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Décisions

CA Paris, 14e ch. A, 5 décembre 2007, n° 07-11618

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mercedes Benz Paris (SAS), Mercedes Benz (SAS)

Défendeur :

Duval

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulon

Conseillers :

Mme Percheron, M. Blanquart

Avoués :

SCP Arnaudy-Baechlin, Me Careto

Avocats :

Mes Paquet, Mialet

TI Palaiseau, du 26 juin 2007

26 juin 2007

Par acte du 10 décembre 2006, la société Mercedes Benz Paris SAS aux Ulis (plus loin "Mercedes Paris") s'est engagée à reprendre un véhicule d'occasion appartenant à Monsieur Duval au prix de 7 200 euro, ce dernier commandant, le même jour, un véhicule d'occasion à cette société.

La livraison du véhicule acheté par Monsieur Duval étant intervenue le 17 décembre 2005, ce dernier a effectué un règlement de 18 000 euro correspondant à la différence de prix entre le véhicule qu'il achetait, frais de carte grise inclus, et celui qu'il cédait.

Monsieur Duval a mis en demeure Mercedes Paris le 13 janvier 2006 d'avoir à lui fournir la carte grise définitive du véhicule acheté par lui et une facture. Il a informé la SAS Mercedes Benz, société-mère, le 11 février 2006, du fait qu'il était en possession de la carte grise qu'il avait demandée, dont le certificat avait été émis le 24 janvier 2006, mais restait en attente de la facture.

Il a fait assigner Mercedes Paris aux fins de paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, de remise, par cette société, de la facture, sous astreinte et de paiement d'une somme de 1 000 euro, pour violation de l'obligation de faire.

A l'audience, devant le premier juge, Monsieur Duval a fait valoir qu'il avait reçu la facture qu'il réclamait, mais qu'elle ne mentionnait pas la reprise de son précédent véhicule.

Par ordonnance du 26 juin 2007, le juge des référés du Tribunal d'instance de Palaiseau a:

- condamné Mercedes Paris à produire, sous astreinte de 50 euro par jour de retard à compter du 7e jour de la signification de cette ordonnance, à Monsieur Duval une facture conforme à la commande correspondant à la vente de son véhicule et à l'achat d'un véhicule Mercedes, comprenant les frais d'immatriculation de la carte grise,

- condamné Mercedes Paris à verser à Monsieur Duval la somme de 500 euro de dommages et intérêts à titre provisionnel,

- s'est déclaré "incompétent" sur les autres demandes et en a débouté les parties,

- condamné Mercedes Paris à payer à Monsieur Duval la somme de 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC et à supporter les dépens.

Le 3 juillet 2007, Mercedes Paris a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 6 novembre 2007, auxquelles il convient de se référer, Mercedes Paris fait valoir qu'il a été remis à Monsieur Duval, lorsqu'il a pris possession du véhicule qu'il avait acheté, une facture pour la vente du véhicule de marque Mercedes qu'il achetait et une facture pour l'achat de son propre véhicule; que la carte grise ayant été établie par la Préfecture de l'Essonne, elle l'a transmise dès sa réception à Monsieur Duval; qu'elle a rappelé à ce dernier que la facture qu'il réclamait lui avait été remise, avant que l'intimé l'assigne, puis lui a remis un duplicata de cette facture le 17 décembre 2005 ; que Monsieur Duval ayant, ensuite, réclamé l'original de cette facture, il a, le jour de l'audience, modifié à nouveau sa demande, en faisant valoir que cette facture n'était pas conforme, comme ne mentionnant pas la reprise de son ancien véhicule; qu'elle s'est conformée aux dispositions de l'article L. 441-3 du Code du commerce en établissant deux factures ; qu'aucune disposition légale n'exige que deux opérations concomitantes soient mentionnées sur une seule facture; que les frais de carte grise portés sur la facture correspondant à l'achat de Monsieur Duval qu'elle a établie, correspondent au montant réel des taxes fiscales perçues par la Préfecture pour l'établissement de cette carte grise ; que la liquidation d'astreinte relève de la compétence du juge de l'exécution ; que l'ordonnance entreprise n'a pas été signifiée et a été exécutée par elle.

Elle demande à la cour:

- d'infirmer l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

- de constater que les deux factures établies par elles répondent aux obligations légales et réglementaires en matière de facturation,

- de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de liquidation d'astreinte formée par Monsieur Duval,

- de constater que l'ordonnance entreprise n'a pas été signifiée et a été exécutée,

- de débouter Monsieur Duval de ses demandes,

- de condamner ce dernier à lui verser la somme de 350 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- de condamner Monsieur Duval aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Arnaudy Baechlin avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

- de condamner ce dernier à lui verser la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du NCPC.

