TPICE, 5e ch. élargie, 24 février 2000, n° T-104/99
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
AS Bolderãja, Zaklady Plyt Pilsniowych SA w Krosnie Odrzanskim, Alpex-Karlino SA w Karlino, Zaklady Plyt Pilsniowych SA w Czarnej Wodzie
Défendeur :
Conseil de l'Union européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. García-Valdecasas
Juges :
Mme Lindh, MM. Cooke, Mengozzi, Vilaras
Avocats :
Mes Akritidis, Pick, Rabe, Berrisch, Kamann
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),
Faits à l'origine du litige et procédure
1. Le présent recours vise à obtenir l'annulation du règlement (CE) n° 194-1999 du Conseil, du 25 janvier 1999, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de panneaux durs originaires de Bulgarie, d'Estonie, de Lettonie, de Lituanie, de Pologne et de Russie et portant perception définitive du droit provisoirement institué (JO L 22, p. 16).
2. Les requérantes sont des producteurs et exportateurs de panneaux durs, définis par le règlement n° 194-1999 comme étant des panneaux de fibres de bois ou d'autres matières ligneuses d'une certaine densité.
3. À la suite d'une plainte déposée par plusieurs producteurs communautaires de panneaux durs, la Commission a publié, le 7 novembre 1997, un avis d'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations de panneaux durs originaires du Brésil, de Bulgarie, d'Estonie, de Lettonie, de Lituanie, de Pologne et de Russie (JO C 336, p. 2). Le 14 janvier 1998, à la suite de la publication de cet avis, les parties requérantes ont présenté des observations à la Commission.
4. La Commission a adressé un questionnaire d'enquête aux parties requérantes et procédé à des vérifications dans leurs locaux.
5. Le 5 août 1998, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1742-98, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de panneaux durs originaires du Brésil, de Bulgarie, d'Estonie, de Lettonie, de Lituanie, de Pologne et de Russie et portant acceptation d'engagements offerts par certains exportateurs en liaison avec ces exportations (JO L 218, p. 16). Le 14 septembre 1998, à la suite de la publication de ce règlement, les parties requérantes ont présenté des observations à la Commission. Par télécopies des 6, 10 et 20 novembre 1998, elles lui ont transmis des informations complémentaires.
6. Le 23 novembre 1998, la Commission a communiqué aux parties requérantes les principaux faits et considérations sur la base desquels elle envisageait de proposer au Conseil l'instauration d'un droit antidumping définitif. Le 7 décembre 1998, les parties requérantes ont soumis leurs commentaires sur cette communication.
7. Le 25 janvier 1999, le Conseil a adopté le règlement n° 194-1999, qui a été publié au Journal officiel des Communautés européennes le 29 janvier 1999.
8. Par requête déposée le 28 avril 1999, les requérantes ont introduit le présent recours.
9. Le 20 septembre 1999, les parties ont été invitées par le greffe du Tribunal à déposer des observations sur la recevabilité du recours, à la lumière des dispositions des articles 101 et 102 du règlement de procédure, au vu du fait qu'il avait été introduit le 28 avril 1999.
10. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 1999, le Conseil a demandé au Tribunal de déclarer le recours irrecevable et de condamner les parties requérantes aux dépens. Selon le Conseil, le recours aurait été introduit tardivement, dès lors que la date d'expiration du délai était le 27 avril 1999.
11. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, les parties requérantes ont demandé au Tribunal de déclarer le recours recevable et de statuer sur le fond. Elles ne contestent pas le caractère tardif du recours mais invoquent l'existence de deux circonstances constitutives d'un cas fortuit ou de force majeure aux termes de l'article 42, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour de justice.
12. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 octobre 1999, la Commission a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.
Conclusions des parties
13. Les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler le règlement n° 194-1999;
- condamner le Conseil aux dépens.
14. Dans leurs observations du 11 octobre 1999, les parties requérantes demandent, en outre, à ce qu'il plaise au Tribunal:
- déclarer le recours recevable;
- statuer sur le fond.
15. Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours;
- condamner les parties requérantes aux dépens.
16. Dans ses observations du 11 octobre 1999, le Conseil demande, en outre, au Tribunal de déclarer le recours manifestement irrecevable.
En droit
17. Selon une jurisprudence constante, les délais de recours ne sont à la disposition ni du juge ni des parties et présentent un caractère d'ordre public (arrêts du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T-514-93, Rec. p. II-621, point 40, et du 14 juillet 1998, Hauer/Conseil et Commission, T-119-95, Rec. p. II- 2713, point 22).
18. Conformément à l'article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, examiner d'office les fins de non-recevoir d'ordre public et statue, à cet effet, dans les conditions prévues à l'article 114, paragraphes 3 et 4, dudit règlement. Il appartient donc au Tribunal d'examiner d'office si le délai de recours a été respecté (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, MAAS/Commission, T-121-96 et T-151-96, Rec. p. II-1355, point 39).
