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Décisions

Conseil Conc., 9 octobre 2008, n° 08-D-22

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics du département du Haut-Rhin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Barbier, par Mme Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mme Béhar-Touchais, Mme Mader-Saussaye, M. Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 08-D-22

9 octobre 2008

Le Conseil de la concurrence (Section IV),

Vu la lettre du 26 mars 2007 enregistrée sous le numéro 07/0028 F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics du département du Haut-Rhin ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu la décision du 18 avril 2008 par laquelle le président du Conseil de la concurrence a fait application de l'article L. 463-3 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par la chambre départementale des géomètres-experts du Haut-Rhin, les cabinets de géomètres-experts Faber-Schaller et Associés, Bilhaut, Bihler et Bernay, Ador et Muller, Jean Hildenbrand, Marc Jung, Bernard Brun, Hubert Ortlieb, Georges Schubetzer, Age, Rémi Ostermann et Philippe Frantz, ainsi que par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la chambre départementale des géomètres-experts du Haut-Rhin et des cabinets de géomètres-experts Faber-Schaller et Associés, Bilhaut, Bihler et Bernay, Ador et Muller, Jean Hildenbrand, Marc Jung, Bernard Brun, Hubert Ortlieb, Georges Schubetzer, Age, Rémi Ostermann et Philippe Frantz entendus lors de la séance du 16 juillet 2008 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. Selon la saisine, " les éléments recueillis montrent que les cabinets de géomètres-experts du Haut Rhin ont constitué, dans le cadre de ces consultations [quatre procédures de mise en concurrence réalisées en 2002 et 2005 par le conseil général], des groupements dépourvus de justification technique ou économique afin de se répartir les marchés, de préserver des marges bénéficiaires conséquentes, de faire échec à la volonté du conseil général d'introduire plus de concurrence et de se prémunir contre la concurrence générée par un cabinet situé hors du département (...) compte tenu des éléments recueillis, il n'est pas exclu que l'on soit en présence d'une pratique continue d'entente entre les cabinets de géomètres- experts, orchestrée par la chambre syndicale départementale ".

2. Cette saisine s'appuie sur un rapport d'enquête établi par la brigade interrégionale d'enquêtes de concurrence (BIEC) de Metz (57) de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

B. LES PROFESSIONNELS CONCERNÉS

1. TEXTES RÉGISSANT LA PROFESSION DE GÉOMÈTRE-EXPERT

3. L'article 1er, modifié, de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l'Ordre des géomètres- experts définit comme suit la profession : " Le géomètre-expert est un technicien exerçant une profession libérale qui, en son propre nom et sous sa responsabilité personnelle : 1° Réalise les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers et, à ce titre, lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d'échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière ;

2° Réalise les études, les documents topographiques, techniques et d'information géographique dans le cadre des missions publiques ou privées d'aménagement du territoire, procède à toutes opérations techniques ou études sur l'évaluation, la gestion ou l'aménagement des biens fonciers. "

4. L'activité visée au 1° est désignée ci-après sous le vocable " travaux fonciers " et celle visée au 2° sous le vocable " travaux topographiques ".

2. LES CABINETS DE GÉOMÈTRES-EXPERTS CONCERNÉS

5. Les cabinets concernés par la présente affaire figurent dans la liste suivante. Pour faciliter la lecture de la présente décision, une lettre a été affectée à chacun selon la localisation de son siège social ou de ses agences ou bureaux secondaires dans le Haut-Rhin. Plus le cabinet est situé au nord du département, plus sa lettre est proche, dans l'ordre alphabétique, de la lettre A. Le cabinet Jean Clerget, dernière lettre " M ", est localisé principalement dans le territoire de Belfort.

<emplacement tableau>

6. Pour les appels d'offres concernés par la présente affaire, le conseil général du Haut-Rhin a divisé le département en trois lots, Nord, Centre et Sud. Leurs limites sont précisées sur la carte suivante, ainsi que la localisation des cabinets précités. Par exemple, le cabinet Bilhaut a son siège social à Colmar (67), mais dispose d'un cabinet secondaire à Strasbourg. La lettre qui lui a été affectée est B. Le cabinet Clerget, dont le siège social est situé à Belfort (90), intervient donc dans ce dossier en qualité de concurrent extérieur au département du Haut-Rhin, des autres cabinets cités. Les flèches partant de Belfort précisent les zones pour lesquelles le cabinet Clerget (M) a déposé des offres dans le cadre de certaines procédures d'attribution des marchés lancées par le conseil général.

<emplacement carte>

3. CHIFFRE D'AFFAIRES ET EFFECTIFS DES CABINETS ET DES GROUPEMENTS QU'ILS ONT CONSTITUÉS POUR RÉPONDRE AUX APPELS D'OFFRES

7. Afin de comparer ces cabinets entre eux, des mentions relatives aux chiffres d'affaires tirées de leurs déclarations fiscales ainsi que des informations sur leurs effectifs et la répartition par catégorie professionnelle de ces derniers sont reproduites sur le tableau ci-dessous.

<emplacement tableau>

8. Le cabinet Age a été constitué en 1998 par l'association de trois géomètres-experts, Mme 1..., M. 2... et M. 3... auparavant indépendants. Ce cabinet a recours au personnel d'une autre société, Technotop, dont les géomètres-experts précités sont les actionnaires. En conséquence, le tableau figurant au paragraphe précédent prend en compte le chiffre d'affaires du seul cabinet Age mais les effectifs totaux des cabinets Age et de la société Technotop.

9. M. 4... a déclaré que son cabinet ne devait être considéré qu'au titre de son activité à Colmar, sans prendre en considération son activité à Strasbourg. En effet, les équipes ne seraient pas, en pratique, interchangeables. En conséquence, ne sont pris en compte que les effectifs présents à Colmar (soit 3,5 correspondant aux trois techniciens déclarés et un mi-temps pour M. 4...) et leur contribution au chiffre d'affaires global du cabinet, qui est, selon M. 4..., d'environ 30 %, soit 312 107 euro.

10. En revanche, si le cabinet Faber-Schaller dispose de deux implantations : l'une à Sainte Marie aux Mines (Haut-Rhin), l'autre à Sélestat (Bas-Rhin), distantes de 25 km, ce cabinet a précisé que " (...) c'est en fonction de l'exécution de ces tâches que sont répartis les moyens du Cabinet (...) ". En conséquence, pour l'établissement du tableau précédent, l'ensemble des effectifs et du chiffre d'affaires de ce cabinet a été pris en compte.

11. Le ratio CA/Effectifs constitue un indicateur de la " productivité " de ces cabinets : le cabinet Bilhaut (B) se singularise ainsi par une productivité élevée.

4. LA CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES GÉOMÈTRES-EXPERTS DU HAUT-RHIN

12. Les géomètres-experts du Haut-Rhin disposent d'une instance syndicale, la chambre départementale, dont la présidente est actuellement Mme 1..., du cabinet Age (J).

C. LES MARCHÉS PUBLICS CONCERNÉS

13. Les marchés qui font l'objet de la saisine du Conseil de la concurrence portent tous sur les prestations foncières et/ou topographiques " nécessaires à la réalisation des routes départementales du Haut-Rhin ".

14. Le directeur territorial des opérations foncières et immobilières du conseil général, a exposé les éléments qui suivent (cotes 1360-1361) :

" (...) J'ai participé à la mise en œuvre des consultations lancées par le conseil général du Haut-Rhin depuis que la procédure d'appel d'offres a été mise en œuvre (1995) (...). (Le) Haut-Rhin figure parmi les plus petits départements de France avec 3 500 km2 de superficie et sa configuration géographique, du nord au sud, est relativement équilibrée avec, sur tout le flanc occidental, le versant vosgien et le vignoble alors que la partie orientale du département est couverte par la Plaine d'Alsace. La création de trois zones géographiques répond (...) à ces considérations, chaque secteur disposant d'une même configuration géographique avec un temps de déplacement relativement réduit à l'intérieur d'une même zone avec une distance de l'ordre de 35 à 40 km d'ouest en est et de 30 km du nord au sud. Ce découpage était également calqué sur les subdivisions territoriales de l'ex-direction de l'équipement (...). "

15. Pour la période 1997-1999, ainsi qu'il ressort d'un rapport d'information de la direction des infrastructures routières et des équipements du conseil général (DIRE) du 8 juillet 1999 (cote 880) :

" Le mode de mise en concurrence était l'appel d'offres ouvert pour trois marchés comprenant à la fois les travaux de topographie nécessaires à la définition technique des projets routiers et les travaux fonciers nécessaires à l'établissement des documents d'arpentage pour l'acquisition des terrains. "

16. Le directeur territorial précité a précisé (cotes 1360-1361) :

" Lors du premier marché triennal portant sur la période 1997-1999, la [DIRE] avait relevé la remise de propositions tarifaires par les cabinets locaux au travers de trois groupements associant l'ensemble des géomètres-experts implantés dans le département du Haut-Rhin. "

17. Pour les périodes de 2000 à 2002 et de 2003 à 2005, les lots ont alors été divisés en prestations foncières d'une part, topographiques d'autre part. Le rapport précité du 8 juillet 1999 fournit les précisions suivantes :

" Pour permettre une meilleure concurrence, il est proposé que les marchés concernant les travaux topographiques soient séparés des marchés concernant les travaux fonciers (...). Pour permettre une analyse plus complète de la capacité des candidats (...), il est proposé que la consultation soit la procédure de l'appel d'offres restreint. (...) (...) qu'un rapport est proposé à la Commission Permanente dans le but d'autoriser la consultation des géomètres par appel d'offres restreint en vue de la passation de trois marchés à bons de commande pour les travaux topographiques nécessaires à la réalisation des routes départementales et trois marchés à bons de commande pour les travaux fonciers nécessaires à la réalisation des routes départementales ".

