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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 15 octobre 2008, n° 2007-10923

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SCEA Vergers de la Motte (Sté)

Défendeur :

La Cidrerie du Calvados la Fermière (SA), Président du Conseil de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Mouillard

Avoués :

SCP Monin d'Auriac de Brons, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocat :

Me Nyssen

CA Paris n° 2007-10923

15 octobre 2008

Par lettre enregistrée le 7 décembre 2006, la société civile d'exploitation agricole SCEA Vergers de la Motte (ci-après la SCEA), entreprise agricole dirigée par M. Bitauld et ayant pour activité la production de fruits, a saisi le Conseil de la concurrence (ci-après le Conseil) de pratiques mises en œuvre par la société Cidrerie du Calvados La Fermière (ci-après CCLF) et par la coopérative agricole AGRIAL dans le secteur de la pomme à cidre et a sollicité en outre le prononcé de mesures conservatoires.

La SCEA et CCLF, filiale d'AGRIAL, ont conclu le 10 août 1987, le 20 mai 1988 et le 1er mars 1990 des contrats d'une durée de 18 ans intitulés "Contrats Vergers Pommes à Cidre" en vertu desquels la SCEA, tenue de planter un verger d'une surface contractuellement définie et de réserver la totalité du sol à la production de pommes à cidre, s'engageait à l'issue de la période de production à livrer l'intégralité des fruits à CCLF qui, en contrepartie, s'engageait à les lui acquérir selon le prix de vente fixé chaque année par l'Association nationale interprofessionnelle de l'économie cidricole (ANIEC) majoré de 25 %. A défaut d'accord au sein de l'ANIEC, les prix étaient calculés en prenant en compte la moyenne des prix pratiqués pendant les cinq années précédentes.

En 1995, la dissolution de l'ANIEC ayant remis en cause la méthode de calcul du prix prévu dans tous les contrats de ce type signés par CCLF, cette entreprise a alors appliqué jusqu'à la création de l'Union nationale interprofessionnelle cidricole (UNICED) un prix de base équivalant à la moyenne du prix de base des cinq années précédentes majoré de 25 %. La DGCCRF ayant rappelé, dans une note du 1er octobre 1998, que la recommandation des prix par une organisation interprofessionnelle était contraire aux dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, CCLF a fixé pour l'année 1999 un prix correspondant à la moyenne du prix des cinq dernières années, majorée de 15 à 25 % selon les contrats.

En 2000, certains producteurs, dont la SCEA, ont contesté cette méthode de calcul et ont assigné CCLF devant le Tribunal de commerce de Rennes. La SCEA s'est toutefois désistée et des accords sont intervenus avec la plupart des autres plaignants. Par arrêt du 26 septembre 2003, la Cour d'appel de Rennes, réformant le jugement du Tribunal de commerce de Rennes rendu dans l'instance maintenue entre CCLF et l'un des producteurs avec qui aucun accord n'était intervenu, a prononcé la nullité du contrat conclu avec CCLF en ce qu'il comportait une clause déterminant le prix d'achat des pommes à cidre sur la base du prix interprofessionnel garanti de l'ANIEC.

C'est dans ces conditions que CCLF a proposé aux producteurs concernés de remplacer les contrats en cours en signant :

- un premier contrat dit "avenant" redéfinissant les modalités du calcul du prix fixé par les anciens contrats,

- un second contrat dit "contrat de production" prenant la suite de l'avenant et garantissant aux producteurs l'écoulement de leur production pendant une durée initiale de trois années, reconductible par tacite reconduction par périodes de deux ans.

CCLF a cependant indiqué aux producteurs qui ne souhaitaient pas adhérer à ces nouvelles conditions qu'elle s'engageait à poursuivre les contrats en vigueur jusqu'à leur terme, tout en leur précisant qu'aucun plan de reconduction ne leur serait proposé et qu'elle ferait l'acquisition de leurs pommes en fonction des besoins et au prix du marché.