19. En vertu de l'article 114, paragraphe 3, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu'il n'y a pas lieu d'entendre les parties en leurs explications orales.
20. Il est constant entre les parties et il résulte des informations données par l'Office des publications officielles des Communautés européennes que le règlement n° 194-1999 a été publié au Journal officiel des Communautés européennes le 29 janvier 1999. Il est également établi que ce Journal officiel a été livré dans toutes les langues officielles de l'Union européenne à cette date.
21. Aux termes de l'article 173, cinquième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, cinquième alinéa, CE) le délai pour l'introduction d'un recours en annulation est de deux mois. S'agissant d'un recours contre un acte publié au Journal officiel des Communautés européennes, ce délai est à compter, en application de l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de publication de l'acte. Ce délai doit, en outre, être augmenté d'un délai de distance en application du paragraphe 2 du même article.
22. En l'espèce, le recours vise un acte publié le 29 janvier 1999. Le délai pour l'introduction d'un recours en annulation de cet acte était à compter, en application de l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, à partir de la fin du 12 février 1999. Augmenté, en application de l'article 102, paragraphe 2, du même règlement, d'un délai de distance de deux semaines pour des requérants ayant leur siège en Pologne et en Lettonie, il a donc expiré le 26 avril 1999 à minuit.
23. La requête ayant été déposée le 28 avril 1999, le recours a été introduit tardivement.
24. Aux termes de l'article 42, deuxième alinéa, du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, dudit statut, aucune déchéance tirée de l'expiration du délai ne peut être opposée lorsque l'intéressé établit l'existence d'un cas fortuit ou de force majeure. En l'espèce, les parties requérantes invoquent deux circonstances constitutives, selon elles, d'un cas fortuit ou de force majeure.
25. Premièrement, elles font valoir qu'un de leurs conseils a téléphoné à la section de langue anglaise du greffe du Tribunal, principalement, pour s'assurer que le délai de distance pour la Pologne et la Lettonie était de deux semaines. Ce conseil aurait exposé à un fonctionnaire du greffe, dont le nom n'est pas connu, que, d'après son calcul, le délai pour la présentation de la requête expirait le 28 avril 1999. Il aurait demandé à cette personne si elle était d'accord avec ce calcul et celle-ci, après réflexion, aurait répondu qu'elle supposait qu'il était correct. Toutefois, les parties requérantes relèvent que ladite personne a expressément signalé au conseil "qu'elle ne pouvait faire de déclaration juridiquement contraignante en la matière et que c'était aux parties requérantes qu'il appartenait de faire le calcul définitif".
26. Le Tribunal souligne qu'il n'entre pas dans les attributions et compétences des fonctionnaires du greffe de se prononcer sur le calcul du délai pour l'introduction d'un recours. En tout état de cause, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la question de savoir si, dans certaines circonstances, la prise en considération par un requérant d'une indication erronée d'un fonctionnaire du greffe peut constituer un cas fortuit ou de force majeure, il convient de relever que le calcul du délai pour la présentation de la requête a été fait, en l'espèce, par le conseil des parties requérantes. L'indication qu'aurait donnée, à cet égard, le fonctionnaire interrogé l'a été, selon les propres dires des parties requérantes, sans engagement et en rappelant expressément que le calcul incombait aux parties requérantes. Dans ces conditions, il ne saurait être question d'un cas fortuit ou de force majeure.
27. Deuxièmement, les parties requérantes invoquent la situation personnelle de l'un de leurs conseils quelques jours avant la présentation de la requête.
28. À cet égard, il suffit de constater que les parties requérantes sont représentées dans le présent litige par deux avocats. Si, en toute hypothèse, l'un d'eux peut avoir été empêché, du fait de sa situation personnelle, de déposer la requête dans le délai requis, les parties requérantes n'expliquent nullement pour quels motifs leur autre conseil aurait été dans l'incapacité de le faire.
29. Dans ces conditions, le recours doit être rejeté comme irrecevable.
30. Pour ce motif, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention présentée par la Commission.
Sur les dépens
31. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil a conclu à la condamnation des parties requérantes aux dépens et ces dernières ont succombé. Toutefois, étant donné que la question concernant la tardiveté éventuelle du recours a été soulevée d'office par le Tribunal, le mémoire en défense n'était plus pertinent. Dans ces circonstances, le Tribunal estime équitable que le Conseil supporte les dépens afférents à la préparation et à la présentation de son mémoire en défense.
32. Il y a donc lieu de condamner les parties requérantes à supporter, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par le Conseil à l'exception de ceux afférents à la préparation et la présentation de son mémoire en défense.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)
ordonne:
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention présentée par la Commission.
3) Les parties requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi que, solidairement, les dépens du Conseil à l'exception de ceux afférents à la préparation et à la présentation du mémoire en défense.