18. Un rapport d'analyse de la DIRE, du 23 novembre 1999, précise encore (cote 663) : " (...) Le partage en deux marchés distincts n'a pas été réalisé seulement dans un souci d'économie, mais surtout pour permettre le libre accès à la commande publique de tous les professionnels, qui est d'ailleurs de nature à stimuler l'économie. Le marché de travaux fonciers comportera aussi les prestations topographiques liées directement aux prestations foncières pour éviter, dans le cas de petites opérations, le recours à plusieurs intervenants. Rien ne s'oppose à ce que les géomètres-experts soient compétitifs dans leurs offres pour les marchés de travaux purement topographiques et se voient attribuer ces derniers. "

19. Le directeur territorial précité a néanmoins expliqué :

" (...) En dépit de cette modification importante de la consistance de ces marchés [à partir de la période 2000-2002], les professionnels implantés dans le Haut-Rhin ont poursuivi la remise d'offres groupées associant l'ensemble des cabinets locaux lors des consultations 2000-2002 et très récemment 2006-2009 alors que pour la période 2003-2005, ils avaient constitué deux groupements distincts sur les lots Nord et Sud. "

20. Pour la période 2003-2005, le conseil général a procédé par appels d'offres restreints pour les marchés de prestations foncières d'une part et de prestations topographiques d'autre part (cotes 691 et 951).

21. Pour la période 2006-2009, le conseil général a eu recours à la procédure de l'appel d'offres ouvert pour les marchés de prestations topographiques (cote 1003) et à la procédure négociée pour les marchés de travaux fonciers (cote 756). Il a maintenu la division territoriale en zones nord, centre et sud.

22. Dans tous les cas, les marchés en cause étaient des marchés à bons de commande. Le directeur territorial précité a conclu (cote 1361) : " (...) La publication des avis d'appel public à la concurrence au BOAMP et même dans le Moniteur lors des toutes dernières consultations n'a engendré aucune candidature extérieure nouvelle à notre département en dehors du cabinet Clerget de Belfort présent depuis 1995 sur ces marchés. Face à un tel comportement, vous me demandez pourquoi la collectivité n'a pas déclaré ces marchés infructueux ? A votre question, je répondrais (...) que la mise en œuvre d'une telle procédure ne pouvait qu'engendrer des retards préjudiciables à la réalisation, dans les délais, des projets routiers dans le département du Haut-Rhin, sans aucune garantie d'obtention d'offres de prix plus attractives dans la mesure où les publicités nationales n'ont eu aucun effet en terme de candidature extérieure et du fait que les cabinets de géomètres- experts locaux sont pertinemment conscients de notre dépendance à leur égard pour la réalisation de schémas routiers départementaux dans les délais. "

1. CONSISTANCE DES TRAVAUX FONCIERS ET DES PRESTATIONS TOPOGRAPHIQUES

a) Les travaux fonciers

23. D'après le règlement de la consultation pour les marchés de travaux fonciers 556 à 558/05 (cotes 750 à 761, spéc. 753) " ces travaux concernent une surface inférieure à 100 hectares en zone rurale et 20 hectares en zone urbaine par aménagement. Ils portent sur les prestations suivantes : exécution de cheminements de polygonisation, exécution de cheminements de nivellement, rattachement aux repères existants, levés de plans topographiques, établissement de plans et fichiers parcellaires, procès-verbaux d'arpentage, travaux de bornage. "

24. La personne qui a succédé au directeur précité a précisé que les travaux fonciers sont " répartis équitablement ", que les commandes les plus importantes sont d'un montant de 5000 euro à 10 000 euro, mais que l'essentiel de l'activité concerne des commandes de 1 000 euro à 1 500 euro ; que les délais contractuels sont respectés même s'il y a urgence et que les commandes sont réparties tout au long de l'année et faites suivant les modalités des marchés à bon de commande (cotes 1583-1588).

25. Les tableaux qui suivent (établis à partir des cotes 847 à 863 pour les années 2000 à 2005 et 1597 à 1602 pour les années 2006 et 2007) présentent sur plusieurs années les volumes de commandes au sein de chaque zone.

<emplacement tableau>

26. S'agissant de marchés à bons de commande susceptibles de déboucher sur une variabilité importante des prestations demandées en cours d'année, laquelle pourrait nécessiter une " capacité opérationnelle " plus importante que si les commandes étaient continues, il est utile pour les besoins du dossier d'examiner la variabilité des commandes du conseil général pour chaque marché, mois par mois, de 2000 à fin 2007. Celle-ci est représentée dans les graphiques qui suivent. La méthodologie retenue a été exposée en détail dans la notification de griefs, page 24. Les barres de l'histogramme représentent l'addition, en montant, des commandes d'un mois. Les courbes " MM2 " représentent les moyennes mobiles à deux mois et ont été calculées selon la formule suivante : y = [ (n-1) + n ]/2, n = paiements d'un mois, n - 1 = paiements du mois précédent. La moyenne mobile utilisée permet d'écrêter les pics éventuellement dus à des décalages de paiements ou de réalisations par rapport au moment des commandes.

<emplacement tableau>

b) Prestations topographiques

27. D'après l'avis d'appel public à la concurrence pour les marchés de travaux topographiques 01 à 03/06 (cote 1003), il s'agit de " travaux topographiques nécessaires à la réalisation des routes départementales " : " les principales prestations à réaliser portent sur : l'installation de bornes à repères bétonnées, l'exécution de cheminements de polygonisation, l'exécution de cheminements de nivellement, le rattachement aux repères existants, les levés de plans topographiques, les levés de profils de travers, les levés de profils en long, cubature de terrassement et métrés divers, copie de plan cadastral, l'implantation de point d'axe, l'implantation et contrôle d'ouvrages d'art ".

28. L'un des ingénieurs de la direction des routes et des transports du conseil général a présenté des remarques comparables à celles faites pour les travaux fonciers concernant la consistance des travaux, la répartition et les modalités de passation des commandes mais il a souligné qu'à la différence des travaux fonciers, le critère du délai d'exécution à la commande est fixé dans le cahier des charges dans les appels d'offres récents et non plus proposé dans les offres. Les candidats acceptent ces délais lors de l'acte d'engagement et les respectent (cotes 1585 à 1588).

29. De même qu'en ce qui concerne les marchés de travaux fonciers, il a été procédé à diverses vérifications tendant à appréhender la teneur des commandes du conseil général sous divers aspects : répartition par zone géographique, régularité des commandes au cours d'une année, poids relatif des commandes urgentes (cotes 1912-1958 : tableaux fournis par le conseil général).

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30. Une méthodologie identique à celle employée pour les travaux fonciers a été employée pour appréhender le caractère variable des commandes de prestations topographiques. Les travaux les plus lourds peuvent être exécutés dans les délais les plus longs. Comme dans le cas des travaux fonciers, la moyenne mobile à deux mois constitue une meilleure approximation des variations réelles de la charge de travail que doivent assumer les géomètres-experts que le seul histogramme.

<emplacement tableau>

c) Les barrières à l'entrée propres aux marchés de travaux fonciers

31. Ainsi qu'il résulte de plusieurs auditions de géomètres-experts concernés par la présente affaire, les travaux fonciers et les prestations topographiques ne sont pas considérés comme équivalents.

32. M. 5... (C) a déclaré (cote 1510) :

" (...) La topographie est un travail moins attrayant et moins bien payé. C'est plus du travail à la chaîne : du point de vue de l'automatisation. Dans le foncier, il y a un côté recherche, plus aléatoire. Il n'y a jamais deux opérations identiques, ce qui en fait aussi l'intérêt. "

33. Les contraintes spécifiques des travaux fonciers sont les suivantes, selon M. 6..., entendu le 30 janvier 2008 (cote 1563) :

" Il y a une documentation à aller chercher, dans le cadre des travaux fonciers à 1 000 euro. Alors s'il faut se déplacer d'un bout à l'autre du département, ça ne vaut pas le coup. Souvent on a des archives sur place, qui nous évitent même d'aller chercher un complément d'information. On doit se déplacer pour consulter le registre du cadastre, qui est partagé entre Altkirch, Mulhouse et Colmar. Les livres fonciers sont dans d'autres communes, telles que Guebwiller, Altkirch, Huningue, Masevaux. C'est dispersé à travers le département. C'est informatisé, mais on ne peut pas consulter ces registres à distance à ce jour. "

34. Dans le même sens, MM. 7... (F) et 8... (H) ont déclaré (cote 1574) :

" M. 7... : Pour mon cabinet, c'est peut-être plus facile de faire du foncier que du topo. Mes techniciens sont meilleurs en foncier. C'est une autre approche. J'ai des techniciens qui sont proches de la retraite, qui sont sur des techniques un peu anciennes. En topo, les techniques ont énormément évolué. Par exemple, on n'a pas de GPS, qui est un matériel qui est plus indiqué pour le topo que pour le foncier.

M. 8... : Pour moi, le topo est moins rébarbatif que le foncier. J'ai un GPS et des techniciens jeunes qui savent s'en servir. L'avantage avec le GPS, c'est que le travail peut se faire à un et pas toujours à deux. C'est des gains de productivité. (...) Techniquement, c'est très intéressant. On arrive à une précision de deux centimètres.

M. 7... : Ça se démocratise. Un cabinet qui veut ce matériel peut l'avoir. Même si c'est un petit cabinet. Sous réserve, bien sûr qu'il ait un personnel adéquat. C'est par rapport à l'ancienne, une nouvelle façon de travailler. "

35. Enfin, M. 9... (M) a déclaré (cotes 182-184) :

" Les gains enregistrés sur les deux marchés [de prestations topographiques 41 et 42/03] sont en premier lieu le fruit de l'expérience acquise dans ce département. Ils proviennent en outre d'une meilleure organisation interne (informatisation, nouvelle codification, modification dans la manière de travailler en interne...) et d'une évolution importante et rapide de la technologie en matériel (nous disposons de 6 systèmes GPS). (...) Je tiens à mentionner que (...) les propositions tarifaires remises sur tous les appels d'offres de la métropole font l'objet d'une étude minutieuse incorporant (...) une marge de nature à autoriser notamment l'acquisition de matériels de dernière génération. Pour les marchés de travaux fonciers lancés par le conseil général du Haut-Rhin, je reconnais nos difficultés à nous placer. (...) Nous n'avons pas de possibilité d'améliorer notre productivité sur ces marchés. (...) En effet, la méthode de collecte de documents auprès des services du cadastre n'a pas évolué au cours de ces dernières années et il s'avère ainsi indispensable de se déplacer physiquement dans leurs locaux afin d'obtenir les documents nécessaires à la réalisation des tâches demandées. Implantés à proximité immédiate, les géomètres-experts du Haut-Rhin disposent donc d'un avantage incontestable sur nous. Par ailleurs, ces professionnels du Haut-Rhin exercent essentiellement auprès d'une clientèle locale et disposent de ce fait d'archives propres à les aider dans l'exécution de leurs travaux ".