SCEA, qui a refusé ces propositions, a assigné la CCLF devant le Tribunal de grande instance de Rennes afin d'obtenir la requalification des accords passés en contrat d'intégration. Par jugement du 26 septembre 2006, le Tribunal de grande instance de Rennes a constaté la nullité, pour défaut de prix, des contrats conclu le 10 août 1987, le 20 mai 1988 et le 1er mars 1990 entre la SCEA et CCLF.

Au soutien de la saisine du Conseil, la SCEA prétendait qu'à la suite des concentrations intervenues dans la filière du cidre, elle se trouve aujourd'hui dans une situation de dépendance économique vis-à-vis d'AGRIAL qui aurait abusé de sa position de monopole sur le marché de la transformation de la pomme à cidre en Bretagne, en modifiant les contrats sans négociation possible sur le prix, prix dont le niveau ne permet plus de mener une activité économiquement viable. Par ailleurs, AGRIAL aurait également abusé de sa position dominante en employant à son détriment des techniques discriminatoires d'agréage des pommes, pratique permettant, grâce au déclassement systématique de ses fruits, de les lui acheter à un prix plus bas.

CCLF a en effet mis en place un système d'agréage des pommes reposant sur une grille de classement des pommes en catégorie A, B ou C, en fonction des critères tels que la présence de cailloux, feuilles, terre et bois ainsi que le degré de maturité des fruits. Le classement en catégorie A ouvre droit à l'attribution d'une prime, alors que le classement en catégorie C détermine l'application d'une pénalité, CCLF pouvant même, dans certaines conditions particulières (fruits noirs ou pourris), refuser la marchandise.

Enfin, invoquant des difficultés provoquées par l'annulation des contrats par le Tribunal de grande instance de Rennes, la SCEA a demandé au Conseil de prononcer des mesures conservatoires tendant, notamment, à l'obtention d'une avance aux cultures de la part d'AGRIAL pour la prochaine récolte ainsi qu'à une garantie de la poursuite de leurs accords, avec des améliorations concernant la fixation du prix et le système d'agréage.

Le 16 mai 2007, le Conseil a rendu la décision n° 07- D-18 suivante:

Article 1er : La saisine au fond (...) est rejetée ;

Article 2 : La demande de mesures conservatoires (...) est rejetée.

LA COUR,

Vu le recours "en annulation et en réformation" de la décision du Conseil formé le 27 juin 2007 par la société SCEA Vergers de la Motte ;

Vu le mémoire déposé le 23 juillet 2007 par la société SCEA Vergers de la Motte à l'appui de son recours, par lequel elle demande à la cour :

* de constater l'existence d'une situation d'abus de position dominante de la part de "CCLF (groupe AGRIAL)" et d'ordonner qu'il soit mis fin à ces pratiques ;

* de renvoyer l'affaire devant le Conseil de la concurrence pour complément d'instruction portant sur:

* l'abandon d'agréage discriminant,

* la fixation de prix après livraison,

* le gel des primes à l'arrachage ;

* la surveillance des fonds ;

Vu le mémoire déposé le 22 janvier 2008 par la société Cidrerie du Calvados La Fermière ainsi que son mémoire, déposé le 3 juillet 2008, relatif à la recevabilité du recours ;

Vu le mémoire en réplique sur la recevabilité du recours déposé le 18 juin 2008 par la société SCEA Vergers de la Motte ;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence, déposées le 18 mars 2008 ainsi que ses observations complémentaires, déposées le 30 juillet 2008, sur la recevabilité du recours;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, déposées le 22 juillet 2008;

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties avant l'audience ;

Ouï à l'audience publique du 9 septembre 2008, en leurs observations orales, la requérante qui a été en mesure de répliquer et a eu la parole en dernier, le conseil de la société CCLF, ainsi que le représentant du Conseil, la représentante du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public ;

