CA Paris, 25e ch. A, 27 octobre 2006, n° 05-24084
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Groupe Industrie Services Info (SA)
Défendeur :
Legras de Grandcourt (ès qual.), Bourbouloux (ès qual.), Interkom (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Betch
Conseillers :
Mme Blum, M. Septe
Avoués :
SCP Bourdais-Virenque-Oudinot, SCP Bolling-Durand-Lallement
Avocats :
Mes Ottaway, Dauzier
La SA GISI Groupe Industrie Services Info a interjeté appel d'un jugement rendu le 3 novembre 2006 l'ayant condamnée à payer à la SAS Interkom (en redressement judiciaire) les sommes de 219 331 euro au titre d'une indemnité de préavis, 137 500 euro à titre de dommages et intérêts réparateurs du préjudice causé par un abus du lien de dépendance économique et 10 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
La SAS Interkom et la SA GISI ont été en rapports d'affaires à compter de l'année 1968, la première ayant assuré pour la seconde la réalisation de publi-reportages parus dans les publications éditées par la seconde mais la SA GISI a entendu mettre un terme à ces relations au 31 décembre 2004, ce, avec octroi d'un préavis d'une durée de trois mois et sur le litige ainsi né entre les parties a été rendue la décision déférée.
La SA GISI fait valoir, au soutien de son recours et par conclusions récapitulatives du 24 mai 2006 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de son argumentation, qu'elles n'ont jamais été liées par une convention-cadre régissant la constance de leurs rapports, rapports successifs restés ponctuels et souligne que la SA Interkom n'est pas, entre elles, une agence de publicité mais un simple prestataire de services auquel elle n'a consenti ni exclusivité, ni garantie d'un volume minimal d'affaires.
Elle affirme que, dans ces conditions, les règles de l'AACC Agence et Annonceurs n'ont pas à être retenues et que le délai de préavis de 3 mois qu'elle lui a consenti doit seul avoir application et non celui de 6 mois imposé par les premiers juges.
La SA GISI détaille les éléments chiffrés de leurs rapports, les affaires conclues entre elles et leur évolution dans le temps pour soutenir que les éléments de fait et juridiques constitutifs d'une dépendance économique ne sont pas réunis.
Elle conclut donc à l'infirmation du jugement déféré avec rejet de l'intégralité des demandes présentées par la SAS Interkom. Subsidiairement, elle retient que l'indemnité compensatrice mensuellement exigible pour la durée de préavis non accordé ne pourrait excéder 9 781 euro et que le préjudice allégué au titre de l'abus du lien de dépendance économique reste fantaisiste compte tenu, surtout, de l'état économique et financier présenté par la SAS Interkom à la résiliation de leurs rapports.
Enfin, elle sollicite l'allocation d'une somme de 15 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
La SAS Interkom sollicite, par conclusions récapitulatives du 26 avril 2006 auxquelles il convient de se reporter pour le surplus de ses prétentions, la confirmation du jugement déféré sur l'allongement retenu du délai de préavis qui doit être en l'espèce porté à 12 mois et l'abus du lien de dépendance économique mais avec allocation de dommages et intérêts portés à 884 000 euro compensateurs de l'absence de préavis raisonnable et 367 589 euro au titre des conséquences de l'abus de position dominante.