36. Il est donc constant, s'agissant des travaux fonciers, que les professionnels implantés sur place disposent d'un avantage sur leurs concurrents en raison de leur proximité des centres administratifs qui détiennent un certain nombre de registres (cadastre) et des archives qu'ils ont pu se constituer au cours des années. En revanche, s'agissant des prestations topographiques, la nécessité des déplacements " administratifs " disparaît, alors que l'exploitation des possibilités liées aux évolutions des techniques permet de réels gains de productivité et ouvre de larges possibilités aux cabinets implantés à une certaine distance.

2. SYNTHÈSE DES ATTRIBUTIONS DES DIFFÉRENTS MARCHÉS

37. Les attributaires des différents marchés au cours de la période 1995 et 2006 figurent sur le tableau récapitulatif suivant :

<emplacement tableau>

38. A titre d'exemple, le cabinet Bernay (C) a présenté une candidature mais pas d'offre dans le cadre du marché n° 65/00 (travaux fonciers, zone nord, période 2000-2002). Il a présenté une offre en groupement pour le marché de prestations foncières de la zone nord pour la période 2003-2005. Mandataire de ce groupement, il en a été attributaire. En revanche, ce cabinet n'a déposé aucune offre pour l'attribution du marché de prestations foncières du centre pour la même période (marché n° 512/02).

39. Du point de vue méthodologique, il a été procédé aux simplifications d'écriture qui suivent. Tout d'abord, pour la période 1995-1999, le déménagement du conseil général en 2000 a eu pour conséquence la destruction de certaines de ses archives. Cela interdit de préciser un certain nombre de données pour la période 1995-1999, d'où les zones en gris foncé du tableau. Les données pour les années 1995 et 1996 proviennent de mentions incidentes dans des documents afférents aux appels d'offres ultérieurs (cote 664, analyse des candidatures pour les marchés fonciers, période 2000-2002, rapport d'analyse de la DIRE du 19 octobre 1999). Le cabinet Simon, présent au sein du groupement Jkl (zone sud) pendant la période 1997-1999 (cote 1114, procès-verbal de la réunion de la commission d'appel d'offres et rapport de la commission, 23 décembre 1996), n'est plus réapparu depuis au sein de quelque groupement que ce soit, s'agissant des appels d'offres qui font l'objet de ce document. Ce cabinet ne connaît à ce jour qu'une activité très restreinte et ne participe plus depuis longtemps, à la connaissance du Conseil, aux appels d'offres du conseil général. Il n'est pas répertorié. M. 7... (cabinet F) a racheté le cabinet de M. 10... en 1998 (cote 1573). Ce cabinet était candidat en groupement avec les cabinets G, H, I et J pour la zone Centre du marché de la période 1997-99 (cote 1113, procès-verbal de la réunion de la commission d'appel d'offres et rapport de la commission, 23 décembre 1996). Dans la mesure où il a été racheté, il a été rétrospectivement intégré au cabinet Jung (F). Il n'est donc pas répertorié en tant que tel. Le cabinet Age (J) a été constitué, comme indiqué précédemment, par la réunion en 1998 des trois cabinets de Mme 1... et de MM. 2... et 3... (cote 1541). Pendant la période 1997-1999, les futurs associés étaient encore indépendants. Ils apparaissent sous les appellations " Fghij " pour Mme 1..., co-titulaire du lot Centre, et " jkl " pour MM. 3... et 2..., co-titulaires du lot Sud.

3. DESCRIPTION DES OFFRES (2000-2009)

a) Appels d'offres pour les travaux fonciers

40. Les offres de prix et de délais ont été les suivantes pour les périodes 2000-2002, 2003-2005 et 2006-2009.

Période 2000/2002 - Marchés 65 à 67/00

41. Les critères d'appréciation des offres sont rappelés comme suit dans un rapport d'analyse des offres daté du 10 février 2000 (cote 667) : " Le règlement de la consultation prévoyait les critères de jugement des offres suivants : 1/ Prix des prestations, 2/ Valeur technique, 3/ Délai d'exécution, 4/ Coût d'utilisation ". Dans le cas de cet appel d'offres, les délais effectifs d'exécution étaient fixés dans les bons de commande, selon l'article 4-1-1, " délais d'exécution " du CCAP (cote 675).

42. Les offres.

<emplacement tableau>

43. Les critères d'appréciation des offres sont précisés comme suit dans un rapport d'analyse des offres du 19 novembre 2002 (cote 691) : " Délai d'exécution proposé par le candidat, avec une pondération de 40 % par rapport aux délais plafond suivants : 1-5 parcelles 15 jours ; 6-10 parcelles : 21 jours ; 11-20 parcelles : 30 jours ; 21-50 parcelles : 45 jours ; + 50 parcelles : 60 jours. Valeur technique de l'offre, avec une pondération de 30 %, Prix des prestations, avec une pondération de 30 % ".

44. Les offres.

<emplacement tableau>

45. Les critères de sélection des offres pour les marchés 556 à 558/05 sont les mêmes que ceux prévus pour les marchés de la période précédente (marchés 511 à 513/02), selon un rapport d'analyse des offres du 24 novembre 2005 (cote 792).

46. Les offres.

<emplacement tableau>

b) Appels d'offres pour les prestations topographiques

Période 2000/2002 - marchés 74 à 76/00

47. Les critères d'appréciation des offres sont rappelés comme suit dans un rapport d'analyse " des offres ouvertes lors de la Commission d'Appel d'Offres du 22 février 2000 ", daté du 28 février 2000 (cote 902) : " Le règlement de la consultation prévoyait les critères de jugement des offres suivants : 1/ prix des prestations, 2/ Valeur technique, 3/ Délai d'exécution, 4/ Coût d'utilisation ".

48. Les offres.

<emplacement tableau>

Période 2003/2005 - marchés 40 à 42/03

49. Les critères d'appréciation des offres sont rappelés comme suit dans un rapport d'analyse des offres du 9 janvier 2003 (cotes 963-967) : " Le jugement est effectué à partir des critères suivants classés par ordre décroissant d'importance : 1/ Valeur technique de l'offre au travers des renseignements fournis dans le SOPAQ, 2/ Prix des prestations ". Les délais d'exécution des travaux étaient posés a priori par le conseil général.

50. Les offres.

<emplacement tableau>

Période 2006/2009 - marchés 01 à 03/06

51. Les critères d'appréciation des offres sont rappelés comme suit dans un rapport d'analyse des offres (zone nord), daté du 15 décembre 2005 (cotes 1010-1014) : " Le règlement de la consultation prévoyait les critères de jugement pondérés suivants : 1/ Valeur technique de l'offre jugée suivant le barème indiqué dans la fiche de renseignements techniques, un certain nombre de points étant attribués à chaque partie avec une pondération de 70 % ; 2/ Prix des prestations, avec une pondération de 30 %. "

52. Les mêmes délais d'exécution que lors de la période précédente étaient posés a priori par le conseil général.

53. Les offres.

<emplacement tableau>

D. L'INTERVENTION DE LA SOCIÉTÉ DES GÉOMÈTRES-EXPERTS DU HAUT-RHIN

54. Jusque vers 1995, comme il ressort d'éléments exposés précédemment, le conseil général n'avait pas recours à la procédure d'appel d'offres pour les travaux de petite importance, confiés alors au géomètre-expert local dans le cadre de contrats de gré à gré. Lorsqu'il a modifié la procédure, les géomètres du Haut-Rhin se sont trouvés confrontés à la concurrence, notamment celle d'un cabinet extérieur au département, le cabinet Clerget, qui, depuis, obtient certains marchés qui revenaient auparavant aux opérateurs locaux.

55. Dans sa décision n° 02-D-14 du 28 février 2002 relative à la situation de la concurrence dans le secteur d'activité des géomètres-experts et des géomètres-topographes, le Conseil de la concurrence a examiné une lettre du 22 février 1996 adressée par la chambre départementale des géomètres-experts du Haut-Rhin au conseil général du département. Cette lettre reproduite dans la notification de grief (page 48) indiquait notamment :

" Le conseil général vient (...) de lancer un appel d'offres pour l'attribution du marché des travaux fonciers et topographiques dans le département. La chambre départementale des géomètres-experts du Haut-Rhin, par l'intermédiaire de ses membres, saisit cette occasion pour s'adresser aux représentants du département, et en particulier, aux conseillers généraux, afin de leur faire part de ses réflexions à ce sujet. Notre profession de géomètre est une profession de service avec un caractère important de proximité et surtout de conseil. Le géomètre-expert est en relation avec toutes les collectivités pour leurs projets et leurs rapports au foncier. Les communes, les entités intercommunales, le département, les diverses administrations font appel à ses connaissances du terrain d'un point de vue technique, mais aussi et surtout à la mémoire et à la compétence juridique des cabinets qui traversent le temps. Notre profession est un lien entre les différentes collectivités qui ont tissé avec elle une relation de confiance et de conseil très étroite. Cette notion de service est difficilement quantifiable. Réduire les prestations du géomètre à un bordereau de prix unitaire est donc loin de la réalité et inconcevable pour nous. La publication du nouvel appel d'offres annuel suscite de notre part quelques remarques quant à sa pertinence et quant aux choix des attributaires. (...)

Le Code des marchés publics est, à notre avis, un garde-fou nécessaire à tout excès ou abus, mais son application systématique, même dans les cas non prévus (marchés inférieurs à 300 000 F), ne nuit-elle pas à son esprit premier et à son efficacité ? Nous profitons de l'occasion qui nous est donnée pour attirer votre attention sur quelques chiffres ; Nos 17 cabinets représentaient :

- en 1992 : 101 collaborateurs - 34 millions de chiffre d'affaires ; - en 1994 : 81 collaborateurs - 29 millions de chiffre d'affaires ; - soit 20 % de baisse d'activité.