Sur ce,

Sur la recevabilité du recours

Considérant que, par la décision attaquée, le Conseil a rejeté à la fois la saisine au fond et la demande de mesures conservatoires ; que, selon les articles L. 464-7 et R. 464-20 du Code de commerce, les décisions prises au titre de l'article L. 464-1 peuvent être frappées de recours dans le délai de dix jours à compter de leur notification, par voie d'assignation, tandis que, selon les articles L. 464-8 et R. 464-12, celles mentionnées à l'article L. 462-8 peuvent être frappées de recours dans le délai d'un mois à compter de leur notification, par voie de déclaration déposée au greffe de la cour ; que se pose donc la question du délai et de la forme applicables au recours formés contre cette décision ;

Considérant que l'article L. 462-8, alinéa 2 du Code de commerce dispose que le Conseil de la concurrence peut rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; qu'en outre, aux termes de l'article R. 464-1 du même Code, la demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond du Conseil de la concurrence ;

Considérant qu'il résulte de ces textes que, lorsque le Conseil est saisi d'une demande de mesures conservatoires, il lui appartient de vérifier préalablement si les faits invoqués sont appuyés d'éléments suffisamment probants et, dans la négative, de rejeter la saisine ; qu'eu égard au caractère accessoire de la demande de mesures conservatoires, le rejet de la saisine par application de l'article L. 462-8 du Code de commerce emporte rejet, par voie de conséquence, de la demande de mesures conservatoires, sans examen de celle-ci ;

Qu'il suit de là que la décision rendue sur ce fondement entre dans les prévisions de l'article L. 464-8 du Code de commerce et que sont donc inapplicables les dispositions de l'article L. 464-7 de ce Code, propres aux recours contre les décisions se prononçant sur les mesures conservatoires ;

Considérant qu'en l'espèce, la notification effectuée par le Conseil de la concurrence le 23 mai 2007 mentionnait qu'un recours pouvait être formé dans un délai de dix jours ; qu'en l'état d'une notification comportant un délai inexact, il doit être considéré que le délai de recours n'a pas couru ; qu'il suit de là que le recours formé par la société SCEA Vergers de la Motte, par déclaration déposée au greffe de la cour le 27 juin 2007, est recevable ;

Sur le fond

En ce qui concerne le marché :

Considérant que la requérante prétend que le Conseil aurait dû retenir comme marché pertinent le marché de la pomme à cidre et non le marché de la pomme, "la production de fruits de table étant soumise à d'autres contraintes que la pomme à cidre" ;

Mais considérant que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil a constaté que le marché amont devant être pris en considération en l'espèce était le marché des pommes "de dimension au moins européenne", étant observé que le marché aval de la commercialisation du cidre ne fait pas l'objet de contestation ;

Que le Conseil retient en effet à juste titre :

- que le décret n° 53-978 du 30 septembre 1953 relatif à l'orientation de la production cidricole et à la commercialisation des cidres, n'établit pas une liste de variétés de pommes dont l'emploi serait obligatoire pour l'élaboration du cidre ;

- qu'il ressort du dossier, d'une part, que la pomme à cidre peut être aussi utilisée pour produire du jus de pommes et du concentré de pommes et, d'autre part, que certains fabricants de cidre industriel utilisent plusieurs variétés de pommes, sans se limiter à la pomme à cidre, fruit qui est donc partiellement substituable à d'autres variétés de pommes ;

- qu'en ce qui concerne enfin la délimitation géographique du marché, si la proximité des débouchés est un élément important en raison de la relative fragilité des pommes, il n'en demeure pas moins qu'une partie des pommes produites en Bretagne et en Normandie s'exporte, notamment dans le Nord de l'Espagne ;

En ce qui concerne l'abus de dépendance économique :

