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CJCE, 16 mai 1991, n° C-358/89

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Extramet Industrie (SA)

Défendeur :

Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes, Péchiney Électrométallurgie SA, Chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

MM. Mancini, O'Higgins, Moitinho de Almeida, Rodríguez Iglesias, Díez de Velasco

Avocat général :

M. Jacobs

Juges :

Sir Gordon Slynn, MM. Kakouris, Joliet, Schockweiler, Grévisse, Zuleeg, Kapteyn

Avocats :

Mes Momège, Me Aloyse May, Me de Roux

CJCE n° C-358/89

16 mai 1991

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 novembre 1989, Extramet Industrie SA (ci-après "Extramet"), société de droit français, a, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation du règlement (CEE) n° 2808-89 du Conseil, du 18 septembre 1989, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de calcium-métal originaires de la République populaire de Chine et de l'Union soviétique et portant perception définitive du droit antidumping provisoire institué sur ces importations (JO L 271, p. 1).

2 Extramet est le plus important importateur de calcium-métal en provenance, essentiellement, de la République populaire de Chine et de l'Union soviétique. Les importations de calcium-métal constituent la principale source d'approvisionnement d'Extramet qui fabrique, à partir de ce produit, selon un procédé de redistillation développé et breveté par elle, des granulés de calcium pur employés principalement dans l'industrie métallurgique.

3 A la suite d'une plainte déposée par la chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie (ci-après "chambre syndicale"), au nom de Péchiney Électrométallurgie SA (ci-après "Péchiney"), producteur exclusif de calcium-métal dans la Communauté et transformateur de calcium-métal pur selon un procédé de distillation propre, la Commission a adopté le règlement (CEE) n° 707-89, du 17 mars 1989, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de calcium-métal originaires de la République populaire de Chine et de l'Union soviétique (JO L 78, p. 10).

4 Après une prorogation du droit provisoire, le Conseil a, par le règlement litigieux, avec effet au 21 septembre 1989, institué un droit antidumping définitif de 21,8 et 22 % sur les importations de calcium-métal originaires respectivement de la République populaire de Chine et de l'Union soviétique.

5 Selon les considérants du règlement n° 2808-89, précité, le producteur communautaire, à savoir Péchiney, et un importateur indépendant (qui est aussi transformateur du produit), en l'occurrence Extramet, ont, après l'institution du droit antidumping provisoire, sollicité et obtenu la possibilité d'être entendus par la Commission et ont présenté des observations écrites à celle-ci.

6 Il ressort, en outre, des considérants du règlement n° 2808-89, précité, que, selon l'importateur, le producteur communautaire serait lui-même à l'origine du préjudice subi, entre autres, par suite de son refus d'approvisionner en calcium-métal l'importateur, ce qui aurait amené ce dernier à déposer plainte auprès des autorités françaises pour abus de position dominante.

7 Par requête déposée au greffe de la Cour le 11 décembre 1989, Extramet a introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l'exécution du règlement n° 2808-89, précité. Cette demande en référé a été rejetée par ordonnance du président de la Cour du 14 février 1990.

8 Par ordonnances des 17 janvier et 22 mai 1990, la Cour a admis la Commission, Péchiney et la chambre syndicale à intervenir à l'appui des conclusions du Conseil.

9 Par mémoire incident déposé au greffe de la Cour le 15 février 1990, le Conseil a, en vertu de l'article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure, soulevé une exception d'irrecevabilité à l'encontre du recours d'Extramet. Conformément à l'article 91, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour a décidé d'ouvrir la procédure orale sur cette exception.

10 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire, du déroulement de la procédure, ainsi que des moyens et des arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

11 A l'appui de l'exception d'irrecevabilité, le Conseil, soutenu par les parties intervenantes, fait valoir que, selon une jurisprudence constante, Extramet n'est pas recevable à demander l'annulation du règlement litigieux au motif qu'elle serait un importateur indépendant dont les prix de vente n'auraient pas été pris en considération pour l'établissement du prix à l'exportation et que, par conséquent, elle n'est pas individuellement concernée.

12 Extramet soutient, en revanche, qu'elle est individuellement concernée par le règlement litigieux, dans la mesure où elle est l'importateur le plus important, qu'elle a été associée à la procédure antidumping et qu'elle peut être parfaitement identifiée dans le règlement litigieux.

13 Pour statuer sur le bien-fondé de l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Conseil, il convient de rappeler que, s'il est vrai qu'au regard des critères de l'article 173, deuxième alinéa, du traité les règlements instituant des droits antidumping ont effectivement, de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (voir arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation I, point 11, 239-82 et 275-82, Rec. p. 1005, et du 23 mai 1985, Allied Corporation II, point 4, 53-83, Rec. p. 1621).

14 Il en résulte que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère réglementaire, concerner, dans certaines circonstances, individuellement certains opérateurs économiques qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes.

15 La Cour a reconnu que tel était le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les actes préparatoires (voir arrêts du 21 février 1984 et du 23 mai 1985, Allied Corporation I et II, précités; arrêts du 14 mars 1990, Nashua, C-133-87 et C-150-87, Rec. p. I-719, et Gestetner, C-156-87, Rec. p. I-781), comme celui des importateurs dont les prix de revente des marchandises en cause sont à la base de l'établissement du prix à l'exportation (voir, en dernier lieu, arrêts du 11 juillet 1990, Enital, C-304-86, Rec. p. I-2939, Neotype Techmashexport, C-305-86, Rec. p. I-2945, et Electroimpex, C-157-87, Rec. p. I-3021).

16 Cette reconnaissance du droit de certaines catégories d'opérateurs économiques d'introduire un recours en annulation d'un règlement antidumping ne saurait cependant empêcher que d'autres opérateurs puissent également être individuellement concernés par un tel règlement, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à toute autre personne (voir arrêt du 15 juillet 1963, Plauman, 25-62, Rec. p. 197).

17 Or, la requérante a établi l'existence d'un ensemble d'éléments constitutifs d'une telle situation particulière qui la caractérise, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique. En effet, elle est l'importateur le plus important du produit faisant l'objet de la mesure antidumping et, en même temps, l'utilisateur final de ce produit. En outre, ses activités économiques dépendent, dans une très large mesure, de ces importations et sont sérieusement affectées par le règlement litigieux, compte tenu du nombre restreint de producteurs du produit concerné et du fait qu'elle éprouve des difficultés à s'approvisionner auprès du seul producteur de la Communauté, qui est, au surplus, son principal concurrent pour le produit transformé.

18 Il en résulte que l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Conseil doit être rejetée.

Sur les dépens

19 Il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

déclare et arrête :

1) L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

2) La procédure sera poursuivie quant au fond.

3) Les dépens sont réservés.