1995, d'après les renseignements pris auprès des confrères, ne fera que confirmer cette fâcheuse tendance. C'est également l'année qui a vu le premier dépôt de bilan dans notre département, avec ses conséquences sur l'emploi. Ces chiffres s'expliquent, d'une part, par la diminution de l'activité économique, mais également par certaines pratiques spécifiques au département ; en effet, les administrations et les associations assimilées (ADHAUR, BDEA, SEMHA, Équipement...) ont sur certains secteurs de notre activité (documents d'urbanisme, études d'aménagement, cartographie), des situations de quasi monopole. Ces organismes effectuent pour le compte de collectivités et de communes, des prestations à des prix auxquels nous serions bien heureux de travailler. (...) Les géomètres-experts du Haut-Rhin vous lancent donc, à vous monsieur le vice-président et à l'ensemble des élus de l'assemblée départementale, un cri d'alarme. Imprégné de notre terroir, y vivant, l'aimant et contribuant à son développement par notre savoir, notre travail et nos contributions, nous nous sentons de plus en plus enserrés dans un carcan administratif devant lequel nous sommes impuissants. Cela risque, entre autres, de faire disparaître à terme la conception actuelle que nous avons de notre profession et met en danger la pérennité de nos spécificités régionales (cadastre, livre - foncier). "

56. Les services d'instruction du Conseil de la concurrence avaient alors fait grief à la chambre départementale des géomètres-experts du Haut-Rhin " d'être intervenue, en 1996, auprès du conseil général pour que les marchés de prestations topographiques et foncières soient réservés aux géomètres-experts du département du Haut-Rhin. " Le Conseil de la concurrence a cependant considéré que l'examen de la lettre en question " par laquelle la chambre syndicale des géomètres-experts du Haut-Rhin a fait part au conseil général de ce département de ses remarques sur la place réservée au critère de prix dans le classement des soumissions en réponse à des appels d'offres, n'apporte pas la preuve que cette correspondance ait eu un objet ou un effet anticoncurrentiel. "

57. Interrogé dans la présente affaire sur les circonstances de la rédaction de cette lettre et sur le rôle de la chambre syndicale, M. 7... (F) a indiqué (cotes 1124 et suivantes) : " Les groupements de géomètres-experts haut-rhinois se sont constitués après que le conseil général ait décidé en 1995, de recourir à une procédure par appel d'offres pour la réalisation de travaux topographiques et fonciers. Ces prestations étaient auparavant attribuées au géomètre-expert du secteur, cette pratique donnant satisfaction à notre profession. Devant une telle situation ayant permis l'attribution de marchés à un confrère extérieur au département, en l'occurrence Clerget dont le siège est à Belfort, la profession des géomètres-experts du Haut-Rhin s'est mobilisée et a tenté de s'organiser. La chambre syndicale des géomètres-experts du Haut-Rhin, chargée de la défense de nos intérêts, a ainsi inscrit ce point à l'ordre du jour d'une réunion en 1996. Le conseil général ayant défini trois marchés géographiques distincts, nous avons alors envisagé de répondre, sur chaque marché sectoriel, par l'intermédiaire d'un groupement associant l'ensemble des cabinets implantés dans cette zone géographique dans un souci de logique économique. "

58. M. 7... a ajouté (cote 1571) : " (...) En réunion de chambre on en a parlé : la solution des groupements nous a paru à l'époque être une solution pour pouvoir répondre à la masse de travail que les marchés allaient engendrer. Individuellement on était dans l'incapacité de répondre seuls. "

59. Ces indications ont été confirmées par M. 8... (H), également entendu au cours de la même audition (cote 1571) : " Je confirme tout à fait les déclarations de M. 7... que vous venez de lire, ainsi que les commentaires que vient de faire mon confrère ". M. 8... ajoutait également (même cote) : " (...) je me rappelle tout à fait qu'il y a eu une réunion à la chambre syndicale au cours de laquelle nous avons, ce sont de très vagues souvenirs, abordé la question des marchés. C'était une nouvelle donne. Il fallait voir comment la profession allait défendre ses intérêts. "

60. M. 7... a poursuivi ainsi en réponse à la question du rapporteur sur la façon dont la profession avait " défendu ses intérêts " (cote 1572) : " De mémoire, par rapport à cette situation où le département a créé des appels d'offres, on a dit premièrement que, si le marché devait avoir lieu, on répondrait en groupements. Deuxième chose, on a fait un courrier, et on est allé voir des conseillers généraux...."

61. Sur la constitution des groupements, MM. 7... et 8... ont notamment ajouté (cote 1572) : M. 7... : " Ça s'est fait presque naturellement. (...) A partir du moment où on a envisagé en réunion syndicale de constituer des groupements, la composition de ces groupements ne pouvait être que géographique. Ça découle de source. "

M. 8... : " On a retenu le principe des groupements au cours de la réunion en question, mais ils n'étaient pas constitués à la sortie de la réunion. "

62. Pour sa part, M. 5... a déclaré (cotes 498 et suivantes) : " (...) Dans le cadre de ces marchés, la chambre syndicale avait veillé à mettre en place en 1996-1997 trois zones d'intervention en fonction du zonage proposé par les lots géographiques définis par le Conseil général. (...) Cette répartition géographique se justifiait par le fait d'assurer à chaque membre du groupement d'être présent sur sa zone d'intervention habituelle, c'est à dire assurer sa présence auprès des communes avec lesquelles il a l'habitude de travailler. (...)"

63. M. 5... a ensuite précisé (cote 1511) : " En dehors des réunions de chambre syndicale, nous n'avons pas l'occasion de nous voir tous ensemble. Ces nouveaux marchés sont arrivés en 95, peut-être. Quand ça s'est passé, pour les questions pratiques, tous les cabinets se sont demandés : " comment on va faire ", " comment on répond à un appel d'offres ? ". " Ma déclaration précédente sous-tend que nous avons mis en place le découpage à l'occasion d'une réunion de chambre. Ça n'a pas été si méthodique que ça dans mon souvenir. De toute façon, la plupart des cabinets n'avaient pas les moyens de répondre seul. Le fait de faire des groupements s'imposait. Au vu de l'éloignement, le bon sens fait qu'on ne va pas travailler à deux heures de chez soi. Chacun va travailler près de chez lui ".

64. M. 5... a cependant ajouté : " En aucun cas, il n'y a ou il n'y a eu de police pour veiller à ce que ces groupements soient comme ils le sont. Mais, il y eu une réflexion commune au départ. Fatalement. Elle a porté sur la façon de construire les groupements. Je n'ai jamais participé à un groupement sous la contrainte, ni forcé qui que ce soit à participer à un groupement. "

E. EXAMEN DE LA CONSTITUTION DES GROUPEMENTS POUR RÉPONDRE AUX APPELS D'OFFRES

1. PÉRIODE 1997-1999

65. La première apparition des groupements, selon les éléments figurant au dossier, remonte à l'appel d'offres pour la période 1997-99. La consultation du tableau de synthèse récapitulatif des résultats reproduit au paragraphe 37 permet de constater que le groupement pour la zone Nord était constitué des cabinets ABCDE, celui constitué pour la zone Centre était formé des cabinets FGHI auquel s'ajoutait l'un des associés actuels du cabinet J, qui n'existait pas à l'époque. Pour la zone Sud, les cabinets KL et les autres associés du futur cabinet J formaient également déjà un groupement. La documentation d'alors ayant pour l'essentiel disparu, l'étude de toutes les offres n'est pas possible.

2. PÉRIODE 2000-2002

66. La consultation du tableau récapitulatif précité permet de constater que la plupart des groupements constitués pour la période 1997-1999 et titulaires d'un marché au cours de la période précédente ont été éliminés au stade de la constitution du dossier, avant le dépôt des offres. L'appel d'offres était restreint. Le cabinet Clerget a été déclaré attributaire de tous les marchés, fonciers et topographiques.

67. Interrogés sur les circonstances de leur élimination, les géomètres-experts entendus n'ont pas apporté d'explication précise, certains évoquant un défaut de pièces.

68. Pour les marchés ultérieurs, il est pour l'essentiel renvoyé à la lecture du tableau récapitulatif figurant au paragraphe 37 et, pour le surplus, aux constatations spécifiques pour certains marchés qui suivent.

3. PÉRIODE 2003-2005

69. Les calendriers des procédures d'appel d'offres pour les marchés de travaux fonciers et de prestations topographiques de cette période étaient décalés. La date limite de réception des candidatures pour ces derniers marchés (n° 40 à 42/03) était fixée au 5 novembre 2002, alors que la date limite de dépôt des offres de prix pour les marchés de travaux fonciers (n° 511 à 512/02) était fixée au 4 novembre, la veille. Les candidats aux marchés de travaux fonciers ont donc nécessairement décidé de déposer ou de ne pas déposer une offre de prix sans connaître les résultats de la procédure d'attribution des marchés de prestations topographiques.

Marché de travaux fonciers n° 511/02

70. Les cabinets qui ont fait acte de candidature lors de cet appel d'offres ont été les cabinets A, B, CDE, J, M. Au stade de l'examen des offres, les mêmes restaient en lice. L'attributaire du marché a été le groupement CDE.

71. Il ressort des tableaux des offres de prix et de délais que les offres de prix et de délais étaient proches pour les candidats B et CDE. Les délais proposés par les cabinets A et J étaient les délais maximaux acceptés par le Conseil général.

Marché de travaux fonciers n° 512/02

72. Le tableau récapitulatif pour ce marché indique que les cabinets A, B et KL se sont désistés de leur candidature entre la première étape (validation des candidatures) et la deuxième (examen des offres proprement dites), alors que les résultats de la procédure d'attribution des marchés de prestations topographiques n'étaient pas encore connus.

73. L'examen des offres indique que le cabinet J (Age) a déposé une offre de délais identique au plafond autorisé par le conseil général pour les trois premières tranches (15 jours pour 1 à 5 parcelles, 21 jours pour 6 à 10 parcelles, 30 jours pour 11 à 20 parcelles).