Considérant que la SCEA qui, dans la saisine, précisait que, compte tenu de sa taille et de la situation du marché, elle ne pouvait vendre ses fruits qu'au groupe AGRIAL, prétend, au soutien de son recours, qu'un tel abus est caractérisé par les modifications contractuelles imposées aux producteurs de pommes par le groupe AGRIAL ainsi que par le non-respect de la clause de leurs accords relative aux modalités de fixation du prix des pommes ; que la requérante ajoute que la vente à l'exportation par AGRIAL de 11 % des pommes achetées au producteurs qui est mentionnée par le Conseil pour caractériser l'existence d'autres débouchés révèle, au contraire, que ce chiffre "dépasse déjà les capacités d'importation vers l'Espagne [...] ce qui entraîne pour les autres producteurs une quasi-impossibilité d'exporter";

Considérant que l'article alinéa 2 [de l'article L. 420-2] du Code de commerce dispose :

"Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme" ;

Que l'état de dépendance économique, pour un distributeur, se définit comme la situation d'une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables ; qu'il s'en déduit que la seule circonstance qu'un distributeur réalise une part importante voire exclusive de son approvisionnement auprès d'un seul fournisseur ne suffit pas à caractériser son état de dépendance économique au sens de L. 420-2 du Code de commerce ;

Considérant, en l'espèce, en premier lieu, que c'est à juste titre que le Conseil relève que s'il est vrai que les concentrations intervenues dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation du cidre ont contribué à réduire le nombre des opérateurs susceptibles d'acheter les fruits des producteurs de pomme à cidre, il ressort néanmoins de l'instruction que SCEA dispose d'autres débouchés que ceux qui lui sont offerts par AGRIAL ;

Considérant, en effet :

- que, contrairement à ce que prétendait la requérante, les représentants des coopératives Val de Vire et Val de Rance qu'elle présente comme n'achetant des fruits qu'à leurs adhérents ont déclaré s'approvisionner auprès de producteurs indépendants, non adhérents ;

- que les assertions de la SCEA sur le contrôle du marché de l'exportation par le groupe AGRIAL et sur l'impossibilité d'exporter des pommes en Espagne, qu'elle prétendait étayer par l'absence de réponse apportée à ses demandes par une quarantaine d'entreprises vainement contactées à cette fin, notamment au moyen de télécopies, sont démenties par l'instruction, qui a révélé que ces entreprises ne la connaissaient pas ou n'avaient pas d'activité liées aux pommes à cidre ;

- que M. Taupin, négociant indépendant, dont la SCEA indique qu'il avait entretenu des relations commerciales avec AGRIAL mais dont rien ne permet toutefois de contester la teneur des déclarations, a affirmé avoir acheté des fruits à un producteur placé dans la même situation que la SCEA et a indiqué qu'il y avait de la place pour l'exportation de pommes en Espagne, la demande qui lui était adressée dépassant ce qu'il pouvait produire lui-même ;

- qu'au surplus, de telles estimations sont corroborées par la Fédération nationale des producteurs des fruits à cidre (FNPC), qui a souligné que le marché de l'exportation vers l'Espagne se développait ;

Que dès lors, en l'état du dossier, la situation de dépendance économique vis-à-vis du groupe AGRIAL qui est alléguée par la SCEA n'est pas appuyée d'éléments suffisamment probants ;

Considérant, en second lieu, que le Conseil s'est néanmoins attaché à vérifier si le comportement de CCLF, à supposer démontrée la situation de dépendance économique alléguée, aurait dans ce cas mérité d'être qualifié d'abusif ;

Que, dans un tel cadre, le Conseil a procédé à une exacte analyse des faits évoqués dans la saisine, en relevant qu'il convenait seulement de rechercher si une rupture brutale et unilatérale des relations contractuelles pouvait être imputée à CCLF ;

Que s'il est vrai que CCLF a en effet proposé aux producteurs de modifier les accords, force est de constater qu'il ressort de l'instruction qu'elle a accepté de poursuivre l'exécution des contrats jusqu'à leur terme lorsque les exploitants concernés n'ont pas accepté les nouvelles conditions offertes sous la forme d'avenant et de contrat de reconduction et qu'en ce qui concerne SCEA, c'est seulement après le prononcé du jugement du Tribunal de grande instance de Rennes du 26 septembre 2006 et à la suite du refus opposé par la requérante aux propositions de sa partenaire, que CCLF a alors cessé ses relations commerciales avec SCEA;