Dans ses dernières conclusions en date du 24 octobre 2007, auxquelles il convient de se référer, Monsieur Duval fait valoir qu'il était possible à Mercedes Paris, puisqu'elle l'a fait après le prononcé de l'ordonnance entreprise, de "retracer, sur la facture, l'intégralité de la convention des parties contractantes" ; que l'opération a bien été unique puisque l'acheteur n'a pas perçu le prix de son propre véhicule, ce que Mercedes Benz "reconnaît", puisqu'elle a établi une facture conforme à la commande; que cette société ne critique plus la décision du premier juge de sanctionner son retard et sa défaillance dans l'obligation de lui fournir la carte grise; qu'il convient de liquider l'astreinte ordonnée par le premier juge ; que l'appelante maintient abusivement le contentieux "créé par elle, sans justifier des raisons pour lesquelles elle l'a obligé à se trouver en état d'infraction depuis le 2 janvier 2006, la délivrance de la carte grise ayant fait l'objet d'un " chantage " et n'étant intervenue qu'après de multiples démarches de sa part ; que Mercedes Paris affirme qu'elle lui a remis les factures, " se gardant bien d'en préciser les dates ", alors que son refus obstiné est à l'origine de ce contentieux ; qu'il a été contraint d'assigner alors qu'il n'était qu'en possession d'un seul duplicata non conforme à la commande, ce que Mercedes Paris "passe sous silence", aujourd'hui.

Il demande à la cour:

- de confirmer l'ordonnance entreprise,

" Y ajoutant sur l'astreinte "

- de condamner Mercedes Paris à lui verser la somme de 3 450 euro

- de condamner Mercedes Paris à lui verser la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC et supporter la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur quoi, LA COUR

Considérant que l'assignation délivrée par Monsieur Duval vise l'article 808 du NCPC, sans développer en quoi sa demande se fonde sur les dispositions de ce texte, ses dernières conclusions devant la cour ne faisant plus référence à quelconque texte;

Considérant que l'ordonnance entreprise se borne à viser "l'article 809 du NCPC", qui comporte, cependant, deux alinéas envisageant deux situations juridiques distinctes ; qu'elle fait référence à l'existence d' "obligations non sérieusement contestables incombant au professionnel", sans autre précision, et vise l'urgence, qui n'est pas une condition d'application des dispositions des articles 809 alinéa 1 et 809 alinéa 2 du NCPC;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 809 alinéa 2 du NCPC, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire, dans le cas où l'existence de cette obligation n'est pas sérieusement contestable;

Que Mercedes Paris justifie du fait que la carte grise réclamée par l'intimé a été établie le 24 janvier 2006 et a été reçue par ce dernier le 26 janvier suivant;

Que Monsieur Duval, pour solliciter l'allocation d'une provision à raison du fait que cette carte grise lui aurait été délivrée tardivement ne démontre ni que Mercedes Paris a sollicité tardivement la Préfecture de l'Essonne afin qu'elle établisse ce document, ni que cette société a tardé à lui transmettre ce document dès lors qu'il a été établi, ni qu'il a subi un préjudice à raison de la réception, tardive selon lui, de ce document;

Que la seule production, par Monsieur Duval, d'un courrier qu'il a rédigé, pour affirmer qu'un salarié de Mercedes Paris avait "retenu sa carte grise contre une indemnité financière", ne suffit pas à démontrer ces circonstances;

Que l'existence d'un préjudice éventuel qu'aurait pu subir Monsieur Duval, du fait qu'il ne pouvait présenter la carte grise définitive du véhicule qu'il avait acheté, entre le 6 janvier et le 26 janvier 2006, ne constitue pas la preuve de l'obligation incontestable qui serait celle de Mercedes Paris de lui verser une provision, à ce titre;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 441-3 du Code du commerce, tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation ; qu'une telle facture doit comporter toute réduction de prix acquise à la date de la vente et directement liée à cette opération de vente ;

Que Mercedes Paris produit les copies d'une facture afférente à la vente à Monsieur Duval d'un véhicule Mercedes et d'une facture afférente à la reprise de son précédent véhicule Audi;

Que la seule non-conformité invoquée par l'intimé réside dans le fait que les opérations précitées n'ont pas été mentionnées sur une même facture;

Que l'achat d'un véhicule et la vente d'un autre constituent deux opérations commerciales distinctes ; que Monsieur Duval n'invoque aucun texte légal ou réglementaire qui imposerait la facturation groupée de ces deux opérations, lorsqu'elles sont concomitantes;

Qu'il ne démontre ni la non-conformité des factures susvisées, ni l'obligation légale ou réglementaire incontestable qui aurait été celle de Mercedes Paris de lui délivrer une facture unique mentionnant l'achat et la vente susvisés;

Que l'établissement, par Mercedes Paris, d'une telle facture unique, en exécution de l'ordonnance entreprise, ne démontre ni l'existence d'une telle obligation, ni la reconnaissance du bien fondé de celle-ci, par l'appelante;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de rejeter les demandes de Monsieur Duval ;

Considérant que Mercedes Paris ne démontre pas le préjudice qu'elle aurait subi à raison de la procédure abusivement engagée par Monsieur Duval ; qu'il y a lieu de rejeter sa demande de dommages et intérêts;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mercedes Paris les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la présente instance;

Que Monsieur Duval, qui succombe, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du NCPC;

Par ces motifs, Infirme l'ordonnance entreprise, Statuant à nouveau, Rejette les demandes de Monsieur Duval, Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la SAS Mercedes Benz Paris, Condamne Monsieur Duval à verser à la SAS Mercedes Benz Paris la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du NCPC, Condamne Monsieur Duval aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Arnaudy Baechlin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.