Marché de travaux fonciers n° 513/02

74. Il ressort du tableau des résultats que les cabinets A, B et KL se sont désistés de leur candidature entre la première étape et la deuxième, alors que les résultats de la procédure d'attribution des marchés de prestations topographiques n'étaient pas encore connus.

75. L'offre du groupement KL reproduit les délais plafond imposés par le conseil général quel que soit le nombre de parcelles concerné.

4. PÉRIODE 2006-2009

Marchés de travaux fonciers n° 556 à 558/02

76. Les groupements constitués dans le cadre des marchés 556 à 558/05 sont très similaires à ceux qui ont été observés dans le cas des marchés de la période 1997-99 et à ceux qui ont été éliminés au cours de la procédure d'attribution pour la période 2000-02. L'ancien groupement ABCDE de la zone Nord s'est reconstitué après son éclatement au cours de la période précédente. Dans la zone Centre, le cabinet I réintègre le groupement FGH. Au Sud, le groupement JKL s'est également reconstitué.

77. M. 5... a déclaré à cet égard (cote 1121) : " A l'occasion des consultations 2006-2009, nous avons reconstitué le groupement initial de 5 cabinets, sur les marchés de travaux fonciers ainsi que sur les marchés de prestations topographiques, les tensions apparues lors des consultations 2003 ayant en effet été aplanies. Cette recomposition d'association avec 5 cabinets locaux ne répondait pas à une exigence technique particulière ni à une modification de la consistance de ces deux marchés par rapport aux consultations antérieures, mais obéissait à une volonté de répartition des travaux de ces marchés entre l'ensemble des géomètres du secteur Nord ".

78. Par ailleurs, l'instruction a porté sur le point de savoir si les groupements ABCDE (constitué pour le marché 556/05, foncier, nord), FGHI (constitué pour le marché 557/05, foncier, centre), et JKL (constitué pour le marché 558/05, foncier, sud) étaient surdimensionnés au regard de la charge de travail réelle demandée par le conseil général pour l'exécution de ces marchés, au moyen de l'évaluation de :

- la capacité opérationnelle annuelle de chacun de ces groupements, en rapportant le chiffre d'affaires cumulé des membres du groupement pour l'ensemble de leurs activités au montant des marchés en question, calculé à partir du montant annuel moyen des commandes du conseil général dans chaque zone pendant les années 2000 à 2007 ;

- la capacité opérationnelle mensuelle (moyenne) de ces groupements, considérée au regard des variations passées des commandes du conseil général ;

- leurs modalités de fonctionnement.

79. A cet égard, les chiffres d'affaires de l'année 2006 des groupements ABCDE, FGHI et JKL ont été comparés à celui d'un groupement " témoin " dont le chiffre d'affaires serait de 804 000 euro pour l'année et de 67 000 euro par mois, d'autre part. Ce groupement, qui n'a pas été constitué par les géomètres-experts concernés, est un groupement d'une taille inférieure de moitié au plus petit des trois groupements considérés (FGHI, 1 640 601 euro).

Capacités opérationnelles annuelles

80. Les données suivantes ont ainsi été établies par combinaison des données figurant au tableau CA/Effectifs et au tableau des volumes des commandes au sein de chaque zone, figurant respectivement aux paragraphes 7 et 25 de la présente décision.

<emplacement tableau>

81. L'existence d'une forte corrélation a été observée plus haut entre le chiffre d'affaires d'un cabinet et sa capacité de travail, mesurée par ses effectifs (tableau au paragraphe 7). Ainsi, considérés au regard de leur chiffre d'affaires global, chacun des trois groupements apparaît très largement dimensionné au regard de la charge moyenne de travail requise par le conseil général pour les travaux fonciers entre les années 2000 et 2007. La charge de travail annuelle imposée par chacun des marchés fonciers est toujours inférieure à 3 % de la capacité de travail totale de chaque groupement. S'agissant du groupement témoin envisagé, la charge de travail imposée par chacun des marchés fonciers serait toujours inférieure à 5 % de sa capacité de travail.

Capacités opérationnelles mensuelles

82. Les graphiques qui suivent ont été conçus à partir des graphiques figurant au paragraphe 27 L'axe des ordonnées est gradué non plus en euro, mais en pourcentage du chiffre d'affaires mensuel moyen du groupement témoin décrit plus haut : à 100 % correspond un chiffre d'affaires mensuel de 67 000 euro.

<emplacement tableau>

Fonctionnement des groupements ABCDE, FGHI et JKL

. Groupement ABCDE (zone Nord)

83. M. 11... a déclaré (cote 260) : " Nous avons soumissionné en groupement avec 4 cabinets de géomètres-experts et nous n'avons pas signé de convention de groupement. Toutefois, nous avons un accord moral qui est de nous répartir l'exécution des travaux à réaliser en fonction de la zone géographique d'activité habituelle de chaque cabinet. (...) Et dans un deuxième temps, nous essayons d'équilibrer la charge de travail et le chiffre d'affaires entre les cabinets, quand les circonstances d'exécution des marchés le permettent. "

84. M. 5..., mandataire du groupement a, pour sa part, déclaré (cote 1514) :

" Si je suis saisi d'une commande, je n'ai pas toujours la latitude de choisir pour chaque commande. On me prévient d'une demande de travaux, mais ils ont déjà faxé les données à tel confrère. Le conseil général m'a court-circuité. Quand je ne suis pas dans ce cas, je regarde où ça se passe, qui est le confrère sur zone, éventuellement, qui peut le remplacer. En fin de compte, j'essaye aussi que chacun ait plus ou moins le même chiffre d'affaires. Ce dernier critère en est à peine un. Il est trop difficile à tenir. Entre les confrères, ça va de 9 000 à 36 000 euro. On essaye de limiter les susceptibilités. C'est moi qui ai le moins travaillé. J'essaye de respecter la hiérarchie des cabinets. Les plus gros verraient mal que les plus petits se sucrent sur les marchés. Peut-être au risque de quitter le groupement. "

85. S'agissant d'éventuelles mises en commun de moyens ou de personnel, M. 4... a indiqué : " Ça ne m'est pas arrivé pour le conseil général. Pour d'autres missions, un confrère m'a déjà donné deux techniciens (...). Pour les prestations foncières, les responsabilités sont différentes. Dans ce type de mission, je m'engage, donc je ne peux pas avoir recours à un personnel qui n'est pas celui du signataire. Pour les prestations topographiques, c'est différent, ce n'est pas la même responsabilité. "

86. MM. 12... et 13... ont déclaré (cote 1536) :

M. 13... : " Il arrive que M. 4... nous prête un GPS. Mais quand il arrive que l'utilisation d'un tel matériel soit préférable, on envoie le cabinet qui le possède. ". Il a ajouté qu'un prêt de gros matériel est exceptionnel.

Les deux géomètres ont précisé qu'il n'y avait pas de prêt de techniciens entre eux.

. Groupement FGHI (zone Centre)

87. S'agissant de la répartition des travaux au sein du groupement, MM. 7... et 8... ont déclaré (cotes 1575-76) :

M. 7... : " Je suis mandataire, ça arrive chez moi. C'est une répartition purement géographique. (...)

M. 8... et M. 7... : Le chiffre d'affaires au sein du groupement se répartit de façon aléatoire. En fonction des commandes. On n'a pas prévu une règle de répartition à l'avance. On gère l'urgence. "

88. M. 6... a confirmé ces propos (cote 1564) :

. Groupement JKL (région Sud)

89. S'agissant de la répartition des travaux au sein du groupement, M. 2... a déclaré (cote 1543) :

" Je suis mandataire du groupement. Je reçois les commandes de devis. On dispatche les commandes en fonction de leur localisation, c'est-à-dire de celle des travaux et des confrères. Le confrère le plus proche réalise le travail. On essaye que ce soit le même qui réalise le chantier quand il l'a déjà commencé. (...)

Les commandes arrivent chez nous, au cabinet AGE. En fonction du lieu de la commande, et/ou des disponibilités, on se répartit ces commandes pour répondre le plus rapidement possible dans les délais. (...) Les commandes sont en fin de compte réparties selon la taille des cabinets. On fait 40 (AGE) - 40 (Ostermann) et 20 (Frantz). C'était ce qu'on avait convenu au départ. A peu près. On ne peut pas dire de façon exacte. C'était un ordre de grandeur qui était visé. Quand la succession des commandes fait que c'est toujours le même cabinet qui a travaillé, on cherche à rééquilibrer les choses en passant les commandes à l'un des cabinets qui a le moins travaillé pour revenir aux pourcentages de commandes précités. ".

90. MM. 14... et 15... ont confirmé ces propos (cote 1556).

91. M. 2... a précisé (cote 1543) :

" Il vaut mieux que chacun soit autonome pour sa petite commande. C'est une mutualisation au niveau de la gestion des commandes, mais pas au niveau de leur exécution. Nous ne nous prêtons pas non plus de matériel. Chacun est équipé. (...) "

Marchés de prestations topographiques n° 01 a 03/06

92. Les groupements ABCDE et JKL se sont reconstitués comme dans le cas des marchés fonciers précédents.

93. Le groupement ABCDE, seul candidat - avec le cabinet M - à l'attribution des marchés Nord et Centre, ne les a pas obtenus. Pour le marché Nord de la période 2003-2005 (n° 40/03), l'offre du groupement AB était de 52 211,68 euro. Pour le même marché de la période 2006-2009 (n° 01/06), l'offre du groupement ABCDE s'est élevée à 63 846,55 euro (+ 22.28 %). Ce groupement a fait la même offre pour le marché du Centre (n° 02/06). En revanche, le cabinet M a fait un offre d'un montant de 53 161,78 euro pour les marchés n° 40 à 42/03, puis de 52 178,62 euro pour les marchés 01 à 03/06.