Que la cour relève, pour sa part, que la prétendue non-application imputée à CCLF de la clause contractuelle relative au mode de fixation des pommes et présentée comme l'indice d'un abus de dépendance économique ne constitue, en réalité, que la conséquence de l'annulation par le Tribunal de grande instance de Rennes du contrat conclu entre la SCEA et la CCLF ;

En ce qui concerne l'abus de position dominante :

Considérant que la requérante, qui affirme que CCLF est "le principal acteur du marché", maintient qu'elle a été victime de sa part de pratiques discriminatoires, constitutives d'un abus de position dominante, à l'occasion des opérations d'agréage de ses fruits, en se fondant sur une expertise du 20 octobre 2004 démontrant que cette société "n'a jamais entendu parler d'une quelconque méthode de calcul" et en prétendant que, lorsqu'un agréage n'est pas favorable à la CCLF, une modification est apportée à la main sur un document officiel, point confirmé par les attestations de salariés démontrant l'existence de traitements dévalorisants pour la SCEA ;

Considérant, tout d'abord, sur la situation de CCLF sur le marché de la pomme défini par le Conseil, que cette entreprise conteste formellement être en position dominante, en se référant à l'avis du 23 mars 2007 donné au Conseil par la DGCCRF, qui confirme son analyse;

Qu'aucun élément du dossier ne venant contredire une telle analyse, c'est à bon droit que le Conseil a constaté que CCLF détenait seulement une "position forte" sur le marché considéré;

Considérant, ensuite, que même en supposant démontrée la position dominante de CCLF sur le marché de la pomme, c'est à juste titre que le Conseil a estimé que les éléments mis en exergue par SCEA ne permettaient pas de caractériser l'existence des pratiques dénoncées, dès lors que:

- dans la note du 20 octobre 2004 mise en exergue par la requérante, l'expert de la station expérimentale horticole de Bretagne qu'elle avait mandaté pour procéder à un contrôle qualitatif d'un lot de pommes à cidre destinées à la CCLF s'est borné à souligner l'impossibilité où s'est alors trouvée CCLF de lui transmettre "une méthodologie d'interprétation et d'application de la grille d'agréage telle qu'elle [lui] a été fournie par M. Bitauld" alors qu'il ressort du dossier (point 32 de la décision) que, contrairement à ce que soutient la SCEA, CCLF a mis en place un système d'agréage des pommes reposant sur une grille de classement de ces fruits en catégorie A, B ou C, en fonction des critères tels que la présence de cailloux, feuilles, terre et bois ainsi que le degré de mâturité des fruits ;

- les déclarations figurant dans une attestation du 7 octobre 2005 de M. Lagoute, ancien salarié de CCLF chargé de classer les livraisons de pommes des producteurs, qui affirme que, à la demande de son employeur, les pommes de la requérante étaient systématiquement classées dans la catégorie la plus défavorable (catégorie C) concernent des livraisons qui ont eu lieu au cours de l'année 2000, et correspondent, dès lors, compte tenu de la date de la saisine, intervenue le 7 décembre 2006, à des faits prescrits en application de l'article L. 462-7 du Code de commerce;

- tel est également le cas de la livraison visée dans la télécopie, assortie de commentaires ajoutés par M. Bitauld, adressée par CCLF à la SCEA le 18 octobre 1999;

Considérant, en conséquence, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil a estimé que les faits d'abus de position dominante invoqués dans la saisine n'étaient pas appuyés d'éléments suffisamment probants ;

Qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le Conseil a rejeté la saisine au fond et, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires ;

Que le recours sera rejeté ;

Par ces motifs, Rejette le recours. Condamne la société SCEA Vergers de la Motte aux dépens. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.