Enfin, elle sollicite 30 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
Cela exposé
Considérant qu'il ressort des pièces versées et contradictoirement débattues entre les parties que la SA GISI, éditrice de magazines professionnels, a fait appel à plusieurs reprises depuis la fin 1998, à la SAS Interkom, spécialisée dans la communication interne et externe de l'entreprise, à laquelle elle a demandé la fourniture de publi-reportages dont la commercialisation a été réalisée par la SA GISI ou l'un de ses prestataires de régie publicitaire;
Considérant que les prestations successivement fournies par la SAS Interkom n'ont jamais donné lieu à la signature d'un contrat-cadre définissant le suivi de leurs rapports ordonnancés dans la constance mais sont restées organisées ponctuellement par fourniture de bons de commandes successivement établis et le paiement des factures correspondantes;
Considérant que la SA GISI n'a jamais consenti à la SAS Interkom une rémunération forfaitaire, mensuelle ou trimestrielle; Que celle-ci ne peut se prévaloir ni d'une clause d'exclusivité, ni d'une garantie accordée sur un volume minimal d'affaires et pas davantage d'une garantie acquise de commande de sorte qu'elle est restée dans leurs rapports, ce qu'en professionnelle avertie elle n'a pas pu ignorer et a accepté, un prestataire de services travaillant à la commande;
Considérant que la SAS Interkom ne démontre pas davantage être une agence de publicité et n'établit pas non plus avoir été le mandataire des annonceurs, clients de la SA GISI ou de celle-ci ; Que son code APE, soit le 221 E, est afférent aux journalistes, à la presse hebdomadaire régionale, d'information spécialisée d'information et d'opinion;
Considérant que pour ces motifs force est de constater que leurs rapports ont donc été régis par le droit commun et ont donné lieu aussi, à compter de mai 2004, à de multiples réclamations de clients se plaignant alors de l'insatisfaction éprouvée à la suite de l'intervention de la SAS Interkom, et notamment, selon les pièces mises aux débats, à dix plaintes au moins insistantes ou circonstanciées entre mai et septembre 2004;
Considérant que c'est en cet état de la nature de leurs relations que la SA GISI a entendu les rompre le 28 septembre 2004 avec préavis de 3 mois;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce la SA GISI a été fondée, sans brutalité avérée de sa part, à rompre ces relations avec respect d'un préavis de 3 mois, délai en l'espèce satisfaisant puisqu'il a déjà été relevé qu'aucune garantie de volume d'affaires ni aucune garantie d'exclusivité n'était imposée aux parties restées en outre et en toute connaissance de cause, non liées par un contrat écrit durant des relations qui ont duré environ cinq ans seulement;
Considérant que c'est vainement que la SAS Interkom excipe de dispositions plus protectrices sur ce point apportées par les règles de l'AACC Agence et Annonceurs dès lors que celle-ci ne peut pas être assimilée à une agence de publicité mais de presse et que lui appliquer les règles et usages des agences de publicité conduirait à dénaturer tant ses activités que surtout la volonté non équivoque toujours manifestée dans leurs rapports par les parties étant précisé sur ce point que rien ne permet de retenir que la SA GISI y avait, par son comportement avec la SAS Interkom, adhéré;
Considérant qu'il convient en conséquence d'infirmer sur ce point le jugement déféré;
Considérant sur l'abus de dépendance, que la SAS Interkom a été mise en redressement judiciaire par jugement du 2 décembre 2004 mais avec report de la date de cessation des paiements au 5 octobre 2004, soit une semaine seulement après l'envoi de la lettre de résiliation du 28 septembre 2004 ce qui établit, à l'évidence, que cette lettre n'a pas été à l'origine de ses pertes antérieures;
Considérant que si la SAS Interkom a réalisé avec la SA GISI 46,60 % de son chiffre d'affaires en 2001, ce pourcentage est tombé en 32,70 % en 2002 puis 36,70 % en 2003 et 29,30 % en 2004 le délai de préavis s'étant achevé au 31 décembre 2004, force est de constater que seul le tiers de son activité dépendait encore en 2004 des commandes de celle-ci;
Considérant que la seule circonstance qu'un opérateur réalise une part importante, voire exclusive, de son activité pour un autre ne suffit pas, à elle seule, à caractériser l'état de dépendance économique telle que dénoncée par la SAS Interkom dès lors qu'une faculté de substitution et de diversification lui restait entièrement réservée;
Considérant que, tenant compte de la notoriété relative de la SA GISI, de l'importance modérée de sa part sur le marché de la presse ainsi que dans les chiffres d'affaires de la SAS Interkom, tenant compte aussi de la faculté incontestée restée ouverte à celle-ci de développer son activité avec d'autres cocontractants, il convient de constater qu'aucun abus de lien de dépendance ne peut être imputé à faute à la SA GISI étant relevé, en outre, que les éléments du passif existant de la SAS Interkom à la date même de la résiliation, soit des dettes fiscales, sociales, bancaires anciennes et particulièrement lourdes, apparaissent bien antérieurs et dépourvus de lien avéré avec cette résiliation;
Considérant qu'il convient, pour ces motifs, de rejeter les demandes présentées par la SAS Interkom;
Considérant qu'il n'est pas démontré que l'une des parties a fait dégénérer en abus son droit d'avoir recours à justice ; Que l'équité ne dicte pas l'allocation à l'une d'elles d'une somme pour frais irrépétibles de première instance ou d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré; Rejette les demandes présentées par la SAS Interkom; Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs; Condamne la SAS Interkom prise en la personne de son représentant compte tenu de son état au paiement des dépens de première instance et d'appel avec admission, pour ces derniers, de l'avoué concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.