94. Le groupement JKL a été déclaré attributaire du marché Sud, seul marché pour lequel il a déposé une candidature - avec le cabinet M. L'offre du groupement JKL était de 60 868,33 euro alors que celle du cabinet M était de 52 078,62 euro. Seule une différence minime dans l'appréciation de la qualité technique des dossiers a permis au groupement JKL d'obtenir l'attribution du lot (cote 1027, rapport d'analyse des offres pour le marché sud : le dossier technique du cabinet Clerget a obtenu une note de 19.5/21, contre 21/21 pour son concurrent).

95. En revanche, le groupement FGHI n'apparaît pas parmi les candidats, ni a fortiori les titulaires, du marché du centre. Il s'agit d'une abstention " positive ". Les membres de ce groupement ont expliqué lors de leurs auditions avoir décidé ensemble de ne pas concourir pour l'attribution du marché 02/06, car ils n'étaient pas très intéressés par des prestations topographiques.

II. Les griefs notifiés

96. Sur la base des faits exposés précédemment, les griefs suivants ont été notifiés. 1er grief :

" Il est fait grief aux cabinets de géomètres-experts [A à L], venant éventuellement aux droits d'autres cabinets, ainsi qu'à la Chambre départementale des géomètres-experts du Haut-Rhin, s'agissant du marché constitué de l'ensemble des marchés bi-annuels ou tri-annuels, tacitement renouvelables chaque année, de travaux fonciers et de prestations topographiques nécessaires à la réalisation des routes départementales du Haut-Rhin décrit au § 5.2.2, de s'être concertés de façon continue entre les années 1995 et 1997 et jusqu'à ce jour, afin de :

- se répartir le marché,

- limiter l'accès au marché et le libre exercice de la concurrence par le cabinet Clerget,

- faire ainsi obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché,

- ladite pratique étant notamment caractérisée en l'espèce, et ainsi qu'il résulte des indices 1 à 9 décrits au § 4.1, par :

* la constitution sous l'égide de la Chambre départementale des géomètres-experts du Haut-Rhin de groupements de nature à assécher la concurrence,

* le dépôt d'offres de couverture permettant à chaque groupement d'être attributaire de la région dans laquelle ses membres sont implantés,

* le dépôt d'offres destinées à contrer la candidature du cabinet Clerget,

* des pressions sur les cabinets qui ont souhaité s'affranchir de ces conduites,

* cette concertation ayant eu pour objet et pour effet de supprimer la concurrence entre les cabinets de géomètres-experts du Haut-Rhin précités et de faire obstacle à la libre fixation des prix au détriment du conseil général du Haut-Rhin, acheteur public.

Faits prévus et réprimés par les articles 7 et 13 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, devenus les articles L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce (dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001), L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce dans leur rédaction actuelle. "

2e grief :

" Il est fait grief aux cabinets de géomètres-experts A à E [Faber Schaller, Bilhaut, Bihler et Bernay, Ader et Muller et Hildenbrand], d'avoir constitué un groupement en vue de l'attribution du marché n° 556/05, ayant pour objet et pour effet, au détriment du conseil général du Haut-Rhin, de :

- se répartir le marché,

- limiter l'accès au marché par les autres cabinets de géomètres-experts ainsi que le libre exercice de la concurrence,

- faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse,

- ladite pratique étant notamment caractérisée en l'espèce par la constitution d'un groupement disposant de capacités opérationnelles très supérieures à ce que la bonne exécution du marché requiert.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce. "

3e grief :

" Il est fait grief aux cabinets de géomètres-experts F à I [Jung Marc, Bernard Brun, Ortlieb Hubert et Schubetzer Georges], d'avoir constitué un groupement en vue de l'attribution du marché n° 557/05, ayant pour objet et pour effet, au détriment du conseil général du Haut-Rhin, de :

- se répartir le marché,

- limiter l'accès au marché des autres cabinets de géomètres-experts ainsi que le libre exercice de la concurrence,

- ladite pratique étant notamment caractérisée en l'espèce par la constitution d'un groupement disposant de capacités opérationnelles très supérieures à ce que la bonne exécution du marché requiert.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce. "

4ème grief :

" Il est fait grief aux cabinets de géomètres-experts J à L [Age, Rémi Ostermann et Frantz Philippe], d'avoir constitué un groupement en vue de l'attribution du marché n° 558/05, ayant pour objet et pour effet, au détriment du conseil général du Haut-Rhin, de :

- se répartir le marché,

- limiter l'accès au marché des autres cabinets de géomètres-experts ainsi que le libre exercice de la concurrence,

- ladite pratique étant notamment caractérisée en l'espèce par la constitution d'un groupement disposant de capacités opérationnelles très supérieures à ce que la bonne exécution du marché requiert.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce. "

III. Discussion

A. SUR LE PREMIER GRIEF

97. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur tous les arguments avancés par les destinataires du grief, il y a lieu de constater que pour la période 2003-2005, les éléments figurant au dossier sont insuffisants pour démontrer des comportements anticoncurrentiels. En particulier, le marché de prestations foncières n° 511/02 (Nord) a reçu cinq offres, quatre offres individuelles (A, B, J et M) et une en groupement (Cde). Le marché de prestations foncières n° 512/02 (Centre) a reçu trois offres, deux offres individuelles (J et M) et une en groupement (Fgh). Le fait que l'offre de J ait retenu les délais maximaux demandés par le conseil général est insuffisant pour en conclure qu'il s'agissait d'une offre de couverture. Le marché de prestations foncières n° 513/02 (Sud) a reçu aussi trois offres, deux individuelles (J et M) et une en groupement (Kl). Là aussi, le fait que le groupement Kl ait retenu les délais maximaux autorisés par le conseil général est insuffisant pour conclure qu'il s'agissait d'une offre de couverture. Le marché de prestations topographiques n° 40/03 (Nord) n'a reçu que deux offres (aB et M), mais aucun élément n'indique que le groupement aB ait eu en lui-même un caractère anticoncurrentiel, ni que l'absence d'autres offres résulte de concertations de cette nature. Le marché de prestations topographiques n° 41/03 (Centre) a reçu trois offres, deux individuelles (J et M) et une en groupement (Fgh). Le marché de prestations topographiques n° 42/03 (Sud) n'a reçu que deux offres (J et M), mais aucun élément suffisant ne montre non plus que ceci ait résulté de pratiques anticoncurrentielles. L'absence d'offre de aB et de Kl, qui avaient initialement présenté des candidatures ne s'explique guère par une répartition de marchés. Quand bien même cette situation serait " accidentelle " par rapport à une période antérieure d'appels d'offres et à une période postérieure d'appels d'offres, au cours desquelles des accords anticoncurrentiels seraient démontrés, elle ne peut pas de ce seul fait être aussi considérée comme faisant partie d'une continuité de comportements anticoncurrentiels. Dès lors, la thèse soutenue dans la notification de griefs selon laquelle une pratique continue se serait déroulée des années 1995 ou 1997 jusqu'à ce jour ne peut être retenue.

98. Dans ces conditions, les appels d'offres antérieurs à la période d'exécution 2003-2005 sont suffisamment éloignés dans le temps par rapport au premier acte de recherche dans la présente affaire pour que les comportements auxquels ils ont donné lieu bénéficient en tout état de cause de la prescription. En effet, les procédures de ces appels d'offres ont été clôturées au plus tard en mars 2000 et la prescription de trois ans alors en vigueur a donc été acquise au plus tard en mars 2003, alors que le premier acte de recherche est constitué en l'espèce par le recueil de déclarations et de pièces par procès-verbal en juin 2006.

99. Enfin, le Conseil estime également insuffisants les éléments au dossier pour démontrer la concertation générale entre tous les cabinets désignés par les lettres A à L, telle que dénoncée en substance dans le premier grief, pour la période d'exécution 2006-2009. Les candidatures des trois regroupements de ces différents cabinets (ABCDE, FGHI et JKL) sont relativement nombreuses - chaque groupement candidate sur sa zone d'implantation et sur la ou les zones limitrophes (sauf FGHI en ce qui concerne les prestations topographiques pour lesquelles il ne présente pas de candidature), il n'y a pas d'anomalies particulières en ce qui concerne les prix offerts ou les délais sur lesquels s'engagent les soumissionnaires. Les éléments de contexte exposés dans la notification de griefs liés à la décision du conseil général de recourir en 1995 à des appels d'offres et aux réactions négatives des géomètres-experts du département, de même que leur volonté exprimée alors de répondre " en groupements " sont trop anciens pour constituer des indices probants d'une concertation générale à l'automne 2005 pour répondre aux appels d'offres concernant les prestations à réaliser de 2006 à 2009.

100. La pratique visée par le premier grief n'est donc pas établie.

B. SUR LES DEUXIÈME, TROISIÈME ET QUATRIÈME GRIEFS

101. L'article L. 420-1 du Code de commerce dispose :

" Sont prohibées (...), lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions (...). "

102. Il résulte d'une pratique décisionnelle et d'une jurisprudence constantes que " la preuve de pratiques anticoncurrentielles peut résulter soit de preuves se suffisant à elles mêmes, soit d'un faisceau d'indices constitués par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d'instruction qui peuvent être tirés d'un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant ". Les indices retenus doivent constituer un faisceau, c'est-à-dire être " graves, précis et concordants ".

103. Ainsi que l'indiquent également une pratique décisionnelle et une jurisprudence constantes, un appel d'offres constitue en soi un marché au sens des dispositions précitées : " Un marché est constitué par la rencontre de l'offre et de la demande ; (...) au demandeur unique, représenté par le maître d'ouvrage, dont la demande précise était exprimée dans les documents contractuels, répondaient des offres des entreprises, (...) dès lors chaque appel d'offres constitue un marché en soi. " (voir, par exemple, décision n° 00-D-38 du 20 septembre 2000).

104. Le Conseil de la concurrence a plusieurs fois eu l'occasion de rappeler que la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, de groupements, en vue de répondre à un appel d'offres, n'est pas illicite en soi. De tels groupements peuvent avoir un effet " pro-concurrentiel " s'ils permettent à des entreprises, ainsi regroupées, de concourir, alors qu'elles n'auraient pas été en état de le faire isolément, ou de concourir sur la base d'une offre plus compétitive.

105. Ils peuvent, à l'inverse, avoir un effet anticoncurrentiel s'ils provoquent une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates ou dissimulent une entente de prix ou de répartition des marchés.

