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Décisions

CA Dijon, ch. civ. B, 6 septembre 2007, n° 06-01520

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Surrel Anthonioz

Défendeur :

Renault (SAS), Garage du Rhône (SAS), Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Côte d'Or

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Littner

Conseiller :

M. Richard

Avoués :

SCP Avril & Hanssen, Me Gerbay, SCP Fontaine-Tranchant & Soulard

Avocats :

Me Chaton, Nakache, Hery, Dez, Hamann

TGI Dijon, du 28 juin 2006

28 juin 2006

Exposé de l'affaire :

Le 18 août 2000, Mademoiselle Surrel a été blessée par le déclenchement du coussin gonflable équipant son véhicule Renault Twingo acquis auprès du garage du Rhône à Vienne.

Elle a fait assigner la SA Renault et le Garage du Rhône concessionnaire Renault Occasion afin qu'ils soient déclarés solidairement responsables de cet accident et condamnés à réparer son entier préjudice sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil; elle a invoqué subsidiairement un manquement du garage à ses obligations de délivrance et de garantie.

Par jugement du 15 mai 2003, le Tribunal de grande instance de Dijon a ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer la vitesse à laquelle le véhicule circulait lors du heurt avec un obstacle le 118 août 2000 et de dire si ce heurt était suffisant pour déclencher l'airbag dans des conditions normales.

L'expert a déposé son rapport le 10 mai 2004.

Par jugement du 28 juin 2006, le Tribunal de grande instance de Dijon a débouté Mademoiselle Surrel de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la SA Renault et la société Garage du Rhône et l'a condamnée à payer à cette dernière une indemnité de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Madame Anne-Laure Anthonioz née Surrel a interjeté appel de cette décision. Par conclusions déposées le 23 novembre 2006. elle a repris ses précédentes demandes et a sollicité l'organisation d'une mesure d'expertise ainsi que l'octroi d'une somme de 12 000 euro à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel outre une indemnité de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que la seule condition requise pour engager la responsabilité du constructeur est que le produit en cause n'offre pas la sécurité à laquelle l'on peut légitimement s'attendre, ce qui est le cas en l'espèce puisqu'il résulte du rapport d'expertise que les airbags frontaux de son véhicule se sont déclenchés de façon totalement anormale, lors d'un choc avec un obstacle à une vitesse inférieure à 10 km/h, lui occasionnant les brûlures et la fracture du poignet dont elle a souffert; elle ajoute que c'est l'impossibilité de déceler le défaut en raison des connaissances scientifiques et techniques existantes et non celle d'y pallier qui permet au constructeur de s'exonérer ; elle affirme enfin que la défectuosité en cause était connue puisque son véhicule faisait partie de ceux sur lesquels une anomalie de fonctionnement de l'airbag en raison d'un déclenchement intempestif avait été signalée.

La SAS Garage du Rhône demande à titre principal la confirmation du jugement et la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 3 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle allègue que le rappel des véhicules Renault Twingo à titre préventif ne permet pas de rapporter la preuve d'une panne ou d'un défaut ; elle fait observer que le heurt avec un bloc de pierre a été suffisant pour déclencher l'airbag et que compte tenu de la nature particulière de l'accident, il aurait fallu que le calculateur soit doté d'une information sur la quantité d'énergie développée dans la collision; qu'or aucune technique ne permet à ce jour une telle mesure ; elle en conclut que l'airbag et les prétentionneurs se sont déclenchés de manière normale, aucun défaut de fabrication ou vice de construction n'ayant été mis en évidence ; elle sollicite à titre subsidiaire la garantie de la société Renault et la condamnation de Madame Anthonioz née Surrel à lui payer la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 14 mars 2007, la SA Renault relève que le calculateur ayant fonctionné normalement, aucun défaut du produit n'est démontré et qu'en tout état de cause l'article 1386-11 4° prévoit l'exonération du producteur si l'état des connaissances scientifiques et techniques n'a pas permis de déceler l'existence du défaut, ce qui est le cas en l'espèce selon le rapport d'expertise; elle conclut donc à la confirmation du jugement et demande, à titre subsidiaire, qu'il lui soit donné acte de ses protestations et réserves sur la demande d'expertise médicale dont Madame Surrel devra faire l'avance des frais ; elle sollicite la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 4 avril 2007 la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Côte d'Or demande qu'il soit sursis à statuer sur ses demandes dans l'attente du dépôt d'expertise médicale et que tout succombant soit condamné à lui payer la somme de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties à la décision déférée et aux conclusions ci-dessus visées.

Motifs de la décision

Attendu que le tribunal a exactement rappelé les dispositions des articles 1386-1 et 1386-4 du Code civil ainsi que les circonstances de l'accident survenu le 18 août 2000;

Qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que si le déploiement de l'airbag n'aurait pas dû intervenir en l'espèce, la vitesse d'approche du véhicule au moment de la collision avec le bloc de pierre étant inférieure à 10 km/h. ce déclenchement inopportun s'explique techniquement dans la mesure où la carrosserie n'ayant pas subi de déformation et la structure du véhicule étant venue directement en contact avec l'obstacle, il en est résulté une augmentation de l'accélération détectée par le calculateur; que l'expert précise " Afin d'éviter le déclenchement des airbags et prétentionneurs dans ce type d'accident très particulier, il aurait fallu que le calculateur soit doté, en plus de l'information de décélération brutale, d'une information sur la qualité d'énergie développée dans la collision. A ce jour nous n'avons pas d'information qui nous indique la possibilité d'une telle mesure "; qu'il conclut " En conséquence, techniquement et compte tenu de la configuration particulière de la collision le calculateur chargé de déclencher les airbags et les prétentionneurs a fonctionné normalement en répondant logiquement aux informations qui lui ont été données ";

Que le tribunal a donc à bon droit estimé qu'eu égard aux données actuelles des techniques et de la science, le système airbag équipant le véhicule de Madame Surrel ne pouvait être considéré comme défectueux au sens de l'article 1386-1 du Code civil;

Que l'intimée ne peut se prévaloir des lettres qui lui ont été adressées les 17 novembre 2000 et 16 janvier 2002 par la société Renault faisant état pour la première d'une possible anomalie de fonctionnement du système de l'airbag de son véhicule et lui notifiant, pour la seconde, la décision prise de procéder au remplacement du boîtier de commande du système d'airbag et de prétentionneur des ceintures de sécurité de son véhicule; qu'en effet il résulte du rapport d'expertise qu'en l'espèce le déclenchement de ce système n'est pas intempestif mais s'explique par des raisons techniques liées à la nature très particulière de la collision;

Qu'enfin pour les mêmes raisons Madame Anthonioz née Surrel n'établit pas l'existence d'un manquement de la SAS Garage du Rhône à ses obligations de délivrance d'un produit exempt de vices, la preuve d'un défaut du système d'airbag n'étant pas rapportée;

Que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté l'intimée de toutes ses demandes;

Attendu toutefois qu'il n'y a pas lieu de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute; que la SAS Garage du Rhône, qui ne démontre pas que l'intimée ait abusé de son droit d'agir en justice, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a condamné Mademoiselle Surrel à payer à la société Garage du Rhône la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Réformant de ce chef, Dit n'y avoir lieu de faire application de ces dispositions en première instance et en cause d'appel, Rejette toutes autres demandes, Condamne Madame Anthonioz née Surrel aux dépens de la procédure d'appel, Admet la SCP André et Gillis ainsi que Maître Gerbay, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.