CA Riom, ch. com., 20 septembre 2006, n° 05-02399
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
San Grato Spa (Sté)
Défendeur :
Sisa (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Despierres (faisant fonction)
Conseillers :
Mmes Gendre, Javion
Avoués :
SCP Goutet-Arnaud, Me Rahon
Avocats :
SCP Lamy Lexel, Me Lacroix, Selafa Fidal
Entre le 4 mars 2002 et le 18 juillet 2002, la SAS Sisa, sous-traitante de la société MGI Coutier, a passé diverses commandes à la SA San Grato Spa portant sur la fabrication de leviers de pédales de frein.
Vu le jugement du Tribunal de commerce du Puy-en-Velay du 24 juin 2005 qui a débouté la SA San Grato Spa de la totalité de ses demandes fondées sur la rupture abusive du contrat commercial et l'a condamnée à payer à la SAS Sisa la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par la SA San Grato Spa suivant déclaration du 15 septembre 2005.
Vu les conclusions de l'appelante signifiées le 30 mai 2006 et celles de l'intimée signifiées le 22 mars 2006.
La SA San Grato Spa demande de réformer le jugement en condamnant la SAS Sisa à lui payer la somme de 83 118,72 euro outre intérêts à compter du 9 octobre 2002, celle de 10 000 euro de dommages et intérêts, et celle de 3 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle reproche à l'intimée d'avoir brusquement et contre toute attente interrompu l'envoi de commandes après lui avoir pourtant fait livrer le 16 septembre 2002 un important stock d'acier destiné à la fabrication d'environ 30 000 pièces.
Bien que seules quatre commandes aient été passées sur environ 10 mois, elle soutient que le volume des pièces commandées ainsi que le délai de fabrication de 30 jours minimum ont eu pour effet de créer rapidement une relation de partenariat rapprochée, ayant été ainsi amenée à mettre à la disposition de la SAS Sisa une partie importante de son outil de production pour répondre aux commandes dont l'importance croissait, avec financement partiel des moules de fabrication.
Elle déduit de ces éléments qu'il existait bien une relation commerciale établie et que l'intimée a fait preuve de mauvaise foi à son égard en l'obligeant à produire des pièces à l'avance en grande quantité pour satisfaire aux conditions de bref délai propres aux chaînes de production automobile.
Elle estime par suite que la rupture des relations commerciales, sans préavis, constitue l'abus sanctionné par les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce sans qu'il puisse lui être opposé le fait que la SAS Sisa ait été elle-même victime d'une rupture de commande de la société MGI Coutier, le texte n'exigeant pas la preuve d'une volonté de nuire de la part de l'auteur de la rupture.
Elle évalue le stock des pièces fabriquées non écoulées à la somme de 83 118,72 euro et sa perte de marché à la somme de 10 000 euro.
La SAS Sisa a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SA San Grato Spa de la totalité de ses demandes, à son infirmation sur la non prise en compte de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 5 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive qu'elle renouvelle devant la cour, et réclame une nouvelle indemnité de 3 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient que les parties n'étaient nullement liées par des "relations commerciales établies" au sens de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, qu'elle n'a en outre commis aucune faute correspondant à une quelconque rupture brutale, et qu'enfin, la SA San Grato Spa ne justifie pas d'un préjudice certain, ayant un lien de causalité direct avec une quelconque faute de sa part.
A l'appui, elle rappelle qu'il n'a été passé que 4 commandes ponctuelles sur une période, courte d'environ 4,5 mois sans qu'aucun engagement de durée ni de volumes n'ait été pris puisqu'elle-même ne faisait que répercuter les commandes ponctuelles émanant de son propre client, et qu'elle a payé les moules de fabrication.
En raison du fonctionnement particulier de l'industrie automobile, elle n'a d'ailleurs passé que des commandes ouvertes comportant pour les deux premières des commandes fermes et des commandes prévisionnelles alors que pour les deux dernières, il n'était prévu que des commandes fermes, ce qui démontrait qu'elle ne disposait pas d'éléments de visibilité à moyen terme concernant d'autres éventuelles commandes à échéance plus lointaine de sorte que la SA San Grato Spa ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle dans ce domaine spécifique, qu'elle ne disposait d'aucune garantie quant à l'existence de nouvelles commandes.
Elle estime dès lors, outre le fait qu'il n'existait pas de relations commerciales établies, qu'il ne peut lui être reproché une rupture brutale, et ce d'autant plus qu'elle dépendait elle-même de son donneur d'ordre MGI Coutier qui ne lui a pas passé de nouvelles commandes, précisant qu'elle n'est pas à l'origine de la livraison du stock de matières premières de septembre 2002 en provenance des Forges de Labecque et appartenant à la société MGI Coutier.
Elle conteste en outre les préjudices allégués, relevant notamment que la SA San Grato Spa n'avait pas à fabriquer de son propre chef des pièces qui ne lui avaient pas été commandées et qu'elle-même n'est pas propriétaire du stock de matières premières.
Attendu que les premiers juges, par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, ont exactement constaté qu'il n'avait été passé que 4 commandes sur une période brève de 4,5 mois, les deux dernières ne comportant en outre pas de commandes prévisionnelles permettant d'anticiper la production et le respect des brefs délais pour l'avenir, de sorte qu'ils en ont justement déduit que la SA San Grato Spa était à même d'apprécier le caractère précaire de la relation commerciale qui ne constitue aucunement en l'espèce une relation commerciale établie, tant au vu de sa durée que des conditions dans lesquelles elle a été exécutée, étant relevé en outre qu'il n'est aucunement démontré que la livraison de stock de matières premières de septembre 2002 provenant d'un tiers ait été imputable à la SAS Sisa;
Attendu qu'il convient par suite de confirmer le jugement, et y ajoutant, d'allouer à l'intimée une nouvelle indemnité de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour;
Attendu qu'il échet par contre de rejeter sa demande de dommages et intérêts, le recours à la justice ne revêtant en l'espèce aucunement un caractère abusif même s'il a été reconnu mal fondé;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré, Confirme le jugement. Déboute la SAS Sisa de sa demande de dommages et intérêts. Condamne la SA San Grato Spa à payer à la SAS Sisa une nouvelle indemnité de 1 500 euro au titre des nouveaux frais irrépétibles exposés devant la cour. La condamne aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.