106. Si l'absence de nécessités techniques et économiques de nature à justifier ces groupements peut faire présumer leur caractère anticoncurrentiel, elle ne suffit pas à apporter la preuve d'un tel caractère (décisions n° 05-D-24 et n° 05-D-26). Ainsi, la Cour d'appel de Paris a précisé dans un arrêt du 18 février 2003 (syndicat intercommunal d'alimentation en eau de la région de Dunkerque) que la formule du groupement pouvait aider une entreprise à acquérir une compétence lui faisant défaut, lui assurer de meilleures chances de succès, lui permettre de répartir la charge de travail afin de gagner en souplesse ou encore de réaliser des travaux qu'il lui aurait été difficile de réaliser seule compte tenu de leur importance.

107. En revanche, le Conseil de la concurrence a considéré que des offres présentées en groupement n'étaient pas justifiées, par exemple dans sa décision n° 04-D-50 du 3 novembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre lors d'appels d'offres organisés par le syndicat intercommunal d'assainissement de la Vallée des Lacs, au motif que, dans la mesure où les deux sociétés mises en cause avaient la même envergure et la même spécialisation et que chaque marché avait une dimension compatible avec la taille de chacune des entreprises, l'offre présentée en groupement ne comportait aucune justification économique ou technique sérieuse. De plus, en se groupant pour soumissionner, les entreprises s'étaient réparti les marchés et avaient opéré entre elles une compensation afin que chacune d'entre elles perçoive au final une somme équivalente pour l'exécution des travaux.

108. L'objet anticoncurrentiel d'un groupement est notamment révélé lorsque le groupement a été constitué entre des entreprises qui se sont réunies, à l'exclusion des nouveaux entrants sur le marché, en vue de reconduire à l'identique les conditions d'exécution de prestations que la collectivité publique, antérieurement à l'appel d'offres, répartissait déjà entre ces entreprises (voir les décisions n° 92-D-08 du 4 février 1992 relative à des pratiques d'entreprises de transports sanitaires lors d'appel d'offres des hospices civils de Lyon et n° 95-D-56 du 12 septembre 1995 relative à des pratiques mises en œuvre par des entreprises de transports sanitaires lors de la passation d'un marché avec le centre hospitalier de Tourcoing ; voir aussi Paris, 8 juillet 1992, BOCCRF 15 août 1992, p. 274 ; Conseil de la concurrence, 5 novembre 1991, n° 91-D-47).

109. L'atteinte au jeu de la concurrence résultant de la constitution d'un groupement non justifié par des raisons légitimes telles qu'évoquées aux paragraphes 104 et 106 réside dans le fait que cette constitution réduit artificiellement ou empêche les offres concurrentes, en particulier lorsque l'accord empêche les membres du groupement " artificiel " de présenter une offre individuelle ou dans le cadre d'un groupement " légitime ". Ainsi, dans le secteur des transports sanitaires d'urgence, une offre unique regroupant plusieurs entreprises d'une région avait été présentée par l'intermédiaire d'une association des transporteurs, chargée de répartir les sommes payées pour les prestations effectuées par les transporteurs eux-mêmes. Le Conseil a relevé que les moyens dont devait disposer le titulaire du marché pour l'exécuter, et les moyens dont disposait chacune des entreprises membres du groupement ne faisaient pas apparaître la nécessité d'un tel groupement. Dès lors, celui-ci était constitutif d'une entente de prix et de répartition de marché (décision n° 90-D-26 relative à des pratiques relevées à l'occasion d'appels d'offres pour assurer des transports sanitaires à partir du centre hospitalier de Salon-de-Provence, voir aussi les décisions n° 92-D-08 et n° 95-D-56 précitées et les décisions n° 92-D-61 du 4 novembre 1992 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la fourniture de pain aux établissements scolaires de la ville de Nice et n° 95-D-53 du 5 septembre 1995 relative à des pratiques mises en œuvre par les entreprises de transport sanitaire lors de la passation d'un marché avec le centre hospitalier de Millau). Ainsi, un groupement est qualifié d'entente anticoncurrentielle s'il a pour objet ou pour effet d'empêcher une concurrence potentielle, à l'intérieur même ou à l'extérieur du groupement.

110. En l'occurrence, il est constant que certains cabinets ne pouvaient concourir qu'en participant à un groupement. Cependant, la taille des trois groupements qui ont soumissionné dans le cadre des marchés 556 à 558/05, ABCDE dans le Nord, FGHI dans le Centre, et JKL dans le Sud, excède à l'évidence des proportions économiquement justifiées. Cette disproportion est telle qu'elle ne peut s'expliquer par le fait que certaines entreprises se sont positionnées sur plusieurs marchés et auraient pu se trouver en situation de devoir répartir leur capacité de travail.

111. En effet, ainsi que le montre le graphique figurant ci-après (paragraphe 117), en huit ans, entre les années 2000 et 2007, les pics de commandes les plus importants caractérisés en moyenne mobile sur deux mois, qui sont rares, n'ont dépassé qu'une seule fois 40 % de la capacité opérationnelle du groupement témoin envisagé. En général, les pics n'ont pas dépassé 20 % des capacités de ce groupement. Le groupement témoin aurait manifestement eu une taille suffisante pour faire face dans de bonnes conditions aux commandes de travaux fonciers du conseil général ainsi qu'à leur (relative) irrégularité. Divers éléments corroborent cette conclusion.

112. A cet égard, comme le montre le tableau récapitulatif figurant au paragraphe 37, le groupement CDE, dont le chiffre d'affaires est comparable à celui du groupement témoin (en 2006, 937 874 euro), a été titulaire du marché 511/02 pour la période 2003-2005, marché très semblable au marché 556/05. Il a réalisé les prestations a priori sans difficultés. De même, pour ce marché, le cabinet B et le cabinet A ont vu leurs candidatures individuelles retenues par le conseil général, ce qui suppose que leur taille a paru suffisante à l'administration, et ils ont effectivement présenté des offres.

113. D'ailleurs, M. 11... (cabinet A), a indiqué, s'agissant des marchés 01 à 03/06 (prestations topographiques) : " (...) Notre cabinet dispose des moyens humains et techniques pour exécuter seul un tel marché mais nous avons préféré nous associer aux 4 autres cabinets (...). " S'agissant des marchés précédents 40 à 42/03 (prestations topographiques), il a déclaré : " (...) Le cabinet Bilhaut, bien que disposant de moyens humains et techniques moindres que les nôtres, avait la capacité technique de réaliser seul ce marché (tout comme celui précité). Le fait de nous présenter en groupement nous a permis de ne pas être rivaux sur cet appel d'offres (...). " (cote 260.) M. 11... a ajouté (cote 1965) : " Le marché n° 511/02 [foncier, région Nord, 2003-2005] est limité à des prestations foncières. Lorsqu'il a répondu à cet appel d'offres à la fin de 2002, le cabinet disposait de 3 techniciens autonomes (...) : il était en mesure d'exécuter, seul, les tâches prévues au marché. "

114. De même, le groupement FGH a obtenu pour la période 2003-2005 le marché de travaux fonciers n° 512/02, comparable au marché n° 557/05, sans le renfort de I qui s'est joint au groupement pour la période suivante.

115. Le cabinet Age (J) s'est porté candidat simultanément et en solitaire à l'attribution de tous les marchés fonciers et topographiques de la période 2003-2005. Sa capacité de travail, mesurée par un chiffre d'affaires qui était en 2006 de 1 283 506 euro, n'a pas paru insuffisante au conseil général au regard des prétentions de ce cabinet.

116. Les cabinets membres des trois groupements étudiés ne mutualisent ni leurs équipes ni leur matériel, et ne procèdent par suite pas dans le cadre de ces marchés à des investissements communs, que ce soit en termes d'achat de matériel ou de formation professionnelle.

117. Le graphique ci-après présente les capacités respectives relatives des groupements CDE, ABCDE, FGHI, JKL et du groupement témoin telles qu'elles ressortent de la comparaison de leurs chiffres d'affaires totaux et du niveau des commandes du conseil général de 2000 à fin 2007 (voir tableau et graphiques figurant aux paragraphes 7, 26 et 82). Les données concernant le chiffre d'affaires découlent du tableau suivant et sont présentées en chiffre d'affaires moyen mensuel.

<emplacement tableau>

118. Il ressort de ce qui précède que d'autres solutions auraient donc été possibles, puisque l'étude d'un groupement témoin dont la taille est par construction inférieure de moitié au plus petit des groupements observé pour les offres de la période 2006-2009 révèle qu'il est suffisant pour répondre aux besoins du conseil général, même en tenant compte de l'irrégularité des commandes publiques : dans chaque zone, au moins deux concurrents peuvent se déclarer. A titre d'exemples : dans le Nord : AB/CDE, ou A/BCDE ; dans le Centre : FG/HI ; dans le Sud : J/KL.

119. Les cabinets disposant d'une implantation à Mulhouse ou à ses alentours (F, J, K) pouvaient en outre s'associer dans des groupements composés soit en vue de l'attribution du marché Centre, soit pour celle du marché Sud.

120. Il existe ainsi suffisamment d'éléments pour conclure que les groupements ABCDE pour le marché n° 556/05, FGHI pour le marché n° 557/05 et JKL pour le marché n° 558/05, loin de résulter d'une démarche légitime au regard des besoins exprimés par le donneur d'ordres, présentaient un caractère anticoncurrentiel.

121. Enfin, les explications données relatives au fonctionnement des groupements (voir paragraphes 83 et suivants) confirment que ceux-ci ne trouvent pas leur fondement dans une réponse économiquement appropriée mais résultent d'une démarche de répartition des zones sur lesquelles les différents cabinets sont actifs ainsi que du chiffre d'affaires résultant des commandes du conseil général.

C. SUR LES SANCTIONS

122. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code du commerce : " Le Conseil de la concurrence peut (...) infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions soit en cas de non-respect des engagements qu'il a acceptés.

Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction.

(...) Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante.

Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'il précise. Il peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée. "

123. Aux termes de l'article L. 464-5 du Code de commerce, " le Conseil, lorsqu'il statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 peut prononcer les mesures prévues au I de l'article L. 464-2, toutefois, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euro pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ".

1. SUR LA GRAVITÉ DES FAITS ET L'IMPORTANCE DU DOMMAGE À L'ÉCONOMIE

124. Ainsi que la Cour de cassation l'a rappelé dans un arrêt du 24 mars 1998 (Sade), " la tromperie de l'acheteur public érigé en système perturbe le secteur où elle est pratiquée et porte une atteinte grave à l'ordre public économique ". En l'occurrence, sur chacun des secteurs géographiques défini par le conseil général, les groupements artificiellement " importants ", à vocation anticoncurrentielle, ont été constitués.

125. Bien que la pratique retenue soit limitée au dernier appel d'offres portant sur les seuls travaux fonciers à exécuter au cours de la période 2006-2009, d'un montant limité et circonscrits à un département, elle revêt un caractère de gravité certain car elle témoigne de la résistance de l'ensemble des géomètres-experts de ce département à répondre aux appels d'offres organisés par une autorité publique en respectant les règles de la concurrence. La constitution de trois groupements, réunissant les géomètres-experts implantés dans chaque zone pour répondre aux appels d'offres concernant des lots répartis dans chaque zone alors qu'un cabinet individuel ou un groupement de dimension beaucoup plus réduite que celle des groupements en cause est en mesure d'exécuter seul les travaux correspondant à un lot comme le montre le déroulement du précédent marché, est grave car elle fausse la concurrence sur les prix et les modalités d'exécution des travaux correspondant aux offres faites par les groupements qui ne sont intéressés chacun que par le lot correspondant à la zone d'implantation de ses membres. C'est également le moyen sur un marché soumis à une forte barrière à l'entrée de renforcer la protection contre la concurrence de cabinets de géomètres-experts extérieurs au département.

126. Le dommage à l'économie a pu être réduit par un facteur extérieur aux participants à l'entente. Les candidatures réitérées du cabinet Clerget, même si elles ont été parfois infructueuses, ont eu un effet pro-concurrentiel sur les marchés étudiés. Néanmoins, cet élément n'émane pas des cabinets incriminés eux-mêmes et on peut supposer qu'en l'absence des offres du cabinet Clerget, le dommage souffert par le maître d'ouvrage aurait été important. En l'occurrence, le montant annuel constaté d'exécution des trois marchés en cause est de l'ordre de 40 000 à 50 000 euro TTC, soit de 160 000 à 200 000 euro TTC chacun sur la période d'exécution de quatre ans.

127. En tout état de cause, s'agissant du dommage à l'économie, en matière d'ententes dans le cadre d'appels d'offres, la jurisprudence constante de la Cour d'appel de Paris rappelle que " le dommage causé à l'économie est indépendant du dommage souffert par le maître d'ouvrage en raison de la collusion entre plusieurs entreprises soumissionnaires et s'apprécie en fonction de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence " (13 janvier 1998, Fougerolle Ballot).

128. La cour d'appel, dans l'arrêt du 12 décembre 2000 (SOGEA Sud-Est) précise que " ces pratiques anticoncurrentielles qui caractérisent un dommage à l'économie sont répréhensibles du seul fait de leur existence, en ce qu'elles constituent une tromperie sur la réalité de la concurrence dont elles faussent le libre jeu, nonobstant la circonstance que l'échange d'informations entre entreprises sur le prix a été suivie d'une adjudication inférieure aux estimations du maître d'œuvre (...) ".

2. SUR LA SITUATION INDIVIDUELLE DES ENTREPRISES

129. En l'espèce, les différents cabinets de géomètres-experts concernés ont pris une part équivalente à la constitution des trois groupements artificiels. Il n'y a donc pas de raisons de distinguer leur situation du point de vue de leur comportement.

130. Le cabinet Faber-Schaller et associés a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 163 282 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 16 300 euro.

131. Le cabinet Bilhaut a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 104 315 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 10 400 euro.

132. Le cabinet Bihler & Bernay a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 13 455 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 1 300 euro.

133. Le cabinet Ador et Muller a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 57 284 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 5 700 euro.

134. Le cabinet Hildenbrand a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 27 390 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 2 700 euro.

135. Le cabinet Jung a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 63 873 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 6 300 euro.

136. Le cabinet Brun a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 26 740 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 2 600 euro.

137. Le cabinet Ortielb a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 48 520 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 4 800 euro.

138. Le cabinet Schubetzer a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 37 520 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 3 700 euro.

139. Le cabinet Age a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 137 029 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 13 700 euro.

140. Le cabinet Ostermann a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 113 854 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 11 300 euro.

141. Le cabinet Philippe Frantz a réalisé les chiffres d'affaires suivants de 2005 à 2007, dernière année pour laquelle les comptes sont disponibles.

<emplacement tableau>

Le montant maximum de la sanction s'élève à 20 157 euro.

Compte tenu des éléments généraux et individuels indiqués ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 2 000 euro.

3. SUR L'OBLIGATION DE PUBLICATION

142. Afin d'informer de la présente décision les collectivités publiques d'Alsace et de les inciter à la vigilance à l'égard de pratiques telles que celles condamnées, il y a lieu d'ordonner la publication dans " Les dernières nouvelles d'Alsace " du résumé de cette décision figurant ci-dessous :

" Les cabinets de géomètres-experts Faber-Schaller et Associés, Bilhaut, Bihler et Bernay, Ador et Muller, Hildenbrand, Marc Jung, Bernard Brun, Hubert Ortlieb, Georges Schubetzer, Age (Clog Nuninger Prevost-Haberer), Rémi Ostermann et Philippe Frantz ont faussé le jeu de la concurrence dans le cadre des réponses qu'ils ont apportées à un appel d'offres du conseil général du Haut-Rhin en vue de la réalisation de prestations foncières à effectuer entre 2006 et 2009.

Les éléments recueillis au cours de l'enquête et de l'instruction ont permis de démontrer que les cabinets précités ont présenté leurs offres dans le cadre de groupements d'entreprises artificiellement surdimensionnés au regard des travaux à effectuer, réduisant ainsi à néant la concurrence qui aurait pu s'exercer entre les membres ayant constitué un tel groupement.

Ils ont ainsi enfreint l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibant les ententes anticoncurrentielles et se sont vus infliger de ce fait les sanctions pécuniaires suivantes :

- au cabinet Faber-Schaller et Associés, une sanction de 16 300 euro ;

- au cabinet Bihlaut, une sanction de 10 400 euro ;

- au cabinet Bihler & Bernay, une sanction de 1 300 euro ;

- au cabinet Ador et Muller, une sanction de 5 700 euro ;

- au cabinet Jean Hildenbrand, une sanction de 2 700 euro ;

- au cabinet Marc Jung, une sanction de 6 300 euro ;

- au cabinet Bernard Brun, une sanction de 2 600 euro ;

- au cabinet Hubert Ortlieb, une sanction de 4 800 euro ;

- au cabinet Georges Schubetzer, une sanction de 3 700 euro ;

- au cabinet Age (Clog Nuninger Prevost-Haberer) Géomètres, une sanction de 13 700 euro ;

- au cabinet Rémi Ostermann Géomètres Experts Associés, une sanction de 11 300 euro ;

- au cabinet Philippe Frantz, une sanction de 2 000 euro ;

Le texte intégral de la décision du Conseil de la concurrence est accessible sur le site www.conseil-concurrence.fr/ "

Décision

Article 1er : Il n'est pas établi que la chambre départementale des géomètres-experts du Haut-Rhin ait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Il est établi que les cabinets de géomètres-experts Faber-Schaller et Associés, Bilhaut, Bihler et Bernay, Ador et Muller, Hildenbrand Jean, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en constituant à des fins anticoncurrentielles un groupement, en vue de l'attribution du marché public n° 556/05 lancé par le conseil général du Haut-Rhin.

Article 3 : Il est établi que les cabinets de géomètres-experts Jung Marc, Bernard Brun, Ortlieb Hubert et Schubetzer Georges ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, en constituant à des fins anticoncurrentielles un groupement, en vue de l'attribution du marché public n° 557/05 lancé par le conseil général du Haut-Rhin.

Article 4 : Il est établi que les cabinets de géomètres-experts Age (Clog, Nuninger, Prevost-Haberer) Géomètres, Rémi Ostermann Géomètres Experts Associés, Philippe Frantz, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, en constituant à des fins anticoncurrentielles un groupement, en vue de l'attribution du marché public n° 558/05 lancé par le conseil général du Haut-Rhin.

Article 5 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- au cabinet Faber-Schaller et Associés, une sanction de 16 300 euro ;

- au cabinet Bilhaut, une sanction de 10 400 euro ;

- au cabinet Bihler & Bernay, une sanction de 1 300 euro ;

- au cabinet Ador et Muller, une sanction de 5 700 euro ;

- au cabinet Jean Hildenbrand, une sanction de 2 700 euro ;

- au cabinet Marc Jung, une sanction de 6 300 euro ;

- au cabinet Bernard Brun, une sanction de 2 600 euro ;

- au cabinet Hubert Ortlieb, une sanction de 4 800 euro ;

- au cabinet Georges Schubetzer, une sanction de 3 700 euro ;

- au cabinet Age (Clog, Nuninger, Prevost-Haberer) Géomètres, une sanction de 13 700 euro ;

- au cabinet Rémi Ostermann Géomètres Experts Associés, une sanction de 11 300 euro ;

- au cabinet Philippe Frantz, une sanction de 2 000 euro ;

Article 6 : Les entreprises mentionnées à l'article 5 feront publier à leurs frais communs au prorata des sanctions pécuniaires qui leur sont infligées, dans les trois mois suivant la notification de la présente décision, le texte figurant au paragraphe 142 de celle-ci, en en respectant la mise en forme, dans " Les dernières nouvelles d'Alsace ". Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à 3 mm sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision n° 08-D-22 du 9 octobre 2008 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par des géomètres-experts dans le cadre de marchés publics du département du Haut-Rhin. " Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. Le cabinet Faber-Schaller et Associés adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie de cette publication, dès sa parution.