A ; que le Ministre de la Santé et des Solidarités se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er décembre 2005 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement ;

Considérant en premier lieu que, si le Ministre de la Santé et des Solidarités soutient que la Cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'irrégularité faute de lui avoir communiqué le mémoire présenté le 5 août 2005 par les consorts A, ce mémoire, par lequel ceux-ci annonçaient à la cour le décès de Mme A et l'informaient de leur décision de poursuivre l'instance, ne contenait toutefois aucun élément nouveau auquel le ministre aurait pu répondre ou sur lequel la cour aurait fondé sa décision ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille se serait méprise sur les moyens invoqués par le Ministre de la Santé et des Solidarités, qui contestait la date retenue par le tribunal administratif comme étant celle à laquelle la sclérose latérale amyotrophique s'était déclarée et qui faisait valoir que cette maladie n'était pas répertoriée dans la liste des effets secondaires du vaccin contre l'hépatite B ;

Considérant enfin que, pour juger établi un lien de causalité direct entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B reçue par Mme A et l'apparition chez cette dernière d'une sclérose latérale amyotrophique, la cour s'est fondée sur les constatations de l'expertise médicale réalisée dans le cadre de l'examen de la demande indemnitaire de Mme A par la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux selon lesquelles l'intéressée, qui ne souffrait pas de cette maladie préalablement à sa vaccination, en avait éprouvé les premiers symptômes dans un bref délai à la suite de l'injection du vaccin ; qu'en se fondant sur ces motifs, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, a exactement qualifié les faits de l'espèce ; que, dès lors qu'elle jugeait ainsi que la maladie était directement imputable à la vaccination obligatoire, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de censurer le jugement du Tribunal administratif de Marseille dont l'article 1er décide que l'Etat est entièrement responsable des conséquences de cette vaccination ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Ministre de la Santé et des Solidarités n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euro au titre des sommes exposées par MM. Gaston, Jean-Christophe et Pascal A et non comprises dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : Le pourvoi du Ministre de la Santé et des Solidarités est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à MM. Gaston, Jean-Christophe et Pascal A la somme totale de 2 000 euro en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Gaston A, à M. Jean-Christophe A, à M. Pascal A, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie et à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.