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Décisions

Cass. com., 23 septembre 2008, n° 07-18.428

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Lepinoit et Compagnie (SA), du Buit

Défendeur :

Automobiles Peugeot (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Michel-Amsellem

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Ghestin

T. com. Paris, du 18 juin 2002

18 juin 2002

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2007), que faisant suite à de précédents contrats successifs, la société Automobiles Peugeot et la société Etablissements Lepinoit et Cie (la société Etablissements Lepinoit) ont conclu le 28 août 1996, un contrat de concession pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1999 ; que l'article III de ce contrat prévoyait une faculté de résiliation par le constructeur en cas de non-réalisation d'un objectif de vente prédéfini, ainsi que de non-réalisation d'un pourcentage du total des ventes régionales et nationales, intitulé "taux de pénétration globale de la zone de première responsabilité confiée au concessionnaire" ; qu'après avoir, à plusieurs reprises, attiré l'attention de la société Etablissements Lepinoit sur l'insuffisance de son activité, la société Automobiles Peugeot lui a notifié, le 28 juillet 1997, la résiliation du contrat au 31 janvier 1998, sur le fondement de l'article III ; qu'invoquant la nullité de cette clause et du contrat, ainsi que le caractère abusif de la résiliation, la société Etablissements Lepinoit a poursuivi la société Automobiles Peugeot en réparation de ses préjudices ; que Mme du Buit, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements Lepinoit, a repris l'instance ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles premier du règlement CE n° 1475-95 de la Commission du 28 juin 1995, ensemble, l'article L. 420-4 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter la demande de Mme du Buit, ès qualités, tendant à faire constater la nullité de la clause du contrat de concession instaurant des quotas de ventes différenciés selon les zones d'implantation sur le territoire des concessionnaires, l'arrêt, après avoir relevé que l'article L. 420-4 du Code de commerce énonce que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du même Code les pratiques qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application, retient que, dans ces conditions, Mme du Buit, ès qualités, ne saurait utilement exciper d'une méconnaissance des articles L. 420-1 et L. 420-2 à l'encontre des dispositions du contrat qui sont conformes au droit communautaire et qui s'inscrivent dans le cadre du règlement CE n° 1475-95 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ce règlement n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu les articles 5, paragraphe 1. 2, b, du règlement CE n° 1475-95 de la Commission du 28 juin 1995 et L. 420-1 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter le caractère discriminatoire de la clause instaurant une possibilité de résiliation dans le cas où ne seraient pas atteints par le concessionnaire des taux de pénétration différenciés selon les zones d'implantation de la concession, l'arrêt retient que ces différenciations ne révèlent aucune discrimination, mais la simple prise en compte des particularismes concurrentiels et spécificités commerciales afférents à chacune des zones de chalandise considérées ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser quels étaient ces particularismes concurrentiels et spécificités commerciales et sans établir qu'ils justifieraient objectivement les discriminations opérées par le concédant entre des territoires limitrophes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter les critiques formulées par Mme du Buit, ès qualités, sur les paramètres retenus par la société Automobiles Peugeot dans l'application de l'article III du contrat de concession, l'arrêt retient que cette disposition n'opère aucune distinction, dans la définition de l'objectif de vente et le calcul de la performance commerciale du concessionnaire, selon l'identité de l'acheteur du véhicule neuf ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article III du contrat de concession prévoyait expressément que pour le calcul des pourcentages de pénétration, seules devaient être prises en compte les immatriculations consécutives aux ventes de véhicules neufs réalisées par les concessionnaires dans leur zone de première responsabilité, la cour d'appel a dénaturé la convention des parties et violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter les critiques formulées par Mme du Buit, ès qualités, sur les paramètres retenus par la société Automobiles Peugeot dans l'application de l'article III du contrat de concession, l'arrêt retient que le contrat de concession litigieux et, notamment, son article III, ne distingue nullement selon que les ventes de véhicules neufs sont réalisées par un concessionnaire "indépendant" ou un concessionnaire "filiale" dès lors que tous sont liés au concédant par un même engagement et bénéficient de conditions identiques de vente et d'octroi de primes ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article III du contrat de concession prévoyait expressément que pour le calcul des pourcentages de pénétration, seules devaient être prises en compte les immatriculations consécutives aux ventes de véhicules neufs réalisées par les concessionnaires dans leur zone de première responsabilité, la cour d'appel a dénaturé la convention des parties et violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2007, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.